AVOMM : Bonjour Mr le Président,vous venez de tenir un congrès, êtes-vous satisfait de sa tenue et de ses résultats ?
IMS : Depuis notre dernière interview, je n’ai pas eu véritablement une sortie médiatique. La situation au sein du Parti et ma volonté exprimée depuis 2013 de me retirer de sa direction, avaient présidé à cette distanciation que j’ai observée ces dernières années. Tout d’abord, je voulais de manière progressive diminuer la trop grande présence de Ibrahima Moctar Sarr à la tête de l’AJD/MR, et du coup permettre l’émergence d’un autre leadership capable de reprendre les rênes de l’organisation et de faire face aux nouveaux défis qui se présentent.
En suite, j’estimais que le surplace a trop duré, nous ne faisons que répéter les mêmes discours que nous avons tenus il y’a des décennies, face à un système qui se consolide de jour en jour au point où nous ne sommes plus audibles devant nos militant.e.s et sympathisant.e.s. Ceux et celles-ci ne savent plus à quel saint se vouer, ayant perdu tout espoir de voir de leur vivant, la déconstruction de ce système qui les a rendus apatrides dans leur propre pays.
Ce congrès était très attendu pour apporter un début de réponse à ces défis. Il s’est tenu dans une conjoncture difficile pour le parti. Reporté plusieurs fois, nous avons dû, cette fois-ci, faire un forcing pour sa tenue. L’enjeu était de taille, c’est comme qui dirait : ça passe ou ça casse. Des bureaux de fédérations régionales avaient défié la direction du parti pour empêcher sa tenue. Il a fallu la détermination sans faille du bureau politique sortant, pour aboutir aux résultats que vous avez pu observer. Ce n’était pas évident mais notre joie est grande de constater que les résultats ont dépassé notre espérance. A travers tout le pays, nous avons observé une mobilisation inattendue des militant.e.s pour sauver notre Parti qui a fait preuve de sa constance dans sa ligne politique et les objectifs visés pour régler la question de la cohabitation entre les différentes composantes nationales du pays.
AVOMM : Une résolution fortement acclamée par les congressistes vous a demandé de continuer à présider aux destinées du Parti au moment où beaucoup s’attendaient à ce que vous rendiez le tablier. En réponse, vous avez accepté avec la condition que ce mandat ne dépasserait pas un an. Pensez-vous que c’est suffisant ?
IMS : C’est avec émotion que j’ai accueilli cette motion inattendue qui, à l’instant, avait anéanti toute capacité de résistance de ma part mais le réalisme a vite repris le dessus après un moment de flottement. Il fallait ramener tout le monde à la raison. Personne ne doit se sentir indispensable dans le Parti; le changement imprime la vitalité et le renouvellement des instances, fait éviter la sclérose et le pourrissement des structures. Étant concerné au premier chef, je suis conscient de mes limites sur le plan physique et intellectuel.
Ce ne serait pas rendre service au Parti que de continuer à exercer cette fonction plus longuement. Je remercie encore les militants pour cette marque d’attachement.
AVOMM : Une nouveauté dans votre déclaration de politique générale, vous entendez œuvrer pour une révision de la Constitution sur la réforme de l’État dans le sens d’une autonomisation des régions naturelles du pays. Qu’est-ce que cela recouvre ?
IMS : Jusqu’ici nous avions milité pour une décentralisation plus poussée ou les régions benéficieraient d’une plus grande capacité de s’autogérer notamment en ce qui concerne les domaines non étatiques. Nous constatons à présent que la trop grande centralisation de l’État étouffe toute volonté de se défaire des vieilles habitudes administratives et que la Mauritanie doit faire un pas en avant pour libérer l’énergie de nos régions naturelles. Cela permettra de créer une concurrence émulatrice entre elles tout en affirmant leur personnalité propre. Nos amis du FPC (Forces Progressistes du Changement) en avaient esquissé un modèle dans ce sens qu’il convient d’apprécier. Pour sa part l’AJD/MR, dans un proche avenir, présentera aux Mauritaniens sa vision par rapport à cette autonomisation qui pourrait être aussi un rempart contre le séparatisme.
