1. L’usage a consacré les « sanctions » comme terme générique pour qualifier les contre-mesures légitimes prises par le reste du monde à l’encontre d’un Etat qui ne respecte pas ses obligations internationales.
C’est ainsi que, dès le lendemain du Coup d’Etat, des « sanctions » ont été invoquées contre la Mauritanie voire appliquées par certains de ses partenaires étrangers (suspension de participation à l’UA et à l’OIF, restriction de voyage de certains officiels membres ou proches de la junte par les Etats-Unis etc…).
Aujourd’hui, la question de savoir si, suite aux différents « ultimatum » de la part de principales institutions internationales, il devrait ou non y avoir des « sanctions » internationales et si oui, lesquelles, cette question est au cœur des crispations politiques nationales et des préoccupations de la communauté internationale.
« Mesures conservatoires » et « sanctions »
2. Sur le plan interne, les forces qui luttent avec acharnement pour le rétablissement pur et simple de la légalité constitutionnelle, estiment que ces « sanctions », si elles devaient s’abattre sur le pays comme un mauvais sort, ne seraient que la conséquence dramatique de la prise de pouvoir illégale par des Généraux.
Tant que ces derniers maintiennent leur ligne Maginot de rejet de toute formule de compromis fondé sur le préalable du retour du Président Sidi au pouvoir, ces sanctions sont inévitables et le peuple doit s’y préparer, en ne les considérant que comme l’ombre du putsch lui-même, sa compagne encombrante et funeste. Les putschistes devront en assumer toutes les conséquences.
3. Ces mêmes considérations liées aux inévitables « dommages collatéraux », amènent certains acteurs internationaux à se montrer hostiles au principe même de ces « sanctions ». Le Président Wade, sans doute dans un grand élan sentimentaliste à l’égard du peuple mauritanien frère, s’est dit hostile aux « sanctions » puisqu’elles ne frapperaient d’après lui, que le peuple et non les dirigeants, sinon marginalement. Mais, il est vrai qu’il n’a pas tiré les conclusions de ses prémisses, à savoir l’adoption des « sanctions » contre ces dirigeants et non contre leur peuple innocent…
Tout récemment, et en retrait apparent par rapport à la remarquable fermeté de la position française depuis le Coup d’Etat, M. B Kouchner, jusqu’ici étrangement discret sur cette « affaire mauritanienne », est subitement venu apporter un éclairage nuancé sur ce qui, jusqu’ici, était une ligne diplomatique française éblouissante de clarté, à savoir que le junte doit s’attendre à assumer toutes les conséquences de sa prise de pouvoir illégale, sans préjuger de ce que pouvaient être justement ces conséquences.
C’était pour rendre compte de la position commune des principaux partenaires de la Mauritanie réunis à Addis-Abeba le 21 novembre, pour constater la poursuite de l’impasse de la situation, du fait de l’attitude des autorités de fait de Nouakchott, et pour leur ouvrir une nouvelle chance de sortir de cette situation sans issue pour elles et pour le pays. « Selon moi, dira-t-il, il doit s’agir de sanctions individuelles, comme des interdictions de voyage. Comment pourrions- nous viser le peuple mauritanien déjà si pauvre… ». Donc, ces « sanctions », s’il y’a lieu, ne pourraient être que minimales, voire symboliques, en raison de l’extrême fragilité économique et sociale de la Mauritanie.
4. Bien sûr, pour les partisans de la junte, cette approche minimaliste des « sanctions » ne peut que bien sonner à leurs oreilles jusqu’ici polluées par la clameur des condamnations et des menaces de grande fermeté, à l’instar de celles que pourraient supposer l’attitude intransigeante de la diplomatie américaine à ce propos.
5. Suivant la vieille tactique consistant pour le pyromane à crier au feu, les putschistes font du bruit partout pour accuser les partisans de l’ordre constitutionnel de soutenir les « sanctions » contre leur pays en préconisant une grande fermeté de la communauté internationale dans l’application des « mesures appropriées » de la part de ses institutions les plus représentatives, pour faire fléchir la junte (UA, Ligue Arabe, UE, OIF, OCI…).
