A quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle prévue le 29 avril, Amadou Toumani Touré, candidat à sa propre succession, a la faveur des pronostics. Pour certains Maliens, le bilan d'Att apparaît cependant mitigé à plus d'un titre.
SYFIA - ‘Att’ archi-favori. Au Mali, à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle prévue le 29 avril, Amadou Toumani Touré, candidat à sa propre succession, a la faveur des pronostics des observateurs. Le président sortant, au pouvoir depuis 5 ans, est en effet le seul à organiser de grands meetings partout dans le pays et même à l'extérieur de celui-ci. Il aura cette fois-ci face à lui sept adversaires. Son principal challenger est un de ses anciens alliés : Ibrahim Boubacar Keïta (‘IBK’), ex-Premier ministre d'Alpha Oumar Konaré, le prédécesseur d'Att, et actuel président de l’Assemblée nationale.
Pour le reste, Att, respecté par tous pour avoir rendu le pouvoir aux civils après son coup d'État en 1991, se targue d'avoir rassemblé l'ensemble de la classe politique à son concept de ‘consensus’. Faute de majorité parlementaire, il a mis en place un gouvernement comprenant des éléments des principales forces politiques. Alors que les deux mandats de Konaré avaient été marqués par des affrontements, le Mali est devenu une démocratie sans réelle opposition. Toutefois, certains de ses alliés politiques ont quitté le navire du consensus, car ils se sentaient marginalisés par ce président qui, selon eux, choisissait ses collaborateurs parmi les cadres des partis sans en référer aux états-majors.
Pour cette élection deux blocs s'affrontent : l'Alliance pour la démocratie et le progrès (Adp) qui regroupe 44 partis derrière Att et le Front pour la démocratie et la République (Fdr) qui rassemble 16 partis d'opposition.
Au lendemain de son élection, Att avait promis de ‘faire en sorte que l'agriculture ne soit plus tributaire de la pluviométrie qui est mauvaise une année sur deux’. Un vaste programme d'aménagement hydroagricole a été lancé sur 5 ans : 67 000 ha ont déjà été aménagés. Trois cents tracteurs ont par ailleurs été cédés à crédit par l'État aux paysans. Mais les jeunes diplômés installés sur les périmètres aménagés, pour la plupart des citadins peu habitués aux travaux champêtres, peinent à produire et se plaignent que l'Apej (Agence pour la promotion de l'emploi des jeunes), un organisme gouvernemental qui les a encouragés à embrasser le métier d'agro-entrepreneur, ne les aide pas à obtenir davantage de crédits.
La construction de logements sociaux constitue l'un des points saillants du bilan du président sortant. En 5 ans, plus de 4 000 logements ont été construits et vendus à crédit remboursable en 25 ans à des personnes aux revenus modestes. Des quartiers ‘ATTbougou’ (villages Att) ont poussé dans plusieurs villes, dont la capitale. Ces petits logements sont cependant peu adaptés à la tradition de famille nombreuse du pays. Beaucoup de Maliens, qui ont postulé à plusieurs reprises sans succès pour en bénéficier, croient par ailleurs dur comme fer que ces habitations sont réservées à la clientèle politique d'Att.
Dans le domaine de la santé, le nombre de centres communautaire est passé de 624 en 2002 à 776 en 2006, mais moins de 10 % d'entre eux disposent d'un médecin. Grâce à la gratuité des antirétroviraux, 10 000 malades du sida ont accès à ces traitements. Enfin, depuis mars dernier, grâce à des financements des Etats-Unis et du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, le traitement du paludisme est gratuit pour les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes. Ces mesures sociales sont plutôt bien accueillies par l'opinion. Mais les habitants des campagnes et des quartiers périphériques de Bamako évoquent leurs difficultés à obtenir de l'eau potable. Alors que les chiffres officiels indiquent que 68 % des Maliens ont désormais accès à l'eau potable, des charrettes bourrées de bidons de 20 litres d'eau, vendus 100 F Cfa l'unité, sillonnent encore les rues de certains quartiers de la capitale.
