«Le Québec a été un vrai laboratoire pour moi, raconte Valèse Mapto Kengne. J’ai beaucoup appris, que ce soit à propos des luttes des femmes ou des retombées du rapport Parent.»
La scolarisation des filles dans les pays en développement accuse un retard d'au moins 30 ans sur celle des filles habitant les pays développés. C'est particulièrement vrai en Afrique subsaharienne, où seulement une minorité de femmes parviennent à faire des études universitaires. Pourquoi une telle disparité persiste-t-elle encore aujourd'hui?
Valèse Mapto Kengne, étudiante à la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université de Montréal, a consacré son doctorat à cette question. «Je voulais savoir ce qui se cachait derrière ces statistiques. Pourquoi ces filles abandonnent-elles l'école? Et au contraire, qu'est-ce qui les pousse à continuer?» s'interroge celle qui a obtenu son diplôme au printemps dernier.
Elle a parcouru une partie du continent africain, notamment le Cameroun et le Togo, à la recherche de témoignages de femmes ayant persévéré jusqu'à l'université. Elle y a entendu des récits crève-cœurs. Les évoquer suffit à lui faire monter les larmes aux yeux. «Imaginez que vous avez devant vous des filles talentueuses, mais sans réseau de solidarité si chère à l'Afrique, sans ressources financières, coincées dans des mariages forcés et déjà mères d'un ou de plusieurs enfants, et que vous ne pouvez rien faire pour elles. C'était déchirant...», confie-t-elle.
La chercheuse en sait quelque chose. Elle aussi a vécu des moments douloureux avant son arrivée au Québec. «Ma thèse fut un projet thérapeutique, relate-t-elle. J'ai compris ce que j'ai vécu à travers les histoires de ces femmes.»
Les battantes, les assistées et les héritières
Valèse Mapto Kengne a divisé ses sujets en trois catégories : les battantes, les assistées et les héritières. Bien que leurs trajectoires scolaires soient différentes, elles partagent toutes une résilience hors du commun.
«Les femmes sont encore réduites à leur dimension sexuelle, ce qui met un frein à leur scolarisation, mentionne-t-elle. Pour elles, l'école est un instrument qui leur permettra de se libérer de toutes les formes de domination et principalement de la domination masculine et des stéréotypes sexistes, et d'accéder à une certaine autonomie.» La situation est telle qu'une des participantes révélait que, pour faire son chemin à l'école, «comme les garçons réussissaient mieux, je me suis déguisée en garçon».
Les battantes ont un parcours marqué par le sacrifice et la souffrance. Leurs parents sont souvent sous-scolarisés. Elles viennent de milieux ruraux où l'école est difficile d'accès. Plusieurs sont mères célibataires. On les a obligées à se marier jeunes. D'autres ont perdu leurs parents et ont été adoptées par des proches. «Elles trouvent donc toutes sortes de moyens pour s'en sortir, se souvient-elle. Elles font des ménages ou habitent chez des gens et s'occupent de leurs enfants.»
Les assistées vivent des difficultés analogues à celles des battantes. Elles trouvent cependant refuge dans le soutien de leurs proches, qui les encouragent moralement et financièrement.
Davantage choyées par la vie, les héritières bénéficient d'un contexte familial favorable à leur épanouissement. Elles sont ainsi plus confiantes en leur avenir que leurs consœurs. La plupart habitent la ville, près des écoles.
Valèse Mapto Kengne souligne l'importance de la scolarisation des parents: «Là où les mères ne sont pas éduquées, les filles ne le seront pas davantage. Penser à la scolarisation des enfants, c'est aussi penser à l'alphabétisation des adultes pour les sortir de la pauvreté et mieux protéger leurs enfants des abus précoces.»
Qu'elles soient battantes, assistées ou héritières, toutes les filles s'exposent au harcèlement sexuel de la part d'enseignants, qui sont majoritaires dans la profession. «J'avais un professeur qui m'a suivie jusqu'en classe terminale : il n'arrêtait pas de me raconter des histoires, de me promettre monts et merveilles si j'acceptais ses avances», raconte une étudiante. Cela force plusieurs filles à changer d'école, voire à abandonner leurs études.
L'école africaine, une institution en devenir
Selon Valèse Mapto Kengne, l'école n'est pas encore un espace de liberté et d'égalité. «La preuve en est qu'il existe toujours une catégorie de battantes», démontre-t-elle.
L'école doit aller vers les enfants et non le contraire. «Autrement, on les abandonne dès le départ», remarque-t-elle. L'avenir de l'Afrique en dépend. «La qualité de vie et la dignité humaine auxquelles aspirent les pays en développement ne pourront voir le jour sans l'éducation paritaire et solidaire de leur jeunesse», ajoute-t-elle.
Valèse Mapto Kengne retournera bientôt au Cameroun. Elle aimerait enseigner à l'université et appliquer les connaissances acquises ici. «Le Québec a été un vrai laboratoire pour moi. J'ai beaucoup appris, que ce soit à propos des luttes des femmes ou des retombées du rapport Parent. Cela m'a fait comprendre qu'il était possible pour les pays en développement de se doter d'institutions porteuses de valeurs universelles. C'est pourquoi je crois que l'Afrique a besoin de moi... et moi, j'ai besoin de l'Afrique.»
