AVOMM.COM : Abdoul Birane Wane, vous êtes en ce moment en France dans le cadre d'une tournée européenne, pouvez-vous nous donner plus de détails sur cette tournée?
Abdoul Birane Wane : Oui ce voyage rentre dans le cadre d’un important programme pour le mouvement. Il sera question de rencontrer nos militants, nos partenaires, des élus Européens et Américains et des organisations de droits humains. Nous sommes dans une phase où nous devons discuter des grandes orientations du mouvement à un moment crucial de notre existence nous négro-mauritaniens.
Sans aucune forme d’excès, notre communauté connaît une réelle menace, et sur tous les plans. Au terme de cette tournée nous dévoilerons la nouvelle orientation de notre organisation qui nécessitera beaucoup de courage et de grands sacrifices. Vu l’importance de nos projets, cette tournée concerne la France, la Belgique, l’Allemagne, les Etats-Unis et plus tard quelques pays de l’Afrique de l’ouest dont le Sénégal, le Mali et la Guinée. Chacun de ces pays a pour nous une importance stratégique particulière.
La question de l'enrôlement a été à l'origine de la création de votre mouvement TPMN, quelles sont les questions qui constituent aujourd'hui la priorité pour votre organisation?
La question de l’enrôlement reste toujours au centre de nos préoccupations. Sans notre citoyenneté il nous est impossible de prétendre à certains droits. Donc la question de la nationalité reste toujours notre cheval de bataille. Je dois souligner qu’aujourd’hui la question de nos terres fait partie de nos grandes priorités. Après le Trarza c’est le tour du Brakna avec des milliers d’hectares que l’Etat raciste a attribués à des Saoudiens et prochainement ce sera le Gorgol et le Guidimakha. D’autres terres sont injustement occupées par des haratins avec la bénédiction de l’Etat raciste depuis les événements de 1989. Nous avons même mené une véritable campagne de sensibilisation autour de cette question dans les différentes chancelleries en Mauritanie en attirant leur attention sur les conséquences néfastes de cette politique raciste de spoliation. Nous ne cesserons d’exiger l’officialisation de nos langues et leur introduction dans le système éducatif. Nous continuons d’exiger le partage équitable du pouvoir et des richesses de ce pays.
La Mauritanie traverse une véritable crise politique, quelle analyse faites-vous de cette situation?
Cette crise elle est profonde. Nous avons une opposition et une majorité qui n’arrivent pas à amorcer un véritable dialogue. D’un autre coté des communautés noires sans aucun doute majoritaires mais marginalisées et victimes d’un système raciste dont l’objectif principal est d’épurer la Mauritanie de tout ce qui est noir. Devant la gravité de la situation le pouvoir en place ne fournit aucun effort pour prendre en considération les principales revendications des communautés victimes, à savoir le droit à la nationalité, le règlement juste et définitif de la question du génocide et des déportations, l’officialisation de nos langues (pulaar, wolof et soninke).
Dans ces conditions, les négro-mauritaniens risquent de s’en sortir comme grands perdants au profit des populations hassanophones. Une nouvelle redistribution des cartes est entrain de se faire, et si nos communautés ne se ressaisissent pas, une nouvelle Mauritanie se fera sans nous. Nos communautés respectives n’ont jamais été aussi menacées dans leur existence. Lors d’une interview dans jeune Afrique au mois de juin 2012 j’avais affiché ces inquiétudes, inquiétudes qui sont entrain de se confirmer.
Vos détracteurs aiment répéter que vous êtes passif ces derniers temps, qu'avez-vous à leur répondre?
Vous parlez de ceux qui n’ont rien à faire et qui s’agitent sur Facebook et qui ont besoin de se sentir indispensables ? Ou de ceux qui ont juré d’avoir ma tête parce que j’ai eu le courage de dire tout haut ce que beaucoup pensent ? Je vais être très clair, L’organisation que je dirige refuse de sous-traiter les problèmes des négro-mauritaniens, nous rejetons la lutte par procuration. Nous sommes capables de prendre en charge nos problèmes. Nos avons connu un génocide, des déportations, nos langues sont reléguées au second plan, nos cultures sont bafouées, nos terres spoliées, alors qui est mieux placé que nous pour poser nos propres problèmes ? Personne.
Certains pensent que combattre le système raciste c’est s’exciter sur la toile et insulter. Ce genre de comportement a largement contribué au retard que notre lutte connaît. Ils étalent en public nos plus profondes divergences et dans leurs moindres détails alors que nous avons un ennemi organisé, de plus en plus fort et déterminé à en finir avec les noirs. Et finalement, ces héros de la toile servent-ils notre cause ?
Je tiens à préciser une chose. Quand nous avons décidé de remplir notre devoir en s’engageant dans la lutte nous n’avons attendu la bénédiction ou l’adoubement de personne. Nous continuons notre chemin avec sérénité et rappelons que personne ne peut combattre à notre place du moment que chaque communauté a ses propres problèmes. Un adage pulaar dit « so won ko hama yeroyel waawi dannga yummum yooliima ».
