Dès 1978, des groupes clandestins, isolés les uns des autres, commencèrent à reposer la Question nationale. Celle-ci avait déjà fait l’objet d’un constat amer par ce qui est communément appelé « le manifeste des 19 » qui avait déjà tiré la sonnette d’alarme. En effet, en février 1966, nous pouvions lire dans ce manifeste : « Considérant que les membres de la communauté noire sont irréversiblement engagés à recouvrir intégralement leur liberté et leur dignité, à choisir librement une culture et un mode de vie conforme à leur civilisation négro-africaine, à leur aspiration au progrès, au développement harmonieux de l'homme, et convaincus que l'obstination du régime dans sa politique aboutira fatalement au chaos et à la guerre civile …dénonçons la discrimination raciale, l’illégalité, l’injustice et l’arbitraire que pratique le régime en place ». Ces préoccupations étaient déjà les mêmes que celles de l’Union des originaires de la Mauritanie du Sud (UOMS) en août 1957, avant la naissance officielle de la Mauritanie.
Ce qui montre bien que le racisme et les discriminations en Mauritanie ne sont pas conjoncturels, mais bien structurels puisqu’ils avaient déjà fait l’objet de dénonciations avant les années de braise que nous avons vécues.
A partir donc de 1983: l’Union démocratique mauritanienne (U.D.M), le Mouvement populaire africain de Mauritanie (M.P.A.M.), l’Organisation pour la défense des intérêts des Négro-africains de Mauritanie (O.D.I.N.A.M.) et le Mouvement des élèves et étudiants noirs (M.E.E.N) après une analyse approfondie de la situation des Bamana, Fulbe, Sooninko et Wolof et de la persistance des maux déjà décrits ci-dessus décidèrent d’unir leurs forces pour éviter la dispersion des énergies. Leur constat était unanime : La marginalisation de plus en plus systématique et affichée des Bamana, Fulbe, Sooninko et Wolof par un Apartheid qui ne disait pas son nom, risquait de finir par leur «esclavagisation» ou par leur expulsion de leur pays.
Ainsi, naquirent le 14 mars 1983 les Forces de libération africaines de Mauritanie (F.L.A.M). Je vous fais grâce des péripéties de cette gestation qui fut comme toute gestation longue et douloureuse.
Les F.L.A.M., en tant que mouvement politique, dès leur naissance expriment ses préoccupations nationales et présentent ses orientations pour la construction d’une république soucieuse des intérêts de toutes les composantes nationales qui forment le pays :
- elles sont une organisation politique pacifique, ouverte, qui privilégie le dialogue et la concertation, mais, qui se réserve le droit de recourir à la lutte armée si elle y était contrainte.
- elles sont une organisation à caractère plurinational, non ethnique et non raciale qui lutte pour l’avènement d’une société égalitaire et démocratique.
- elles ont pour objectifs, entre autres, le recouvrement par tous les Mauritaniens et singulièrement les Bamana, Fulbe, Sooninko et Wolof, de leur dignité par l’élimination de la discrimination raciale érigée en système de gouvernement.
Pour les FLAM, la question vitale est celle de la discrimination raciale érigée en système de gouvernement, en ce qu’elle menace l’existence même du pays.
Elles souhaitent la construction d’un Etat de droit, démocratique, fondé sur l’égalité, la justice entre toutes les composantes nationales, pour l’unité et la paix entre les peuples, dans le respect des identités respectives : le droit à la différence dans un pays qui se veut et se proclame « Etat Arabe » d’abord et seulement ensuite « Africain ».
Elles souhaitent la liberté pour toutes les composantes de la république, l’égalité entre tous les fils du pays et l’unité pour que la Mauritanie soit forte et joue son rôle de pays africain à la lisière du monde arabe et négro-africain qui sont les composantes de sa population métissée de longue date tel que l’affirme sa devise : LIBERTE - EGALITE - UNITE.
« Le manifeste du négro-mauritanien » opprimé publié en avril 1986 n’avait d’autre but que de mettre le doigt sur cette politique de discriminations, de marginalisation de la majorité de la population mauritanienne. Il faisait une radioscopie de toutes les institutions de la république pour montrer la « négation des Noirs de Mauritanie en tant que composante raciale spécifique »
Le manifeste de 1986 est arrivé à la même conclusion, 20 ans après celui de 1966.
