POUR UNE IMMIGRATION CONVERGENTE
La question économique est centrale pour les populations des pays du sud, appelés communément tiers-monde. Il est intéressant de la rapporter à une autre problématique, qui est une réalité au Québec : la démographie. Il est, en effet, difficile d’aborder l’une sans l’autre. À la jonction de ces deux problématiques, se profile sempiternellement la question à réponse magique : l’immigration et son enjeu. Mais l’enjeu n’est pas vraiment l’adjectif approprié à ce phénomène, car le Québec est une terre d’accueil dont seulement les origines des immigrants ont évoluées, c’est dans la planification de l’intégration et la réinsertion où réside l’enjeu pour cette période de 2008-2010, dont je choisi de nommer ‘Immigration Convergente’ (IC).
Nonobstant, les besoins croissants du Québec en main-d’œuvre exigent une analyse approfondie du processus d’intégration de ces milliers de personnes. Les politiques de planifications, d’insertions négligent souvent le fait simple : avant de recevoir quelqu’un, on se prépare et on se met en bon état pour l’accueillir. Est-ce le cas?
Quelques réalités amères
1- L’immigration choisie : fausse bonne idée
Le principe de "l’immigration choisie", que l’on nous présente aujourd’hui comme une panacée, vient de conforter une tendance qui n’est pas nouvelle : sus à l’immigration, mécaniquement assimilée à un grave handicap. Outre que l’immigration choisie s’inscrit dans une véritable politique de dépeçage des pays sources compromettant leur développement, le principe relève d’une erreur d’appréciation. Le Canada et le Québec, en particulier, ne subit pas l’immigration ; au contraire, il en profite et en a besoin. Il ne s’agit pas là d’une énième considération philanthropique, mais d’une simple équation économique.
Dans un contexte bien connu du vieillissement de la population active et face au manque croissant de main-d’œuvre dans certains secteurs -conséquence du départ à la retraite des baby-boomers-, l’immigration est une solution, non un problème. Or, choisir ses immigrés, ne prendre que les plus qualifiés ou les plus diplômés, est typiquement une fausse bonne idée. Pourquoi ? Parce que cela ne résoudra nullement la pénurie de main-d’œuvre qui existe déjà dans certains secteurs de l’économie : industrie manufacturière, construction, restauration, maintenance, etc., c’est-à-dire des secteurs qui n’ont nul besoin de doctorants ou de "hauts potentiels", mais de personnels peu ou pas qualifiées, volontaires et disponibles pour exercer des métiers malheureusement désertés par les nationaux parce que peu gratifiants ou peu rémunérateurs. En effet, il s’agit là, en grande partie, d’emplois faiblement qualifiés face auxquels un afflux d’immigrés "choisis", c’est-à-dire diplômés et qualifiés, serait inopérant.
Enfin, cette tendance au vieillissement de la population a, on le sait, un impact négatif sur l’équilibre financier du système de sécurité sociale au Québec et, en particulier, sur la viabilité du système de retraite. Là encore, l’immigration est une solution économique, non un problème social. "Choisir" ses immigrés et sérieusement contraindre le regroupement familial, outre que cela porte atteinte au principe constitutionnel de respect de la vie familiale, c’est par conséquent se priver, pour une province vieillissante comme le Québec, d’un moyen important de renouveler les générations et de rajeunir la population.
Le Québec a besoin de l’immigration. À long terme, celle-ci rapporte plus qu’elle ne coûte. Tout l’enjeu réside, non dans la limitation artificielle des flux -un contresens économique qui fera exploser, de surcroît, le nombre de sans-papiers-, mais dans l’amélioration des dispositifs d’accueil et d’intégration.
2- L’immigration face à l’inhospitalité
L’inhospitalité en matière de migration comme phénomène récent dont les immigrants évitent de dénoncer est un phénomène qui nuit considérablement à l’évolution de leur intégration et endommage la réputation et l’économie du Québec.
On peut distinguer quatre niveaux de l’inhospitalité :
Celle des agents économiques (ménages, entreprises, États, collectivités locales) qui concourent à opérer une discrimination d’emploi, de travail, de logement à l’égard des étrangers ou assimilés comme tels, car les enfants d’immigrés ou les naturalisés sont souvent inclus dans le rejet de l’étranger ;
Celle de l’application, ou non de la législation (racisme administratif) ;
Celle de l’édification des lois,
Celle du cadre constitutif du pacte politique, ou le niveau constitutionnel.
