Lepoint.fr : Qui sont les putschistes ?
Lemine Ould Med Salem : Ce putsch a été mené par le général Mohamed Ould Abdel Aziz, le chef du bataillon de la garde présidentielle, qui est la force d'élite mauritanienne, et le général Ould Cheikh Mohamed Ahmed, chef de l'armée. Ces deux officiers faisaient partie des instigateurs du putsch d'août 2005 contre le régime autoritaire du président Maaouiya Ould Taya, au pouvoir depuis 1984. Un putsch qui avait débouché sur un processus de transition démocratique exemplaire, puisque c'est l'unique fois où un pays membre de la ligue arabe a connu des élections législatives et présidentielles pluralistes avec des résultats reconnus par tous comme transparents et crédibles.
Lepoint.fr : Pourquoi ce putsch ?
L. O. M. S. : Officiellement, il s'agit, selon eux, de sauver la démocratie et de remettre sur les rails le processus démocratique qu'ils ont inauguré au sein de la junte en portant Ely Ould Mohamed Vall à la présidence de la République, en août 2005. Dans les faits, un bras de fer oppose le président déchu et les principaux chefs de l'armée après la constitution d'un gouvernement d'ouverture le plus large possible, en mai dernier. Deux partis de l'ancienne opposition y ont fait leur entrée, ainsi que quelques figures du régime de l'ancien président Taya. C'est ce qui a poussé, sous l'impulsion des généraux, certains députés, tous issus de la majorité présidentielle, à déposer une motion de censure. Un nouveau gouvernement a donc été formé, le mois dernier, sans pour autant donner satisfaction aux députés frondeurs, qui ont à nouveau menacé de déposer une motion de censure, tout en demandant la convocation d'une session extraordinaire du Parlement et la mise en place d'une commission d'enquête chargée de vérifier le fonctionnement et le financement de la fondation caritative que dirige l'épouse du chef de l'État. Ce dernier a tenté de reprendre la main en décidant ce matin (mercredi 6 août) de démettre les principaux chefs de l'armée, qui ont immédiatement riposté en le destituant.
Lepoint.fr : Quelle importance joue l'armée en Mauritanie ? Quelle voie de sortie pour les putschistes ?
L. O. M. S. : Tous les présidents, jusqu'en 2007, étaient issus de l'armée. Depuis le coup d'État militaire de juillet 1978, l'armée est devenue le principal pilier de la vie politique et des institutions, même si, constitutionnellement, elle n'a pas plus de pouvoir que l'armée d'un pays démocratique standard. Cette prise de pouvoir militaire est donc en violation de la légalité. Sauf que ce coup d'État n'a pas donné lieu à des manifestations d'opposition. La majorité présidentielle et le principal parti de l'ancienne opposition l'ont approuvé. Le fait aussi que les putschistes n'aient pas suspendu le Parlement, les partis politiques, les syndicats, la presse indépendante, leur donne la possibilité de se présenter comme étant mus par des motivations essentiellement démocratiques. Je pense que le nouveau conseil d'État présidé par le général Mohamed Ould Abdel Aziz - le nouvel homme fort dans le pays - finira par annoncer l'organisation prochaine d'une élection présidentielle.
Lepoint.fr : Les relations franco-mauritaniennes peuvent-elles être affectées par ce putsch ?
L. O. M. S. : Pour la forme, la France va évidemment condamner le coup d'État. Pour le fond, elle ne devrait pas être très mécontente de la destitution du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi. La Mauritanie est une sorte de voie de passage entre le Maghreb et l'Afrique de l'Ouest. La France est donc très soucieuse de la stabilité de ce pays. Or, la Mauritanie connaît l'émergence d'un phénomène islamiste, notamment avec l'assassinat de quatre Français, le 24 décembre 2007, qui coïncide justement avec l'arrivée au pouvoir de Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Alors que l'ancien régime, puis la junte, avaient fait du combat contre l'islamisme politique l'un de ses principaux objectifs, le président renversé aujourd'hui avait légalisé un parti islamiste, remplacé le week-end universel du samedi et dimanche par le week-end islamique du jeudi et vendredi et construit une mosquée au sein de la présidence, ce que ses prédécesseurs n'avaient jamais fait. Tous ces éléments n'étaient pas très appréciés par les partenaires occidentaux de la Mauritanie.
