La Coordination du Gouvernement Légitime, composée de ministres du gouvernement de Monsieur Yahya Ould El Waghf et mise sur pied pendant que le Président de la République et son Premier Ministre étaient en prison, a fait parvenir au Président de la Commission de l'Union Africaine, Monsieur Jean Ping, une importante contribution à verser aux travaux du 12 ème Sommet de cette organisation. La contribution, transmise par Monsieur Mohamed Ould Rzeizim, Ministre de l'Intérieur, au nom du Premier Ministre empêché, s'intitule: "Mémorandum portant contribution à l’évaluation des mécanismes de lutte contre les changements non constitutionnels de Gouvernement".
Elle s'articule autour de trois axes:
i)la résurgence du phénomène, ii)les faiblesses du dispositif actuel et iii)les suggestions pour l’améliorer. Le vécu de l’exemple mauritanien sera déroulé pour illustrer l’argumentaire.
Parmi les suggestions faites pour améliorer le dispositif, la Coordination du Gouvernement Légitime précise: "Il faut, dès l’annonce d’un coup d’Etat, geler les avoirs de toutes natures de l’Etat en attendant la restauration de l’ordre constitutionnel.". Et plus loin: "La référence à des « élections » pour sortir d’une crise née d’un coup d’Etat ne doit pas en être un moyen de justification a posteriori lorsque ce coup d’Etat a mis fin à un Gouvernement dont l’élection démocratique a été incontestable comme en Mauritanie".
Voici le texte de cette importante communication:
Mémorandum portant contribution à l’évaluation des mécanismes de lutte contre les changements non constitutionnels de Gouvernement
1. À la lumière de l’expérience du semestre écoulé depuis le coup d’Etat en Mauritanie le 6 août 2008 et devant la résurgence et les risques de développement de ce véritable fléau de notre continent que sont les changements inconstitutionnels de Gouvernement, le dispositif actuel de traitement des changements inconstitutionnels de Gouvernement de notre Union suscite quelques réflexions, interrogations et suggestions. Le présent document est élaboré par le gouvernement légitime pour servir de contribution en vue de parfaire nos textes et mécanismes dans le sens de leurs plus grandes efficacité et pertinence.
2. Le document s’articulera autour de la résurgence du phénomène, les faiblesses du dispositif actuel et les suggestions pour l’améliorer. Le vécu de l’exemple mauritanien sera déroulé pour illustrer l’argumentaire.
La résurgence du putschisme : l’exemple mauritanien
3. Depuis plus d’une décennie, l’UA mène un combat continu contre les changements anticonstitutionnels de Gouvernement, véritable fléau qui ravage le continent, contribue à sa déstabilisation chronique, compromet en permanence la paix et la sécurité régionales, accentue les clivages et les divisions au sein des pays africains et entre ses différentes nations et sape tout effort sérieux de développement durable et véritable. Les efforts de l’UA se sont ainsi traduits par l’adoption de nombreux instruments et mécanismes juridiques dont la pertinence et la clarté sont une source de fierté pour tous les africains, leurs partenaires et amis de par le monde. Il en est ainsi de l’Acte constitutif de l’UA, de la Décision AHG/142(XXXV) d’Alger de juillet 1999, de la Déclaration de Lomé de juillet 2000 sur le cadre sur une réaction de l’OUA face aux changements anticonstitutionnels de Gouvernement et du Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité sur les changements anticonstitutionnels de Gouvernement ainsi que la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance.
4. Dès l’établissement d’un ordre constitutionnel authentiquement démocratique suite aux élections législatives et présidentielles de 2006 et 2007, après une transition fondée sur un consensus national et concertée avec le reste de la communauté internationale consécutivement au précédent coup d’Etat d’août 2005, le Gouvernement a décidé d’entreprendre les réformes économiques, politiques et sociales nécessaires pour consolider l’unité de notre nation, renforcer la démocratie et ouvrir de nouvelles perspectives prometteuses de développement, dans notre environnement naturel, arabe et africain. Notre Gouvernement s’est donc attaché a adhérer avec sincérité à l’ensemble des dispositions pertinentes de l’UA, spécialement celles citées précédemment, dans sa volonté de contribuer à l’ancrage de la démocratie pluraliste dans notre continent longtemps meurtri par les conflits civils, les coups de force et les dictatures militaires ou civiles. Il n’est donc pas fortuit que la Mauritanie ait été le premier pays africain à avoir ratifié, en juillet 2008, la Charte africaine de la Démocratie, des élections et de la gouvernance, soit, ironie de l’histoire, quelques semaines avant le coup d’Etat.