6. Nombre de ceux qui s’expriment à propos de ces « sanctions » et « mesures appropriées », amalgament toutefois, les réactions convenues dans des accords internationaux auxquels les parties sont liées (y compris la Mauritanie) et celles qu’offrent au reste du monde, les ressources du droit international général- suivant l’appréciation faite de la gravité de l’évènement que représente un coup d’Etat dans les relations internationales actuelles.
7. Il en est ainsi, dans la première hypothèse, des « mesures » prévues par l’accord de Cotonou (UE/ACP), dont l’art 96 prévoit la possibilité pour les parties, d’entreprendre des contre-mesures légitimées par la violation par l’autre de ses obligations en matière de droits de l’homme, de respect des principes démocratiques et de l’Etat de droit. Auquel cas, vont s’ouvrir les fameuses « consultations » avec la partie fautive pour l’amener à se remettre dans le cadre défini par l’accord dans la matière considérée.
C’est exactement dans cette situation que se retrouve la junte depuis le 6 août 2008 et dans laquelle, sous une autre appellation (CMJD) se trouvaient les mêmes récidivistes lors de leur précédent pronunciamiento, en août 2005. Si les consultations n’amènent pas la partie défaillante à respecter ses obligations (au terme d’un délai contenu dans l’accord, soit 120 jours au plus à partir du jour da la violation desdites obligations), la phase dite des sanctions est alors amorcée.
8. Les « sanctions » conventionnelles sont celles qu’appréhende aujourd’hui la junte puisqu’elles sont de nature à réduire fatalement ses marges financières (plusieurs centaines de millions d’euros en « manque à gagner ») en raison de l’éventuelle suspension des avantages de toutes natures résultant de l’application de l’accord. Intervenant dans le contexte d’une crise financière et économique mondiale sans précédent, elles mèneraient rapidement le pays à la faillite totale. Pure et simple.
C’est donc à leur propos, et par autodérision, que les thuriféraires de la junte jouent à se donner du courage en louant les vertus d’une « souveraineté nationale » dont ils se souviennent subitement de l’existence, en jouant la fibre de l’étroitesse nationale puisque ce sont elles qui provoqueraient le plus de « dommages collatéraux » dans la vie courante des gens (même si la coopération dite humanitaire était maintenue).
9. Pourtant, au risque de surprendre, on peut affirmer que, sur le plan strictement juridique, la situation visée par l’art 96 (violation par l’une des « parties », de ses obligations essentielles notamment au plan de la démocratie pluraliste) n’est pas tout à fait celle que connaît aujourd’hui la Mauritanie.
Dans le premier cas, c’est l’Etat lui-même, dans sa constitution et sa représentation normales (gouvernement légal), qui viole ses engagements et qui, dès lors, à travers ses représentants légaux, assume les conséquences externes de ses actes. Ce serait le cas si c’était la Mauritanie telle que dirigée avant le coup d’Etat qui avait accompli une violation essentielle de ses obligations en matière de droits de l’homme, de gouvernance démocratique etc.
Il est clair que dans une telle situation, c’est l’Etat qui se trouverait, en tant que tel, engagé par l’action (ou l’abstention) de ses représentants légitimes. On serait donc bien dans une logique de « sanctions » au sens du droit international, c'est-à-dire une contre-mesure qu’assumerait l’Etat, éventuellement d’ailleurs, devant une instance judiciaire internationale (Cour Internationale de Justice par exemple), quels que soient ses dirigeants. Dans notre cas actuel, il en est absolument autrement.
10. La Mauritanie, comme « partie » de l’accord de Cotonou, n’a remis en cause aucune de ses obligations. Bien au contraire, elle les a toutes scrupuleusement respectées durant les quinze mois qui se sont écoulés depuis l’établissement du régime de M. Mohamed Sidi Ould Cheikh Abdallah jusqu’à son renversement le 6 août 2008. A moins de considérer que le Coup d’Etat, acte inconstitutionnel (et donc anti étatique) et contraire au droit international par définition, soit néanmoins imputable à l’Etat mauritanien- ce qui serait le comble de l’absurdité juridique.