Nous avons un objectif et un projet pour notre communauté qui a plus souffert de 1966 à nos jours. Donc les agitateurs sur la toile ne peuvent pas nous divertir et ils savent que nous avons tout compris et que rien ne changera notre vision sur certaines questions. « Le chien aboie la caravane passe ». Nous avions besoin de revoir beaucoup de choses, nos faiblesses, nos défauts, nos atouts. Nous n’avons jamais abdiqué et ce n’est pas demain la veille, c’est un serment que nous avons fait.
Quels sont les objectifs à long terme de votre organisation ?
Les objectifs sont clairs. Nous combattons pour aboutir à la réalisation des objectifs suivants. Nous voulons une Mauritanie où le pouvoir exécutif sera réellement partagé au lieu d’être monopolisé par une minorité, nous avons le droit de gérer l’administration locale dans nos régions respectives. Nous voulons un nouveau découpage électoral pour que nos communautés aient la chance d’être suffisamment représentées, je rappelle qu’actuellement à l’assemblée nationale, sur 147 députés 122 sont hassanophones, et au sénat 48 hassanophones sur 56, soit un total de 170 parlementaires sur 203 au niveau des deux chambres. Cette injustice doit être réparée. Nous voulons une armée nationale et non des milices tribales. Nos langues doivent être officialisées et enseignées dans les écoles au même titre que l’arabe. Nos terres constituent un héritage depuis des siècles, avant même la création de l’Etat Mauritanien. Nous nous battrons toujours contre ces spoliations destinées à effacer notre histoire sur ces terres.
Si nous ne pouvons pas obtenir la satisfaction de ces revendications justes et nobles, nous nous demanderons alors à quoi sert notre attachement à l’unité de ce pays et nous prendrons l’orientation qui s’impose et qui sera une garantie de la survie de notre communauté.
Un message aux Mauritaniens?
Aux Mauritaniens nous demandons de lutter contre ce système raciste qui exclut les noirs et de ne pas se tromper d’adversaire. La communauté négro-mauritanienne est suffisamment menacée, nous devons taire nos divergences car l’ennemi se renforce de plus en plus.
Un dernier mot.
Un grand merci à AVOMM, félicitations à son nouveau président Amadou Bathily et à tous ses dirigeants.
Merci Abdoul Birane et bon courage.
Entretien réalisé par Mireille Hamelin
Pour avomm.com
Abdoul Birane Wane : Oui ce voyage rentre dans le cadre d’un important programme pour le mouvement. Il sera question de rencontrer nos militants, nos partenaires, des élus Européens et Américains et des organisations de droits humains. Nous sommes dans une phase où nous devons discuter des grandes orientations du mouvement à un moment crucial de notre existence nous négro-mauritaniens.
Sans aucune forme d’excès, notre communauté connaît une réelle menace, et sur tous les plans. Au terme de cette tournée nous dévoilerons la nouvelle orientation de notre organisation qui nécessitera beaucoup de courage et de grands sacrifices. Vu l’importance de nos projets, cette tournée concerne la France, la Belgique, l’Allemagne, les Etats-Unis et plus tard quelques pays de l’Afrique de l’ouest dont le Sénégal, le Mali et la Guinée. Chacun de ces pays a pour nous une importance stratégique particulière.
La question de l'enrôlement a été à l'origine de la création de votre mouvement TPMN, quelles sont les questions qui constituent aujourd'hui la priorité pour votre organisation?
La question de l’enrôlement reste toujours au centre de nos préoccupations. Sans notre citoyenneté il nous est impossible de prétendre à certains droits. Donc la question de la nationalité reste toujours notre cheval de bataille. Je dois souligner qu’aujourd’hui la question de nos terres fait partie de nos grandes priorités. Après le Trarza c’est le tour du Brakna avec des milliers d’hectares que l’Etat raciste a attribués à des Saoudiens et prochainement ce sera le Gorgol et le Guidimakha. D’autres terres sont injustement occupées par des haratins avec la bénédiction de l’Etat raciste depuis les événements de 1989. Nous avons même mené une véritable campagne de sensibilisation autour de cette question dans les différentes chancelleries en Mauritanie en attirant leur attention sur les conséquences néfastes de cette politique raciste de spoliation. Nous ne cesserons d’exiger l’officialisation de nos langues et leur introduction dans le système éducatif. Nous continuons d’exiger le partage équitable du pouvoir et des richesses de ce pays.
La Mauritanie traverse une véritable crise politique, quelle analyse faites-vous de cette situation?