Mais le pire était à venir : après l’arrestation des rédacteurs du Manifeste condamnés à des peines les privant de leur liberté citoyenne alors que leur démarche était de tirer une sonnette d’alarme, les tenants du pouvoir allait entrer dans une spirale de destruction de l’homme noir en Mauritanie :
- arrestations de militaires en octobre 1987 à la suite d'un prétendu coup d'Etat militaire. Trois exécutions, 23 condamnés entre 5 ans et la perpétuité, près d'un millier de militaires noirs chassés de l'armée après avoir subi toutes formes de tortures et d'humiliations ;
- tortures et mauvais traitements qui allaient entraîner la mort de 4 prisonniers politiques ;
- massacres et déportations de Noirs entre avril et décembre 1989 ;
- arrestations, tortures de milliers de militaires noirs dont 512 furent assassinés. Comble d’horreur, 28 parmi eux furent pendus le 28 novembre pour célébrer le 30ème anniversaire de l’indépendance de la Mauritanie.
Jusqu'à ce jour, les dépouilles de tous ces martyrs ne sont pas rendus à leurs familles.
Et pourtant les FLAM ne voulaient que « l’instauration d’un système politique juste, égalitaire auquel s’identifieront toutes les composantes actuelles du pays ». Et pour cela elles demandaient « que tous les véritables nationalistes mauritaniens (Noirs et Arabo-berbères) épris de paix, de justice et soucieux de voir instaurer une Unité nationale véritable acceptent de s’unir afin que tous ensembles ils combattent pour la suppression de ce système raciste.. » (Conclusion du manifeste de 1986).
La réponse du régime politique nous la connaissons : les violations des droits humains de 1986, 1987, 1989, 1990 et 1991 ont produit des milliers de déportés, des centaines de veuves et d’orphelins. Elle a mis sur toutes les routes des différents continents les fils du pays qui ne demandaient qu’à vivre sereinement là où ils sont nés.
C'est dans ce contexte, et après le référendum du 12 juillet 1991 pour la nouvelle Constitution qui reconnaît le droit au multipartisme que s'est instaurée une prétendue démocratie à la mauritanienne. Car, comment peut-on parler de démocratie alors qu'une partie de la population est physiquement niée, qu'elle n'a droit à aucune reconnaissance de son identité, en somme, qu’elle ne peut être considérée citoyenne comme la partie arabo-berbère du seul fait de sa couleur noire.
Toutes les élections organisées pendant cette période furent bien sûr remportées par Mouiya Ould Sidi Ahmed Taya. Je passe sur les différentes péripéties de cette époque qui ont toujours vu la classe politique arabo-berbère se disputer la place du chef suprême qui bien sûr n’a jamais voulu se laisser supplanter.
Du fait de la multiplication des partis politiques, d’élections municipales, législatifs et présidentielles, la démocratie à la mauritanienne a été, à l’époque saluée par tous, même les observateurs occidentaux qui n’hésitaient pas à féliciter le président élu « démocratiquement » au premier tour à la majorité absolue.
La position des FLAM pendant cette période n’a jamais variée. Le régime d’avant le 03 août qui a mis en pratique toute l’idéologie pan-arabiste des baasistes qui voulait débarrasser la Mauritanie de ses composantes bamana, pulaar, sooninko et wolof ne pouvait en aucune façon régler les conséquences des crises dont il était l’auteur. D’ailleurs on a vu que dès la mise en place de son « assemblée nationale » la première mesure a été l’adoption de la loi 93-23 du 14 juin 1993 portant « amnistie pleine et entière accordée aux membres des Forces Armées et de Sécurité auteurs des infractions commises entre le 1er janvier 1989 et 18 avril 1992 » (Voyez la période couverte : déportation et massacres).
Il est vrai que la Mauritanie fait face à de nombreux problèmes : problèmes économiques : exploitation rationnelle de nos ressources et leur redistribution équitable, pauvreté, détournements et inégalités sociales de toutes sortes, tribalisme, esclavage. Mais de tous ces problèmes, les problèmes de la cohabitation entre Arabo-berbères et Négro-africains et celui de l’esclavage sont ceux qui exigent le plus des solutions urgentes et correctes. Ce sont les faits, et non une construction de l’esprit, qui font de la question nationale et sociale le problème numéro un à résoudre.
Et notre position a toujours été de préconiser un débat national pour hâter l’alternance politique. Etant entendu que pour nous, l’alternance politique doit rendre possible une solution juste et durable de la question nationale et une éradication de l'esclavage.