Le Coup d’Etat est le fait d’un nombre particulièrement réduit d’officiers supérieurs, de surcroît limogés au moment du forfait par le détenteur légal de l’autorité suprême d’Etat. Il n’engage donc pas le pays mais seulement ses auteurs, devant leur peuple et devant la communauté internationale. Aucune plainte, de quelque nature que ce soit, ne pourrait être déposée, devant quelque instance que ce soit, contre l’Etat mauritanien du fait de cette rupture illicite de son ordre constitutionnel. Au 6 août, la Mauritanie en tant qu’Etat n’a pas violé ses engagements susceptibles de déclencher des sanctions contre elle au titre de l’article 96 de l’accord de Cotonou.
11. Etait-il possible, pour autant, de laisser courir l’accord de Cotonou, au motif que l’une des conditions de sa violation (à savoir l’imputation de ladite violation à un « Etat partie ») n’était pas remplie ? Bien sûr que non ! Les autres Etats Parties à l’accord étaient non seulement en droit, mais dans l’obligation d’en suspendre l’application, non pas comme mesure de sanction mais comme mesure conservatoire puisque l’une des qualités essentielles de la partie concernée (pour la Mauritanie), fait défaut provisoirement: être gouverné par des autorités représentatives.
12. Il est vrai que, sauf conséquence en matière de pleine juridiction internationale, « sanctions » et « mesures conservatoires » se confondent dans leurs résultats pratiques puisque, dans les deux cas, l’Etat peut se trouver « suspendu » dans la jouissance de son droit de représentation internationale et dans le bénéfice de certains autres avantages (matériels ou financiers par exemple).En cas de prise de mesures conservatoires, l’Etat ne perd pas ces avantages (ce qui pourrait être le cas en matière de sanctions). Ceux-ci sont «gelés » jusqu’au rétablissement de l’ordre constitutionnel normal. C’est la position la plus répandue aujourd’hui au sein de la communauté internationale.
13. Ces considérations apparemment très théoriques (que le lecteur non averti des très rébarbatives questions juridiques veuille bien me pardonner !) m’amènent aux remarques pratiques ci-après, en ce qui concerne les « sanctions » envisagées actuellement par la communauté internationale :
1°) En tant que « sanctions », les contre-mesures envisagées par la communauté internationale ne peuvent, en aucun cas, être prononcées contre l’Etat mauritanien (et donc contre notre peuple) puisque cet Etat n’est pas responsable de l’atteinte portée contre son propre ordre constitutionnel.
2°) En tant que « sanctions », ces contre-mesures, tout à fait légitimes (nous verrons pourquoi) ne peuvent viser que les auteurs de l’acte considéré comme suffisamment grave pour entraîner ces réactions internationales. Ils ne représentent pas l’Etat, au plan du droit. Ils ne représentent que leurs personnes respectives et, de ce fait, doivent être traitées comme des autorités de fait (avec les conséquences juridiques internationales découlant de l’exercice d’une autorité de fait).
3°) Les parties étrangères doivent suspendre, avec ces autorités de fait, toutes relations de nature à engager la poursuite de leur entreprise et, à plus forte raison, de l’amplifier, de la consolider ou de la reproduire. Toute attitude contraire leur est opposable en droit, en particulier, s’il y’a lieu, devant les instances judiciaires pertinentes.
Il va de soi que toute mise à la disposition de la junte, de ressources financières découlant de la mise en œuvre de conventions ou contrats internationaux se ferait aux risques et périls de la partie complaisante, comme ce fut le cas, dans le cadre des clauses de l’accord de pêche avec l’Union européenne, après le coup d’Etat. En particulier en cas de détournement ou de dilapidation de la manne financière, sauf, bien entendu, acceptation au moins tacite de ces relations par les représentants légitimes de l’Etat, en liberté…(A suivre)
Lô Gourmo Abdoul
via cridem
C’est ainsi que, dès le lendemain du Coup d’Etat, des « sanctions » ont été invoquées contre la Mauritanie voire appliquées par certains de ses partenaires étrangers (suspension de participation à l’UA et à l’OIF, restriction de voyage de certains officiels membres ou proches de la junte par les Etats-Unis etc…).