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Le point
(M) avomm
Lemine Ould Med Salem : Ce putsch a été mené par le général Mohamed Ould Abdel Aziz, le chef du bataillon de la garde présidentielle, qui est la force d'élite mauritanienne, et le général Ould Cheikh Mohamed Ahmed, chef de l'armée. Ces deux officiers faisaient partie des instigateurs du putsch d'août 2005 contre le régime autoritaire du président Maaouiya Ould Taya, au pouvoir depuis 1984. Un putsch qui avait débouché sur un processus de transition démocratique exemplaire, puisque c'est l'unique fois où un pays membre de la ligue arabe a connu des élections législatives et présidentielles pluralistes avec des résultats reconnus par tous comme transparents et crédibles.
Lepoint.fr : Pourquoi ce putsch ?
L. O. M. S. : Officiellement, il s'agit, selon eux, de sauver la démocratie et de remettre sur les rails le processus démocratique qu'ils ont inauguré au sein de la junte en portant Ely Ould Mohamed Vall à la présidence de la République, en août 2005. Dans les faits, un bras de fer oppose le président déchu et les principaux chefs de l'armée après la constitution d'un gouvernement d'ouverture le plus large possible, en mai dernier. Deux partis de l'ancienne opposition y ont fait leur entrée, ainsi que quelques figures du régime de l'ancien président Taya. C'est ce qui a poussé, sous l'impulsion des généraux, certains députés, tous issus de la majorité présidentielle, à déposer une motion de censure. Un nouveau gouvernement a donc été formé, le mois dernier, sans pour autant donner satisfaction aux députés frondeurs, qui ont à nouveau menacé de déposer une motion de censure, tout en demandant la convocation d'une session extraordinaire du Parlement et la mise en place d'une commission d'enquête chargée de vérifier le fonctionnement et le financement de la fondation caritative que dirige l'épouse du chef de l'État. Ce dernier a tenté de reprendre la main en décidant ce matin (mercredi 6 août) de démettre les principaux chefs de l'armée, qui ont immédiatement riposté en le destituant.
Lepoint.fr : Quelle importance joue l'armée en Mauritanie ? Quelle voie de sortie pour les putschistes ?
L. O. M. S. : Tous les présidents, jusqu'en 2007, étaient issus de l'armée. Depuis le coup d'État militaire de juillet 1978, l'armée est devenue le principal pilier de la vie politique et des institutions, même si, constitutionnellement, elle n'a pas plus de pouvoir que l'armée d'un pays démocratique standard. Cette prise de pouvoir militaire est donc en violation de la légalité. Sauf que ce coup d'État n'a pas donné lieu à des manifestations d'opposition. La majorité présidentielle et le principal parti de l'ancienne opposition l'ont approuvé. Le fait aussi que les putschistes n'aient pas suspendu le Parlement, les partis politiques, les syndicats, la presse indépendante, leur donne la possibilité de se présenter comme étant mus par des motivations essentiellement démocratiques. Je pense que le nouveau conseil d'État présidé par le général Mohamed Ould Abdel Aziz - le nouvel homme fort dans le pays - finira par annoncer l'organisation prochaine d'une élection présidentielle.
Lepoint.fr : Les relations franco-mauritaniennes peuvent-elles être affectées par ce putsch ?
L. O. M. S. : Pour la forme, la France va évidemment condamner le coup d'État. Pour le fond, elle ne devrait pas être très mécontente de la destitution du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi. La Mauritanie est une sorte de voie de passage entre le Maghreb et l'Afrique de l'Ouest. La France est donc très soucieuse de la stabilité de ce pays. Or, la Mauritanie connaît l'émergence d'un phénomène islamiste, notamment avec l'assassinat de quatre Français, le 24 décembre 2007, qui coïncide justement avec l'arrivée au pouvoir de Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Alors que l'ancien régime, puis la junte, avaient fait du combat contre l'islamisme politique l'un de ses principaux objectifs, le président renversé aujourd'hui avait légalisé un parti islamiste, remplacé le week-end universel du samedi et dimanche par le week-end islamique du jeudi et vendredi et construit une mosquée au sein de la présidence, ce que ses prédécesseurs n'avaient jamais fait. Tous ces éléments n'étaient pas très appréciés par les partenaires occidentaux de la Mauritanie.
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Le point
(M) avomm
Le président déchu et son putchiste : photo récente du président mauritanien Sidi Ould Cheikh Abdallahi (à gauche) serrant la main du général Mohamed Ould Abdel Aziz