Une des justifications avancées par les bourreaux de Nouakchott et par ceux qui défendent leur impunité est la théorie aussi fausse qu'injuste des deux extrémismes qui s'affrontent depuis toujours dans le spectre politique national, pour ainsi demander de passer à " pertes et à profits" le passif humanitaire des années 1986-1991.
Selon les tenants de ladite théorie absurde, pour "comprendre" les événements 86-91, il faut remonter à une époque précédente, située entre 1981 et 1984, époque durant laquelle, selon ces "spécialistes" de la "question nationale", le pouvoir était aux mains des Négro- mauritaniens extrémistes; pouvoir que ces derniers auraient "exercé" contre les Nationalistes Arabes extrémistes, c'est à dire contre les Bathistes et Nasseristes. Cet exercice du pouvoir par les premiers se serait caracterisé par une violation massive des "droits de l'homme"... des Nationalistes arabes, bien entendu !
Aussi, les événements de 1986-1991 ne sereaient qu'un juste "retour de l'ascenseur", une sorte de revanche des victimes sur leurs bourreaux d'alors. Ce qui est tout de même curieux, ce sont ces mêmes personnes qui réfutent par ailleurs le qualificatif de de "régime raciste et sectaire beydane" fait au régime de Ould Taya, régime qui était bien en oeuvre durant toute cette période de "revanche" monumentale contradiction ou mauvaise foi manifeste?
Ceci dit, comme il n' y a rien de meilleur, pour vérifier de la validité d'une thèse, que de l'examiner à la lumière des faits auxquels elle alude, essayons d'en faire la preuve par neuf, à la lumière des faits.
FAITS CONSTANTS DES ANNEES 1981-1984:
Selon une rumeur très répandue (la Mauritanie étant par excellence le pays où rumeur et réalité se confondent à merveille), juste après l'accident mortel du colonel Bouceif, le CMSN se voit, au cours de sa réunion extraordinaire d'urgence, devant une impasse: "personne n'a ni le courage ni la volonté de prendre le pouvoir". C'est ainsi que Haidallah se serait porté "volontaire", sans doute animé en cela par son courage personnel reconnu de tous, mais aussi par son statut de chef d'État major national à l'époque. Dans tous les cas, au sortir de cette rÉunion, Haidallah est nommé Premier Minsitre en remplacement du defunt Bouceif.
Que cette rumeur soit fondée ou non (je crois qu'elle est fondée), quelques constances méritent d'être soulignées:
1- HAIDALLAH n'accéde pas au pouvoir par un "coup de force", sinon suite à un vide de pouvoir.
2- Il est établi que Bouceif est bien victime d'un accident et non d'un attentat.
3- Il n' y a aucune arrestation parmi les membres du CMSN de l'époque, même pas de "mise en résidence surveillée", ce qui aurait permis de penser à un coup de palais.
4- Deux principaux officiers du comité de l'époque s'exilent, il est vrai, immédiatement au Maroc, sans qu'on sache trop bien pourquoi. toujours est-il, que quand ils reviendront plus tard tenter un putsch, on se rend compte que ni eux (Ahmed Salem O/ Sidi, Mohamed Bah Ould Kader et Moustapha Niang dit Sala) ni leur présumé financier l'homme d'affaire Haba Ould Mohamed Vall ne peuvent ètre qualifiés de nationalistes arabes extrémistes. On peut y ajouter que le Maroc, territoire à partir duquel ils auraient préparé leur coup, est un pays dont les intérêts ne correspondent pas à l'installation d'un régime de telle caractéristiques en Mauritanie.
5- Le groupe d'officiers qui renversera Haidallah par la suite, profitant d'un voyage de ce dernier à Bujumbura, est trés bien représenté et dans le CMSN et dans les Gouvernements successifs de de Haidallah (Maaouya est par exemple chef d'etat major et plus tard PM).
6- Les gouvernements de Ould Haidallah comme PM, de Bneijara et de OULD Taya sont tous des gouvernements à faible représentation Négro- africaine.
Donc objectivement, on ne peut pas dire que HAIDALLAH a pris le pouvoir au sens qu'il l'aurait fait au détriment d'autres (des nationalistes arabes notamment), même si le personnage est à cette époque très constesté par une partie de l'elite militaire (généralement de l'est du pays) qui n'hésitait pas à le qualifier de "Polisario". et c'est sans doute à cause de cela que parmi ses proches, ses amis officiers, on comptait plus de Négro-africains que de maures.
