En 1966, après la publication du manifeste dit des 19, les Haratines et les esclaves ont été utilisés comme bras armé pour régler leur compte aux autres noirs qui réclamaient plus de justice dans le système politique et dans l’éducation nationale.
Résultats : une guerre civile entre noirs qui fit plusieurs morts et plusieurs blessés, des réfugiés politiques dans les pays voisins qui ne reviendront jamais vivre en Mauritanie.
En 1981, la première loi d’abolition explicite de l’esclavage a été décrétée. Elle n’était en fait qu’un outil de légalisation d’un fait accompli dans les années 70 quand, du fait d’une sécheresse persistante, plusieurs maîtres esclavagistes ont été obligés de se séparer de leurs esclaves qu’ils n’arrivaient plus à nourrir et qui de fait, n’étaient plus qu’un fardeau, car ne servant plus à grand-chose : le cheptel dont ils étaient les bergers était décimé, et l’absence de pluie ne permettait plus les travaux champêtres.
Les maîtres étaient parfois même plus démunis que les esclaves. L’ordonnance 83-127 du 05 juin 1983 consacrant la première réforme foncière en Mauritanie allait donc être un moyen pour le système esclavagiste d’accentuer la politique de division et d’opposition systématiques entre Haratines et autres noirs du pays.
En effet pour se donner bonne conscience face aux revendications de plus en plus audibles et virulentes du mouvement El Hor, le système se devait de donner un nouvel espoir d’une nouvelle vie de liberté aux « anciens esclaves », sans pourtant autant remettre en cause ni aliéner ses propres acquis matériels, notamment fonciers. On décréta que les terres non exploitées étaient désormais du domaine public.
On connaît la suite. Ces terres, dans l’esprit et l’œuvre du système, n’étaient que les terres du sud, appartenant alors au noirs Haalpulaar’en, Wolofs et Sooninko. Les terres des adwabas, jadis cultivées par les esclaves au profit de leurs maîtres bidhanes, sont de fait exclues. Sur les terres du sud expropriées, on fit pousser de nouveaux villages haratines. A titre d’exemple, Ngolo près de Djewol fut rebaptisé Bagdad.
Et quand l’eau revint et que les terres furent inondées, les Haratines continuèrent encore, et de nos jours, à les exploiter. Les revendications des propriétaires n’y firent absolument rien du tout. Les organisations de défense des propriétaires terriens demeurent encore impuissantes.
1989 fut le summum de la barbarie connue dans le pays. Des hordes d’esclaves et de Haratines furent mobilisées. Une chasse à l’homme noir fut déclenchée. Des massacres furent orchestrés. Des familles entières anéanties. Des femmes et des jeunes filles impunément violées.
Des dizaines de villages du sud furent vidés de leurs occupants Haalpulaar, Wolof ou Soninko. Des familles entières furent déportées quand elles en avaient la chance. Les malchanceux se retrouvèrent dans des fosses communes. D’autres familles étaient séparées, divisées en « vrais mauritaniens » qui avaient le droit de rester, et en « faux mauritaniens » qui devaient périr ou être déportés.
Toute cette barbarie fut orchestrée, coordonnée et supervisée par les forces de l’ordre du système avec comme outil de répression, des Haratines et des esclaves conditionnés comme des robots programmés. Preuve que l’esclavage est avant tout un conditionnement de l’esprit, comme l’ont su bien faire au nom de l’Islam, nos faux et honteux « ulémas » que l’organisation de lutte contre l’esclavage, IRA de Biram Ould Dah, ne cesse de dénoncer.
Les villages vidés furent rebaptisés par des noms à consonance arabe. Et encore, des Haratines et autres esclaves y furent installés. Ils y habitent des maisons construites par les déportés, ils y cultivent les champs propriétés de ces mêmes déportés.
Même de retour, pour quelques uns depuis une dizaine d’années, les anciens déportés sont tenus à distance de leurs propres demeures, observant, impuissants, les nouveaux maîtres des lieux cultiver leurs champs. Les promesses de l’état sont restées lettre morte.