Le départ de Taya salué par tous les Mauritaniens épris de paix et soucieux de l’avènement d’un pays de droit était l’occasion de résoudre ces questions épineuses afin de leur trouver une solution juste et durable.
Malheureusement, au lendemain du coup d’état, le message du 03 août 2005 était bien clair : le comité militaire pour la justice et la démocratie était venu « dégripper » la machine et son programme était la mise en place d’institutions démocratiques. Son calendrier ne prenait en compte que la partie « démocratie » de son titre. Quant à la justice, elle pouvait attendre, surtout quand il s’agissait d’une partie de la Mauritanie. Nous avons, en effet assisté à la libération politique des détenus politiques arabo-berbères et au retour des « exilés » maures à qui on demandait de rentrer pour participer à la démocratie. Bien sûr ils n’avaient pas été déportés et ils étaient détenteurs de leurs pièces d’identité et pouvaient encore jouer leur rôle d’électeurs.
Toute la transition a tourné autour des élections et de leur transparence, comme si assurer la régularité de celles-ci suffisait à asseoir la démocratie.
Comme le dit si bien, Samba Thiam le président des FLAM « …. aller voter, pour un Hartani - pour lequel on reconnaît à peine une humanité - ou pour un Négro -Africain – victime du déni de citoyenneté - ne changerait rien à sa condition de discriminé. Des élections, même transparentes, n’auraient aucun impact sérieux sur la condition d’exclu de l’un ou de l’autre » ».
Il s’agit de se référer aux nombreuses expériences dans le monde pour s’en convaincre : l’Afrique du Sud à l’heure de l’Apartheid est un exemple édifiant ; les Etats-Unis également quand l’esclavage y sévissait : en quoi la situation des discriminés a changé pendant toutes ces périodes de lutte alors que ces pays étaient perçus comme des modèles de démocratie au sens intrinsèque du mot ?
Les FLAM n’ont pas voulu se laisser prendre à ces faux-fuyant. Elles restent convaincus que le plus dur reste à faire : s’attaquer aux défis qui ont pour corollaire :
la question des déportés mauritaniens qui vivent toujours dans des camps de fortune misérables au Sénégal et au Mali, la question du passif humanitaire : appellation donnée pudiquement aux massacres de militaires noirs en 1990 - 91 dans les différents camps militaires de J’reïda, Inal, Aleg, Azlat, … ;
et enfin celle de l’esclavage par la promulgation de véritables lois criminalisant cette pratique pour mettre fin à cette abomination encore vivace au XXIe siècle dans notre pays.
Le CMJD a choisi le plus facile pour sa période de transition. Au lieu de s’attaquer aux problèmes fondamentaux, il a procédé à des retouches superficielles pour pérenniser un système qui, de 1960 à nos jours, continue de marginaliser une partie de sa population du fait de la couleur de sa peau et de sa culture non arabe.
Les FLAM ne sauraient accepter de cautionner cette démocratie de façade destinée à jeter de la poudre aux yeux de la communauté internationale, quelquefois, hélas complice de cet état de chose. Une démocratie qui vient se greffer sur un « passif humanitaire » toujours pendant et une situation politique de discrimination raciale ouverte qu’elle tente volontairement d’occulter et de masquer.
Une démocratie authentique ne saurait prendre appui sur un tel fondement.
C’est la raison pour laquelle, lors de son Congrès tenu à Cincinnati, les 26, 27 et 28 décembre 2005, les Forces de Libération africaines de Mauritanie :
- Considérant l'occultation par le CMJD et son gouvernement de la Question nationale et sociale ;
- Considérant l’occultation du passif humanitaire et de la question des déportés, conséquence du racisme d’Etat;
Refusent de s'impliquer dans le processus en cours qui occulte la question essentielle dont la résolution est indispensable à l’existence pacifique de la Mauritanie.
Les FLAM aspirent à un changement dont les lignes de force seraient la réconciliation nationale –car les Mauritaniens ont d’abord besoin de se réconcilier-, un Débat national et enfin un Etat démocratique, égalitaire et de liberté : un Etat fondé sur la base de citoyens respectueux du bien public, égaux en droits et en devoirs sans considération de race ou de tribu (c’était la conclusion du mémorandum des Flam du 21 mars 2000).
