Dans l'Apport de Cheikh Anta Diop à l'Histoire africaine, UCAD,1998, nous rappelions qu’ interrogé sur les matières qu’il fallait enseigner aux Africains, un théoricien de la doctrine coloniale avait répondu :"Tout sauf l’Histoire". Pourquoi un tel avertissement? Eh bien pour répondre à cette question, il faudra comprendre deux choses essentielles: la nature du projet colonial et le rôle de l’histoire dans la marche des peuples.
Le projet colonial, au delà des déclarations, avait pour véritable objectif de refaçonner l’Africain afin d’en faire un prolongement naturel de sa mission économique aux apparences humanitaires et au relent religieux. Pour cela, le système colonial avait besoin d’un appui interne; le système cherchait á modeler ce que j’appelle son moule éducatif pour perpétuer sa domination et en même temps créer une administration indigène chargée de jouer ce rôle de chaînon manquant entre les populations colonisées et l’administration coloniale.
Or l’Histoire, de par son rôle de ciment des différents fragments de la société, entrait en direct conflit avec ce projet. La logique est simple si on suit l’analyse de Cheikh Anta Diop. En effet, l’homme de Caytu dira que : “Le rôle de l’Histoire dans l’existence d’un peuple est vital [parce que l’Histoire est] un des facteurs qui permettent la cohésion des différents éléments d’une collectivité”. ("Civilisation africaine",in Horizon(Revue de la Paix),Juillet/Août,1957,p.85). Le mot clef ici est “Cohésion”. Le projet colonial est anti-cohésion et ne pouvait réussir que si et seulement si la cohésion de la collectivité est détruite et est remplacée par des querelles internes, querelles que le pouvoir colonial pouvait exploiter pour s’imposer; voilà ce que les Romains avaient appelé divide Ut regnes.
Donc l’Histoire établit des filiations explicatives et par ce biais aboutit à la coulée temporelle grâce à laquelle émerge une véritable conscience historique. Cette conscience historique est la rampe de lancement de toute collectivité humaine. De ce fait, si l’Histoire est une coulée temporelle, la priver de son pan le plus essentiel c’est simplement s’opposer à la logique de cette coulée; c’est évidement altérer voire détruire sa logique et la cohésion qu’elle formait.
Voilà pourquoi étudier l’Histoire africaine et du monde sans son pan égyptien, équivaudrait à construire une immense bibliothèque et emprisonner tous les bibliothécaires qui devaient y servir ou plus mécaniquement c’est comme avoir une superbe bibliothèque sans la clef pour y accéder.
L’Egypte ancienne est la plus grande réussite culturelle de l’humanité historique; elle est la source de l’Histoire africaine et du monde. Comment peut-on alors prétendre enseigner l’Histoire et former des Historiens alors que l’enseignement de l’égyptologie est absente du cursus universitaire de nos Historiens?
L’Histoire africaine ne commence pas avec la colonisation ou la Première Guerre Mondiale. Et bien sur l’histoire de cette parcelle de terre qui aujourd’hui porte le nom de la Mauritanie ne commence pas non plus avec la percée de l’Islam, les Almoravides ou l’Almamat du Fuuta. Il faut souligner ici que l’espace Saharien a joué un rôle essentiel dans l’éclosion de la civilisation de la vallée du Nil. N’oublions pas, et beaucoup d’égyptologues africains sont d’accord sur ce point, qu’avec l’avancée de la désertification vers 7000 av. J. C. , les populations du Sahara avaient adopté trois réponses: regroupement autour des derniers lacs, descente vers le sud et vagues migratoires vers l’est, la vallee du Nil.
Ces vagues humaines parties du Sahara se sont installées dans la vallée du Nil pour, avec d’autres populations africaines, y édifier la civilisation du peuple nilotique. D’ailleurs certaine divinités égyptiennes telles qu’Amon, Bes, Taweret ont trouvé des affinités dans le Sahara (Voir nos travaux mais aussi ceux de notre Maître Aboubacry Moussa Lam de l’UCAD). Voila pourquoi, confrontées avec la menace perse, les populations africaines sont retournées dans cet espace ouest-africain avant d’amorcer d’autres vagues migratoires en direction de l’est, le Nigeria, Cameroun etc…
L’introduction de l’égyptologie dans l’enseignement supérieur en Mauritanie est indispensable pour plusieurs raisons. D’abord elle permettra de former des égyptologues capables de dépoussiérer notre passé, déterrer notre portion de cette coulée temporelle et rétablir ainsi la coulée temporelle de l’Histoire africaine. Elle permettra aussi d’établir l’unité culturelle de nos peuples, unité qui pourra servir de base essentielle a l’édification d’un espace de tolérance, d’acceptation et d’intégration des différents pans de notre société; un préambule à l’édification d’une vision politique commune et les bases d’une nation. Cette introduction donnera aussi aux générations et leaders à venir une vision plus complète de notre Histoire, l’Histoire qui nous unit. Mais si nous choisissons d’ignorer cette nécessité historique et ce conseil de Cheikh Anta Diop que “Sans conscience historique, les peuples ne peuvent être appelés á de grandes destinées", notre pays, notre people, le people mauritanien, risque de rater la marche de ce siècle; et ce serait dommage.