Les associations de défense des victimes du passif humanitaire sont affaiblies par la corruption et la division. Les propositions faites ça et là par le pouvoir pour une compensation par des terres non inondables, donc non cultivables, ne sont que de la poudre aux yeux. Les promesses du président Aziz lors de la prière de l’absent à Kayhayɗi ne sont finalement que du vent.
L’Agence Nationale d’Accueil et d’Insertion des Rapatriés (ANAIR) avait été créée, comme son nom l’indique, pour lutter contre les séquelles du passif humanitaire. Aujourd’hui, force est de constater que depuis que le pouvoir a décrété la fin du règlement du dossier du passif humanitaire, les organisations de défense des victimes ne se sont illustrées que par la faiblesse de leurs actions. Les divisions et les querelles intestines et fratricides orchestrés par le pouvoir au sein de ces organisations ont fini par anéantir le peu d’espoir qui était porté sur elles.
Sentant le danger d’une menace imminente par le rapprochement amorcé entre organisations et partis politiques haratines et négro-mauritaniens, et la logique politicienne à la veille d’élections cruciales faisant le reste, le pouvoir a décidé, cyniquement bien sûr, de faire d’une pierre deux coups : empêcher toute stratégie de rapprochement entre les mouvements noirs des Haratines et des négro-mauritaniens, tout en montrant sa volonté de satisfaire les revendications des organisations haratines de lutte contre l’esclavage, qui, il faut bien l’avouer et s’en féliciter, demeurent, quoi qu’on dise sur leurs divergences d’approches et leurs divisions, incorruptibles et irrécupérables par le système.
De El Hor en passant par Sos Esclaves jusqu’à IRA, la constance dans les convictions, le respect mutuel et l’engagement militant assumé, doivent faire réfléchir plus d’un.
La naissance de l’Agence Nationale de Lutte contre les Séquelles de l'Esclavage, de l'Insertion et de Lutte contre la Pauvreté (ANLSESILP) sur les cendres de l’ANAIR n’est nullement une volonté de mutualisation des moyens ou de création de synergies dans les approches et les objectifs, mais bel et bien une stratégie inavouée quoi qu’assumée de division pour ne pas dire de diversion. Le règlement du dossier du passif humanitaire n’en est encore qu’à ses balbutiements.
Des déportés candidats au retour sont encore laissés dans la misère au Sénégal et au Mali. Les compensations matérielles et symboliques promises aux déportés rentrés au pays n’ont pas vu le jour. Les questions foncières et les questions des habitats n’ont pas encore été réglées. Plusieurs déportés de retour vivent encore dans le dénuement le plus total et se sentent encore réfugiés chez eux.
Les victimes et les proches n’ont pas encore accordé de pardon faute d’identification juste des coupables pour une justice acceptable. Les tombes et les fosses communes n’ont même pas été identifiées. Comment dans ces conditions tuer l’ANAIR pour donner naissance à un bébé préféré si ce n’est que pour avouer que oui, le système a plus peur des Haratines révoltés et constants que des négros-mauritaniens mous, divisés et corrompus ? Oui, le système a plus peur des Haratines « réveillés » qui constitueront désormais plus de 40% de l’électorat pour les prochaines échéances électorales.
Oui, et c’est le principal pour le système, n’en déplaise à Biram et à IRA, il faut tout faire pour gommer une identité Haratine métissée et hybride pour une identité arabe assimilée et désormais assumée par les esclaves et les anciens esclaves.
Ce que nous avons voulu montrer à travers ce rappel, c’est que le système féodalo-esclavagiste et raciste entretenu et coordonné par une élite Bidhane qui se nourrit de la bassesse et de la corruption d’une élite noire pourrie jusqu’aux os, et qui s’abreuve de la sève du bathisme et du nassérisme révolus, si ce n’est d’une interprétation honteuse des préceptes de l’Islam notre sainte religion, ne fonde les conditions de son succès que dans la division et l’amalgame entretenus entre les noirs du pays. Cette élite est partout. Sa stratégie est systémique.