Le migrant en tant que tel prend-t-il part à l’élaboration du pacte commun, a-t-il une place dans l’histoire constituante du Québec où il est admis ? Ou bien est-il le sujet passif d’un droit particulier, dérogatoire ? Avant d’imputer cette marche vers un droit de l’inhospitalité à un mouvement d’opinion des Québécois, à la non acceptation de l’économie de marché, à la tumeur maligne des nationalistes des milieux ruraux, il faut remonter d’un cran et chercher la responsabilité de cette lente dégradation dans la gestion du système migratoire lui-même.
3-L’intégration face à la discrimination positive
Par définition, l’intégration est le processus selon lequel des immigrés participent à la construction d'une société rassemblée dans le respect de valeurs partagées (liberté des personnes, laïcité, solidarité, …), telles qu'elles s'expriment dans des droits égaux et des devoirs communs. Toutefois, lorsqu’on utilise ce terme pour les immigrés, il est le plus souvent dévalorisé et entendu comme une «assimilation soft». Tout se passe comme si l'intégration était réservée à des «populations à part». On comprend que des enfants d'immigrés au Québec rejettent ce terme!
J’estime qu’il est temps d'abandonner les stéréotypes paternalistes et le misérabilisme qui sévissent lorsque l'on parle d'immigration. Le vocabulaire lui-même semble déprécier dès qu’il s’applique aux immigrés. L’intégration ne se réduit pas à une présence physique ni à une durée de séjour, mais elle n'est pas non plus une injonction ciblée pour des personnes venues d’ailleurs et sommées de nous ressembler. L'intégration est ce qui rend entier un ensemble aux multiples composantes : c'est l'unité dans la diversité.
La discrimination positive est la plus mauvaise réponse à la question de l’intégration. C’est un concept qui part de l’analyse simpliste selon laquelle l’origine ethnique ou nationale des individus expliquerait leur situation, au mépris de leur histoire, de leurs difficultés, de leurs compétences et de leur réussite individuelle. Par ailleurs, la discrimination positive ignore l’éventail des mesures dont dispose l’État. Permettez-moi de rappeler les cinq grands piliers, reconnu mondialement, de la politique de l'intégration: d’abord, les politiques compensatoires des inégalités quelles que soient les origines des personnes; deuxièmement, les politiques incitatives en direction de personnes ou de groupes de personnes fragilisées ou en situation de précarité. Ces deux politiques reposent sur des critères objectifs (niveaux de revenus, taille de la famille, conditions de logement, situation familiale, qualification professionnelle,…) et, en aucun cas, sur des critères ethniques ou raciaux. Troisième pilier, la politique de lutte contre toutes les discriminations (raciales, ethniques, religieuses, sexuelles, ...). Quatrième, les politiques favorisant la participation à la vie de la cité. Enfin, la politique d’octroi de la nationalité.
La discrimination positive correspond à des sociétés segmentées où les communautés vivent juxtaposées. Elle semble postuler que les personnes restent à l’intérieur de leur groupe d’origine et n’en sortent pas, qu'elles sont endogames.
4- Le quota face à l’immigration illégale
En ce qui concerne les quotas, il y aurait quelque illusion à croire qu'en les instituant on trouverait la solution à une situation aussi complexe. D’abord, ils ne peuvent s’appliquer qu’à ceux qui viennent pour travailler ou ceux qui sont acceptés à l’extérieur du Canada par l’un des processus préétabli par Immigration Canada. Or, les chiffres de l’année 2006 indiquent que le nombre d’immigrants reçus au Québec est de 44 686, dont 23 500 immigrants travailleurs et le reste 21 186 est divisé entre les différentes autres catégories (regroupement familial, immigration humanitaire et immigration de gens d’affaires). Donc, le nombre d’immigrants, selon le scénario 5 de la croissance élevée des documents de consultation du ministère de l’Immigration du Québec, qui seront reçus d’ici 2010 est de 20 000 par an, auxquels est inclus les saisonniers et les scientifiques, dont le nombre dépend des besoins de main-d’œuvre et de contrats stricts. Par ailleurs, une politique de quotas implique de connaître à moyen terme les besoins de l’économie et la situation de l’emploi. Ce qui est évidemment impossible dans une économie de marché ouvert où la mondialisation et la concurrence font défaut aux politiques d’embauche. En outre, elle est, cyniquement et à court terme, centrée sur les intérêts de la société d'accueil, au détriment de ceux des pays d'origine. Le Québec a toujours refusé d’organiser la fuite des cerveaux à son profit… La solution des quotas est une illusion quand on peut mener une politique de coopération et de co-développement mieux maîtrisée. Enfin, adopter les quotas ne résoudrait en rien le problème clé de l’immigration, c'est-à-dire l’immigration illégale.
