Le 31 janvier 2002, l’AVOMM et certains de ses membres, déposaient plainte entre les mains d’un juge d’instruction à Bruxelles, du chef de crime contre l’humanité à l’encontre de l’ex président de la république de Mauritanie, Sid Ould Ahmed Taya.
Les faits d’une extrême gravité et largement documentés par l’ONU mais aussi par les ONG du monde entier, dont Amnesty International, sont ceux survenus en 1990, 1991 lors du processus de dénégrification de la Mauritanie, politique xénophobe, ayant abouti aux pires exactions tels que assassinats, tortures, détentions arbitraires, confiscation de terres, expulsions vers le Sénégal et le Mali de dizaines de milliers de Mauritaniens n’appartenant pas à l’ethnie du président de la république, arabo berbère.
Cette plainte se basait sur la loi du 16 juin 1993, relative à la répression des infractions graves aux conventions de Genève du 12 août 1949, dite loi de compétence universelle.
Le 3 août 2005, par le coup d’état renversant le président Taya, le dernier obstacle empêchant sa poursuite effective devant la cour d’assises était levé, puisque destitué de ses fonctions, il perdait son immunité de chef d’état.
Toutefois, entretemps, la Belgique, sous la pression internationale, a été contrainte de modifier sa loi de compétence universelle et d’en réduire le champ de compétence.
La plainte de l’AVOMM a néanmoins été jugée toujours recevable, malgré les diverses modifications de la loi et l’instruction de celle-ci a pu se poursuivre jusqu’en 2013, date à laquelle la Cour de Cassation a dessaisi le Juge d’instruction belge de la cause au motif que ce dernier n’avait posé aucun acte d’instruction entre le dépôt de la plainte en janvier 2002 et le jour de l’entrée en vigueur en 2003, de la loi réformant celle de 1993 de compétence universelle.
Les plaignants ne se sont pas découragés et ont assigné l’Etat belge en responsabilité en raison de la faute commise par le juge d’instruction (négligence coupable) qui les a privé du droit d’accès au juge, la Cour d’Assises, en l’occurrence.
Après avoir échoué dans leurs prétentions devant le tribunal de première instance de Bruxelles, la cour d’appel de Bruxelles, dans un arrêt du 26 avril 2022, réformant largement le jugement précité, a dit pour droit que « sans l’inertie fautive du magistrat instructeur, la Cour de Cassation n’aurait pu prononcer le dessaisissement des juridictions belges. (…) L’appelant a été injustement privé de son droit d’accès au juge. »
L’Etat belge, en raison de la faute de son juge, a été condamné à payer à l’appelant un euro symbolique en indemnisation du dommage.
La saga judiciaire en Belgique, de cette plainte de 2002, prend donc fin, après 20 années de combat acharné.
Ce combat n’aura pas été vain, puisqu’il a permis non seulement ce travail de mémoire que l’on doit aux victimes de ces crimes contre l’humanité, mais aussi la poursuite de la lutte contre l’impunité et la démonstration auprès des gouvernements successifs que ce passif humanitaire majeur doit impérativement être réglé.
Marc Libert *
Avocat – Advocaat – Lawyer
Lallemand Legros & joyn
Bruxelles
Les faits d’une extrême gravité et largement documentés par l’ONU mais aussi par les ONG du monde entier, dont Amnesty International, sont ceux survenus en 1990, 1991 lors du processus de dénégrification de la Mauritanie, politique xénophobe, ayant abouti aux pires exactions tels que assassinats, tortures, détentions arbitraires, confiscation de terres, expulsions vers le Sénégal et le Mali de dizaines de milliers de Mauritaniens n’appartenant pas à l’ethnie du président de la république, arabo berbère.
Cette plainte se basait sur la loi du 16 juin 1993, relative à la répression des infractions graves aux conventions de Genève du 12 août 1949, dite loi de compétence universelle.
Le 3 août 2005, par le coup d’état renversant le président Taya, le dernier obstacle empêchant sa poursuite effective devant la cour d’assises était levé, puisque destitué de ses fonctions, il perdait son immunité de chef d’état.
Toutefois, entretemps, la Belgique, sous la pression internationale, a été contrainte de modifier sa loi de compétence universelle et d’en réduire le champ de compétence.
La plainte de l’AVOMM a néanmoins été jugée toujours recevable, malgré les diverses modifications de la loi et l’instruction de celle-ci a pu se poursuivre jusqu’en 2013, date à laquelle la Cour de Cassation a dessaisi le Juge d’instruction belge de la cause au motif que ce dernier n’avait posé aucun acte d’instruction entre le dépôt de la plainte en janvier 2002 et le jour de l’entrée en vigueur en 2003, de la loi réformant celle de 1993 de compétence universelle.
Les plaignants ne se sont pas découragés et ont assigné l’Etat belge en responsabilité en raison de la faute commise par le juge d’instruction (négligence coupable) qui les a privé du droit d’accès au juge, la Cour d’Assises, en l’occurrence.
Après avoir échoué dans leurs prétentions devant le tribunal de première instance de Bruxelles, la cour d’appel de Bruxelles, dans un arrêt du 26 avril 2022, réformant largement le jugement précité, a dit pour droit que « sans l’inertie fautive du magistrat instructeur, la Cour de Cassation n’aurait pu prononcer le dessaisissement des juridictions belges. (…) L’appelant a été injustement privé de son droit d’accès au juge. »
L’Etat belge, en raison de la faute de son juge, a été condamné à payer à l’appelant un euro symbolique en indemnisation du dommage.
La saga judiciaire en Belgique, de cette plainte de 2002, prend donc fin, après 20 années de combat acharné.
Ce combat n’aura pas été vain, puisqu’il a permis non seulement ce travail de mémoire que l’on doit aux victimes de ces crimes contre l’humanité, mais aussi la poursuite de la lutte contre l’impunité et la démonstration auprès des gouvernements successifs que ce passif humanitaire majeur doit impérativement être réglé.
Marc Libert *
Avocat – Advocaat – Lawyer
Lallemand Legros & joyn
Bruxelles