Il y a de fortes chances que la fin de l’année 2008 porte bonheur à l’ancien président mauritanien renversé au mois d’août dernier. La junte au pouvoir, avec à sa tête le général putschiste Ould Abdel Aziz, s’est engagée à le libérer, sans conditions, et cela au plus tard à la date du 24 décembre. Mais il convient de s’interroger sur les causes réelles ou supposées qui commandent cette remise en liberté d’un chef d’Etat renversé.
Car c’est un événement plutôt rare en Afrique, il faut en convenir. Plusieurs hypothèses permettent de tenter une explication. La pression internationale sur la junte qui a renversé Sidi Ould Cheikh Abdallahi, et cela dès le lendemain du coup d’Etat du 6 août, y est certainement pour quelque chose.
Pas un instant, elle n’aura relâché son étreinte. Cette dernière se sera révélée d’autant plus étouffante qu’elle provenait d’organisations comme l’Union européenne, qui firent usage de menaces et d’arguments de divers ordres dans le but "d’ obtenir un retour à la légalité constitutionnelle" ainsi que la restitution du pouvoir au président déchu. Des sanctions diplomatiques et économiques furent brandies contre la Mauritanie et on ne se trompe pas de beaucoup en disant que les putschistes ne pouvaient plus s’accommoder de tant d’adversité à l’échelle internationale. Ils décidèrent alors de céder. Mais cette remise en liberté du vaincu par son vainqueur traduit aussi la bonne foi ainsi que le respect de la parole donnée, de la part d’un général, même putschiste.
Le fait est rarissime en Afrique, de voir un chef d’Etat libérer celui qu’il a renversé et cela au bout de ... quatre mois. Le continent, en la matière, est plutôt coutumier d’autres pratiques : des présidents sont tués au cours ou à l’issue de coups d’Etat, les plus chanceux parmi ceux qui en réchappent se retrouvent embastillés dans des geôles sombres, de longues années durant. Pour le cas de la Mauritanie, promesse est faite de libérer le président déchu, et c’est cela qui compte. Mais que deviendra le pays suite à une telle mesure d’élargissement ? La junte au pouvoir court, en effet de gros risques en prenant une telle initiative. L’ignore-t-elle ou calcule-t-elle son geste en prenant bien en compte ce paramètre ? Doit-on comprendre le terme "sans conditions" au sens d’absence totale de préalables ? Le président déchu Abdallahi sait pouvoir compter sur des partisans fidèles qui ont su se montrer ses inconditionnels au plus fort de sa disgrâce.
Lui-même, du temps où il était emprisonné, se montrait imperturbable dans sa conviction : "Je ne désespère pas de retrouver le pouvoir", affirmait-il. Plus que jamais à présent, il se peut qu’il veuille réaliser pleinement cette ambition, d’autant plus qu’il se sait soutenu, à l’intérieur par des amis politiques et des partisans qui voient arriver leur heure de gloire, et à l’extérieur par une communauté internationale qui lui aura été d’un soutien sans faille. Et si d’aventure, il se mettait en devoir de reconquérir ce pouvoir perdu, qu’en serait-il de la Mauritanie ? Et quelle attitude attendre de la part de la junte au pouvoir ? Ne risque-t-on pas de voir à l’intérieur d’un même pays, deux chefs d’Etat convoitant un même siège présidentiel ? Quelle position alors serait celle de la communauté internationale ?
Mais il se peut aussi que cette libération soit le fruit d’un processus longuement mûri et qui résulte d’un gentleman’s agreement passé entre la junte et le président prisonnier : on te rend ta liberté et tu te tiens bien tranquille. Mais même dans un tel cas de figure, il reste à savoir si Abdallahi tiendra parole. Il a pour lui, ses partisans, la communauté internationale, et sans doute, quelque secret désir de revanche qui peut le pousser à ne pas tenir parole. La communauté internationale peut se réjouir d’avoir gagné une bataille : celle de la remise en liberté du président déchu. Reste à savoir si elle gagnera la guerre, celle du retour du président déchu aux affaires. On attend de voir donc si elle ira jusqu’à réclamer la stricte application de ses exigences premières, à savoir le rétablissement dans ses fonctions de Sidi Ould Cheikh Abdallahi. La complexité de la situation crée en tout cas un dangereux précédent.
Car il y a fort à craindre ici que le remède se révèle pire que le mal. La communauté internationale, dans cette affaire mauritanienne, aura joué à fond la carte du principe de la légalité qu’il fallait rétablir, aidée en cela par son aversion légendaire du coup d’Etat ou plutôt de certains coups d’Etat. Mais elle aurait considéré la popularité des putschistes qu’elle aurait peut-être exigé moins et aurait sans doute usé de plus d’indulgence à leur égard. Elle aurait alors peut-être tenu un peu plus compte, dans ses décisions, des désirs du peuple mauritanien. En tout état de cause, elle se devra, à présent, d’être aux côtés de la Mauritanie qui présente la double face d’un pays où tout désormais, peut arriver, avec la libération annoncée de Abdallahi : le meilleur comme le pire.