AVOMM : L’AJD/MR a connu de nombreuses crises et semblerait-il que beaucoup de vos cadres ne sont pas contents, comment pourriez-vous expliquer cela ?
IMS : Le vrai problème auquel nous avons été confrontés est la discipline au sein du parti. Nos formations politiques à leur création ont obéi à des logiques historiques où l’engagement est lié à des appartenances tribale ou raciale et ethnique ou simplement familiale. C’est parfois des logiques d’obédience syndicale où le militantisme est fortement lié à des objectifs immédiats, droits-de-l’hommistes ou pour certains à une carrière politique programmée. Tout cela pour dire toute la différence qui existe avec les mouvements politiques de l’époque où l’abnégation, le patriotisme, l’esprit de sacrifice étaient accompagnés d’une solide formation politique, le plus souvent dans la clandestinité.
Avec l’avènement de la pseudo-démocratie, ayant en face des partisans d’un pouvoir qui exhibe ses moyens de corruption, les militants de l’opposition, surtout ceux qui luttent contre le système ségrégationniste ont du mal à résister dans un environnement de pauvreté, où les populations démunies perçoivent le politicien comme celui qui peut régler leurs problèmes immédiats.
Ceux qui sont dans l’opposition sont perçus comme des parias avec lesquels il ne faut pas s’afficher, même s’ils défendent avec constance et abnégation les vrais problèmes auxquels ces populations sont confrontées. C’est pourquoi les promotions auxquelles les militants peuvent aspirer deviennent un enjeu de taille. Les vrais problèmes qui ont été à l’origine des crises de l’AJD/MR sont liés à cette question de promotion. Les candidatures aux élections ont été pour l’essentiel à la base des crises. Ceux qui ont été évincés pour une raison ou pour une autre, se sont révoltés et même entrés en rébellion active contre le Parti. Il y a aussi que la lutte ayant trop duré, certains militants qui attendaient les retombées positives de leur militantisme préfèrent quitter ou s’insurger contre la direction du Parti qui ne change pas sa stratégie vis-à-vis du pouvoir pour leur permettre d’accéder à des privilèges.
Ma hantise personnelle est de constater que la jeunesse, qui doit constituer le fer de lance de notre lutte, semble plus préoccupée aujourd’hui à résoudre des problèmes de promotion économique et sociale personnels que de s’engager résolument dans la lutte révolutionnaire contre ce système décadent mais féroce.
AVOMM : L’AJD/MR est membre de la CVE/VR, comptez-vous élargir votre coalition lors des prochaines élections législatives et municipales du mois de Mai 2023 ?
IMS : L’AJD/MR est ouverte aux coalitions électorales pour multiplier les chances de faire élire des opposants au système. Nous avons toujours affirmé que les élections ne sont pas à elles seules suffisantes pour faire l’alternance. Le système ne permettra pas l’arrivée au pouvoir d’éléments qui tenteront de le remettre en cause .Mais nous pensons néanmoins qu’en permettant à certains membres de l’opposition d’accéder à des positions importantes ils pourront continuer à soulager les populations qui vivent le martyre mais également d’élever le débat, en direction de tous les justes du pays pour qu’ils s’engagent avec eux contre le système. C’est pourquoi, en son temps, nous avons fait des alliances avec Tawassoul et l’UFP et bien d’autres partis. En 2018 nous avons créé avec d’autres la CVE, ce fut une expérience que nous tentons de rééditer durant les prochaines élections. En vérité nous voulions nous ouvrir à toutes les forces opposées au système mais la real politique des uns et des autres limite cette ambition.
AVOMM : La question de l’unité nationale, du génocide des noirs se pose encore à notre pays, qu’est-ce qui empêche son règlement ?
IMS : Si je connaissais la vraie réponse, je l’aurais donnée immédiatement. Mon intuition me guide souvent dans mes analyses et jusqu’à cette conclusion grave à la quelle j’ai abouti qui est que notre seule volonté de voir ce problème réglé ne suffit pas. La lutte pourrait être longue car nous ne baisserons pas les bras. Ni les manifestations, ni les déclarations, ni les interventions des parlementaires à l‘assemblée Nationale ne suffiront. Les Négro-africains qui sont les principales victimes de ce génocide ne sont aujourd’hui sur aucune position de pouvoir.
