L’impasse politique dans laquelle se trouve la Mauritanie depuis trois mois ne laisse aucun analyste indifférent à cette situation qui, en se complexifiant davantage, risque de compromettre l’avenir de ce pays, dont on avait essayé de baliser les contours avec l’avènement d’un régime politique issu des urnes. Certes, des erreurs d’aiguillage ont été commises et s’expliquent sans doute par un manque d’expérience politique chevronnée, mais ne peuvent engendrer un accaparement du pouvoir légitimé par l’usage de la force quelles qu’en soient la nature et l’origine.
Si certains voient dans cette alternative une manière de régler des querelles de personnes, il n’en demeure pas moins qu’elle constitue une démarche peu souhaitable à partir du moment où les moyens de régulation institutionnels et politiques ont été clairement approuvés par les citoyens dans leur majorité, au terme d’une consultation nationale. Au regard de ces observations, plusieurs questions méritent d’être posées pour tapisser la réflexion autour des enjeux qui sont au cœur de cette compétition, rivalité politique et factionnelle dans une perspective de domination au sens wéberien du concept. Alors, pourquoi remettre en question cette construction démocratique naissante, adossée à des valeurs et principes de base devant orienter les processus décisionnels et les politiques publiques au moment où les compagnies pétrolières étrangères se bousculent au portillon pour décrocher des licences de recherche ? Quelles sont les motivations des nouveaux acteurs et quelles sont les voies qui pourraient permettre de sortir la Mauritanie de cette impasse ? Et enfin, comment construire une stratégie pour endiguer définitivement de telles entreprises à la hussarde afin que le pays puisse sereinement emprunter le chemin qui lui convient pour son développement économique et social ?
La fin du politique ou les manœuvres clientélistes
Il est clair que la configuration d’un régime politique dépend en grande partie de ses réalités socio-culturelles, historiques, politiques et économiques. Après tout, mettre en place un espace démocratique suppose, me semble-t-il, une culture et un comportement qui convergent vers le renforcement des piliers sur lesquels repose tout le processus qui a bénéficié d’un consensus national largement partagé. Peut-on s’insurger contre cette volonté au prisme d’une lecture subjective et individuelle, pour ne pas dire stratégique et ambitieuse ? Nous nous dispenserons ici des thèses machiavélistes afin de retenir seulement quelques aspects illustrant la fonctionnalité du politique, avec bien entendu ses spécificités locales. Cela ne signifie pas du tout que les références universelles soient exclues de l’analyse de l’action politique, mais dans cette démarche explicative, il convient de mettre l’accent sur les pratiques du système qui aboutissent à un emballement sans précédent dans l’histoire du pays. Rappelons au passage deux articles que nous avions publiés dans les quotidiens nationaux (paradoxes de la transition démocratique, et illusion de l’élection présidentielle) et par lesquels nous attirions l’attention des autorités de l’époque sur des mécanismes qui peuvent réduire à néant tous les efforts consentis dans cette bâtisse démocratique. Mais l’engouement et les tentations avaient pris le dessus tel un voile qui les empêche de voir, d’analyser et de comprendre les risques liés à la gestion du pouvoir. La suite ne déroge pas à la règle et se traduit par une sorte d’encerclement par un ‘microcosme’ qui oriente les actions et les décisions en fonction de ses intérêts et ceux du clan.
Cet enfermement de l’équipe dirigeante, loin des préoccupations cardinales des populations et surtout des jeunes dont l’avenir était déjà scellé par un autoritarisme caractérisé, devait se manifester au travers des canaux de dérivation dont les députés et les sénateurs de la majorité présidentielle n’ont été que les figures emblématiques d’un mécontentement appelé à prendre de l’ampleur. Dans ce contexte de rapports de forces et de manœuvres politiciennes, tous les pièges sont ouverts pour neutraliser l’adversaire et créer une situation de tensions et de crise favorable à des coups fourrés qui ne manqueront pas d’intervenir pour hisser encore une fois le régime prétorien au sommet de l’Etat. Cette nouvelle donne corrobore-t-elle la régression démocratique ou annonce-t-elle des perspectives meilleures ? A la lumière des discours et des incohérences dans les orientations, le doute s’installe d’autant que l’énonciation d’une politique crédible et imaginative tarde à transparaître dans un horizon où les bonnes intentions ont du mal à cristalliser l’adhésion de la plupart des citoyens et de la communauté internationale, peu encline à soutenir ‘la rectification du 6 août 2008’. Quel est le sens des ‘états généraux de la démocratie’, initiés par les auteurs du coup d’Etat du 6 août 2008, si les règles et les principes les plus élémentaires pour sa mise en œuvre ne sont pas respectés en termes de liberté individuelle, de justice, d’égalité, d’acceptation de la contradiction, d’ouverture de l’espace public, de dialogue politique et social, de création de contre-pouvoirs actifs et de protection des minorités ?
