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Le bureau exécutif de l'AVOMM

"L'important n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu'on a fait de nous." Jean-Paul Sartre

"L'Association d'aides aux veuves et aux orphelins de mauritanie (AVOMM) qui nous rassemble, a été créée le 25/12/95 à PARIS par d'ex-militaires mauritaniens ayant fui la terreur, l'oppression, la barbarie du colonel Mawiya o/ sid'ahmed Taya ......
Ces rescapés des geôles de ould Taya, et de l'arbitraire, décidèrent, pour ne jamais oublier ce qui leur est arrivé, pour garder aussi la mémoire des centaines de martyrs, de venir en aide aux veuves, aux orphelins mais aussi d'engager le combat contre l'impunité décrétée par le pouvoir de Mauritanie."
E-mail : avommavomm@yahoo.fr

Bureau exécutif

*Ousmane SARR, président
*Demba Niang, secrétaire général
*Secrétaire général Adjt; Demba Fall
*Alousseyni SY, Chargé des relations extérieures
*Mme Rougui Dia, trésorière
*Chargé de l’organisation Mariame Diop
*adjoint Ngolo Diarra
*Mme Mireille Hamelin, chargée de la communication
*Chargé de mission Bathily Amadou Birama
Conseillers:
*Kane Harouna
*Hamdou Rabby SY










AVOMM

Vol de bétail au Sénégal : le troupeau trahi de l’intérieur (enquête)


Le vol de bétail, véritable fléau pour le secteur de l’élevage au Sénégal, est parfois pratiqué par des éleveurs eux-mêmes, selon plusieurs témoignages recueillis auprès des acteurs de la filière. Cette pratique, aux conséquences souvent dramatiques, freine le développement du secteur et plonge de nombreuses personnes dans la précarité.

Le soleil de janvier darde ses rayons sur le marché hebdomadaire de Dinguiraye. En cette matinée du samedi 25 janvier 2025, ce « louma » du département de Nioro du Rip, dans la région de Kaolack (Centre), vibre déjà au rythme des transactions.

Dans cet espace poussiéreux cerné de murs ocres, plusieurs centaines de bovins à la robe claire se côtoient sous un ciel d’azur. Le vent sec de l’harmattan, chargé de particules, balaie le marché. Les éleveurs, reconnaissables à leurs amples boubous et leurs turbans soigneusement noués ne laissant apparaître que leurs yeux, négocient avec de potentiels clients.

Sous un majestueux arbre offrant une ombre généreuse contre la chaleur, des groupes d’hommes discutent prix et qualités des bêtes. Des bergers, bâtons à la main, tentent de maintenir l’ordre dans leurs troupeaux, tandis que les beuglements des vaches se mêlent aux conversations animées.


Cependant, il suffit d’une simple allusion au phénomène du vol de bétail pour que les langues se délient. Les voix s’élèvent, se chevauchent, chacun voulant partager son témoignage. Sa colère. Ce fléau, loin d’être exclusivement le fait d’individus extérieurs au milieu de l’élevage, révèle une réalité inquiétante : il est souvent orchestré par des acteurs internes au secteur, fragilisant de manière insidieuse l’ensemble de la filière.

A Dinguiraye, l’histoire d’Aliou Ba est sur toutes les lèvres. « Le 2 janvier dernier, un individu de mon village, accompagné de deux complices, est venu aux alentours de 22 heures voler mes trente bœufs, certains avec leurs veaux, d’une valeur estimée à plus de 20 millions de FCFA. Il m’a complètement ruiné », lâche-t-il d’une voix où perce une rage contenue.

La pilule est d’autant plus amère à avaler que malgré toutes les preuves dont il dispose, le présumé voleur, « détenteur de plus de 50 vaches », est toujours libre.

De passage au marché hebdomadaire, Aliou Diallo, venu de la localité voisine de Ndoffane, livre un témoignage des plus invraisemblables. « C’est mon propre oncle qui, en mai 2023, a volé mes deux vaches et leurs veaux », affirme-t-il, avant d’ajouter qu’il a fini par les retrouver en suivant les traces de leurs sabots jusqu’à leur lieu de détention.


À plusieurs kilomètres de Dinguiraye, le soleil est déjà haut à Ndramé Escale, bourgade frontalière nichée à quelques encablures de la Gambie. Dans son marché hebdomadaire, beuglements et hennissements se mêlent dans une symphonie familière.

Dans ce vaste espace où la terre rouge contraste avec le bleu intense du ciel, une foule bigarrée s’active déjà. Les bovins, fidèles au rendez-vous, occupent la partie extrême du marché, mais les équidés font la singularité de ce louma frontalier. Les propriétaires de chevaux et d’ânes n’hésitent pas d’apostropher les visiteurs en vantant les qualités de leurs montures.