Dr. Mamadou Ibra Sy, égyptologue
Baltimore, Maryland- USA
Source:SIIKAM SY
Le projet colonial, au delà des déclarations, avait pour véritable objectif de refaçonner l’Africain afin d’en faire un prolongement naturel de sa mission économique aux apparences humanitaires et au relent religieux. Pour cela, le système colonial avait besoin d’un appui interne; le système cherchait á modeler ce que j’appelle son moule éducatif pour perpétuer sa domination et en même temps créer une administration indigène chargée de jouer ce rôle de chaînon manquant entre les populations colonisées et l’administration coloniale.
Or l’Histoire, de par son rôle de ciment des différents fragments de la société, entrait en direct conflit avec ce projet. La logique est simple si on suit l’analyse de Cheikh Anta Diop. En effet, l’homme de Caytu dira que : “Le rôle de l’Histoire dans l’existence d’un peuple est vital [parce que l’Histoire est] un des facteurs qui permettent la cohésion des différents éléments d’une collectivité”. ("Civilisation africaine",in Horizon(Revue de la Paix),Juillet/Août,1957,p.85). Le mot clef ici est “Cohésion”. Le projet colonial est anti-cohésion et ne pouvait réussir que si et seulement si la cohésion de la collectivité est détruite et est remplacée par des querelles internes, querelles que le pouvoir colonial pouvait exploiter pour s’imposer; voilà ce que les Romains avaient appelé divide Ut regnes.
Donc l’Histoire établit des filiations explicatives et par ce biais aboutit à la coulée temporelle grâce à laquelle émerge une véritable conscience historique. Cette conscience historique est la rampe de lancement de toute collectivité humaine. De ce fait, si l’Histoire est une coulée temporelle, la priver de son pan le plus essentiel c’est simplement s’opposer à la logique de cette coulée; c’est évidement altérer voire détruire sa logique et la cohésion qu’elle formait.
Voilà pourquoi étudier l’Histoire africaine et du monde sans son pan égyptien, équivaudrait à construire une immense bibliothèque et emprisonner tous les bibliothécaires qui devaient y servir ou plus mécaniquement c’est comme avoir une superbe bibliothèque sans la clef pour y accéder.
L’Egypte ancienne est la plus grande réussite culturelle de l’humanité historique; elle est la source de l’Histoire africaine et du monde. Comment peut-on alors prétendre enseigner l’Histoire et former des Historiens alors que l’enseignement de l’égyptologie est absente du cursus universitaire de nos Historiens?
L’Histoire africaine ne commence pas avec la colonisation ou la Première Guerre Mondiale. Et bien sur l’histoire de cette parcelle de terre qui aujourd’hui porte le nom de la Mauritanie ne commence pas non plus avec la percée de l’Islam, les Almoravides ou l’Almamat du Fuuta. Il faut souligner ici que l’espace Saharien a joué un rôle essentiel dans l’éclosion de la civilisation de la vallée du Nil. N’oublions pas, et beaucoup d’égyptologues africains sont d’accord sur ce point, qu’avec l’avancée de la désertification vers 7000 av. J. C. , les populations du Sahara avaient adopté trois réponses: regroupement autour des derniers lacs, descente vers le sud et vagues migratoires vers l’est, la vallee du Nil.
Ces vagues humaines parties du Sahara se sont installées dans la vallée du Nil pour, avec d’autres populations africaines, y édifier la civilisation du peuple nilotique. D’ailleurs certaine divinités égyptiennes telles qu’Amon, Bes, Taweret ont trouvé des affinités dans le Sahara (Voir nos travaux mais aussi ceux de notre Maître Aboubacry Moussa Lam de l’UCAD). Voila pourquoi, confrontées avec la menace perse, les populations africaines sont retournées dans cet espace ouest-africain avant d’amorcer d’autres vagues migratoires en direction de l’est, le Nigeria, Cameroun etc…
L’introduction de l’égyptologie dans l’enseignement supérieur en Mauritanie est indispensable pour plusieurs raisons. D’abord elle permettra de former des égyptologues capables de dépoussiérer notre passé, déterrer notre portion de cette coulée temporelle et rétablir ainsi la coulée temporelle de l’Histoire africaine. Elle permettra aussi d’établir l’unité culturelle de nos peuples, unité qui pourra servir de base essentielle a l’édification d’un espace de tolérance, d’acceptation et d’intégration des différents pans de notre société; un préambule à l’édification d’une vision politique commune et les bases d’une nation. Cette introduction donnera aussi aux générations et leaders à venir une vision plus complète de notre Histoire, l’Histoire qui nous unit. Mais si nous choisissons d’ignorer cette nécessité historique et ce conseil de Cheikh Anta Diop que “Sans conscience historique, les peuples ne peuvent être appelés á de grandes destinées", notre pays, notre people, le people mauritanien, risque de rater la marche de ce siècle; et ce serait dommage.
Dr. Mamadou Ibra Sy, égyptologue
Baltimore, Maryland- USA
Source:SIIKAM SY