Depuis des années, tous les gouvernements qui ont succédé au régime sanguinaire de Ould Taya ont fait la promesse de trouver la solution à la tragédie subie par la communauté africaine noire mauritanienne. De Ely Oul Mohamed Val à Ould Ghazouani, c’est la même rhétorique. Des paroles en l’air, des stratégies de dissimulation, un renforcement des dispositifs et des mécanismes d’étouffement de toute initiative politique visant à susciter des discussions sérieuses en vue de résoudre cette situation dramatique. Le contournement des organisations politiques et le mépris des associations de la société civile et des acteurs et actrices, représentant la cause des victimes et les personnalités faisant partie des dignitaires de la société mauritanienne, dénotent clairement une politique dont la motivation profonde est l’exclusion des populations noires.
Si l’apartheid a disparu en Afrique du Sud, il a trouvé un nouvel espace de vie et de prolifération avec vigueur et intensité en Mauritanie.
Rien n’y fait, les décennies passent, les régimes se suivent et se ressemblent en approfondissant un système fondé sur le racisme, l’esclavage, l’injustice et l’humiliation de la communauté africaine noire mauritanienne.
Depuis les indépendances, la cohérence idéologique du système reposant sur le nationalisme haineux et le tribalisme ayant comme matrice politico-culturelle le pacte instauré entre les tribus, a permis de consolider un Etat homogène, unilatéralement conçu pour une seule composante du pays.
La visibilité de cette politique dessine l’architecture des dispositifs et des mécanismes de fonctionnement de toutes les institutions du pays. Le système a atteint le sommet de cette politique d’épuration achevant ainsi le long processus de négation de l’appartenance des composantes noires à la Mauritanie. Plus qu’une révision de l’historie, il s’est agi de la mise en pratique d’un projet politique méthodiquement planifié à la veille de l’indépendance de la Mauritanie.
L’enjeu est clair : consolider un système de domination et d’oppression qui ne laisse aucun avenir aux populations noires du pays.
Ce système a inscrit à son agenda politique, non seulement la mise hors jeu de toute une composante du pays, mais surtout, la mise en exécution de l’effacement des populations noires du pays par des tueries, des exécutions sommaires, des arrestations arbitraires, des expropriations et des déportations.
Non contents des résultats obtenus par le régime de Ould Taya, son successeur, Ould Abdel AZIZ a mis en pratique des procédures d’établissement de l’état civil dans le but de finaliser le processus d’exclusion par le déni de citoyenneté. De fait, de nombreux citoyens africains noirs sont devenus des « sans papiers » dans leur propre pays.
Depuis la fondation de l’Etat mauritanien, du moins ce qui en tient lieu, le principe de la marginalisation des populations noires s’est affirmé avec une radicalité d’une violence démesurée, brandissant des peurs, symptomatiques de fantasmes de perturbation de l’unité nationale qui ne sont que des prétextes à l’intensification des procédures d’exclusion de la composante africaine noire.
Dès la formation du Gouvernement de Ould Daddah, ce principe tout en état quelque peu timide, au regard des rapports de force en ce début d’accession de la Mauritanie à l’indépendance, était énoncé. Déjà pour les acteurs et les observateurs de l’époque, la tendance à ne pas jouer à l’équilibre des composantes du pays était très prononcée.
Il ne s’agit pas de faire le procès de cette période embryonnaire, mais de restituer les étapes constitutives de cette logique implacable. Les hostilités étaient annoncées, l’orientation signifiée, celle de ne faire aucune concession quant à la prise en compte des autres composantes du pays. Le tribalisme a pris le dessus sur toute volonté politique de construction d’une République citoyenne.
L’Etat mauritanien embryonnaire ne faisait aucune référence à l’état de droit, encore moins à l’exigence constitutionnelle de la formation d’une société respectueuse de sa diversité et de l’expression plurielle des courants politiques. Une seule volonté doit prévaloir, celle de construire un Etat arabe, tribal et clanique.
La référence à la diversité constitutive du pays n’est qu’une mascarade sans aucune intention réelle de la traduire dans les institutions et dans l’administration. Le nationalisme sectaire et haineux a très rapidement pris le contrôle des institutions pour enclencher méthodiquement l’élimination de la composante africaine noire de la chaîne de prises de décisions et de tous les commandements.