Aujourd’hui, la question de savoir si, suite aux différents « ultimatum » de la part de principales institutions internationales, il devrait ou non y avoir des « sanctions » internationales et si oui, lesquelles, cette question est au cœur des crispations politiques nationales et des préoccupations de la communauté internationale.
« Mesures conservatoires » et « sanctions »
2. Sur le plan interne, les forces qui luttent avec acharnement pour le rétablissement pur et simple de la légalité constitutionnelle, estiment que ces « sanctions », si elles devaient s’abattre sur le pays comme un mauvais sort, ne seraient que la conséquence dramatique de la prise de pouvoir illégale par des Généraux.
Tant que ces derniers maintiennent leur ligne Maginot de rejet de toute formule de compromis fondé sur le préalable du retour du Président Sidi au pouvoir, ces sanctions sont inévitables et le peuple doit s’y préparer, en ne les considérant que comme l’ombre du putsch lui-même, sa compagne encombrante et funeste. Les putschistes devront en assumer toutes les conséquences.
3. Ces mêmes considérations liées aux inévitables « dommages collatéraux », amènent certains acteurs internationaux à se montrer hostiles au principe même de ces « sanctions ». Le Président Wade, sans doute dans un grand élan sentimentaliste à l’égard du peuple mauritanien frère, s’est dit hostile aux « sanctions » puisqu’elles ne frapperaient d’après lui, que le peuple et non les dirigeants, sinon marginalement. Mais, il est vrai qu’il n’a pas tiré les conclusions de ses prémisses, à savoir l’adoption des « sanctions » contre ces dirigeants et non contre leur peuple innocent…
Tout récemment, et en retrait apparent par rapport à la remarquable fermeté de la position française depuis le Coup d’Etat, M. B Kouchner, jusqu’ici étrangement discret sur cette « affaire mauritanienne », est subitement venu apporter un éclairage nuancé sur ce qui, jusqu’ici, était une ligne diplomatique française éblouissante de clarté, à savoir que le junte doit s’attendre à assumer toutes les conséquences de sa prise de pouvoir illégale, sans préjuger de ce que pouvaient être justement ces conséquences.
C’était pour rendre compte de la position commune des principaux partenaires de la Mauritanie réunis à Addis-Abeba le 21 novembre, pour constater la poursuite de l’impasse de la situation, du fait de l’attitude des autorités de fait de Nouakchott, et pour leur ouvrir une nouvelle chance de sortir de cette situation sans issue pour elles et pour le pays. « Selon moi, dira-t-il, il doit s’agir de sanctions individuelles, comme des interdictions de voyage. Comment pourrions- nous viser le peuple mauritanien déjà si pauvre… ». Donc, ces « sanctions », s’il y’a lieu, ne pourraient être que minimales, voire symboliques, en raison de l’extrême fragilité économique et sociale de la Mauritanie.
4. Bien sûr, pour les partisans de la junte, cette approche minimaliste des « sanctions » ne peut que bien sonner à leurs oreilles jusqu’ici polluées par la clameur des condamnations et des menaces de grande fermeté, à l’instar de celles que pourraient supposer l’attitude intransigeante de la diplomatie américaine à ce propos.
5. Suivant la vieille tactique consistant pour le pyromane à crier au feu, les putschistes font du bruit partout pour accuser les partisans de l’ordre constitutionnel de soutenir les « sanctions » contre leur pays en préconisant une grande fermeté de la communauté internationale dans l’application des « mesures appropriées » de la part de ses institutions les plus représentatives, pour faire fléchir la junte (UA, Ligue Arabe, UE, OIF, OCI…).