Cependant, si on peut soutenir que Haidallah n'a pas "pris" le pouvoir, on doit reconnaitre qu'il exerça ce pouvoir d'une main de fer. Face à l'activisme presque atavique des nasseristes et bathistes, et à leur propension au complot (réel ou supposé), Haidallah opposa une répression féroce.
Je crois très sincérement que les nationalistes arabes agirent encore une fois suivant leurs pulsions raciales, ne supportant pas par exemple le fait, qu'au sien du CMSN de l'époque (organe suprême de direction de la politique nationale) siègent 7 membres Négro- africains sur les 17 que comptait le comité d'alors (si ma mémoire est bonne).Pour ces groupuscules, vivant le plus souvent sur le rêve arabe que sur la réalité mauritanienne, il leur échappait simplement le fait (ou l'ignorait-il volontairement?) qu'au sein de l'armée mauritanienne de 1984, il y avait encore beaucoup d'officiers Noirs, et qu'il était donc normal que dans un comité militaire ces derniers y soit représentés dans une proportion relativement importante.
Pour eux c'était une situation intolérable, n'hésitant pas à la qualifier de coup d'état de fait de la part des Noirs. Et selon la vision qu'ils avaient de la Mauritanie, c'est une situation qu'il fallait combattre par tous les moyens. De peu leur importait que le président HAIDALLAH soit un Maure, donc des leurs, que ses PM successifs OULS TAYA et BNEIJARA soient des leurs, que tous les postes clés soient aux mains de l'ethnie Maure.
En observant leur attitude de plus prés on se rend compte de l'abîme qui existe entre leurs rêves et la réalité de l'époque, j'allais dire leur démésure... qu'ils finiront pourtant par imposer quelques années plus tard.
Mais le pouvoir de Ould Haidallah de quelque couleur qu'il fut se comporta avec eux comme se comporterait tout pouvoir s'il se sentait menacé, se défendant notamment par la torture au "jagguar". Mais pour grave que fut cette répression, elle est de très loin comparable avec celle de l'autre "extrémisme" des années 1986-1991.
En résumant, on peut dire que sur le plan formel, il s'agit d'un gouvernement (celui de Ould Haidallah) dont tous les rouages importants sont occupés par des arabo-berbéres qui a risposté à ce qu'il considerait à tort ou a raison comme atteintes à son pouvoir. un fait singulier mérite d'être souligné, jamais cette répression entraina mort d'homme ni d'exécutions extra judiciaires, même si les procés n'étaient pas plus que des mascarades.
Sur un autre plan, on doit remarquer qu'aucune des victimes de cette repression n'a accusé un Négro- africain comme auteur ou commanditaire de la torture sur sa personne. c'est bien des Beydanes qui torturaient des Beydanes.
LES ANNÉES OULD TAYA ET LE PASSIF HUMANITAIRE
Selon les tenants du "passer à pertes et à profits", Ould taya n'est pas raciste ni nationaliste arabe, tout au plus son Régime aurait éte "infiltré" par des Nationalistes arabes, les agissements desquels l'auraient fini par déborder. cet argument prêterait beaucoup à sourire si ce n'était pour son cynisme évident et le nombre de victimes que cette "infiltration" á cause. Toujours est-il que quiconque connaisse un tant soit peu comment fonctionne le pouvoir en Mauritanie et qui soit minimement objectif sait que cet argument ne tient pas la route.
- D'emblée quand Ould taya prend le pouvoir le 12/12, deux membres importants du CMSN sont exclus de la liste: DIOP MOUSTAPHA et ATHIE HAMATH sont arrêtés et "mis en résidence surveillée". Quelques mois plutard, c'est au tour de DIOP DJIBRYL d'être mis à la touche, pour dit-on, "détournement" de fonds militaires à ROSSO.Tous les trois sont des Négro-africains, MAAOUYA n'est pas raciste ni nationaliste arabe!!!
- Deux années plutard, les FLAM publient LE MANIFESTE DU NEGRO-MAURITANIEN OPPRIMÉ, tous ses auteurs (réels ou supposés) sont arrêtés "jugés" et condamnés, puis déportés à OUALATA pour une mort lente mais certaine. Leur délit? Avoir écrit avec forces détails qu'en Mauritanie sévissait un Régime pratiquant un racisme d'Etat. Si leur condamnation est discutable au regard des faits qui leur sont reprochés, la condition de leur détention, déssinée et exéctutée pour qu'ils ne reviennent pas vivants de cette détention l'est moins.