L’Etat mauritanien, dans sa gouvernance actuelle, est le résultat d’un processus inauguré dans le premier gouvernement formé par Mocktar Ould Daddah.
Les actes initiés par la première gouvernance vont déterminer le destin de la Mauritanie, de manière catastrophique, pour les populations noires sans aucune exception.
Le refus idéologique et politique d’inscrire le pays dans une perspective progressiste, à l’époque, était manifestement une option. L’idéologie nationaliste et tribale, pour réussir, avait pris le parti de défendre les tribus, les clans, les féodalités et l’esclavage. Les références conservatrices ont constitué le soubassement obscurantiste de tous les régimes politiques qui ont suivi de Ould Saleck, premier président militaire suite au coup d’Etat militaire du 10 juillet 1978 à Ghazouani en passant par Ould Louli, Ould Haïdalla, le sanguinaire Ould Taya, Ely Ould Mohamed Val, la parenthèse de Sidi Ould Cheickh Abdellahi et de Ould Abdel Aziz.
Celle longue liste monochrome reflétant l’hégémonie d’une seule composante en dit long sur ce qui s’est joué sur le plan de la confiscation du pouvoir politique et du monopole des ressources économiques du pays.
Une seule composante est reconnue comme citoyenne de fait du pays.
Aucun de ces régimes politiques ne s’est illustré par une volonté de justice, d’équité, de partage, de solidarité, de paix et de construction d’un Etat citoyen fondé sur le droit et le respect des droits humains. Tous les régimes, sans aucune exception, avec une continuité implacable, se sont inspirés d’une même source : le nationalisme tribal et clanique d’exclusion de la composante africaine noire.
Dans cette logique d’exclusion systématique, aucune trace d’humanité ne s’est exprimée à l’égard des populations qui avaient comme seul désir de vivre paisiblement dans leur propre pays et de participer à la construction d’une nation indépendante. C’est plutôt l’humiliation, le calvaire et la tragédie qui leur étaient promis. Les années d’oppression, de tragédie et de calvaire ont mis à exécution ce projet de malheur qui leur était réservé.
Le pouvoir mauritanien s’est constitué avec l’objectif de rendre impossible la participation des cadres issus de la composante africaine, détournant ainsi les espoirs pour la formation d’une société moderne, progressiste et prospère et solidaire. Il n’est pas question pour le système de promouvoir une politique d’émancipation et de transformation sociale.
Il s’agit de faire prévaloir l’obscurantisme et le conservatisme archaïque, à l’image du tribalisme, du clanisme et du féodalisme.
Il est difficile de comprendre pourquoi des dirigeants qui avaient la lourde responsabilité de construire un était souverain, en faisant face aux nombreux défis qu’impliquaient les premières années de l’indépendance, de choisir l’option d’exclure toute une composante qui avait fourni le contingent le plus important de ministres et de cadres, à la création de l’Etat mauritanien.
Dans tous les secteurs de l’administration, de l’enseignement, de l’armée, de la police, de la gendarmerie, de la magistrature, les cadres et les agents de l’Etat venaient, majoritairement, de la composante africaine noire. Associés et exclus, ces cadres et agents de l’Etat ont été piégés par une forme d’optimisme, de naïveté ou du sens de l’intérêt général. Ils n’ont pas failli ; ils se sont dévoués corps et âme avec loyauté au service public. Ce sont eux qui ont été victimes de leur engagement, de leur compétence et de leur mérite.
Avec ingratitude, cruauté et barbarie, l’Etat mauritanien, en lieu et place des honneurs et de la reconnaissance leur a réservé l’humiliation, la radiation, l’expropriation, l’emprisonnement, la torture, l’extermination et la déportation.
Comment se fait-il qu’à l’heure où tous les Etats indépendants faisaient face aux vrais défis du développement, de l’éducation, de la santé, de la modernisation de leur société, partout dans le continent et ailleurs dans le monde, le choix a été fait de construire un système pour rejeter ses propres citoyens du fait de leur couleur de peau et de leur attachement à la francophonie ?