6. Nombre de ceux qui s’expriment à propos de ces « sanctions » et « mesures appropriées », amalgament toutefois, les réactions convenues dans des accords internationaux auxquels les parties sont liées (y compris la Mauritanie) et celles qu’offrent au reste du monde, les ressources du droit international général- suivant l’appréciation faite de la gravité de l’évènement que représente un coup d’Etat dans les relations internationales actuelles.
7. Il en est ainsi, dans la première hypothèse, des « mesures » prévues par l’accord de Cotonou (UE/ACP), dont l’art 96 prévoit la possibilité pour les parties, d’entreprendre des contre-mesures légitimées par la violation par l’autre de ses obligations en matière de droits de l’homme, de respect des principes démocratiques et de l’Etat de droit. Auquel cas, vont s’ouvrir les fameuses « consultations » avec la partie fautive pour l’amener à se remettre dans le cadre défini par l’accord dans la matière considérée.
C’est exactement dans cette situation que se retrouve la junte depuis le 6 août 2008 et dans laquelle, sous une autre appellation (CMJD) se trouvaient les mêmes récidivistes lors de leur précédent pronunciamiento, en août 2005. Si les consultations n’amènent pas la partie défaillante à respecter ses obligations (au terme d’un délai contenu dans l’accord, soit 120 jours au plus à partir du jour da la violation desdites obligations), la phase dite des sanctions est alors amorcée.
8. Les « sanctions » conventionnelles sont celles qu’appréhende aujourd’hui la junte puisqu’elles sont de nature à réduire fatalement ses marges financières (plusieurs centaines de millions d’euros en « manque à gagner ») en raison de l’éventuelle suspension des avantages de toutes natures résultant de l’application de l’accord. Intervenant dans le contexte d’une crise financière et économique mondiale sans précédent, elles mèneraient rapidement le pays à la faillite totale. Pure et simple.
C’est donc à leur propos, et par autodérision, que les thuriféraires de la junte jouent à se donner du courage en louant les vertus d’une « souveraineté nationale » dont ils se souviennent subitement de l’existence, en jouant la fibre de l’étroitesse nationale puisque ce sont elles qui provoqueraient le plus de « dommages collatéraux » dans la vie courante des gens (même si la coopération dite humanitaire était maintenue).
9. Pourtant, au risque de surprendre, on peut affirmer que, sur le plan strictement juridique, la situation visée par l’art 96 (violation par l’une des « parties », de ses obligations essentielles notamment au plan de la démocratie pluraliste) n’est pas tout à fait celle que connaît aujourd’hui la Mauritanie.
Dans le premier cas, c’est l’Etat lui-même, dans sa constitution et sa représentation normales (gouvernement légal), qui viole ses engagements et qui, dès lors, à travers ses représentants légaux, assume les conséquences externes de ses actes. Ce serait le cas si c’était la Mauritanie telle que dirigée avant le coup d’Etat qui avait accompli une violation essentielle de ses obligations en matière de droits de l’homme, de gouvernance démocratique etc.
Il est clair que dans une telle situation, c’est l’Etat qui se trouverait, en tant que tel, engagé par l’action (ou l’abstention) de ses représentants légitimes. On serait donc bien dans une logique de « sanctions » au sens du droit international, c'est-à-dire une contre-mesure qu’assumerait l’Etat, éventuellement d’ailleurs, devant une instance judiciaire internationale (Cour Internationale de Justice par exemple), quels que soient ses dirigeants. Dans notre cas actuel, il en est absolument autrement.
10. La Mauritanie, comme « partie » de l’accord de Cotonou, n’a remis en cause aucune de ses obligations. Bien au contraire, elle les a toutes scrupuleusement respectées durant les quinze mois qui se sont écoulés depuis l’établissement du régime de M. Mohamed Sidi Ould Cheikh Abdallah jusqu’à son renversement le 6 août 2008. A moins de considérer que le Coup d’Etat, acte inconstitutionnel (et donc anti étatique) et contraire au droit international par définition, soit néanmoins imputable à l’Etat mauritanien- ce qui serait le comble de l’absurdité juridique.