Elle ronge tous les leviers du pouvoir comme un cancer qui se répand dans le corps. La lutte contre les inégalités et les injustices doit d’abord être une obligation morale et de survie des principales victimes avant de passer pour un devoir des militants. Depuis la naissance de ce pays, l’exclusion a durement frappé tous les noirs sans exclusion.
Qu’elle soit dénoncée tout d’abord par le manifeste des 19 en 1966 ou celui des Haratines de 2013, sans oublier ceux de El Hor et des Flam, nous constateront à chaque fois le caractère sectaire de ces dénonciations qui ne mettent l’accent que sur les souffrances subies par la communauté d’appartenance de leurs rédacteurs. Or, le racisme et la discrimination sont un peu comme l’argent, ils n’ont pas d’odeur, ils n’ont que la couleur qui les différencie ou les unit.
L’Histoire nous apprend que partout dans le monde, l’esclavage est avant tout une conséquence du racisme et de la discrimination, mais aussi la sève nourricière de ces fléaux qui l’ont engendré. Par conséquent vouloir dissocier les luttes contre l’esclavage de celles contre le racisme et la discrimination est une aberration stratégique, de principe et de conviction. Le racisme et la discrimination raciale contre les noirs mauritaniens ne sera jamais éradiqué tant que subsistera l’esclavage dans le pays.
L’esclavage, c’est le racisme à son apogée. Or, la création de la nouvelle agence de lutte contre les séquelles de l’esclavage, l’ANLSESILP, comme son nom l’indique, est avant tout une énième confirmation de la négation par les pouvoirs publics de l’existence de l’esclavage dans le pays.
Parler de lutter contre les séquelles d’une maladie non guérie, c’est tout simplement mettre la charrue avant les bœufs. La lutte contre ce fléau a besoin d’hommes et femmes qui savent s’assumer et qui n’ont nullement honte d’assumer leur héritage culturel et social, fut-il le plus vil de l’histoire de l’humanité.
L’histoire de notre pays à travers l’instrumentalisation des esclaves dans les conflits, sans nous appesantir sur l’origine négro-africaine pour ne pas dire le plus souvent même négro-mauritanienne des esclaves et des Haratines, devrait nous amener à elle seule, à considérer que la lutte contre l’esclavage ne doit pas être une lutte menée pour et par une communauté donnée, mais une lutte de principe de tout le peuple. Ce qui est sûr, c’est que si l’esclavage n’existait pas, il n’y aurait jamais eu tant de morts et tant de déportés en 1989.
L’esclave, bras armé des nationalistes Bidhanes dans les conflits interethniques du pays depuis 1966, ou le Haratine occupant les terres et les villages spoliés des noirs du sud, ne sont rien d’autre donc que des outils de domination d’un système raciste sur tous les noirs du pays. Ils sont par conséquent eux-mêmes des victimes au même titre que les propriétaires terriens dont ils cultivent les champs ou les déportés qu’ils ont contribué à envoyer de force au Sénégal.
Ils sont des victimes au même titre que ceux qu’ils ont assassinés de leurs propres mains. Car l’esclave, c’est une âme assassinée dans un corps debout. Un mort vivant comme disait le poète. C’est pourquoi le règlement de la question foncière, mettant face à face deux victimes, est plus que difficile et complexe en Mauritanie.
Car d’un côté, considérer le Haratine ou l’esclave victime d’un lavage de cerveau idéologique et religieux comme criminel et spoliateur, est tout simplement inexact. De l’autre, ne pas remettre les terres de cultures et les villages à leurs légitimes propriétaires est tout simplement injuste. Le criminel, le spoliateur responsable de toutes les injustices commises, c’est le système incarné par des pouvoirs obnubilés par la haine de tout ce qui ne se réclame pas de l’arabité.
C’est alors que l’initiative de la solution ne viendrait jamais du système raciste et pourri incarné par les pouvoirs en place, mais par une jonction des luttes et des efforts des justes. Seule une prise en charge courageuse et concertée de cette question par les concernés et les organisations de lutte contre l’esclavage et la discrimination raciale peut ôter cette épine du pied pour une unité d’action et des cœurs, qui est non seulement une nécessité, mais une exigence morale pour notre survie à tous.
