ELY OULD MOHAMED VALL
Trois mois et demi après avoir renversé Maaouiya ould Taya, au pouvoir depuis plus de vingt ans en Mauritanie, le colonel Ely ould Mohamed Vall, autoproclamé "président du Conseil militaire pour la justice et la démocratie", affirme "avoir honte" d'en être arrivé là. " Les forces armées de sécurité ont agi à contre-coeur. Elles avaient à choisir entre laisser leur pays aller à la dérive ou rectifier les choses en douceur et remettre le pays sur le chemin de la démocratie", assure-t-il. Dans un entretien accordé, samedi 19 novembre, au Monde et à RFI, le colonel, putschiste singulier âgé de 52 ans, plaide pour l'alternance, unique solution selon lui pour qu'un système politique soit viable.
Habillé désormais en civil, l'homme en impose par son allure militaire tout en affichant une grande réserve. Beaucoup plus à l'aise en français qu'en arabe, il a su plaire aux chancelleries étrangères en annonçant qu'il ne serait pas candidat aux prochaines élections, pas plus que ceux qui dirigent le pays à ses côtés. "Question d'honneur." "Le système de parti unique est un système sans soupape de sécurité. On s'inscrit au pouvoir pour vingt ou trente ans, et on s'installe dans la perspective de le passer à un dauphin ou peut être même de le faire hériter à sa progéniture. On gère le pays comme on veut, au profit de qui on veut, et on ne permet pas l'émergence d'une classe politique capable d'assurer l'alternance le moment venu", affirme le colonel.
Pour ce pilier de l'ancien régime, l'exercice de n'importe quel pouvoir crée des frustrations qui, "si elles s'accumulent pendant vingt, vingt-cinq ou trente ans, aboutissent à une fracture, à un accident, à savoir un coup d'Etat ou une guerre civile". L'"accident" a eu lieu en Mauritanie le 3 août, mais M. Vall rejette l'__expression de coup d'Etat. Il estime avoir "régularisé" une situation politique conformément aux attentes de la population. Le changement, opéré sans aucune violence, a été effectivement vécu avec soulagement à Nouakchott.
Malgré ses prises de position rares en Afrique, Ely ould Mohamed Vall refuse d'être qualifié d'original. "Nous n'imposons rien à personne, nous ne cherchons pas à être un idéal pour quiconque, nous avons simplement choisi d'expérimenter cette voie en Mauritanie", pays qui n'a connu de changement que par un coup d'Etat.
"LAISSEZ-MOI QUITTER LE POUVOIR"
Quittera-t-il le pouvoir pour mieux y revenir ? "Laissez-moi quitter le pouvoir d'abord", répond-il simplement avec un sourire. L'alternance, sous forme d'un mandat de cinq ans renouvelable une fois, devrait être proposée aux Mauritaniens lors du référendum constitutionnel de juin 2006, avant la présidentielle de mars 2007. Un verrouillage juridique devrait également être introduit pour que le futur président élu ne puisse plus modifier la Constitution.
Les promesses cachent cependant des limites. Ainsi, personne ne devrait avoir à répondre des détournements responsables de l'énorme déficit budgétaire de l'Etat. "Il faudrait demander des comptes à tous ceux qui ont travaillé dans ce système depuis vingt ans, du planton au ministre. Il nous faudrait un siècle et demi pour régler ce problème, et je ne pense pas que cela apporte quelque chose à la Mauritanie." Pas question non plus de se pencher sur l'expulsion, en 1989-1991, de dizaines de milliers de Mauritaniens noirs, ni sur l'exécution de près de 500 militaires négro-africains. "On ne peut pas régler ces problèmes dans le cadre d'une transition qui quelque part fragilise le pouvoir. Il ne s'agit pas de marchander quoi que ce soit. Par contre, il faut commencer à préparer les esprits à prendre en compte ces problèmes dans l'avenir."
Reconnaissant l'existence d'une menace terroriste et justifiant la présence d'islamistes dans les prisons mauritaniennes, M. Vall assume l'interdiction récente du Parti de la convergence démocratique, à forte connotation islamiste. "Je préfère radicaliser un ou deux islamistes que de radicaliser toute la Mauritanie ", explique-t-il. Contre l'avis d'une partie de la population, M. Vall a décidé de maintenir les relations avec Israël instaurées en 1999. Au récent Sommet sur l'information de Tunis, il s'est d'ailleurs affiché aux côtés du ministre des affaires étrangères israélien et du président de l'Autorité palestinienne. "Cette rencontre à trois n'était pas préméditée, assure le chef de l'Etat mauritanien. Elle n'a rien d'extraordinaire."