Il convient de souligner que les responsables de cette situation regrettent de n’avoir pas terminé le boulot. La communauté internationale ne semble pas s’émouvoir outre mesure sur notre sort, même les voisins avec lesquels nous partageons tout, ne sont pas prêts à monnayer leurs relations avec ce système qui nous a réduits à néant. Il faut ajouter à ce tableau sombre que les victimes elles mêmes, malgré tout ce qu’elles partagent n’arrivent pas à réaliser une véritable unité d’action.
Nous avons espoir que les contradictions au sein de système finiront par avoir raison de lui, son effondrement suite à une implosion, doit permettre un sursaut de tous les justes du pays qui, au préalable, auraient noué un pacte pour l’unité afin de sauver le pays de la dislocation
AVOMM : Mr Bocar Oumar Ba, soutenu par votre Parti dont il est membre et le FPC a déclaré sa candidature à la candidature. Depuis, la CVE semble trainer les pieds ; partagez-vous ce sentiment ?
IMS : Bocar Oumar Ba est un cadre très respecté au sein du Parti. Il était le responsable de la Diaspora au sein du Bureau politique. Après le Congrès, il est investi de la charge honorable de Porte parole de l’AJD/MR. Naturellement l’AJD/MR soutient sa candidature à la candidature. Nous n’avons pas au moment où je réponds à votre question discuté avec la CVE sur les modalités pratiques de notre coalition éventuelle; j’espère que nous trouverons un accord acceptable pour tous qui va concrétiser notre volonté d’aller ensemble dans ces élections.
AVOMM : Que pensez-vous de la capacité de la jeunesse mauritanienne à apporter un souffle nouveau dans le long chemin vers l’instauration d’une société juste, démocratique et fraternelle ?
IMS : C’est Mokhtar Ould Daddah qui avait dit que : « la Mauritanie sera ce qu’en fera sa jeunesse ». Aujourd’hui, nous savons ce qu’est devenue la Mauritanie après 60 ans d’indépendance : un pays divisé en proie à des difficultés énormes, un véritable point d’interrogation pour son avenir. Ce sont ces jeunes devenus adultes, engagés dans l’armée, ayant accédé à de hauts grades qui ont perpétré ce génocide à l’endroit de leurs frères négro-africains. Ce sont ces jeunes qui sont allés se former à l’étranger ou ils ont épousé des idées exclusivistes, qui ont semé en Mauritanie la graine de l’exclusion et du déni des valeurs culturelles et sociétales des autres. Il faut reconnaitre que les meilleurs parmi cette jeunesse ont tout donné d’eux-mêmes pour contrer ces visées néfastes mais le pouvoir militaire a été véritablement monopolisé par les tenants d’une Mauritanie exclusivement arabe. Peut-on espérer un revirement de la situation pour rappeler aux uns et aux autres que la Mauritanie ne peut exister que si elle ressemble à cet œil dont parlait encore Mokhtar Ould Daddah, un œil avec son blanc et son noir afin de pouvoir regarder le monde.
AVOMM : Quel message voulez-vous transmettre aux hommes et aux femmes épris de paix, de justice et de démocratie dans notre pays ?
IMS : Ceux qui veulent sauver ce pays du démembrement doivent pouvoir se retrouver et nouer un pacte pour l’unité et lutter ensemble contre le système ségrégationniste et féodal. Ce système est voué à l’effondrement, le cas échéant, ils seront là pour éviter l’éclatement du pays et appliquer leur programme de refondation où tout le monde retrouvera sa dignité d’être mauritanien et mauritanienne à part entière.
AVOMM : Quel est l’appel que vous lancez au système et à ses alliés pour éviter le pire ?
IMS : Ce système est composé de plusieurs éléments qui entrent en corrélation. Il est naturellement dirigé par l’oligarchie militaire. Nous sommes actuellement dans la phase terminale de compétition entre les tenants du système pour son contrôle. Le processus semble inexorable, l’intelligence d’un sursaut pour le freiner me parait hypothétique mais ALLAH Seul sait.
AVOMM: Merci Mr le Président pour l'honneur que vous nous faites en nous accordant cet entretien au sortir de ce
congrès.
IMS:Tout l’honneur est pour moi.