En effet, une mobilisation idéologique, politique et tribale souterraine a rassemblé toutes les intelligences et les ressources pour donner une orientation exclusive, tout en affichant un discours sur l’unité nationale, c’est-à-dire de faire de la Mauritanie, « une nation une et indivisible » pour reprendre le slogan du régime de Mocktar Ould Daddah, premier président de la Mauritanie.
En effet ce choix politique est aussi absurde que contre-productif. Il est clair que les populations noires furent les victimes de cette orientation politique qui est plus que jamais en vigueur de Ould Taya à Ould Ghazouani.
Ce choix a fait de la Mauritanie, l’un des pays au monde, le plus arriéré et le plus sous-développé, avec un paysage politique qui se glorifie du ridicule par la médiocrité ambiante et l’exaltation de l’incompétence. Dans le concert des nations à l’échelle internationale, régionale, sous-régionale, la place de la Mauritanie ne procure aucune fierté aux dirigeants du pays. L’orientation politique raciste, esclavagiste, tribale et féodale a fonctionné, à plein régime, donnant ainsi de la société mauritanienne, un visage pathétique, misérable et honteux.
L’Etat mauritanien s’est fondé sur le clientélisme clanique, tribal le plus maffieux. Il s’est agi de construire un fondement tribal avec comme choix économique le boutiquier comme opérateur économique à tous les échelons du système économique.
Qu’il s’agisse des banques, du commerce extérieur, des entreprises, c’est l’esprit boutiquier qui définit le gestionnaire mauritanien. La Mauritanie est un pays où le savoir, la rigueur, la compétence professionnelle, le mérite et l’éthique n’ont aucune réalité, encore moins de valeur.
La seule valeur érigée en vertu nationale, c’est l’enrichissement illicite. Le sens de l’intérêt général et le respect des biens publics n’existent pas dans la conscience du fonctionnaire mauritanien. Tous les biens publics et les ressources économiques sont au service des tribus, des fonctionnaires en service et des dignitaires du régime.
Le système mis en place à l’aube des indépendances s’est détourné de tous les leviers de la modernité dont l’incontournable, est le sens de l’effort, de la discipline, de l’éducation et de la reconnaissance du mérite.
Dès lors que le vol et le mensonge sont érigés en valeurs, comment former une élite compétente en vue d’engager la bataille du développement ? Il faut dire que l’Etat mauritanien est fondé sur la culture du faux, de la dissimulation, de la trahison, du coup d’Etat permanent avec comme boussole : l’exclusion de la composante africaine noire.
Le bilan de la Mauritanie indépendante depuis trois décennies se résume à l’exclusion des populations noires par la marginalisation, l’assujettissement, l’oppression, le déni de leur citoyenneté qui s’est traduit par des emprisonnements, des exécutions, des massacres, des expropriations, des déportations et la négation de leurs droits civiques et de leur humanité.
Tel est le processus de construction de l’Etat mauritanien, comme instrument de domination et d’oppression de la composante africaine noire et de la communauté harratine, au seul profit d’une seule composante.
De 1960 à aujourd’hui, une seule logique est mise en pratique, celle de la négation de l’appartenance du peuple africain noir mauritanien à son propre pays.
N’en déplaise aux charlatans, aux marchands des contre-vérités, aux laudateurs du système et autres complexés, l’Etat mauritanien est une catastrophe politique et une aberration humaine. Rien de bon à son actif, depuis les indépendances. Il s’enfonce et se consolide dans une misère morale, idéologique, théorique inqualifiable. C’est l’Etat par excellence de l’insignifiance, de l’incompétence, de l’absurdité, dont la seule vocation est son enlisement jusqu’à sa perte. Il a atteint un niveau de pourriture, de perversion et de décadence et sa chute est imminente.
Aucun pays ne peut continuer à survivre et à tenir en érigeant, l’injustice, l’impunité, le particularisme, la médiocrité et l’incompétence en méthode de gestion.
L’Etat mauritanien est au fond, un non-Etat sur tous les plans et dans tous les sens.