Alors que le soleil poursuit sa course dans le ciel sénégalais, l’atmosphère, jusqu’alors animée par les négociations et les retrouvailles hebdomadaires, change imperceptiblement. Les visages se ferment, les regards se font plus graves suite à l’évocation de la problématique du vol de bétail.

El Hadj Mamadou Sow, président de l’association des éleveurs de Ndramé Escale, pointe du doigt une méthode aussi vicieuse que destructrice, orchestrée, selon lui, par des bergers itinérants. « Il arrive que nous laissions nos animaux paître dans la brousse. Mais lorsque des éleveurs nomades traversent la zone, certains n’hésitent pas à s’approprier une partie de notre troupeau et partir avec. Dans ce cas, il devient très difficile d’engager la moindre recherche », se désole-t-il, l’air impuissant.


A Missirah Wadène, commune située dans le département de Kounghel (Centre), où sévit également le mal, Aly Dicko, s’exprimant au nom de la communauté d’éleveurs mauritaniens qui s’y est établie, ne mâche pas ses mots quand il s’agit de désigner les malfrats. « Le vol de bétail est un problème interne à la communauté. Les voleurs sont souvent des voisins, et la population, complice, ne les dénonce pas. Combien de voleurs y a-t-il à Missirah ? Ils sont connus de tous, mais personne ne les dénonce », fustige-t-il.

Cheikhna Ba, coordonnateur du comité communal de lutte contre le vol de bétail à Ngainthe Pathé, dans le département de Koungheul, abonde dans le même sens et affirme : « Les voleurs, nous les connaissons tous. Ils sont parmi nous. »

Ces différents témoignages sont confirmés par Dr Ibrahima Thiam, spécialiste en production animale au Bureau régional de la FAO, basé à Dakar. « Il est important de souligner que le problème du vol de bétail est avant tout un problème local. Les voleurs sont issus des communautés elles-mêmes », tranche-t-il.

Une complicité tacite qui entrave les efforts de lutte

Des témoins, des traces, des récits concordants, il n’en manque guère. Mais dans ce monde rural où les liens familiaux sont sacrés, porter plainte contre un proche relève très souvent de l’impensable.

« L’absence de la culture de la dénonciation au sein des populations constitue le principal frein aux efforts déployés. La plupart des gens savent qui sont les responsables, mais choisissent de se taire. Cette omerta complique considérablement cette lutte, malgré toutes les dispositions prises par l’État pour y remédier », regrette Abdoulaye Diop, le sous-préfet de Ndiédieng, dans le département de Kaolack.


« Nos plaintes n’aboutissent jamais. Un voleur appréhendé ne passe que quelques jours en prison. A quoi bon dans ce cas de porter l’affaire en justice ? », rétorquent en chœur certains éleveurs qui demandent la criminalisation effective de ce délit et le durcissement des peines d’emprisonnement.

Le 22 mai 2017, l’État du Sénégal avait pourtant fait voter une loi criminalisant le vol de bétail avec pour objectif de réduire, voire éradiquer ce fléau. Mais, les résultats escomptés se font encore désirer.

« Le constat que nous avons fait, comme tout le monde d’ailleurs, est que l’application de cette loi pose problème. Ceci est peut-être dû à plusieurs facteurs. D’abord, il y a l’insuffisance des ressources judiciaires et sécuritaires pour enquêter sur le vol de bétail. Ensuite, il y a la méfiance envers le système judiciaire. Enfin, les coûts élevés des démarches administratives et des procédures judiciaires qui peuvent être excessivement chers », explique Dr Astou Fall, Coordonnatrice de la Cellule de Prévention et de Lutte contre le vol de bétail (CLCVB), au ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’Élevage.

Quoi qu’il en soit, estime Dr Ibrahima Thiam, « il est essentiel de plaider pour une évaluation des aspects législatifs et réglementaires relatifs à la criminalisation du vol de bétail. Quelles mesures ont été prises jusqu’à présent et quelles sont les contraintes rencontrées dans l’application de la législation ? Ce premier pas est crucial car le vol de bétail est un problème transversal. »

Le maire de Ndiédieng, Abdoul Aziz Mbodj, partage cet avis. « L’objectif principal d’une loi pénale est la persuasion. Si les résultats ne suivent pas, la première proposition est de s’arrêter et d’évaluer ladite loi », plaide-t-il.

Une criminalité aux lourdes conséquences socio-économiques

Les implications économiques de cette forme de criminalité sont énormes. Le vol de bétail entraîne des pertes financières considérables pour les éleveurs, affecte la stabilité économique des communautés rurales, et compromet les moyens de subsistance de nombreuses familles.

La pratique, très répandue au centre du pays, est loin d’être un phénomène circonscrit dans cette zone. À Vélingara, commune située dans le sud-est, des malfrats ont emporté en une seule nuit 24 vaches, plongeant une veuve et sa famille dans la précarité, relate Dr Thiam.