5. Cependant, en dépit de tous les efforts méritoires de l’UA, aidée et encouragée par nos partenaires de développement et les autres institutions internationales, l’on observe, depuis peu, une nette tendance à la résurgence des coups d’Etat, tentatives de coups d’Etat et autres formes ou menaces de changements anticonstitutionnels de Gouvernement. De graves dangers pèsent sur la poursuite des efforts de nos pays et de nos institutions communes pour faire face au retour du fléau, au moment où le monde entier, y compris les Très Grandes Puissances, doit faire face à une crise multidimensionnelle dont le traitement requiert la stabilité, la paix et la solidarité active avec le reste de la communauté internationale. A cet égard, le Coup d’Etat en cours en Mauritanie constitue, sans aucun doute, en raison de son contexte et de ses enjeux réels, le plus grand défi auquel doit faire face notre UA et la communauté internationale, dans sa lutte contre ce fléau en Afrique.
6. Dès l’annonce du coup d’Etat et l’arrestation des principales autorités légitimes du pays, dont le Président de la République et le Premier Ministre, de nombreux observateurs attirèrent l’attention sur son effet d’entraînement inéluctable, compte tenu notamment de l’exemplarité de la transition démocratique mauritanienne couronnée d’élections libres, démocratiques, transparentes et incontestées, pour la toute première fois dans l’histoire de notre pays. Nul ne s’étonne donc vraiment de la tentative de renversement du Gouvernement en Guinée Bissau en novembre 2008 et de la prise inconstitutionnelle du pouvoir par certains militaires en Guinée Conakry en décembre 2008, soit trois mois et quatre mois après la prise du pouvoir par la junte en Mauritanie. Il est à craindre, malheureusement, que d’autres aventures de cet ordre qui délaissent les voies régulières de règlement des crises politiques et institutionnelles, puissent surgir et gangrener le cours normal de la vie politique et institutionnelle dans d’autres pays de notre continent si des mesures promptes et énergiques n’étaient prises par notre Union.
7. L’expérience en cours dans notre pays où les auteurs du Coup d’Etat semblent narguer l’UA et la communauté internationale dans leur fuite en avant en vue de consolider leur emprise pernicieuse sur le pays, ses institutions et ses mœurs politiques- et les leçons qui se dégagent d’une lecture attentive de l’actualité dans les pays précités, incitent à mener, de toute urgence, une réflexion approfondie et actualisée du dispositif de traitement des changements anticonstitutionnels de régime, en vue de consolider ses acquis incontestables et de combler certaines failles apparues clairement dans le cas de la Mauritanie tout au moins. Ainsi pourra t-il répondre à l’attente de nos Etats et de nos populations.
Quelques faiblesses du dispositif actuel de traitement des putschs
8. Le cadre de référence pour les réactions, mesures et décisions de l’UA en cas de changement anticonstitutionnel de Gouvernement dans un pays membre est constitué par les principaux instruments cités précédemment, spécialement la Déclaration de Lomé de juillet 2000, adoptée après la Décision d’Alger de 1999. Pour l’essentiel, ce dispositif prévoit qu’au-delà d’une suspension automatique de la participation du pays frappé par un coup d’Etat, aux activités de l’UA, après la condamnation de principe immédiate du changement anticonstitutionnel de Gouvernement, un délai maximum de six mois devrait être accordé à ses auteurs pour la restauration de l’ordre constitutionnel. C’est seulement à l’expiration de ce délai, si l’ordre constitutionnel n’était toujours pas rétabli, qu’un ensemble de sanctions limitées et ciblées pouvaient être envisagées contre les auteurs du putsch, y compris des restrictions de voyage et le gel des avoirs à l’étranger des auteurs ainsi que d’éventuelles restrictions commerciales.
9. Le caractère relativement peu dissuasif de ce dispositif pour les putschistes apparaît évident comme le montre notre exemple en cours. Il semble même, au contraire, pousser ces derniers à persister dans leur action en interprétant le délai accordé comme étant une véritable autorisation de coup d’Etat provisoire, une prime au putsch. Pendant que s’ouvrent des « négociations » avec l’UA et le reste de la communauté internationale, les autorités illégitimes entreprennent des manœuvres dilatoires destinées à gagner du temps, à renforcer leur autorité de fait et à rendre irréversible leur remise en cause de l’ordre constitutionnel.