Pour ceux qui disent que les FLAM risquent de se faire marginaliser dans cette transition, je réponds que seules les idées comptent et les idées des FLAM, ses convictions, son discours sont aujourd’hui sur la place publique en Mauritanie : elles ont été les précurseurs pendant les années de braise et elles ont payé un lourd tribu pour que enfin cette vérité soit incontournable : la réconciliation pour un mieux-vivre ensemble dans un pays de droit passe par la résolution de la question nationale et sociale. Et si elle est résolue, elles ont gagné leur combat. Et ce combat elles le gagneront, il n’y a pas de doute.
Bon anniversaire à tous.
La lutte continue.
Ce qui montre bien que le racisme et les discriminations en Mauritanie ne sont pas conjoncturels, mais bien structurels puisqu’ils avaient déjà fait l’objet de dénonciations avant les années de braise que nous avons vécues.
A partir donc de 1983: l’Union démocratique mauritanienne (U.D.M), le Mouvement populaire africain de Mauritanie (M.P.A.M.), l’Organisation pour la défense des intérêts des Négro-africains de Mauritanie (O.D.I.N.A.M.) et le Mouvement des élèves et étudiants noirs (M.E.E.N) après une analyse approfondie de la situation des Bamana, Fulbe, Sooninko et Wolof et de la persistance des maux déjà décrits ci-dessus décidèrent d’unir leurs forces pour éviter la dispersion des énergies. Leur constat était unanime : La marginalisation de plus en plus systématique et affichée des Bamana, Fulbe, Sooninko et Wolof par un Apartheid qui ne disait pas son nom, risquait de finir par leur «esclavagisation» ou par leur expulsion de leur pays.
Ainsi, naquirent le 14 mars 1983 les Forces de libération africaines de Mauritanie (F.L.A.M). Je vous fais grâce des péripéties de cette gestation qui fut comme toute gestation longue et douloureuse.
Les F.L.A.M., en tant que mouvement politique, dès leur naissance expriment ses préoccupations nationales et présentent ses orientations pour la construction d’une république soucieuse des intérêts de toutes les composantes nationales qui forment le pays :
- elles sont une organisation politique pacifique, ouverte, qui privilégie le dialogue et la concertation, mais, qui se réserve le droit de recourir à la lutte armée si elle y était contrainte.
- elles sont une organisation à caractère plurinational, non ethnique et non raciale qui lutte pour l’avènement d’une société égalitaire et démocratique.
- elles ont pour objectifs, entre autres, le recouvrement par tous les Mauritaniens et singulièrement les Bamana, Fulbe, Sooninko et Wolof, de leur dignité par l’élimination de la discrimination raciale érigée en système de gouvernement.
Pour les FLAM, la question vitale est celle de la discrimination raciale érigée en système de gouvernement, en ce qu’elle menace l’existence même du pays.
Elles souhaitent la construction d’un Etat de droit, démocratique, fondé sur l’égalité, la justice entre toutes les composantes nationales, pour l’unité et la paix entre les peuples, dans le respect des identités respectives : le droit à la différence dans un pays qui se veut et se proclame « Etat Arabe » d’abord et seulement ensuite « Africain ».
Elles souhaitent la liberté pour toutes les composantes de la république, l’égalité entre tous les fils du pays et l’unité pour que la Mauritanie soit forte et joue son rôle de pays africain à la lisière du monde arabe et négro-africain qui sont les composantes de sa population métissée de longue date tel que l’affirme sa devise : LIBERTE - EGALITE - UNITE.
« Le manifeste du négro-mauritanien » opprimé publié en avril 1986 n’avait d’autre but que de mettre le doigt sur cette politique de discriminations, de marginalisation de la majorité de la population mauritanienne. Il faisait une radioscopie de toutes les institutions de la république pour montrer la « négation des Noirs de Mauritanie en tant que composante raciale spécifique »
Le manifeste de 1986 est arrivé à la même conclusion, 20 ans après celui de 1966.
Mais le pire était à venir : après l’arrestation des rédacteurs du Manifeste condamnés à des peines les privant de leur liberté citoyenne alors que leur démarche était de tirer une sonnette d’alarme, les tenants du pouvoir allait entrer dans une spirale de destruction de l’homme noir en Mauritanie :
- arrestations de militaires en octobre 1987 à la suite d'un prétendu coup d'Etat militaire. Trois exécutions, 23 condamnés entre 5 ans et la perpétuité, près d'un millier de militaires noirs chassés de l'armée après avoir subi toutes formes de tortures et d'humiliations ;
- tortures et mauvais traitements qui allaient entraîner la mort de 4 prisonniers politiques ;
- massacres et déportations de Noirs entre avril et décembre 1989 ;
- arrestations, tortures de milliers de militaires noirs dont 512 furent assassinés. Comble d’horreur, 28 parmi eux furent pendus le 28 novembre pour célébrer le 30ème anniversaire de l’indépendance de la Mauritanie.