Selon les données de la FAO, au Sénégal, les éleveurs perdent annuellement 3,2 millions de dollars américains, soit deux milliards de FCFA à cause de cette pratique. En moyenne, cela représente 22 000 à 30 000 têtes de bétail (bovins, ovins, caprins et équidés) par an.

« L’élevage se meurt au Sénégal à cause du vol de bétail et ça risque d’être catastrophique pour l’économie du pays », alerte Abdoulaye Ba, secrétaire général du marché au bétail de Dinguiraye.

A Ndiédieng, de nombreux jeunes ont déserté le secteur pour devenir marchands ambulants dans la capitale, à Dakar, regrette l’édile de la commune, Abdoul Aziz Mbodji. Ce dernier fait par ailleurs savoir que beaucoup de personnes hésitent désormais à investir dans l’élevage par crainte de voir leur cheptel disparaitre du jour au lendemain.

Pour Demba Ba, président de l’Association des éleveurs de Mbirkilane, dans la région mitoyenne de Kaffrine (Centre), « si le Sénégal importe des vaches et moutons à l’occasion des grands événements religieux, c’est à cause du vol de bétail », affirme-t-il, assurant que « si nous arrivons à y mettre un terme, d’ici 3 ou 5 ans, nous n’allons plus importer. »


Si le phénomène reste préoccupant au Sénégal, il l’est davantage dans les autres pays de la sous-région. Au Mali, par exemple, entre 2019 et 2022, le nombre d’animaux volés a atteint le chiffre record de 887 250 têtes de bovins et 446 000 petits ruminants, soit 6,4 millions USD ou 3,84 milliards de FCFA/an.

La situation est encore plus critique au Burkina Faso avec 8 millions de têtes volées entre 2017 et 2021, et plus encore au Nigéria avec le chiffre astronomique de 432 millions USD, selon les estimations faites par l’Association des éleveurs de bétail Miyetti Allah du Nigéria (MACBAN, sigle anglais) en 5 ans.

En termes d’économie illicite, le vol de bétail (22 %) constitue ainsi, en Afrique de l’Ouest, le troisième fléau après le trafic d’armes (56 %) et l’enlèvement contre rançon (39 %), devançant le commerce illicite (20 %) et le commerce illicite de pétrole (20 %).

Des pistes de solutions en gestation

Pour faire face à cette endémie, la FAO s’engage à soutenir l’État du Sénégal en mettant en œuvre sept recommandations majeures. Celles-ci comprennent entre autres la création d’une coalition sous-régionale pour lutter contre le vol de bétail en Afrique de l’Ouest, ainsi que l’implication des communautés locales et l’utilisation d’innovations technologiques adaptées.

S’y ajoutent l’harmonisation des systèmes nationaux d’identification et de traçabilité du bétail, l’élaboration d’un programme régional sur l’identification et la traçabilité, le renforcement des cadres juridiques et le plaidoyer pour des financements dédiés à cette problématique.

En attendant la concrétisation de ces différentes solutions, El Hadj Aboubacar Bitèye, tente d’agir à travers l’Association nationale de lutte contre le vol de bétail (ANLCVB), qu’il a créée en 2010. Grâce à ses efforts, quelque 11 803 têtes volées ont été retrouvées, soit 55 % des 21 430 recensées par l’association.

Établie dans une cinquantaine de localités par le biais de comités de vigilance, l’ANLCVB fonctionne grâce à ses propres ressources et parvient, tant bien que mal, à apporter sa contribution. Cependant, elle doit encore se doter des moyens nécessaires pour atteindre ses ambitions.

« Les comités de surveillance sont à bout. Nous avons besoin d’être reconnus par l’État et d’avoir plus de moyens de déplacement pour mener à bien notre mission », lance Babou Sow, président du Comité de vigilance à Missirah Wadène, dénonçant au passage la « non-implication » des chefs de village dans ce combat.

Même si leur apport dans cette lutte n’est plus à démontrer, les membres de l’ANLCVB doivent être davantage encadrés pour parer à tout abus. « Nous ne devons pas permettre à ces comités de s’arroger des prérogatives qui ne sont pas les leurs et qui relèvent des forces de défense et de sécurité. Pour cela, il faut qu’ils soient formés afin qu’ils ne se livrent pas à des actes qui seraient de nature à atteindre à la dignité des suspects », conseille le maire de Ndiédieng, Abdoul Aziz Mbodj.

Les autorités administratives ont, quant à elles, assuré de leur entière disponibilité pour participer « à cette œuvre d’utilité publique. » En Conseil des ministres du 12 février 2025, le président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye a ainsi souligné « l’impératif » de mettre en œuvre les « dispositifs » de prévention et de coercition « de lutte contre le vol de bétail ». De quoi faire meugler d’espoir les bovins.

APA-Kaolack (Sénégal) Par Abdourahmane Diallo

Source : Agence de Presse Africaine (APA)
Jeudi 13 Février 2025 - 15:49
Jeudi 13 Février 2025 - 15:53
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