Il revient aux Mauritaniennes et aux Mauritaniens de bon sens, dans leur diversité, de se mobiliser pour en finir avec ce système qui n’a aucune raison d’être. Le monde avance, la Mauritanie sombre dans un système politique indigne de toute société qui entend donner de l’avenir à sa jeunesse et à son peuple.
Réveillons-nous toutes et tous avant qu’il ne soit trop tard !
SY Hamdou Rabby, philosophe et militant des Droits humains
Si l’apartheid a disparu en Afrique du Sud, il a trouvé un nouvel espace de vie et de prolifération avec vigueur et intensité en Mauritanie.
Rien n’y fait, les décennies passent, les régimes se suivent et se ressemblent en approfondissant un système fondé sur le racisme, l’esclavage, l’injustice et l’humiliation de la communauté africaine noire mauritanienne.
Depuis les indépendances, la cohérence idéologique du système reposant sur le nationalisme haineux et le tribalisme ayant comme matrice politico-culturelle le pacte instauré entre les tribus, a permis de consolider un Etat homogène, unilatéralement conçu pour une seule composante du pays.
La visibilité de cette politique dessine l’architecture des dispositifs et des mécanismes de fonctionnement de toutes les institutions du pays. Le système a atteint le sommet de cette politique d’épuration achevant ainsi le long processus de négation de l’appartenance des composantes noires à la Mauritanie. Plus qu’une révision de l’historie, il s’est agi de la mise en pratique d’un projet politique méthodiquement planifié à la veille de l’indépendance de la Mauritanie.
L’enjeu est clair : consolider un système de domination et d’oppression qui ne laisse aucun avenir aux populations noires du pays.
Ce système a inscrit à son agenda politique, non seulement la mise hors jeu de toute une composante du pays, mais surtout, la mise en exécution de l’effacement des populations noires du pays par des tueries, des exécutions sommaires, des arrestations arbitraires, des expropriations et des déportations.
Non contents des résultats obtenus par le régime de Ould Taya, son successeur, Ould Abdel AZIZ a mis en pratique des procédures d’établissement de l’état civil dans le but de finaliser le processus d’exclusion par le déni de citoyenneté. De fait, de nombreux citoyens africains noirs sont devenus des « sans papiers » dans leur propre pays.
Depuis la fondation de l’Etat mauritanien, du moins ce qui en tient lieu, le principe de la marginalisation des populations noires s’est affirmé avec une radicalité d’une violence démesurée, brandissant des peurs, symptomatiques de fantasmes de perturbation de l’unité nationale qui ne sont que des prétextes à l’intensification des procédures d’exclusion de la composante africaine noire.
Dès la formation du Gouvernement de Ould Daddah, ce principe tout en état quelque peu timide, au regard des rapports de force en ce début d’accession de la Mauritanie à l’indépendance, était énoncé. Déjà pour les acteurs et les observateurs de l’époque, la tendance à ne pas jouer à l’équilibre des composantes du pays était très prononcée.
Il ne s’agit pas de faire le procès de cette période embryonnaire, mais de restituer les étapes constitutives de cette logique implacable. Les hostilités étaient annoncées, l’orientation signifiée, celle de ne faire aucune concession quant à la prise en compte des autres composantes du pays. Le tribalisme a pris le dessus sur toute volonté politique de construction d’une République citoyenne.
L’Etat mauritanien embryonnaire ne faisait aucune référence à l’état de droit, encore moins à l’exigence constitutionnelle de la formation d’une société respectueuse de sa diversité et de l’expression plurielle des courants politiques. Une seule volonté doit prévaloir, celle de construire un Etat arabe, tribal et clanique.
La référence à la diversité constitutive du pays n’est qu’une mascarade sans aucune intention réelle de la traduire dans les institutions et dans l’administration. Le nationalisme sectaire et haineux a très rapidement pris le contrôle des institutions pour enclencher méthodiquement l’élimination de la composante africaine noire de la chaîne de prises de décisions et de tous les commandements.
L’Etat mauritanien, dans sa gouvernance actuelle, est le résultat d’un processus inauguré dans le premier gouvernement formé par Mocktar Ould Daddah.