5- L’identité face au ‘Nous/Vous/Eux’ de la dissimulation
Toute personne en situation d’exil, ou d’enfant d’exilé, se pose la question de ses origines et de la transmission de la culture des ancêtres. Les problèmes identitaires sont d’autant plus douloureux que l’on est coupé de ses origines par la menace de persécution ou que l'on a honte de là d’où l’on vient. La fierté des origines est ce qui aide à vivre et à s'intégrer dans une société d'accueil. Il faut se rappeler que le Québec, et le Canada en général, est une création suite à cette réalité historique originale: une bonne partie des immigrés qui expriment de fortes revendications identitaires est issue des immigrants qui ont été accueillis à bras ouvert depuis les années 40.
Le discours populaire utilise le ‘Nous’ exclusif pour différencier le québécois de souche (pure laine) de l’étranger qui souvent désigné comme ‘Vous’/’Eux’. Cette stigmatisation simpliste a créé une barrière sociale et linguistique qui a obligé les enfants des immigrés, qui sont même nés au Québec, à s’identifier comme non québécois et avoir le sentiment de l’appartenance à une identité virtuelle.
En tout état de cause, il importe de distinguer identité et citoyenneté. La citoyenneté démocratique, dans le cadre d’une République, un État, etc., fait que l’on peut combiner diverses identités et diverses convictions sur la base du choix. Si la citoyenneté se trouve absorbée par les questions identitaires, il n’y a plus de démocratie, chacun reste enfermé dans une appartenance, une identité assignée. En revanche, il faut veiller à ce que, notamment à l’école, la citoyenneté ne soit pas enseignée de manière trop abstraite. Lorsque la culture commune et les valeurs partagées sont appropriées, alors la diversité culturelle peut s'épanouir.
Autres structures, autres méthodes : Immigration Convergente
Rompre avec les curricula traditionnels d’hier :
Plan démographique
- Accélération des délais de processus d’immigration à l’extérieur du Québec/ Canada.
- Concentration sur de jeunes couples ou célibataires entre la tranche d’âge 25-35.
Plan économique
- Création de fonds de soutien provisoire, des programmes financiers d’insertion destinés aux nouveaux immigrants, qui doit être différent du système d’aide ou de sécurité sociale.
- Programme fiscal incitatif pour l’immigration de gens d’affaires.
Plan Linguistique
- Favorisation de l’immigration des pays francophones ou des personnes ayant un cursus francophiles.
- Amélioration des programmes de francisation.
Plan d’accueil et d’intégration
- Création des programmes éducatifs sur le défi de l’intégration et l’apport de la diversité culturelle aux niveaux des écoles primaires et secondaires.
- Formation de personnels chargés de l’accueil et l’intégration au niveau des régions et des villes en dehors des métropoles.
- Création d’un réseau international de chercheurs et partenaires des pays d’immigrations.
- Création d’un bureau Anti-discrimination (reçoit les plaintes et issue des amendes) et la promulgation d’une loi contre la discrimination.
- Création d’espace et visibilité médiatique sur les aspects positifs de l’immigration, l’histoire de l’évolution de l’immigration et le rapprochement interculturel.
Les principes de la convergence
L’approche interculturelle du Québec possède dans son discours un caractère résolument séculier, tout comme l’ensemble du système de l’État, mais dans les faits elle a penché en faveur d’accorder une grande liberté dans l’affirmation des valeurs identitaires. Cette approche est vivement souhaitée et appréciée à grande échelle par les immigrants et leur pays d’origine.
La réussite de la planification de l’immigration en 2008-2010, nous oblige à encourager la tolérance culturelle, auquel le Québec participe à part entière, et travailler sur des plans pour une immigration convergente qui sera un garde-fou contre les difficultés d’intégration des immigrants récents sur le marché du travail et, la perte qu’engendrera se dernier sur l’économie québécoise.
La convergence doit se baser sur 2 principes :
L’objectif de l’État qui se définit par la planification de l’immigration.
La réussite individuelle de l’immigrant qui se concrétise par l’intégration dans la société d’accueil.
Ultimement, l’homme s’est toujours déplacé, cela fait partie de sa dynamique d’existence, mais l’adaptation et le processus d’intégration sont des phénomènes qui suscitent beaucoup d’efforts de part et d’autres. La responsabilité morale de l’État est un sujet qui reste souvent un outil politique, une arme à double tranchant que les politiciens utilisent à tort et à travers, une loi approuvée par les institutions compétentes est le seul moyen de protection des intérêts de la nation qui sont d’ordre démographique, économique et culturel. Le choix entre une protection sociale importante de l’État-providence et une immigration ouverte est une décision politique, l’ouverture du Québec sur le monde est sine quoi none du nombre des immigrants et de l’apport culturel qu’ils représentent, la part des choses nous revient pour arriver à une immigration convergente.
Par Moustapha Ould Ibn Mogdad