Amadou Alpha Ba
Source : Amadou Alpha Ba
Résultats : une guerre civile entre noirs qui fit plusieurs morts et plusieurs blessés, des réfugiés politiques dans les pays voisins qui ne reviendront jamais vivre en Mauritanie.
En 1981, la première loi d’abolition explicite de l’esclavage a été décrétée. Elle n’était en fait qu’un outil de légalisation d’un fait accompli dans les années 70 quand, du fait d’une sécheresse persistante, plusieurs maîtres esclavagistes ont été obligés de se séparer de leurs esclaves qu’ils n’arrivaient plus à nourrir et qui de fait, n’étaient plus qu’un fardeau, car ne servant plus à grand-chose : le cheptel dont ils étaient les bergers était décimé, et l’absence de pluie ne permettait plus les travaux champêtres.
Les maîtres étaient parfois même plus démunis que les esclaves. L’ordonnance 83-127 du 05 juin 1983 consacrant la première réforme foncière en Mauritanie allait donc être un moyen pour le système esclavagiste d’accentuer la politique de division et d’opposition systématiques entre Haratines et autres noirs du pays.
En effet pour se donner bonne conscience face aux revendications de plus en plus audibles et virulentes du mouvement El Hor, le système se devait de donner un nouvel espoir d’une nouvelle vie de liberté aux « anciens esclaves », sans pourtant autant remettre en cause ni aliéner ses propres acquis matériels, notamment fonciers. On décréta que les terres non exploitées étaient désormais du domaine public.
On connaît la suite. Ces terres, dans l’esprit et l’œuvre du système, n’étaient que les terres du sud, appartenant alors au noirs Haalpulaar’en, Wolofs et Sooninko. Les terres des adwabas, jadis cultivées par les esclaves au profit de leurs maîtres bidhanes, sont de fait exclues. Sur les terres du sud expropriées, on fit pousser de nouveaux villages haratines. A titre d’exemple, Ngolo près de Djewol fut rebaptisé Bagdad.
Et quand l’eau revint et que les terres furent inondées, les Haratines continuèrent encore, et de nos jours, à les exploiter. Les revendications des propriétaires n’y firent absolument rien du tout. Les organisations de défense des propriétaires terriens demeurent encore impuissantes.
1989 fut le summum de la barbarie connue dans le pays. Des hordes d’esclaves et de Haratines furent mobilisées. Une chasse à l’homme noir fut déclenchée. Des massacres furent orchestrés. Des familles entières anéanties. Des femmes et des jeunes filles impunément violées.
Des dizaines de villages du sud furent vidés de leurs occupants Haalpulaar, Wolof ou Soninko. Des familles entières furent déportées quand elles en avaient la chance. Les malchanceux se retrouvèrent dans des fosses communes. D’autres familles étaient séparées, divisées en « vrais mauritaniens » qui avaient le droit de rester, et en « faux mauritaniens » qui devaient périr ou être déportés.
Toute cette barbarie fut orchestrée, coordonnée et supervisée par les forces de l’ordre du système avec comme outil de répression, des Haratines et des esclaves conditionnés comme des robots programmés. Preuve que l’esclavage est avant tout un conditionnement de l’esprit, comme l’ont su bien faire au nom de l’Islam, nos faux et honteux « ulémas » que l’organisation de lutte contre l’esclavage, IRA de Biram Ould Dah, ne cesse de dénoncer.
Les villages vidés furent rebaptisés par des noms à consonance arabe. Et encore, des Haratines et autres esclaves y furent installés. Ils y habitent des maisons construites par les déportés, ils y cultivent les champs propriétés de ces mêmes déportés.
Même de retour, pour quelques uns depuis une dizaine d’années, les anciens déportés sont tenus à distance de leurs propres demeures, observant, impuissants, les nouveaux maîtres des lieux cultiver leurs champs. Les promesses de l’état sont restées lettre morte.