Les actes initiés par la première gouvernance vont déterminer le destin de la Mauritanie, de manière catastrophique, pour les populations noires sans aucune exception.
Le refus idéologique et politique d’inscrire le pays dans une perspective progressiste, à l’époque, était manifestement une option. L’idéologie nationaliste et tribale, pour réussir, avait pris le parti de défendre les tribus, les clans, les féodalités et l’esclavage. Les références conservatrices ont constitué le soubassement obscurantiste de tous les régimes politiques qui ont suivi de Ould Saleck, premier président militaire suite au coup d’Etat militaire du 10 juillet 1978 à Ghazouani en passant par Ould Louli, Ould Haïdalla, le sanguinaire Ould Taya, Ely Ould Mohamed Val, la parenthèse de Sidi Ould Cheickh Abdellahi et de Ould Abdel Aziz.
Celle longue liste monochrome reflétant l’hégémonie d’une seule composante en dit long sur ce qui s’est joué sur le plan de la confiscation du pouvoir politique et du monopole des ressources économiques du pays.
Une seule composante est reconnue comme citoyenne de fait du pays.
Aucun de ces régimes politiques ne s’est illustré par une volonté de justice, d’équité, de partage, de solidarité, de paix et de construction d’un Etat citoyen fondé sur le droit et le respect des droits humains. Tous les régimes, sans aucune exception, avec une continuité implacable, se sont inspirés d’une même source : le nationalisme tribal et clanique d’exclusion de la composante africaine noire.
Dans cette logique d’exclusion systématique, aucune trace d’humanité ne s’est exprimée à l’égard des populations qui avaient comme seul désir de vivre paisiblement dans leur propre pays et de participer à la construction d’une nation indépendante. C’est plutôt l’humiliation, le calvaire et la tragédie qui leur étaient promis. Les années d’oppression, de tragédie et de calvaire ont mis à exécution ce projet de malheur qui leur était réservé.
Le pouvoir mauritanien s’est constitué avec l’objectif de rendre impossible la participation des cadres issus de la composante africaine, détournant ainsi les espoirs pour la formation d’une société moderne, progressiste et prospère et solidaire. Il n’est pas question pour le système de promouvoir une politique d’émancipation et de transformation sociale.
Il s’agit de faire prévaloir l’obscurantisme et le conservatisme archaïque, à l’image du tribalisme, du clanisme et du féodalisme.
Il est difficile de comprendre pourquoi des dirigeants qui avaient la lourde responsabilité de construire un était souverain, en faisant face aux nombreux défis qu’impliquaient les premières années de l’indépendance, de choisir l’option d’exclure toute une composante qui avait fourni le contingent le plus important de ministres et de cadres, à la création de l’Etat mauritanien.
Dans tous les secteurs de l’administration, de l’enseignement, de l’armée, de la police, de la gendarmerie, de la magistrature, les cadres et les agents de l’Etat venaient, majoritairement, de la composante africaine noire. Associés et exclus, ces cadres et agents de l’Etat ont été piégés par une forme d’optimisme, de naïveté ou du sens de l’intérêt général. Ils n’ont pas failli ; ils se sont dévoués corps et âme avec loyauté au service public. Ce sont eux qui ont été victimes de leur engagement, de leur compétence et de leur mérite.
Avec ingratitude, cruauté et barbarie, l’Etat mauritanien, en lieu et place des honneurs et de la reconnaissance leur a réservé l’humiliation, la radiation, l’expropriation, l’emprisonnement, la torture, l’extermination et la déportation.
Comment se fait-il qu’à l’heure où tous les Etats indépendants faisaient face aux vrais défis du développement, de l’éducation, de la santé, de la modernisation de leur société, partout dans le continent et ailleurs dans le monde, le choix a été fait de construire un système pour rejeter ses propres citoyens du fait de leur couleur de peau et de leur attachement à la francophonie ?
En effet, une mobilisation idéologique, politique et tribale souterraine a rassemblé toutes les intelligences et les ressources pour donner une orientation exclusive, tout en affichant un discours sur l’unité nationale, c’est-à-dire de faire de la Mauritanie, « une nation une et indivisible » pour reprendre le slogan du régime de Mocktar Ould Daddah, premier président de la Mauritanie.
