Ce 4 octobre s’ouvre à Villers-Cotterêts le 19e Sommet de la francophonie. “Wakat Séra” interroge le devenir de cette institution, qui porte la langue française dans le monde tout autant que l’influence de la France. Dans un monde globalisé et créolisé, à quoi sert la francophonie ?
Depuis trente-trois ans, la France accueille la grand-messe francophone. [Cette année, ce sera] les 4 et 5 octobre, avec la représentation annoncée d’une centaine d’États et de gouvernements, membres de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF).
Ironie du sort, les dirigeants du Niger, le pays où a vu officiellement le jour l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), le 20 mars 1970, ne seront pas de la partie. Avec d’autres pays, également francophones, le Niger est passé par un putsch militaire, le 26 juillet 2023, qui a été préjudiciable au président démocratiquement élu, Mohamed Bazoum.
Depuis lors, le pays connaît une transition politique qui est dirigée par le général Abdourahamane Tiani, qui a par ailleurs rompu toute coopération avec la France et d’autres pays occidentaux. Et comme tout coup d’État, celui du Niger a fait exclure le pays de Hamani Diori des instances de plusieurs organisations sous-régionale, africaine et internationale, dont la francophonie.
Une communauté linguistique ou de valeurs ?
Confrontée déjà aux difficultés d’ordre politico-diplomatique, car c’est dans son espace que se répètent les prises de pouvoir par la force, la francophonie, qui était en réalité davantage portée par les pays africains, a de plus en plus mal à la langue française qui véhicule ses valeurs, notamment la culture et l’éducation.
Du reste, sans avoir connu de coup d’État, bien des pays qui ne se retrouvent plus dans ce partage linguistique, culturel, politique et économique entendent aller voir ailleurs, marchant ainsi dans les sillons tracés par le Rwanda, qui a rejoint [en 2009] le Commonwealth anglais, avec armes et… langue ! Mais, expert de ces tours qu’il aime jouer aux humains, le sort a fait de l’actuelle secrétaire générale de l’OIF, élue en octobre 2018 et entrée officiellement en fonctions en janvier 2019, une Rwandaise, qui n’est autre que Louise Mushikiwabo, ancienne ministre des Affaires étrangères et personnalité politique influente du pouvoir de Paul Kagame.
Comme quoi, malgré ses 321 millions de locuteurs dans le monde, sa place de cinquième langue la plus parlée sur la planète après le mandarin, l’anglais, l’espagnol et [l’hindi] et son statut de seule langue, avec l’anglais, à être parlée sur les cinq continents, le français n’est plus la clé unique qui ouvre la porte de la francophonie.
Du reste, comme le dictionnaire Larousse qui promeut le français et “sème à tout vent”, l’organisation tend et ouvre, désormais, les bras à tout autre courant linguistico-culturel qui partage les mêmes valeurs qu’elle, ce qui ne fait que l’enrichir et la rendre davantage universelle. La grande erreur de la francophonie fut d’ailleurs le temps trop long qu’elle a mis avant de chercher à ratisser large. Ce qui lui a valu bien des défections, alors que le monde est devenu un gros village planétaire, où le rôle de la langue s’est rétréci comme peau de chagrin.
Le français, une langue métissée comme une autre
L’autre erreur de la francophonie est sans doute de s’être trop politisée, cherchant à imposer un corset démocratique à tous ses pays membres, notamment aux Africains, sans tenir compte de leurs réalités cultuelles et culturelles. Même si la colonisation a essayé de faire place nette en diabolisant, par le biais de la religion, la tradition et les us et coutumes du continent noir, la pilule n’est pas passée totalement, ou est, de plus en plus, rejetée.
Certes, les bienfaits de la langue française ne sont pas à négliger, surtout dans une Afrique où dans certains pays, comme le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, pour ne citer que ceux-ci, plus d’une soixantaine de [communautés linguistiques] se côtoient et ne se comprennent que grâce à la vertu fédératrice du français.
D’ailleurs, ce même français est mangé à toutes les sauces, mélangé à des langues locales pour faire par exemple le célèbre nouchi ivoirien [argot né en Côte d’Ivoire et constitué d’un mélange de français et de plusieurs langues africaines], qui est devenu, de nos jours, tout un concept. Par ailleurs, le “français ivoirien”, dont certains mots ont fait leur entrée dans le dictionnaire français, est, de nos jours, sur les bords de la lagune Ebrié [lagune autour de laquelle est construite Abidjan], aussi, sinon plus, parlé que le “français de France” !
Ainsi, à Villers-Cotterêts, en plein cœur de la Cité internationale de la langue française, où s’ouvre, ce 4 octobre, le 19e Sommet de la francophonie, qui se poursuivra le lendemain à Paris, le français essaiera de faire son marché, dans une foule de participants pas forcément amoureux transi de la langue de Molière.