Jusqu'à ce jour, les dépouilles de tous ces martyrs ne sont pas rendus à leurs familles.
Et pourtant les FLAM ne voulaient que « l’instauration d’un système politique juste, égalitaire auquel s’identifieront toutes les composantes actuelles du pays ». Et pour cela elles demandaient « que tous les véritables nationalistes mauritaniens (Noirs et Arabo-berbères) épris de paix, de justice et soucieux de voir instaurer une Unité nationale véritable acceptent de s’unir afin que tous ensembles ils combattent pour la suppression de ce système raciste.. » (Conclusion du manifeste de 1986).
La réponse du régime politique nous la connaissons : les violations des droits humains de 1986, 1987, 1989, 1990 et 1991 ont produit des milliers de déportés, des centaines de veuves et d’orphelins. Elle a mis sur toutes les routes des différents continents les fils du pays qui ne demandaient qu’à vivre sereinement là où ils sont nés.
C'est dans ce contexte, et après le référendum du 12 juillet 1991 pour la nouvelle Constitution qui reconnaît le droit au multipartisme que s'est instaurée une prétendue démocratie à la mauritanienne. Car, comment peut-on parler de démocratie alors qu'une partie de la population est physiquement niée, qu'elle n'a droit à aucune reconnaissance de son identité, en somme, qu’elle ne peut être considérée citoyenne comme la partie arabo-berbère du seul fait de sa couleur noire.
Toutes les élections organisées pendant cette période furent bien sûr remportées par Mouiya Ould Sidi Ahmed Taya. Je passe sur les différentes péripéties de cette époque qui ont toujours vu la classe politique arabo-berbère se disputer la place du chef suprême qui bien sûr n’a jamais voulu se laisser supplanter.
Du fait de la multiplication des partis politiques, d’élections municipales, législatifs et présidentielles, la démocratie à la mauritanienne a été, à l’époque saluée par tous, même les observateurs occidentaux qui n’hésitaient pas à féliciter le président élu « démocratiquement » au premier tour à la majorité absolue.
La position des FLAM pendant cette période n’a jamais variée. Le régime d’avant le 03 août qui a mis en pratique toute l’idéologie pan-arabiste des baasistes qui voulait débarrasser la Mauritanie de ses composantes bamana, pulaar, sooninko et wolof ne pouvait en aucune façon régler les conséquences des crises dont il était l’auteur. D’ailleurs on a vu que dès la mise en place de son « assemblée nationale » la première mesure a été l’adoption de la loi 93-23 du 14 juin 1993 portant « amnistie pleine et entière accordée aux membres des Forces Armées et de Sécurité auteurs des infractions commises entre le 1er janvier 1989 et 18 avril 1992 » (Voyez la période couverte : déportation et massacres).
Il est vrai que la Mauritanie fait face à de nombreux problèmes : problèmes économiques : exploitation rationnelle de nos ressources et leur redistribution équitable, pauvreté, détournements et inégalités sociales de toutes sortes, tribalisme, esclavage. Mais de tous ces problèmes, les problèmes de la cohabitation entre Arabo-berbères et Négro-africains et celui de l’esclavage sont ceux qui exigent le plus des solutions urgentes et correctes. Ce sont les faits, et non une construction de l’esprit, qui font de la question nationale et sociale le problème numéro un à résoudre.
Et notre position a toujours été de préconiser un débat national pour hâter l’alternance politique. Etant entendu que pour nous, l’alternance politique doit rendre possible une solution juste et durable de la question nationale et une éradication de l'esclavage.
Le départ de Taya salué par tous les Mauritaniens épris de paix et soucieux de l’avènement d’un pays de droit était l’occasion de résoudre ces questions épineuses afin de leur trouver une solution juste et durable.