Le Coup d’Etat est le fait d’un nombre particulièrement réduit d’officiers supérieurs, de surcroît limogés au moment du forfait par le détenteur légal de l’autorité suprême d’Etat. Il n’engage donc pas le pays mais seulement ses auteurs, devant leur peuple et devant la communauté internationale. Aucune plainte, de quelque nature que ce soit, ne pourrait être déposée, devant quelque instance que ce soit, contre l’Etat mauritanien du fait de cette rupture illicite de son ordre constitutionnel. Au 6 août, la Mauritanie en tant qu’Etat n’a pas violé ses engagements susceptibles de déclencher des sanctions contre elle au titre de l’article 96 de l’accord de Cotonou.
11. Etait-il possible, pour autant, de laisser courir l’accord de Cotonou, au motif que l’une des conditions de sa violation (à savoir l’imputation de ladite violation à un « Etat partie ») n’était pas remplie ? Bien sûr que non ! Les autres Etats Parties à l’accord étaient non seulement en droit, mais dans l’obligation d’en suspendre l’application, non pas comme mesure de sanction mais comme mesure conservatoire puisque l’une des qualités essentielles de la partie concernée (pour la Mauritanie), fait défaut provisoirement: être gouverné par des autorités représentatives.
12. Il est vrai que, sauf conséquence en matière de pleine juridiction internationale, « sanctions » et « mesures conservatoires » se confondent dans leurs résultats pratiques puisque, dans les deux cas, l’Etat peut se trouver « suspendu » dans la jouissance de son droit de représentation internationale et dans le bénéfice de certains autres avantages (matériels ou financiers par exemple).En cas de prise de mesures conservatoires, l’Etat ne perd pas ces avantages (ce qui pourrait être le cas en matière de sanctions). Ceux-ci sont «gelés » jusqu’au rétablissement de l’ordre constitutionnel normal. C’est la position la plus répandue aujourd’hui au sein de la communauté internationale.
13. Ces considérations apparemment très théoriques (que le lecteur non averti des très rébarbatives questions juridiques veuille bien me pardonner !) m’amènent aux remarques pratiques ci-après, en ce qui concerne les « sanctions » envisagées actuellement par la communauté internationale :
1°) En tant que « sanctions », les contre-mesures envisagées par la communauté internationale ne peuvent, en aucun cas, être prononcées contre l’Etat mauritanien (et donc contre notre peuple) puisque cet Etat n’est pas responsable de l’atteinte portée contre son propre ordre constitutionnel.
2°) En tant que « sanctions », ces contre-mesures, tout à fait légitimes (nous verrons pourquoi) ne peuvent viser que les auteurs de l’acte considéré comme suffisamment grave pour entraîner ces réactions internationales. Ils ne représentent pas l’Etat, au plan du droit. Ils ne représentent que leurs personnes respectives et, de ce fait, doivent être traitées comme des autorités de fait (avec les conséquences juridiques internationales découlant de l’exercice d’une autorité de fait).
3°) Les parties étrangères doivent suspendre, avec ces autorités de fait, toutes relations de nature à engager la poursuite de leur entreprise et, à plus forte raison, de l’amplifier, de la consolider ou de la reproduire. Toute attitude contraire leur est opposable en droit, en particulier, s’il y’a lieu, devant les instances judiciaires pertinentes.
Il va de soi que toute mise à la disposition de la junte, de ressources financières découlant de la mise en œuvre de conventions ou contrats internationaux se ferait aux risques et périls de la partie complaisante, comme ce fut le cas, dans le cadre des clauses de l’accord de pêche avec l’Union européenne, après le coup d’Etat. En particulier en cas de détournement ou de dilapidation de la manne financière, sauf, bien entendu, acceptation au moins tacite de ces relations par les représentants légitimes de l’Etat, en liberté…(A suivre)
Lô Gourmo Abdoul
via cridem