- Ensuite, une campagne de mensonge est engagée à l'intérieur comme à l'extérieur du pays, pour accréditer la thése que cette composante nationale voulait conduire le pays à un affrontement racial et au passage donner des coudées franches au pouvoir pour entreprendre la "dénégrification" de l'administration principalement, justifiant tous ses "abus" au non .... de l'unité nationale. Il parait même qu'un manifeste aurait éte inventé avec des passages appelant au soulèvement armé des noirs, ce qui recouperait une interpretation à dessein d'un passage du Manifeste réel celui-là qui inciterait- tenez-vous bien- à la légitime défense des paysans dépossédés de leurs terres!
Cette entreprise n'épargna personne (arrestations, exécutions extra-judiciaires et assassinats) sont le lot quotidiens des populations (principalement les Haal-pulaar) . En cette année 1986, le plus grand crime qu'on pouvait commettre en Mauritanie est celui "d'être un Flamiste", réel ou potentiel.
- En 1987, le gouvernement donne un tour de vis, annonçant avoir découvert un complot, c'est la chasse aux militaires Négro-africains qui est inaugurée. Ces militaires sont accusés de "complot à caractére racial", qualificatif par ailleurs inexistant dans le code pénal. Malgré que les conjurés aient répété á satiété que leur unique objectif était d'instaurer " un Regime juste pour tous les Citoyens", le pouvoir n'en a cure. Le complot est de caractére racial parce que ses auteurs sont.... des Noirs. Argument spécieux s'il en est, mais compréhensible, parce ce que le crédo de l'Etat étant racial, il voit du racisme partout sauf en lui-même! c'est ainsi que quand le pouvoir arrêtera quelques années plutard des militaires maures, tous blancs, pour les mêmes motifs, il se gardera bien de parler de caractére racial de leur entreprise, parce que... étant tous de "sa race".
Cet épisode est sans doute le plus grave quant au symbolisme qu'il engendait; le pouvoir attaquant la communauté Noire (les Haal-pulaar particulièrement) dans ce qui leur restait d'espoir contre l'arbitraire, ses membres dans les forces armées.
Ici encore, comme dans le cas des "auteurs" du manifeste, c'est la volonté d'extérmination qui prévaut sur toute autre considération, d'ordre moral ou légal. En effet, avec le code pénal en vigeur à l'époque, on ne pouvait nullement condamner á mort un auteur de complot, non suivi de commencement d'exécution et qui n'a pas entrainé mort d'homme, même si par opportunisme politique ou racial, le dit complot aurait pour" but d'inciter des mauritaniens à prendre des armes contre des mauritaniens" ou contre la Mauritanie. Si on sait que le complot est toujours un délit politique, pour quelque maquillage qu'on veuille lui donner, dans le contexte mauritanien, on comprend aisément la superchérie!
Ainsi, trois officiers parmi les ces militaires sont condamnés à mort, leur demande de grâce étant rejetée par Ould Taya, ils sont exécutés immédiatement. Le reste est condamné, la majeure partie, à de lourdes peines de prison et conduits à la "prison mouroir" de OUALATA.
Maaouya n'est pas " raciste ni extremiste arabe " !
- Mais sans aucun doute, c'est l'incident de DIAWARA (ou DOUNDE KHORE), qui a conduit aux bords de la guerre le Sénégal et la Mauritanie, qui résume mieux l'extrémisme du régime d' alors. Profitant de cet événement, des préposés du gouvernement incitent, organisent et encadrent des hordes qui, 48 durant, massacrent du Noir, à Nouakdhcott et à Nouadhibou essentiellement, les victimes sont des centaines, toutes noires de toutes nationalités, les sénégalais emportant le gros du lot des morts.
D 'aucuns disent que le gouvernement n'en est pour rien mais même si on veut leur accorder le bénéfice du doute, on ne peut s'empêcher de poser cette question: si le gouvernement n'en est pour rien, pourquoi il n'a pas intervenu, pourquoi il a "laissé faire"... (par réciprocité, pour venger nos compatriotes victimes d'exactions de l'autre côté du fleuve?). C'est au moins un délit grave de passivité, plus grave encore quand il est l'oeuvre de l'Etat qui s'abstient d'accomplir le premier de ses devoirs; protéger les citoyens. Et puis les choses doivent être claires: les pillages commençent bien au Sénégal, mais les tueries quant á elles commmençent en Mauritanie.