Marie-Pierre Olphand- LE MONDE
Article paru dans l'édition du 23.11.05
Habillé désormais en civil, l'homme en impose par son allure militaire tout en affichant une grande réserve. Beaucoup plus à l'aise en français qu'en arabe, il a su plaire aux chancelleries étrangères en annonçant qu'il ne serait pas candidat aux prochaines élections, pas plus que ceux qui dirigent le pays à ses côtés. "Question d'honneur." "Le système de parti unique est un système sans soupape de sécurité. On s'inscrit au pouvoir pour vingt ou trente ans, et on s'installe dans la perspective de le passer à un dauphin ou peut être même de le faire hériter à sa progéniture. On gère le pays comme on veut, au profit de qui on veut, et on ne permet pas l'émergence d'une classe politique capable d'assurer l'alternance le moment venu", affirme le colonel.
Pour ce pilier de l'ancien régime, l'exercice de n'importe quel pouvoir crée des frustrations qui, "si elles s'accumulent pendant vingt, vingt-cinq ou trente ans, aboutissent à une fracture, à un accident, à savoir un coup d'Etat ou une guerre civile". L'"accident" a eu lieu en Mauritanie le 3 août, mais M. Vall rejette l'__expression de coup d'Etat. Il estime avoir "régularisé" une situation politique conformément aux attentes de la population. Le changement, opéré sans aucune violence, a été effectivement vécu avec soulagement à Nouakchott.
Malgré ses prises de position rares en Afrique, Ely ould Mohamed Vall refuse d'être qualifié d'original. "Nous n'imposons rien à personne, nous ne cherchons pas à être un idéal pour quiconque, nous avons simplement choisi d'expérimenter cette voie en Mauritanie", pays qui n'a connu de changement que par un coup d'Etat.
"LAISSEZ-MOI QUITTER LE POUVOIR"
Quittera-t-il le pouvoir pour mieux y revenir ? "Laissez-moi quitter le pouvoir d'abord", répond-il simplement avec un sourire. L'alternance, sous forme d'un mandat de cinq ans renouvelable une fois, devrait être proposée aux Mauritaniens lors du référendum constitutionnel de juin 2006, avant la présidentielle de mars 2007. Un verrouillage juridique devrait également être introduit pour que le futur président élu ne puisse plus modifier la Constitution.
Les promesses cachent cependant des limites. Ainsi, personne ne devrait avoir à répondre des détournements responsables de l'énorme déficit budgétaire de l'Etat. "Il faudrait demander des comptes à tous ceux qui ont travaillé dans ce système depuis vingt ans, du planton au ministre. Il nous faudrait un siècle et demi pour régler ce problème, et je ne pense pas que cela apporte quelque chose à la Mauritanie." Pas question non plus de se pencher sur l'expulsion, en 1989-1991, de dizaines de milliers de Mauritaniens noirs, ni sur l'exécution de près de 500 militaires négro-africains. "On ne peut pas régler ces problèmes dans le cadre d'une transition qui quelque part fragilise le pouvoir. Il ne s'agit pas de marchander quoi que ce soit. Par contre, il faut commencer à préparer les esprits à prendre en compte ces problèmes dans l'avenir."
Reconnaissant l'existence d'une menace terroriste et justifiant la présence d'islamistes dans les prisons mauritaniennes, M. Vall assume l'interdiction récente du Parti de la convergence démocratique, à forte connotation islamiste. "Je préfère radicaliser un ou deux islamistes que de radicaliser toute la Mauritanie ", explique-t-il. Contre l'avis d'une partie de la population, M. Vall a décidé de maintenir les relations avec Israël instaurées en 1999. Au récent Sommet sur l'information de Tunis, il s'est d'ailleurs affiché aux côtés du ministre des affaires étrangères israélien et du président de l'Autorité palestinienne. "Cette rencontre à trois n'était pas préméditée, assure le chef de l'Etat mauritanien. Elle n'a rien d'extraordinaire."
Marie-Pierre Olphand- LE MONDE
Article paru dans l'édition du 23.11.05