"Le Pays"
Lefaso
Car c’est un événement plutôt rare en Afrique, il faut en convenir. Plusieurs hypothèses permettent de tenter une explication. La pression internationale sur la junte qui a renversé Sidi Ould Cheikh Abdallahi, et cela dès le lendemain du coup d’Etat du 6 août, y est certainement pour quelque chose.
Pas un instant, elle n’aura relâché son étreinte. Cette dernière se sera révélée d’autant plus étouffante qu’elle provenait d’organisations comme l’Union européenne, qui firent usage de menaces et d’arguments de divers ordres dans le but "d’ obtenir un retour à la légalité constitutionnelle" ainsi que la restitution du pouvoir au président déchu. Des sanctions diplomatiques et économiques furent brandies contre la Mauritanie et on ne se trompe pas de beaucoup en disant que les putschistes ne pouvaient plus s’accommoder de tant d’adversité à l’échelle internationale. Ils décidèrent alors de céder. Mais cette remise en liberté du vaincu par son vainqueur traduit aussi la bonne foi ainsi que le respect de la parole donnée, de la part d’un général, même putschiste.
Le fait est rarissime en Afrique, de voir un chef d’Etat libérer celui qu’il a renversé et cela au bout de ... quatre mois. Le continent, en la matière, est plutôt coutumier d’autres pratiques : des présidents sont tués au cours ou à l’issue de coups d’Etat, les plus chanceux parmi ceux qui en réchappent se retrouvent embastillés dans des geôles sombres, de longues années durant. Pour le cas de la Mauritanie, promesse est faite de libérer le président déchu, et c’est cela qui compte. Mais que deviendra le pays suite à une telle mesure d’élargissement ? La junte au pouvoir court, en effet de gros risques en prenant une telle initiative. L’ignore-t-elle ou calcule-t-elle son geste en prenant bien en compte ce paramètre ? Doit-on comprendre le terme "sans conditions" au sens d’absence totale de préalables ? Le président déchu Abdallahi sait pouvoir compter sur des partisans fidèles qui ont su se montrer ses inconditionnels au plus fort de sa disgrâce.
Lui-même, du temps où il était emprisonné, se montrait imperturbable dans sa conviction : "Je ne désespère pas de retrouver le pouvoir", affirmait-il. Plus que jamais à présent, il se peut qu’il veuille réaliser pleinement cette ambition, d’autant plus qu’il se sait soutenu, à l’intérieur par des amis politiques et des partisans qui voient arriver leur heure de gloire, et à l’extérieur par une communauté internationale qui lui aura été d’un soutien sans faille. Et si d’aventure, il se mettait en devoir de reconquérir ce pouvoir perdu, qu’en serait-il de la Mauritanie ? Et quelle attitude attendre de la part de la junte au pouvoir ? Ne risque-t-on pas de voir à l’intérieur d’un même pays, deux chefs d’Etat convoitant un même siège présidentiel ? Quelle position alors serait celle de la communauté internationale ?
Mais il se peut aussi que cette libération soit le fruit d’un processus longuement mûri et qui résulte d’un gentleman’s agreement passé entre la junte et le président prisonnier : on te rend ta liberté et tu te tiens bien tranquille. Mais même dans un tel cas de figure, il reste à savoir si Abdallahi tiendra parole. Il a pour lui, ses partisans, la communauté internationale, et sans doute, quelque secret désir de revanche qui peut le pousser à ne pas tenir parole. La communauté internationale peut se réjouir d’avoir gagné une bataille : celle de la remise en liberté du président déchu. Reste à savoir si elle gagnera la guerre, celle du retour du président déchu aux affaires. On attend de voir donc si elle ira jusqu’à réclamer la stricte application de ses exigences premières, à savoir le rétablissement dans ses fonctions de Sidi Ould Cheikh Abdallahi. La complexité de la situation crée en tout cas un dangereux précédent.
Car il y a fort à craindre ici que le remède se révèle pire que le mal. La communauté internationale, dans cette affaire mauritanienne, aura joué à fond la carte du principe de la légalité qu’il fallait rétablir, aidée en cela par son aversion légendaire du coup d’Etat ou plutôt de certains coups d’Etat. Mais elle aurait considéré la popularité des putschistes qu’elle aurait peut-être exigé moins et aurait sans doute usé de plus d’indulgence à leur égard. Elle aurait alors peut-être tenu un peu plus compte, dans ses décisions, des désirs du peuple mauritanien. En tout état de cause, elle se devra, à présent, d’être aux côtés de la Mauritanie qui présente la double face d’un pays où tout désormais, peut arriver, avec la libération annoncée de Abdallahi : le meilleur comme le pire.
"Le Pays"
Lefaso