La démocratie ne se limite pas seulement à la création d’institutions juridiques et politiques qui, d’ailleurs, en l’absence d’un terreau favorable, restent des ombres d’elles-mêmes. Elle nécessite un effort de soi en matière de formation, de croyance et de fidélité à des idées et à des principes pour que la passion démocratique se nourrisse des apports historiques, culturels et socio-politiques, incarnés par ceux dont la profession est de garantir les équilibres et la pérennité du système. Dans le cas mauritanien, il n’est pas vain de se demander si nous sommes en présence d’une élite politique, capable de transcender ses divergences, d’intérioriser un sens élevé de l’Etat et de défendre l’intérêt général pour que l’initiative démocratique oriente l’activité et les compétitions politiques sans menacer l’avenir de tout un pays. De manière générale, cette interrogation concerne toute l’Afrique. La question fondamentale est la circularité des élites dans le domaine politique et les capacités d’adaptation face à une société beaucoup plus exigeante et soumise à un environnement international interdépendant.
L’étude récente que nous avons menée sur les partis politiques dans ce pays, a montré leurs insuffisances, leur manque de substance pour proposer une véritable alternative politique par des programmes stimulants et convaincants. Ils souffrent globalement d’absence de leaders charismatiques, de fidélité dans les principes et les convictions (transhumance récurrente). Cette réflexion peut d’ailleurs être étendue sur l’ensemble du continent et se pose avec acuité. De même, on note une velléité de personnalisation, de ‘communautarisme’ et de flottement idéologique en dehors de quelques formations politiques.
Faut-il continuer de s’enfermer dans un bras de fer dont l’issue est incertaine au risque de prendre en otage le peuple mauritanien qui a plutôt besoin d’une politique à la hauteur de ses attentes et des défis nombreux auxquels il convient de faire face à l’aune des ressources disponibles et prometteuses du pays ?
La réhabilitation du dialogue politique, comme instrument de sortie de crise Le blocage politique traduit les limites du système à réguler les contradictions dans un souci de participation à la dynamique d’une société politique en mesure de résister aux menaces et de corriger les imperfections découlant de son espace interne et externe. Les acteurs n’ont pas été vigilants ou outillés pour désamorcer les sources de crises qu’ils ont paradoxalement confortées, afin de nourrir des ambitions personnelles ou de positionnement politique conformément à la logique prédatrice, tribale et ethnique. Mais étaient-ils conscients que cette crise allait prendre une telle dimension car, généralement, les résistances sont rares à chaque fois que la grande muette s’incruste dans l’espace politique de manière objective ou subjective pour y jouer un rôle de régulateur, eu égard aux défaillances du système politique ? La porosité des frontières entre le champ politique et la structure de défense et de sécurité explique sans doute cette oscillation qui s’imprime dans la vie politique mauritanienne de façon à compromettre ou à fragiliser la consolidation et la pertinence de la construction démocratique. La séparation entre les deux sphères s’impose, mieux la subordination du pouvoir militaire à l’autorité politique est un gage de stabilité si l’on s’efforce à considérer que la modernisation de la société est à ce prix et qu’elle ne peut être entravée par des actions qui se banalisent maintenant et se collent désormais à la trajectoire historique de la Mauritanie. Comment réconcilier le militaire et le politique dans une phase de crise où chaque groupe reste ’droit dans ses bottes’, pour ne pas céder la moindre passerelle de concession ?