Parlez-vous français ?
Source : Courrier international
Depuis trente-trois ans, la France accueille la grand-messe francophone. [Cette année, ce sera] les 4 et 5 octobre, avec la représentation annoncée d’une centaine d’États et de gouvernements, membres de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF).
Ironie du sort, les dirigeants du Niger, le pays où a vu officiellement le jour l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), le 20 mars 1970, ne seront pas de la partie. Avec d’autres pays, également francophones, le Niger est passé par un putsch militaire, le 26 juillet 2023, qui a été préjudiciable au président démocratiquement élu, Mohamed Bazoum.
Depuis lors, le pays connaît une transition politique qui est dirigée par le général Abdourahamane Tiani, qui a par ailleurs rompu toute coopération avec la France et d’autres pays occidentaux. Et comme tout coup d’État, celui du Niger a fait exclure le pays de Hamani Diori des instances de plusieurs organisations sous-régionale, africaine et internationale, dont la francophonie.
Une communauté linguistique ou de valeurs ?
Confrontée déjà aux difficultés d’ordre politico-diplomatique, car c’est dans son espace que se répètent les prises de pouvoir par la force, la francophonie, qui était en réalité davantage portée par les pays africains, a de plus en plus mal à la langue française qui véhicule ses valeurs, notamment la culture et l’éducation.
Du reste, sans avoir connu de coup d’État, bien des pays qui ne se retrouvent plus dans ce partage linguistique, culturel, politique et économique entendent aller voir ailleurs, marchant ainsi dans les sillons tracés par le Rwanda, qui a rejoint [en 2009] le Commonwealth anglais, avec armes et… langue ! Mais, expert de ces tours qu’il aime jouer aux humains, le sort a fait de l’actuelle secrétaire générale de l’OIF, élue en octobre 2018 et entrée officiellement en fonctions en janvier 2019, une Rwandaise, qui n’est autre que Louise Mushikiwabo, ancienne ministre des Affaires étrangères et personnalité politique influente du pouvoir de Paul Kagame.
Comme quoi, malgré ses 321 millions de locuteurs dans le monde, sa place de cinquième langue la plus parlée sur la planète après le mandarin, l’anglais, l’espagnol et [l’hindi] et son statut de seule langue, avec l’anglais, à être parlée sur les cinq continents, le français n’est plus la clé unique qui ouvre la porte de la francophonie.
Du reste, comme le dictionnaire Larousse qui promeut le français et “sème à tout vent”, l’organisation tend et ouvre, désormais, les bras à tout autre courant linguistico-culturel qui partage les mêmes valeurs qu’elle, ce qui ne fait que l’enrichir et la rendre davantage universelle. La grande erreur de la francophonie fut d’ailleurs le temps trop long qu’elle a mis avant de chercher à ratisser large. Ce qui lui a valu bien des défections, alors que le monde est devenu un gros village planétaire, où le rôle de la langue s’est rétréci comme peau de chagrin.
Le français, une langue métissée comme une autre
L’autre erreur de la francophonie est sans doute de s’être trop politisée, cherchant à imposer un corset démocratique à tous ses pays membres, notamment aux Africains, sans tenir compte de leurs réalités cultuelles et culturelles. Même si la colonisation a essayé de faire place nette en diabolisant, par le biais de la religion, la tradition et les us et coutumes du continent noir, la pilule n’est pas passée totalement, ou est, de plus en plus, rejetée.
Certes, les bienfaits de la langue française ne sont pas à négliger, surtout dans une Afrique où dans certains pays, comme le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, pour ne citer que ceux-ci, plus d’une soixantaine de [communautés linguistiques] se côtoient et ne se comprennent que grâce à la vertu fédératrice du français.
D’ailleurs, ce même français est mangé à toutes les sauces, mélangé à des langues locales pour faire par exemple le célèbre nouchi ivoirien [argot né en Côte d’Ivoire et constitué d’un mélange de français et de plusieurs langues africaines], qui est devenu, de nos jours, tout un concept. Par ailleurs, le “français ivoirien”, dont certains mots ont fait leur entrée dans le dictionnaire français, est, de nos jours, sur les bords de la lagune Ebrié [lagune autour de laquelle est construite Abidjan], aussi, sinon plus, parlé que le “français de France” !
Ainsi, à Villers-Cotterêts, en plein cœur de la Cité internationale de la langue française, où s’ouvre, ce 4 octobre, le 19e Sommet de la francophonie, qui se poursuivra le lendemain à Paris, le français essaiera de faire son marché, dans une foule de participants pas forcément amoureux transi de la langue de Molière.
Parlez-vous français ?
Source : Courrier international