Interview réalisée par
Mireille HAMELIN et Adama SARR pour avomm.com
IMS : Depuis notre dernière interview, je n’ai pas eu véritablement une sortie médiatique. La situation au sein du Parti et ma volonté exprimée depuis 2013 de me retirer de sa direction, avaient présidé à cette distanciation que j’ai observée ces dernières années. Tout d’abord, je voulais de manière progressive diminuer la trop grande présence de Ibrahima Moctar Sarr à la tête de l’AJD/MR, et du coup permettre l’émergence d’un autre leadership capable de reprendre les rênes de l’organisation et de faire face aux nouveaux défis qui se présentent.
En suite, j’estimais que le surplace a trop duré, nous ne faisons que répéter les mêmes discours que nous avons tenus il y’a des décennies, face à un système qui se consolide de jour en jour au point où nous ne sommes plus audibles devant nos militant.e.s et sympathisant.e.s. Ceux et celles-ci ne savent plus à quel saint se vouer, ayant perdu tout espoir de voir de leur vivant, la déconstruction de ce système qui les a rendus apatrides dans leur propre pays.
Ce congrès était très attendu pour apporter un début de réponse à ces défis. Il s’est tenu dans une conjoncture difficile pour le parti. Reporté plusieurs fois, nous avons dû, cette fois-ci, faire un forcing pour sa tenue. L’enjeu était de taille, c’est comme qui dirait : ça passe ou ça casse. Des bureaux de fédérations régionales avaient défié la direction du parti pour empêcher sa tenue. Il a fallu la détermination sans faille du bureau politique sortant, pour aboutir aux résultats que vous avez pu observer. Ce n’était pas évident mais notre joie est grande de constater que les résultats ont dépassé notre espérance. A travers tout le pays, nous avons observé une mobilisation inattendue des militant.e.s pour sauver notre Parti qui a fait preuve de sa constance dans sa ligne politique et les objectifs visés pour régler la question de la cohabitation entre les différentes composantes nationales du pays.
AVOMM : Une résolution fortement acclamée par les congressistes vous a demandé de continuer à présider aux destinées du Parti au moment où beaucoup s’attendaient à ce que vous rendiez le tablier. En réponse, vous avez accepté avec la condition que ce mandat ne dépasserait pas un an. Pensez-vous que c’est suffisant ?
IMS : C’est avec émotion que j’ai accueilli cette motion inattendue qui, à l’instant, avait anéanti toute capacité de résistance de ma part mais le réalisme a vite repris le dessus après un moment de flottement. Il fallait ramener tout le monde à la raison. Personne ne doit se sentir indispensable dans le Parti; le changement imprime la vitalité et le renouvellement des instances, fait éviter la sclérose et le pourrissement des structures. Étant concerné au premier chef, je suis conscient de mes limites sur le plan physique et intellectuel.
Ce ne serait pas rendre service au Parti que de continuer à exercer cette fonction plus longuement. Je remercie encore les militants pour cette marque d’attachement.
AVOMM : Une nouveauté dans votre déclaration de politique générale, vous entendez œuvrer pour une révision de la Constitution sur la réforme de l’État dans le sens d’une autonomisation des régions naturelles du pays. Qu’est-ce que cela recouvre ?
IMS : Jusqu’ici nous avions milité pour une décentralisation plus poussée ou les régions benéficieraient d’une plus grande capacité de s’autogérer notamment en ce qui concerne les domaines non étatiques. Nous constatons à présent que la trop grande centralisation de l’État étouffe toute volonté de se défaire des vieilles habitudes administratives et que la Mauritanie doit faire un pas en avant pour libérer l’énergie de nos régions naturelles. Cela permettra de créer une concurrence émulatrice entre elles tout en affirmant leur personnalité propre. Nos amis du FPC (Forces Progressistes du Changement) en avaient esquissé un modèle dans ce sens qu’il convient d’apprécier. Pour sa part l’AJD/MR, dans un proche avenir, présentera aux Mauritaniens sa vision par rapport à cette autonomisation qui pourrait être aussi un rempart contre le séparatisme.
AVOMM : L’AJD/MR a connu de nombreuses crises et semblerait-il que beaucoup de vos cadres ne sont pas contents, comment pourriez-vous expliquer cela ?