Et pourtant, les uns et les autres se disent porteurs d’innovations ou de politiques susceptibles d’améliorer les conditions des citoyens et de lutter contre certaines pratiques dépassées. Si cette conviction s’est avérée, pourquoi ne pas construire immédiatement un cadre ou une structure de réconciliation, au-delà des considérations partisanes dans le but d’impliquer des Mauritaniens, compétents connus par leur intégrité, leur attachement à l’intérêt général et à la construction nationale. Ils existent et ne sont pas trempés dans l’affairisme et l’opportunisme politique, encore moins dans le ‘passif humanitaire’ (pudiquement les atteintes aux droits de l’homme des années 1990). En effet, la dimension d’un homme d’Etat ou d’un homme politique tout court se mesure aussi en sa capacité à écouter les autres dont il ne partage pas les idées, à instaurer un climat propice au dialogue et à la concertation dans la recherche d’une solution permettant de tourner la page de cet épisode politique.
Cependant, un préalable s’impose et se manifeste dans l’effort d’arrachement des présupposés et des pesanteurs politiques, idéologiques et culturelles pour ne préserver que l’esprit de responsabilité, d’équité et de grandeur qui sont des vertus indispensables dans la gouvernance politique. La Mauritanie, pays charnière entre le monde arabe et l’Afrique noire, mérite ce sacrifice pour l’épargner des dérives et des confrontations dont les conséquences retarderont, pendant longtemps, les échéances de développement économique et social. Elle a besoin de la contribution de l’ensemble des acteurs pour retrouver la paix et s’atteler à initier des actions mobilisant, sans exclusive, toutes les populations. On ne cessera jamais de le répéter, la solution à cette crise ne pourrait provenir que des Mauritaniens et dépendra de leur volonté politique à savoir mettre un terme à leurs divergences. Ceci permettra de construire un espace vital pour l’épanouissement d’une société multiculturelle qui aura tout à gagner, en dépassant rapidement cette épreuve afin de définir un meilleur cadre où les contradictions se transformeront en ressources positives intervenant dans l’entretien du système politique.
Cela étant, une crise politique n’est pas un drame à condition de la contrôler et de prendre les dispositions pour qu’elle ne s’inscrive pas dans la durée ou ne symbolise pas non plus l’incapacité des acteurs à apporter des solutions durables et à anticiper, à travers la mise en place de structures démocratiques fonctionnelles et adaptées aux pratiques politiques modernes.
Dans cette perspective, les critères de compétences, de mérite et de responsabilité doivent être valorisés par le biais d’une démarche transparente respectant les règles et les procédures qui gouvernent l’Etat de droit aussi bien au niveau de la promotion des élites que de la protection des minorités et de la lutte contre le traitement dégradant.
Moussa DIAW
Enseignant-chercheur en Science politique
Spécialiste en relations internationales à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis
diawmoussafr@yahoo.fr
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Source: walfad
20 novembre 2008
Si certains voient dans cette alternative une manière de régler des querelles de personnes, il n’en demeure pas moins qu’elle constitue une démarche peu souhaitable à partir du moment où les moyens de régulation institutionnels et politiques ont été clairement approuvés par les citoyens dans leur majorité, au terme d’une consultation nationale. Au regard de ces observations, plusieurs questions méritent d’être posées pour tapisser la réflexion autour des enjeux qui sont au cœur de cette compétition, rivalité politique et factionnelle dans une perspective de domination au sens wéberien du concept. Alors, pourquoi remettre en question cette construction démocratique naissante, adossée à des valeurs et principes de base devant orienter les processus décisionnels et les politiques publiques au moment où les compagnies pétrolières étrangères se bousculent au portillon pour décrocher des licences de recherche ? Quelles sont les motivations des nouveaux acteurs et quelles sont les voies qui pourraient permettre de sortir la Mauritanie de cette impasse ? Et enfin, comment construire une stratégie pour endiguer définitivement de telles entreprises à la hussarde afin que le pays puisse sereinement emprunter le chemin qui lui convient pour son développement économique et social ?