Malheureusement, au lendemain du coup d’état, le message du 03 août 2005 était bien clair : le comité militaire pour la justice et la démocratie était venu « dégripper » la machine et son programme était la mise en place d’institutions démocratiques. Son calendrier ne prenait en compte que la partie « démocratie » de son titre. Quant à la justice, elle pouvait attendre, surtout quand il s’agissait d’une partie de la Mauritanie. Nous avons, en effet assisté à la libération politique des détenus politiques arabo-berbères et au retour des « exilés » maures à qui on demandait de rentrer pour participer à la démocratie. Bien sûr ils n’avaient pas été déportés et ils étaient détenteurs de leurs pièces d’identité et pouvaient encore jouer leur rôle d’électeurs.
Toute la transition a tourné autour des élections et de leur transparence, comme si assurer la régularité de celles-ci suffisait à asseoir la démocratie.
Comme le dit si bien, Samba Thiam le président des FLAM « …. aller voter, pour un Hartani - pour lequel on reconnaît à peine une humanité - ou pour un Négro -Africain – victime du déni de citoyenneté - ne changerait rien à sa condition de discriminé. Des élections, même transparentes, n’auraient aucun impact sérieux sur la condition d’exclu de l’un ou de l’autre » ».
Il s’agit de se référer aux nombreuses expériences dans le monde pour s’en convaincre : l’Afrique du Sud à l’heure de l’Apartheid est un exemple édifiant ; les Etats-Unis également quand l’esclavage y sévissait : en quoi la situation des discriminés a changé pendant toutes ces périodes de lutte alors que ces pays étaient perçus comme des modèles de démocratie au sens intrinsèque du mot ?
Les FLAM n’ont pas voulu se laisser prendre à ces faux-fuyant. Elles restent convaincus que le plus dur reste à faire : s’attaquer aux défis qui ont pour corollaire :
la question des déportés mauritaniens qui vivent toujours dans des camps de fortune misérables au Sénégal et au Mali, la question du passif humanitaire : appellation donnée pudiquement aux massacres de militaires noirs en 1990 - 91 dans les différents camps militaires de J’reïda, Inal, Aleg, Azlat, … ;
et enfin celle de l’esclavage par la promulgation de véritables lois criminalisant cette pratique pour mettre fin à cette abomination encore vivace au XXIe siècle dans notre pays.
Le CMJD a choisi le plus facile pour sa période de transition. Au lieu de s’attaquer aux problèmes fondamentaux, il a procédé à des retouches superficielles pour pérenniser un système qui, de 1960 à nos jours, continue de marginaliser une partie de sa population du fait de la couleur de sa peau et de sa culture non arabe.
Les FLAM ne sauraient accepter de cautionner cette démocratie de façade destinée à jeter de la poudre aux yeux de la communauté internationale, quelquefois, hélas complice de cet état de chose. Une démocratie qui vient se greffer sur un « passif humanitaire » toujours pendant et une situation politique de discrimination raciale ouverte qu’elle tente volontairement d’occulter et de masquer.
Une démocratie authentique ne saurait prendre appui sur un tel fondement.
C’est la raison pour laquelle, lors de son Congrès tenu à Cincinnati, les 26, 27 et 28 décembre 2005, les Forces de Libération africaines de Mauritanie :
- Considérant l'occultation par le CMJD et son gouvernement de la Question nationale et sociale ;
- Considérant l’occultation du passif humanitaire et de la question des déportés, conséquence du racisme d’Etat;
Refusent de s'impliquer dans le processus en cours qui occulte la question essentielle dont la résolution est indispensable à l’existence pacifique de la Mauritanie.
Les FLAM aspirent à un changement dont les lignes de force seraient la réconciliation nationale –car les Mauritaniens ont d’abord besoin de se réconcilier-, un Débat national et enfin un Etat démocratique, égalitaire et de liberté : un Etat fondé sur la base de citoyens respectueux du bien public, égaux en droits et en devoirs sans considération de race ou de tribu (c’était la conclusion du mémorandum des Flam du 21 mars 2000).
Pour ceux qui disent que les FLAM risquent de se faire marginaliser dans cette transition, je réponds que seules les idées comptent et les idées des FLAM, ses convictions, son discours sont aujourd’hui sur la place publique en Mauritanie : elles ont été les précurseurs pendant les années de braise et elles ont payé un lourd tribu pour que enfin cette vérité soit incontournable : la réconciliation pour un mieux-vivre ensemble dans un pays de droit passe par la résolution de la question nationale et sociale. Et si elle est résolue, elles ont gagné leur combat. Et ce combat elles le gagneront, il n’y a pas de doute.
Bon anniversaire à tous.
La lutte continue.