Les associations de défense des victimes du passif humanitaire sont affaiblies par la corruption et la division. Les propositions faites ça et là par le pouvoir pour une compensation par des terres non inondables, donc non cultivables, ne sont que de la poudre aux yeux. Les promesses du président Aziz lors de la prière de l’absent à Kayhayɗi ne sont finalement que du vent.
L’Agence Nationale d’Accueil et d’Insertion des Rapatriés (ANAIR) avait été créée, comme son nom l’indique, pour lutter contre les séquelles du passif humanitaire. Aujourd’hui, force est de constater que depuis que le pouvoir a décrété la fin du règlement du dossier du passif humanitaire, les organisations de défense des victimes ne se sont illustrées que par la faiblesse de leurs actions. Les divisions et les querelles intestines et fratricides orchestrés par le pouvoir au sein de ces organisations ont fini par anéantir le peu d’espoir qui était porté sur elles.
Sentant le danger d’une menace imminente par le rapprochement amorcé entre organisations et partis politiques haratines et négro-mauritaniens, et la logique politicienne à la veille d’élections cruciales faisant le reste, le pouvoir a décidé, cyniquement bien sûr, de faire d’une pierre deux coups : empêcher toute stratégie de rapprochement entre les mouvements noirs des Haratines et des négro-mauritaniens, tout en montrant sa volonté de satisfaire les revendications des organisations haratines de lutte contre l’esclavage, qui, il faut bien l’avouer et s’en féliciter, demeurent, quoi qu’on dise sur leurs divergences d’approches et leurs divisions, incorruptibles et irrécupérables par le système.
De El Hor en passant par Sos Esclaves jusqu’à IRA, la constance dans les convictions, le respect mutuel et l’engagement militant assumé, doivent faire réfléchir plus d’un.
La naissance de l’Agence Nationale de Lutte contre les Séquelles de l'Esclavage, de l'Insertion et de Lutte contre la Pauvreté (ANLSESILP) sur les cendres de l’ANAIR n’est nullement une volonté de mutualisation des moyens ou de création de synergies dans les approches et les objectifs, mais bel et bien une stratégie inavouée quoi qu’assumée de division pour ne pas dire de diversion. Le règlement du dossier du passif humanitaire n’en est encore qu’à ses balbutiements.
Des déportés candidats au retour sont encore laissés dans la misère au Sénégal et au Mali. Les compensations matérielles et symboliques promises aux déportés rentrés au pays n’ont pas vu le jour. Les questions foncières et les questions des habitats n’ont pas encore été réglées. Plusieurs déportés de retour vivent encore dans le dénuement le plus total et se sentent encore réfugiés chez eux.
Les victimes et les proches n’ont pas encore accordé de pardon faute d’identification juste des coupables pour une justice acceptable. Les tombes et les fosses communes n’ont même pas été identifiées. Comment dans ces conditions tuer l’ANAIR pour donner naissance à un bébé préféré si ce n’est que pour avouer que oui, le système a plus peur des Haratines révoltés et constants que des négros-mauritaniens mous, divisés et corrompus ? Oui, le système a plus peur des Haratines « réveillés » qui constitueront désormais plus de 40% de l’électorat pour les prochaines échéances électorales.
Oui, et c’est le principal pour le système, n’en déplaise à Biram et à IRA, il faut tout faire pour gommer une identité Haratine métissée et hybride pour une identité arabe assimilée et désormais assumée par les esclaves et les anciens esclaves.
Ce que nous avons voulu montrer à travers ce rappel, c’est que le système féodalo-esclavagiste et raciste entretenu et coordonné par une élite Bidhane qui se nourrit de la bassesse et de la corruption d’une élite noire pourrie jusqu’aux os, et qui s’abreuve de la sève du bathisme et du nassérisme révolus, si ce n’est d’une interprétation honteuse des préceptes de l’Islam notre sainte religion, ne fonde les conditions de son succès que dans la division et l’amalgame entretenus entre les noirs du pays. Cette élite est partout. Sa stratégie est systémique.
Elle ronge tous les leviers du pouvoir comme un cancer qui se répand dans le corps. La lutte contre les inégalités et les injustices doit d’abord être une obligation morale et de survie des principales victimes avant de passer pour un devoir des militants. Depuis la naissance de ce pays, l’exclusion a durement frappé tous les noirs sans exclusion.