La fin du politique ou les manœuvres clientélistes
Il est clair que la configuration d’un régime politique dépend en grande partie de ses réalités socio-culturelles, historiques, politiques et économiques. Après tout, mettre en place un espace démocratique suppose, me semble-t-il, une culture et un comportement qui convergent vers le renforcement des piliers sur lesquels repose tout le processus qui a bénéficié d’un consensus national largement partagé. Peut-on s’insurger contre cette volonté au prisme d’une lecture subjective et individuelle, pour ne pas dire stratégique et ambitieuse ? Nous nous dispenserons ici des thèses machiavélistes afin de retenir seulement quelques aspects illustrant la fonctionnalité du politique, avec bien entendu ses spécificités locales. Cela ne signifie pas du tout que les références universelles soient exclues de l’analyse de l’action politique, mais dans cette démarche explicative, il convient de mettre l’accent sur les pratiques du système qui aboutissent à un emballement sans précédent dans l’histoire du pays. Rappelons au passage deux articles que nous avions publiés dans les quotidiens nationaux (paradoxes de la transition démocratique, et illusion de l’élection présidentielle) et par lesquels nous attirions l’attention des autorités de l’époque sur des mécanismes qui peuvent réduire à néant tous les efforts consentis dans cette bâtisse démocratique. Mais l’engouement et les tentations avaient pris le dessus tel un voile qui les empêche de voir, d’analyser et de comprendre les risques liés à la gestion du pouvoir. La suite ne déroge pas à la règle et se traduit par une sorte d’encerclement par un ‘microcosme’ qui oriente les actions et les décisions en fonction de ses intérêts et ceux du clan.
Cet enfermement de l’équipe dirigeante, loin des préoccupations cardinales des populations et surtout des jeunes dont l’avenir était déjà scellé par un autoritarisme caractérisé, devait se manifester au travers des canaux de dérivation dont les députés et les sénateurs de la majorité présidentielle n’ont été que les figures emblématiques d’un mécontentement appelé à prendre de l’ampleur. Dans ce contexte de rapports de forces et de manœuvres politiciennes, tous les pièges sont ouverts pour neutraliser l’adversaire et créer une situation de tensions et de crise favorable à des coups fourrés qui ne manqueront pas d’intervenir pour hisser encore une fois le régime prétorien au sommet de l’Etat. Cette nouvelle donne corrobore-t-elle la régression démocratique ou annonce-t-elle des perspectives meilleures ? A la lumière des discours et des incohérences dans les orientations, le doute s’installe d’autant que l’énonciation d’une politique crédible et imaginative tarde à transparaître dans un horizon où les bonnes intentions ont du mal à cristalliser l’adhésion de la plupart des citoyens et de la communauté internationale, peu encline à soutenir ‘la rectification du 6 août 2008’. Quel est le sens des ‘états généraux de la démocratie’, initiés par les auteurs du coup d’Etat du 6 août 2008, si les règles et les principes les plus élémentaires pour sa mise en œuvre ne sont pas respectés en termes de liberté individuelle, de justice, d’égalité, d’acceptation de la contradiction, d’ouverture de l’espace public, de dialogue politique et social, de création de contre-pouvoirs actifs et de protection des minorités ?
La démocratie ne se limite pas seulement à la création d’institutions juridiques et politiques qui, d’ailleurs, en l’absence d’un terreau favorable, restent des ombres d’elles-mêmes. Elle nécessite un effort de soi en matière de formation, de croyance et de fidélité à des idées et à des principes pour que la passion démocratique se nourrisse des apports historiques, culturels et socio-politiques, incarnés par ceux dont la profession est de garantir les équilibres et la pérennité du système. Dans le cas mauritanien, il n’est pas vain de se demander si nous sommes en présence d’une élite politique, capable de transcender ses divergences, d’intérioriser un sens élevé de l’Etat et de défendre l’intérêt général pour que l’initiative démocratique oriente l’activité et les compétitions politiques sans menacer l’avenir de tout un pays. De manière générale, cette interrogation concerne toute l’Afrique. La question fondamentale est la circularité des élites dans le domaine politique et les capacités d’adaptation face à une société beaucoup plus exigeante et soumise à un environnement international interdépendant.
L’étude récente que nous avons menée sur les partis politiques dans ce pays, a montré leurs insuffisances, leur manque de substance pour proposer une véritable alternative politique par des programmes stimulants et convaincants. Ils souffrent globalement d’absence de leaders charismatiques, de fidélité dans les principes et les convictions (transhumance récurrente). Cette réflexion peut d’ailleurs être étendue sur l’ensemble du continent et se pose avec acuité. De même, on note une velléité de personnalisation, de ‘communautarisme’ et de flottement idéologique en dehors de quelques formations politiques.
Faut-il continuer de s’enfermer dans un bras de fer dont l’issue est incertaine au risque de prendre en otage le peuple mauritanien qui a plutôt besoin d’une politique à la hauteur de ses attentes et des défis nombreux auxquels il convient de faire face à l’aune des ressources disponibles et prometteuses du pays ?