Marie Lambert-Chan
Source: Université de Montréal
Valèse Mapto Kengne, étudiante à la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université de Montréal, a consacré son doctorat à cette question. «Je voulais savoir ce qui se cachait derrière ces statistiques. Pourquoi ces filles abandonnent-elles l'école? Et au contraire, qu'est-ce qui les pousse à continuer?» s'interroge celle qui a obtenu son diplôme au printemps dernier.
Elle a parcouru une partie du continent africain, notamment le Cameroun et le Togo, à la recherche de témoignages de femmes ayant persévéré jusqu'à l'université. Elle y a entendu des récits crève-cœurs. Les évoquer suffit à lui faire monter les larmes aux yeux. «Imaginez que vous avez devant vous des filles talentueuses, mais sans réseau de solidarité si chère à l'Afrique, sans ressources financières, coincées dans des mariages forcés et déjà mères d'un ou de plusieurs enfants, et que vous ne pouvez rien faire pour elles. C'était déchirant...», confie-t-elle.
La chercheuse en sait quelque chose. Elle aussi a vécu des moments douloureux avant son arrivée au Québec. «Ma thèse fut un projet thérapeutique, relate-t-elle. J'ai compris ce que j'ai vécu à travers les histoires de ces femmes.»
Les battantes, les assistées et les héritières
Valèse Mapto Kengne a divisé ses sujets en trois catégories : les battantes, les assistées et les héritières. Bien que leurs trajectoires scolaires soient différentes, elles partagent toutes une résilience hors du commun.
«Les femmes sont encore réduites à leur dimension sexuelle, ce qui met un frein à leur scolarisation, mentionne-t-elle. Pour elles, l'école est un instrument qui leur permettra de se libérer de toutes les formes de domination et principalement de la domination masculine et des stéréotypes sexistes, et d'accéder à une certaine autonomie.» La situation est telle qu'une des participantes révélait que, pour faire son chemin à l'école, «comme les garçons réussissaient mieux, je me suis déguisée en garçon».
Les battantes ont un parcours marqué par le sacrifice et la souffrance. Leurs parents sont souvent sous-scolarisés. Elles viennent de milieux ruraux où l'école est difficile d'accès. Plusieurs sont mères célibataires. On les a obligées à se marier jeunes. D'autres ont perdu leurs parents et ont été adoptées par des proches. «Elles trouvent donc toutes sortes de moyens pour s'en sortir, se souvient-elle. Elles font des ménages ou habitent chez des gens et s'occupent de leurs enfants.»
Les assistées vivent des difficultés analogues à celles des battantes. Elles trouvent cependant refuge dans le soutien de leurs proches, qui les encouragent moralement et financièrement.
Davantage choyées par la vie, les héritières bénéficient d'un contexte familial favorable à leur épanouissement. Elles sont ainsi plus confiantes en leur avenir que leurs consœurs. La plupart habitent la ville, près des écoles.
Valèse Mapto Kengne souligne l'importance de la scolarisation des parents: «Là où les mères ne sont pas éduquées, les filles ne le seront pas davantage. Penser à la scolarisation des enfants, c'est aussi penser à l'alphabétisation des adultes pour les sortir de la pauvreté et mieux protéger leurs enfants des abus précoces.»
Qu'elles soient battantes, assistées ou héritières, toutes les filles s'exposent au harcèlement sexuel de la part d'enseignants, qui sont majoritaires dans la profession. «J'avais un professeur qui m'a suivie jusqu'en classe terminale : il n'arrêtait pas de me raconter des histoires, de me promettre monts et merveilles si j'acceptais ses avances», raconte une étudiante. Cela force plusieurs filles à changer d'école, voire à abandonner leurs études.
L'école africaine, une institution en devenir
Selon Valèse Mapto Kengne, l'école n'est pas encore un espace de liberté et d'égalité. «La preuve en est qu'il existe toujours une catégorie de battantes», démontre-t-elle.
L'école doit aller vers les enfants et non le contraire. «Autrement, on les abandonne dès le départ», remarque-t-elle. L'avenir de l'Afrique en dépend. «La qualité de vie et la dignité humaine auxquelles aspirent les pays en développement ne pourront voir le jour sans l'éducation paritaire et solidaire de leur jeunesse», ajoute-t-elle.
Valèse Mapto Kengne retournera bientôt au Cameroun. Elle aimerait enseigner à l'université et appliquer les connaissances acquises ici. «Le Québec a été un vrai laboratoire pour moi. J'ai beaucoup appris, que ce soit à propos des luttes des femmes ou des retombées du rapport Parent. Cela m'a fait comprendre qu'il était possible pour les pays en développement de se doter d'institutions porteuses de valeurs universelles. C'est pourquoi je crois que l'Afrique a besoin de moi... et moi, j'ai besoin de l'Afrique.»
Marie Lambert-Chan
Source: Université de Montréal