Qu’elle soit dénoncée tout d’abord par le manifeste des 19 en 1966 ou celui des Haratines de 2013, sans oublier ceux de El Hor et des Flam, nous constateront à chaque fois le caractère sectaire de ces dénonciations qui ne mettent l’accent que sur les souffrances subies par la communauté d’appartenance de leurs rédacteurs. Or, le racisme et la discrimination sont un peu comme l’argent, ils n’ont pas d’odeur, ils n’ont que la couleur qui les différencie ou les unit.
L’Histoire nous apprend que partout dans le monde, l’esclavage est avant tout une conséquence du racisme et de la discrimination, mais aussi la sève nourricière de ces fléaux qui l’ont engendré. Par conséquent vouloir dissocier les luttes contre l’esclavage de celles contre le racisme et la discrimination est une aberration stratégique, de principe et de conviction. Le racisme et la discrimination raciale contre les noirs mauritaniens ne sera jamais éradiqué tant que subsistera l’esclavage dans le pays.
L’esclavage, c’est le racisme à son apogée. Or, la création de la nouvelle agence de lutte contre les séquelles de l’esclavage, l’ANLSESILP, comme son nom l’indique, est avant tout une énième confirmation de la négation par les pouvoirs publics de l’existence de l’esclavage dans le pays.
Parler de lutter contre les séquelles d’une maladie non guérie, c’est tout simplement mettre la charrue avant les bœufs. La lutte contre ce fléau a besoin d’hommes et femmes qui savent s’assumer et qui n’ont nullement honte d’assumer leur héritage culturel et social, fut-il le plus vil de l’histoire de l’humanité.
L’histoire de notre pays à travers l’instrumentalisation des esclaves dans les conflits, sans nous appesantir sur l’origine négro-africaine pour ne pas dire le plus souvent même négro-mauritanienne des esclaves et des Haratines, devrait nous amener à elle seule, à considérer que la lutte contre l’esclavage ne doit pas être une lutte menée pour et par une communauté donnée, mais une lutte de principe de tout le peuple. Ce qui est sûr, c’est que si l’esclavage n’existait pas, il n’y aurait jamais eu tant de morts et tant de déportés en 1989.
L’esclave, bras armé des nationalistes Bidhanes dans les conflits interethniques du pays depuis 1966, ou le Haratine occupant les terres et les villages spoliés des noirs du sud, ne sont rien d’autre donc que des outils de domination d’un système raciste sur tous les noirs du pays. Ils sont par conséquent eux-mêmes des victimes au même titre que les propriétaires terriens dont ils cultivent les champs ou les déportés qu’ils ont contribué à envoyer de force au Sénégal.
Ils sont des victimes au même titre que ceux qu’ils ont assassinés de leurs propres mains. Car l’esclave, c’est une âme assassinée dans un corps debout. Un mort vivant comme disait le poète. C’est pourquoi le règlement de la question foncière, mettant face à face deux victimes, est plus que difficile et complexe en Mauritanie.
Car d’un côté, considérer le Haratine ou l’esclave victime d’un lavage de cerveau idéologique et religieux comme criminel et spoliateur, est tout simplement inexact. De l’autre, ne pas remettre les terres de cultures et les villages à leurs légitimes propriétaires est tout simplement injuste. Le criminel, le spoliateur responsable de toutes les injustices commises, c’est le système incarné par des pouvoirs obnubilés par la haine de tout ce qui ne se réclame pas de l’arabité.
C’est alors que l’initiative de la solution ne viendrait jamais du système raciste et pourri incarné par les pouvoirs en place, mais par une jonction des luttes et des efforts des justes. Seule une prise en charge courageuse et concertée de cette question par les concernés et les organisations de lutte contre l’esclavage et la discrimination raciale peut ôter cette épine du pied pour une unité d’action et des cœurs, qui est non seulement une nécessité, mais une exigence morale pour notre survie à tous.
Amadou Alpha Ba
Source : Amadou Alpha Ba