La réhabilitation du dialogue politique, comme instrument de sortie de crise Le blocage politique traduit les limites du système à réguler les contradictions dans un souci de participation à la dynamique d’une société politique en mesure de résister aux menaces et de corriger les imperfections découlant de son espace interne et externe. Les acteurs n’ont pas été vigilants ou outillés pour désamorcer les sources de crises qu’ils ont paradoxalement confortées, afin de nourrir des ambitions personnelles ou de positionnement politique conformément à la logique prédatrice, tribale et ethnique. Mais étaient-ils conscients que cette crise allait prendre une telle dimension car, généralement, les résistances sont rares à chaque fois que la grande muette s’incruste dans l’espace politique de manière objective ou subjective pour y jouer un rôle de régulateur, eu égard aux défaillances du système politique ? La porosité des frontières entre le champ politique et la structure de défense et de sécurité explique sans doute cette oscillation qui s’imprime dans la vie politique mauritanienne de façon à compromettre ou à fragiliser la consolidation et la pertinence de la construction démocratique. La séparation entre les deux sphères s’impose, mieux la subordination du pouvoir militaire à l’autorité politique est un gage de stabilité si l’on s’efforce à considérer que la modernisation de la société est à ce prix et qu’elle ne peut être entravée par des actions qui se banalisent maintenant et se collent désormais à la trajectoire historique de la Mauritanie. Comment réconcilier le militaire et le politique dans une phase de crise où chaque groupe reste ’droit dans ses bottes’, pour ne pas céder la moindre passerelle de concession ?
Et pourtant, les uns et les autres se disent porteurs d’innovations ou de politiques susceptibles d’améliorer les conditions des citoyens et de lutter contre certaines pratiques dépassées. Si cette conviction s’est avérée, pourquoi ne pas construire immédiatement un cadre ou une structure de réconciliation, au-delà des considérations partisanes dans le but d’impliquer des Mauritaniens, compétents connus par leur intégrité, leur attachement à l’intérêt général et à la construction nationale. Ils existent et ne sont pas trempés dans l’affairisme et l’opportunisme politique, encore moins dans le ‘passif humanitaire’ (pudiquement les atteintes aux droits de l’homme des années 1990). En effet, la dimension d’un homme d’Etat ou d’un homme politique tout court se mesure aussi en sa capacité à écouter les autres dont il ne partage pas les idées, à instaurer un climat propice au dialogue et à la concertation dans la recherche d’une solution permettant de tourner la page de cet épisode politique.
Cependant, un préalable s’impose et se manifeste dans l’effort d’arrachement des présupposés et des pesanteurs politiques, idéologiques et culturelles pour ne préserver que l’esprit de responsabilité, d’équité et de grandeur qui sont des vertus indispensables dans la gouvernance politique. La Mauritanie, pays charnière entre le monde arabe et l’Afrique noire, mérite ce sacrifice pour l’épargner des dérives et des confrontations dont les conséquences retarderont, pendant longtemps, les échéances de développement économique et social. Elle a besoin de la contribution de l’ensemble des acteurs pour retrouver la paix et s’atteler à initier des actions mobilisant, sans exclusive, toutes les populations. On ne cessera jamais de le répéter, la solution à cette crise ne pourrait provenir que des Mauritaniens et dépendra de leur volonté politique à savoir mettre un terme à leurs divergences. Ceci permettra de construire un espace vital pour l’épanouissement d’une société multiculturelle qui aura tout à gagner, en dépassant rapidement cette épreuve afin de définir un meilleur cadre où les contradictions se transformeront en ressources positives intervenant dans l’entretien du système politique.
Cela étant, une crise politique n’est pas un drame à condition de la contrôler et de prendre les dispositions pour qu’elle ne s’inscrive pas dans la durée ou ne symbolise pas non plus l’incapacité des acteurs à apporter des solutions durables et à anticiper, à travers la mise en place de structures démocratiques fonctionnelles et adaptées aux pratiques politiques modernes.
Dans cette perspective, les critères de compétences, de mérite et de responsabilité doivent être valorisés par le biais d’une démarche transparente respectant les règles et les procédures qui gouvernent l’Etat de droit aussi bien au niveau de la promotion des élites que de la protection des minorités et de la lutte contre le traitement dégradant.
Moussa DIAW
Enseignant-chercheur en Science politique
Spécialiste en relations internationales à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis
diawmoussafr@yahoo.fr
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Source: walfad
20 novembre 2008