En effet ce choix politique est aussi absurde que contre-productif. Il est clair que les populations noires furent les victimes de cette orientation politique qui est plus que jamais en vigueur de Ould Taya à Ould Ghazouani.
Ce choix a fait de la Mauritanie, l’un des pays au monde, le plus arriéré et le plus sous-développé, avec un paysage politique qui se glorifie du ridicule par la médiocrité ambiante et l’exaltation de l’incompétence. Dans le concert des nations à l’échelle internationale, régionale, sous-régionale, la place de la Mauritanie ne procure aucune fierté aux dirigeants du pays. L’orientation politique raciste, esclavagiste, tribale et féodale a fonctionné, à plein régime, donnant ainsi de la société mauritanienne, un visage pathétique, misérable et honteux.
L’Etat mauritanien s’est fondé sur le clientélisme clanique, tribal le plus maffieux. Il s’est agi de construire un fondement tribal avec comme choix économique le boutiquier comme opérateur économique à tous les échelons du système économique.
Qu’il s’agisse des banques, du commerce extérieur, des entreprises, c’est l’esprit boutiquier qui définit le gestionnaire mauritanien. La Mauritanie est un pays où le savoir, la rigueur, la compétence professionnelle, le mérite et l’éthique n’ont aucune réalité, encore moins de valeur.
La seule valeur érigée en vertu nationale, c’est l’enrichissement illicite. Le sens de l’intérêt général et le respect des biens publics n’existent pas dans la conscience du fonctionnaire mauritanien. Tous les biens publics et les ressources économiques sont au service des tribus, des fonctionnaires en service et des dignitaires du régime.
Le système mis en place à l’aube des indépendances s’est détourné de tous les leviers de la modernité dont l’incontournable, est le sens de l’effort, de la discipline, de l’éducation et de la reconnaissance du mérite.
Dès lors que le vol et le mensonge sont érigés en valeurs, comment former une élite compétente en vue d’engager la bataille du développement ? Il faut dire que l’Etat mauritanien est fondé sur la culture du faux, de la dissimulation, de la trahison, du coup d’Etat permanent avec comme boussole : l’exclusion de la composante africaine noire.
Le bilan de la Mauritanie indépendante depuis trois décennies se résume à l’exclusion des populations noires par la marginalisation, l’assujettissement, l’oppression, le déni de leur citoyenneté qui s’est traduit par des emprisonnements, des exécutions, des massacres, des expropriations, des déportations et la négation de leurs droits civiques et de leur humanité.
Tel est le processus de construction de l’Etat mauritanien, comme instrument de domination et d’oppression de la composante africaine noire et de la communauté harratine, au seul profit d’une seule composante.
De 1960 à aujourd’hui, une seule logique est mise en pratique, celle de la négation de l’appartenance du peuple africain noir mauritanien à son propre pays.
N’en déplaise aux charlatans, aux marchands des contre-vérités, aux laudateurs du système et autres complexés, l’Etat mauritanien est une catastrophe politique et une aberration humaine. Rien de bon à son actif, depuis les indépendances. Il s’enfonce et se consolide dans une misère morale, idéologique, théorique inqualifiable. C’est l’Etat par excellence de l’insignifiance, de l’incompétence, de l’absurdité, dont la seule vocation est son enlisement jusqu’à sa perte. Il a atteint un niveau de pourriture, de perversion et de décadence et sa chute est imminente.
Aucun pays ne peut continuer à survivre et à tenir en érigeant, l’injustice, l’impunité, le particularisme, la médiocrité et l’incompétence en méthode de gestion.
L’Etat mauritanien est au fond, un non-Etat sur tous les plans et dans tous les sens.
Il revient aux Mauritaniennes et aux Mauritaniens de bon sens, dans leur diversité, de se mobiliser pour en finir avec ce système qui n’a aucune raison d’être. Le monde avance, la Mauritanie sombre dans un système politique indigne de toute société qui entend donner de l’avenir à sa jeunesse et à son peuple.
Réveillons-nous toutes et tous avant qu’il ne soit trop tard !
SY Hamdou Rabby, philosophe et militant des Droits humains