IMS : Le vrai problème auquel nous avons été confrontés est la discipline au sein du parti. Nos formations politiques à leur création ont obéi à des logiques historiques où l’engagement est lié à des appartenances tribale ou raciale et ethnique ou simplement familiale. C’est parfois des logiques d’obédience syndicale où le militantisme est fortement lié à des objectifs immédiats, droits-de-l’hommistes ou pour certains à une carrière politique programmée. Tout cela pour dire toute la différence qui existe avec les mouvements politiques de l’époque où l’abnégation, le patriotisme, l’esprit de sacrifice étaient accompagnés d’une solide formation politique, le plus souvent dans la clandestinité.
Avec l’avènement de la pseudo-démocratie, ayant en face des partisans d’un pouvoir qui exhibe ses moyens de corruption, les militants de l’opposition, surtout ceux qui luttent contre le système ségrégationniste ont du mal à résister dans un environnement de pauvreté, où les populations démunies perçoivent le politicien comme celui qui peut régler leurs problèmes immédiats.
Ceux qui sont dans l’opposition sont perçus comme des parias avec lesquels il ne faut pas s’afficher, même s’ils défendent avec constance et abnégation les vrais problèmes auxquels ces populations sont confrontées. C’est pourquoi les promotions auxquelles les militants peuvent aspirer deviennent un enjeu de taille. Les vrais problèmes qui ont été à l’origine des crises de l’AJD/MR sont liés à cette question de promotion. Les candidatures aux élections ont été pour l’essentiel à la base des crises. Ceux qui ont été évincés pour une raison ou pour une autre, se sont révoltés et même entrés en rébellion active contre le Parti. Il y a aussi que la lutte ayant trop duré, certains militants qui attendaient les retombées positives de leur militantisme préfèrent quitter ou s’insurger contre la direction du Parti qui ne change pas sa stratégie vis-à-vis du pouvoir pour leur permettre d’accéder à des privilèges.
Ma hantise personnelle est de constater que la jeunesse, qui doit constituer le fer de lance de notre lutte, semble plus préoccupée aujourd’hui à résoudre des problèmes de promotion économique et sociale personnels que de s’engager résolument dans la lutte révolutionnaire contre ce système décadent mais féroce.
AVOMM : L’AJD/MR est membre de la CVE/VR, comptez-vous élargir votre coalition lors des prochaines élections législatives et municipales du mois de Mai 2023 ?
IMS : L’AJD/MR est ouverte aux coalitions électorales pour multiplier les chances de faire élire des opposants au système. Nous avons toujours affirmé que les élections ne sont pas à elles seules suffisantes pour faire l’alternance. Le système ne permettra pas l’arrivée au pouvoir d’éléments qui tenteront de le remettre en cause .Mais nous pensons néanmoins qu’en permettant à certains membres de l’opposition d’accéder à des positions importantes ils pourront continuer à soulager les populations qui vivent le martyre mais également d’élever le débat, en direction de tous les justes du pays pour qu’ils s’engagent avec eux contre le système. C’est pourquoi, en son temps, nous avons fait des alliances avec Tawassoul et l’UFP et bien d’autres partis. En 2018 nous avons créé avec d’autres la CVE, ce fut une expérience que nous tentons de rééditer durant les prochaines élections. En vérité nous voulions nous ouvrir à toutes les forces opposées au système mais la real politique des uns et des autres limite cette ambition.
AVOMM : La question de l’unité nationale, du génocide des noirs se pose encore à notre pays, qu’est-ce qui empêche son règlement ?
IMS : Si je connaissais la vraie réponse, je l’aurais donnée immédiatement. Mon intuition me guide souvent dans mes analyses et jusqu’à cette conclusion grave à la quelle j’ai abouti qui est que notre seule volonté de voir ce problème réglé ne suffit pas. La lutte pourrait être longue car nous ne baisserons pas les bras. Ni les manifestations, ni les déclarations, ni les interventions des parlementaires à l‘assemblée Nationale ne suffiront. Les Négro-africains qui sont les principales victimes de ce génocide ne sont aujourd’hui sur aucune position de pouvoir.