MAAOUYA n'est pas raciste, ni nationaliste arabe, mais une boutique maure saccagée au Sénégal vaut bien la lapidation à mort de quelques Noirs dans les rues de Nouakchott!
- Dopé sans doute par les tergiversations et hésitations du gouvernement du Sénégal, le pouvoir de Nouakchott appuie sur l'accélerateur de la dénégrification. Manu- militari des milliers de citoyens mauritaniens sont déportés au Sénégal et au Mali, dépossédés de tous leurs biens et de leurs pièces d'état civil. La majorité vit encore dans des camps de fortune dans ces deux pays. L'ampleur des déportations est telle qu'il est permis de penser qu'il s'agit tout au moins d'un plan de longue préparation.
- Mais ce n'est pas tout. Pour boucler la boucle, en 1990-91, les autorités militaires, voyant que déporter des soldats seraient retourner les armes contre elles-mêmes, décident le "génocide". Une campagne de séléction est entreprise au sein des forces armées sous l'accusation de complot, contre, comme toujours, des officiers et soldats Haal-pulaar, une trentaine est purement et simplement pendue après des tortures et vexations dont le sadisme le dispute à l'absurdité.
Selon des sources fiables, prés de 500 personnes auraient péri dans ces conditions. les péres, méres, veuves et enfants de ces victimes vivent encore parmi nous. Les rescapés sont là encore pour tout raconter. Les preuves dans ce domaine ne manquent pas. D'ailleurs, ironie du sort, c'est le gouvernement de OULD TAYA qui, aveuglé par la haine raciale qui obstrue toute raison, nous fournit la reine des preuves, par l'amnistie qu'il a décrété pour tous des faits, un aveu actif de taille.
Je me suis toujours demandé ceci : Si toutes ces victimes sont des "Sénégalais" comme l'insinuent les idéologues racistes du Régime, victimes en représailles de nos concitoyens tués au Sénégal en 1989, pourquoi "notre" vengeance devrait t-elle se prolonger dans le temps?, jusqu'en 1991 par exemple? Pourquoi, d'ailleurs l'arrêter si tant est- elle de tenace? Non. la seule réponse qui me vient à l'esprit c'est le mépris souverain que l'Etat de Mauriatnie, par ses dirigeants de l'époque, a pour les Noirs de notre pays: des Sénégalais (pour les Négro -africains) et des escalves (pour les haratines) avec toutes les nuances possibles et opportunes, naturellement.
En conclusion, tels sont les faits. Et pour quelque gymnastique intellectuelle ou politique qu'on puisse faire, on ne pourrait les changer, tout au plus on pourrait les tergiverser.
La comparaison entre ces deux étapes de l'histoire récente de notre pays est impossible.
- D'une part on a un pouvoir aux mains des arabo-bérbéres qui a commis des crimes graves contre des arabo-berbéres. aucune des victimes de ces crimes n'a apporté la moindre preuve impliquant un Négro-africain comme auteur ou commanditaire. Et personne ne peut soutenir avec preuves que ce pouvoir aux mains de HAIDALLAH ( entre 1981-1984) soit un pouvoir de Négro-africains.
- D'autre part, on a encore un pouvoir aux mains des Arabo-berbéres qui a commis des crimes très graves contre une composante de la communauté nationale, la composante noire. même si on accorde le bénéfice du doute à OULD TAYA (en rapport à son idéologie que je crois raciste) on ne peut tout de même pas nier que les crimes commis sous son régne sont massifs et certainement pour être massifs et commis seulement sur une communauté détérminée qui est Noire, ces crimes sont donc de caractère raciste.
On peut défendre légitimement le pardon, l'oubli, et même l'impunité. Ce qu'on ne peut pas faire c'est défendre l'impunité invoquant une prétendue réciprocité de faits, fruit de la conjecture ou de la fabulation.
Enfin, je dois reconnaitre qu'il n' y a rien de plus ardu (certains diront de puéril) que d'opposer la vérite au mensonge absolu, la raison à la déraison, les faits à l'imagination. C'est pourtant ce que j'ai tenté de faire, en essayant de réfuter la thèse des deux extrémismes, c'est que la tentation était grande, car tous nous devons éviter que le mensonge ne s'impose à la vérité.
Fraternellement.
Et la lutte continue !
Le 07-08-2007.
Source: Flamnet