A l'avènement d'Att, les Maliens espéraient une lutte farouche contre la corruption. En 2004, le président a créé le Bureau du vérificateur général, structure d'inspiration canadienne, chargée de contrôler la gestion de l'argent public. Désigné par le chef de l'Etat, le vérificateur produit chaque année un rapport sur les manquements constatés. L'opinion attend toutefois toujours des suites judiciaires pour les détournements de fonds à l'Office du Niger d'un montant total de 6 milliards de francs Cfa (plus de 9 millions d'euros), mis au jour en 2006. Un bilan en demi-teinte et une élection sans réel suspens. Deux semaines avant le premier tour du scrutin, seulement 15 % des inscrits sur les listes de Bamako et près de 30 % de ceux de l'intérieur du pays auraient retiré leurs cartes électorales.
Bréhima TOURE Pour la première fois au Mali : Une femme dans la course pour la présidentielle
Une première au Mali. Le 29 avril, une femme, Mme Sidibé Aminata Diallo, se présentera aux suffrages des Maliens sous la double bannière de la défense de l'environnement et de la parité. L'aboutissement d'un combat et le début d'un autre.
‘C’est inacceptable, la femme est faite pour le ménage et pas pour diriger les hommes’, tonne un vieux à propos de la candidature de Mme Sidibé Aminata Diallo, première Malienne à se présenter à une élection présidentielle. Le 29 avril prochain, elle affrontera sept hommes dont le président sortant, Amadou Toumani Touré. Professeur et chercheur à l’Université de Bamako, cette jeune quinquagénaire d’une belle prestance appartient à cette nouvelle génération de femmes qui, au mépris des préjugés, revendiquent des places ordinairement tenues par les hommes.
Illustre inconnue sur le terrain politique, Mme Sidibé, titulaire d’un doctorat en aménagement du terroir et en urbanisme, a fait de l'environnement son cheval de bataille. Elle militait déjà quand elle était étudiante à Toulouse, en France, il y a plus de 20 ans. Pour les besoins de la cause, elle a transformé en février dernier l'association qu'elle préside, le Rassemblement pour l’éducation à l’environnement et au développement durable (Reed) en un parti politique du même nom. ‘Le débat mondial sur l’environnement est pratiquement inconnu dans les pays en développement. Les élections sont le moment de parler de ses enjeux politiques car il faut que notre environnement soit mieux protégé. Les pathologies comme le paludisme, les typhoïdes, les fièvres et diarrhées ont un lien avec l’environnement insalubre’, rappelle-t-elle. Elle affirme vouloir faire de la politique ‘concrétiste’ c'est-à-dire sortir des débats théoriques pour s’attaquer aux vrais problèmes des Maliens, à commencer par l'insécurité alimentaire, en développant l'agriculture.
La candidate se veut aussi militante de la parité. Modeste, d'une voix douce, elle affirme ne pas avoir de grandes prétentions : ‘Je commence juste quelque chose. Si je réussis à montrer aux femmes que c’est jouable, aux prochaines élections, il y aura beaucoup plus de femmes qui se présenteront’. L'Assemblée nationale malienne ne compte que 14 députées sur 147 élus et l’actuel gouvernement 5 femmes sur 23 ministres. ‘Avec des femmes élues à l’Assemblée nationale, on serait capable de changer la société. Pas tout de suite, mais on irait vers des changements importants’, estime cette mère de trois enfants, mariée à un fonctionnaire, qui entend concilier vie de famille et engagement politique.
Toutefois, quelques observateurs jugent suspect qu'elle ait obtenu en moins de deux semaines le parrainage de 14 députés (de la mouvance présidentielle) et réussi là où une candidate avait échoué en 2002 : réunir les 10 millions de francs Cfa de caution. Ce qui fait dire à certains qu'il s'agit là d'une candidature suscitée par le régime actuel dans le but de contrecarrer les effets pervers d’un éventuel boycott de dernière minute de l’opposition. ‘J’ai envie de bien représenter les femmes. Si des esprits malintentionnés veulent me détourner de mes objectifs avec des propos de ce genre, ils se trompent’, tranche-t-elle.
Lors du lancement de sa campagne le 8 avril dernier à Kati, à 15 km au nord de Bamako, moins de cent personnes se sont déplacées. Un score qui fait sourire ses concurrents, mais n'entame pas sa détermination. Il lui reste aussi à convaincre les associations féminines et à fédérer les voix des femmes. La Coordination des associations et Ong féminines (Cafo) a posé dix conditions pour lui apporter son soutien : qu'elle s'engage entre autres en faveur de la révision du Code de la famille, de la protection des femmes et des filles contre les violences et de leur accès au crédit bancaire.
Fousséni TRAORE
Source: Walf