Il convient de souligner que les responsables de cette situation regrettent de n’avoir pas terminé le boulot. La communauté internationale ne semble pas s’émouvoir outre mesure sur notre sort, même les voisins avec lesquels nous partageons tout, ne sont pas prêts à monnayer leurs relations avec ce système qui nous a réduits à néant. Il faut ajouter à ce tableau sombre que les victimes elles mêmes, malgré tout ce qu’elles partagent n’arrivent pas à réaliser une véritable unité d’action.
Nous avons espoir que les contradictions au sein de système finiront par avoir raison de lui, son effondrement suite à une implosion, doit permettre un sursaut de tous les justes du pays qui, au préalable, auraient noué un pacte pour l’unité afin de sauver le pays de la dislocation
AVOMM : Mr Bocar Oumar Ba, soutenu par votre Parti dont il est membre et le FPC a déclaré sa candidature à la candidature. Depuis, la CVE semble trainer les pieds ; partagez-vous ce sentiment ?
IMS : Bocar Oumar Ba est un cadre très respecté au sein du Parti. Il était le responsable de la Diaspora au sein du Bureau politique. Après le Congrès, il est investi de la charge honorable de Porte parole de l’AJD/MR. Naturellement l’AJD/MR soutient sa candidature à la candidature. Nous n’avons pas au moment où je réponds à votre question discuté avec la CVE sur les modalités pratiques de notre coalition éventuelle; j’espère que nous trouverons un accord acceptable pour tous qui va concrétiser notre volonté d’aller ensemble dans ces élections.
AVOMM : Que pensez-vous de la capacité de la jeunesse mauritanienne à apporter un souffle nouveau dans le long chemin vers l’instauration d’une société juste, démocratique et fraternelle ?
IMS : C’est Mokhtar Ould Daddah qui avait dit que : « la Mauritanie sera ce qu’en fera sa jeunesse ». Aujourd’hui, nous savons ce qu’est devenue la Mauritanie après 60 ans d’indépendance : un pays divisé en proie à des difficultés énormes, un véritable point d’interrogation pour son avenir. Ce sont ces jeunes devenus adultes, engagés dans l’armée, ayant accédé à de hauts grades qui ont perpétré ce génocide à l’endroit de leurs frères négro-africains. Ce sont ces jeunes qui sont allés se former à l’étranger ou ils ont épousé des idées exclusivistes, qui ont semé en Mauritanie la graine de l’exclusion et du déni des valeurs culturelles et sociétales des autres. Il faut reconnaitre que les meilleurs parmi cette jeunesse ont tout donné d’eux-mêmes pour contrer ces visées néfastes mais le pouvoir militaire a été véritablement monopolisé par les tenants d’une Mauritanie exclusivement arabe. Peut-on espérer un revirement de la situation pour rappeler aux uns et aux autres que la Mauritanie ne peut exister que si elle ressemble à cet œil dont parlait encore Mokhtar Ould Daddah, un œil avec son blanc et son noir afin de pouvoir regarder le monde.
AVOMM : Quel message voulez-vous transmettre aux hommes et aux femmes épris de paix, de justice et de démocratie dans notre pays ?
IMS : Ceux qui veulent sauver ce pays du démembrement doivent pouvoir se retrouver et nouer un pacte pour l’unité et lutter ensemble contre le système ségrégationniste et féodal. Ce système est voué à l’effondrement, le cas échéant, ils seront là pour éviter l’éclatement du pays et appliquer leur programme de refondation où tout le monde retrouvera sa dignité d’être mauritanien et mauritanienne à part entière.
AVOMM : Quel est l’appel que vous lancez au système et à ses alliés pour éviter le pire ?
IMS : Ce système est composé de plusieurs éléments qui entrent en corrélation. Il est naturellement dirigé par l’oligarchie militaire. Nous sommes actuellement dans la phase terminale de compétition entre les tenants du système pour son contrôle. Le processus semble inexorable, l’intelligence d’un sursaut pour le freiner me parait hypothétique mais ALLAH Seul sait.
AVOMM: Merci Mr le Président pour l'honneur que vous nous faites en nous accordant cet entretien au sortir de ce
congrès.
IMS:Tout l’honneur est pour moi.
Interview réalisée par
Mireille HAMELIN et Adama SARR pour avomm.com