Cette crise elle est profonde. Nous avons une opposition et une majorité qui n’arrivent pas à amorcer un véritable dialogue. D’un autre coté des communautés noires sans aucun doute majoritaires mais marginalisées et victimes d’un système raciste dont l’objectif principal est d’épurer la Mauritanie de tout ce qui est noir. Devant la gravité de la situation le pouvoir en place ne fournit aucun effort pour prendre en considération les principales revendications des communautés victimes, à savoir le droit à la nationalité, le règlement juste et définitif de la question du génocide et des déportations, l’officialisation de nos langues (pulaar, wolof et soninke).
Dans ces conditions, les négro-mauritaniens risquent de s’en sortir comme grands perdants au profit des populations hassanophones. Une nouvelle redistribution des cartes est entrain de se faire, et si nos communautés ne se ressaisissent pas, une nouvelle Mauritanie se fera sans nous. Nos communautés respectives n’ont jamais été aussi menacées dans leur existence. Lors d’une interview dans jeune Afrique au mois de juin 2012 j’avais affiché ces inquiétudes, inquiétudes qui sont entrain de se confirmer.
Vos détracteurs aiment répéter que vous êtes passif ces derniers temps, qu'avez-vous à leur répondre?
Vous parlez de ceux qui n’ont rien à faire et qui s’agitent sur Facebook et qui ont besoin de se sentir indispensables ? Ou de ceux qui ont juré d’avoir ma tête parce que j’ai eu le courage de dire tout haut ce que beaucoup pensent ? Je vais être très clair, L’organisation que je dirige refuse de sous-traiter les problèmes des négro-mauritaniens, nous rejetons la lutte par procuration. Nous sommes capables de prendre en charge nos problèmes. Nos avons connu un génocide, des déportations, nos langues sont reléguées au second plan, nos cultures sont bafouées, nos terres spoliées, alors qui est mieux placé que nous pour poser nos propres problèmes ? Personne.
Certains pensent que combattre le système raciste c’est s’exciter sur la toile et insulter. Ce genre de comportement a largement contribué au retard que notre lutte connaît. Ils étalent en public nos plus profondes divergences et dans leurs moindres détails alors que nous avons un ennemi organisé, de plus en plus fort et déterminé à en finir avec les noirs. Et finalement, ces héros de la toile servent-ils notre cause ?
Je tiens à préciser une chose. Quand nous avons décidé de remplir notre devoir en s’engageant dans la lutte nous n’avons attendu la bénédiction ou l’adoubement de personne. Nous continuons notre chemin avec sérénité et rappelons que personne ne peut combattre à notre place du moment que chaque communauté a ses propres problèmes. Un adage pulaar dit « so won ko hama yeroyel waawi dannga yummum yooliima ».
Nous avons un objectif et un projet pour notre communauté qui a plus souffert de 1966 à nos jours. Donc les agitateurs sur la toile ne peuvent pas nous divertir et ils savent que nous avons tout compris et que rien ne changera notre vision sur certaines questions. « Le chien aboie la caravane passe ». Nous avions besoin de revoir beaucoup de choses, nos faiblesses, nos défauts, nos atouts. Nous n’avons jamais abdiqué et ce n’est pas demain la veille, c’est un serment que nous avons fait.
Quels sont les objectifs à long terme de votre organisation ?
Les objectifs sont clairs. Nous combattons pour aboutir à la réalisation des objectifs suivants. Nous voulons une Mauritanie où le pouvoir exécutif sera réellement partagé au lieu d’être monopolisé par une minorité, nous avons le droit de gérer l’administration locale dans nos régions respectives. Nous voulons un nouveau découpage électoral pour que nos communautés aient la chance d’être suffisamment représentées, je rappelle qu’actuellement à l’assemblée nationale, sur 147 députés 122 sont hassanophones, et au sénat 48 hassanophones sur 56, soit un total de 170 parlementaires sur 203 au niveau des deux chambres. Cette injustice doit être réparée. Nous voulons une armée nationale et non des milices tribales. Nos langues doivent être officialisées et enseignées dans les écoles au même titre que l’arabe. Nos terres constituent un héritage depuis des siècles, avant même la création de l’Etat Mauritanien. Nous nous battrons toujours contre ces spoliations destinées à effacer notre histoire sur ces terres.
Si nous ne pouvons pas obtenir la satisfaction de ces revendications justes et nobles, nous nous demanderons alors à quoi sert notre attachement à l’unité de ce pays et nous prendrons l’orientation qui s’impose et qui sera une garantie de la survie de notre communauté.
Un message aux Mauritaniens?
Aux Mauritaniens nous demandons de lutter contre ce système raciste qui exclut les noirs et de ne pas se tromper d’adversaire. La communauté négro-mauritanienne est suffisamment menacée, nous devons taire nos divergences car l’ennemi se renforce de plus en plus.
Un dernier mot.
Un grand merci à AVOMM, félicitations à son nouveau président Amadou Bathily et à tous ses dirigeants.
Merci Abdoul Birane et bon courage.
Entretien réalisé par Mireille Hamelin
Pour avomm.com