10. Dès le premier jour du coup d’Etat, les autorités illégitimes se sont engagées dans une véritable fuite en avant, en bouleversant de fond en comble l’ordre politique, administratif, économique et social en vigueur au moment de leur forfait. Outre une nouvelle « charte constitutionnelle » aux accents militaristes traditionnels qui transfigure et subordonne la constitution légitime aux desiderata juridiques des putschistes, l’administration centrale et locale ont été immédiatement restructurées par une véritable chasse aux sorcières à l’encontre des agents nommés par les autorités légitimes et remplacés par des affidés, très souvent sans compétence ni civisme, au nom d’un clientélisme fondé sur tous les particularismes ( ethniques, tribaux, régionaux etc.). L’indépendance de la justice a été purement et simplement bafouée par une instrumentalisation éhontée des juridictions, spécialement pour couvrir et légaliser la chasse aux anti-putschistes comme le montre la multiplication des arrestations parmi les plus hautes autorités légitimes du pays dont le Premier Ministre, des ministres et de hauts cadres de l’administration publique, en raison de leur appartenance au FNDD et de leur refus courageux du fait accompli.
11. Le « Haut Conseil d’Etat », conclave des putschistes et organe suprême de commandement illégal a entrepris, à l’échelle du pays et à l’étranger, une campagne sans précédent de dénigrement des autorités légitimes et d’intimidation de leurs partisans désormais privés des libertés garanties par la constitution légitime et les engagements internationaux de la Mauritanie, comme la liberté d’aller et de venir, de s’exprimer librement dans la presse publique désormais exclusivement réservée aux partisans des putschistes, de manifester pacifiquement etc. Manipulant les media et forts du soutien d’une majorité de parlementaires acquis à leur cause grâce au contrôle des moyens de l’Etat, au chantage et aux menaces, les putschistes ont entrepris, au cours de ces longs mois d’attente des sanctions, de créer de toutes pièces un nouvel état de fait caractérisé par une peur insidieuse, la délation, la soumission à des maîtres-chanteurs notoires et la corruption. Tout le système de valeurs du pays est sens dessus dessous pour le plus grand bonheur des traditionnels pêcheurs en eau trouble qui sont les soutiens les plus en vue des putschistes.
12. Pour consolider son emprise et s’assurer de la durée de son œuvre, la junte s’est détournée des voies de la raison et de la rationalité économique, politique et sociale, en remettant au goût du jour, les vieilles lunes d’un populisme de basse extraction sur un fond d’incitation au bellicisme, à l’étroitesse nationale, en ciblant tout particulièrement une communauté internationale présentée comme étant la cause de toutes les difficultés que rencontre le pays et en indexant les partisans du retour à l’ordre constitutionnel comme les suppôts de l’ Etranger diabolisé et jeté en pâture aux foules. D’une expérience de coup d’Etat à une autre, le discours des putschistes varie et s’adapte pour mieux s’attirer la compréhension voire la sympathie. Dans le cas actuel de la Mauritanie, le mot d’ordre lancé par le chef de la junte et repris par ses thuriféraires c’est la soi disant lutte contre la « gabegie », paravent derrière lequel se camouflent des manœuvres de dénigrement des autorités légitimes et d’instrumentalisation de la justice en vue de neutraliser les forces et personnalités opposées au coup d’Etat comme l’arrestation arbitraire et la détention du Premier Ministre légitime et certains de ses collaborateurs.
13. Pour en arriver à un tel désordre dans le fonctionnement des institutions politiques, administratives et judiciaires du pays, il est clairement apparu en Mauritanie, que six mois furent très largement suffisants. Car ce sont six mois de main- mise sur l’Etat, sur la Puissance publique et sur l’ensemble des moyens matériels, humains et financiers dont peut disposer un Gouvernement quelconque durant cette période. Et, sachant pertinemment ce qui risquerait d’advenir au bout de ce délai, les putschistes s’y préparent avec méthode et minutie, en tentant, à l’occasion, de jouer les prolongations. Aujourd’hui, l’unité nationale et la paix civile sont gravement menacées par le réveil de toutes les forces traditionnelles centrifuges, à nouveau mobilisées par les autorités putschistes comme base sociale et politique de l’action putschiste, contre les autorités légitimes et contre les exigences de la communauté internationale.
14. Pour couronner le tout, les putschistes ont ouvert des « Etats généraux de la démocratie » censés déboucher sur l’élaboration « consensuelle » d’une « feuille de route » supposée permettre de créer les conditions de règlement définitif de la crise en Mauritanie et sortir le pays de l’impasse actuelle. Mais ces « Etats généraux de la démocratie » sont vite apparus pour ce qu’ils sont en définitive : une vaste opération destinée à cautionner le coup d’Etat et à assurer une « sortie de crise » qui consacre la pleine et complète victoire du coup d’Etat. Pour ce faire, la communauté internationale a été invitée par la junte à faire pression sur les partisans des autorités légitimes pour les amener à accepter l’inacceptable et à reconnaître la légitimité des putschistes à organiser à leur manière, suivant leur propre agenda et dans les conditions dénoncées par l’opinion démocratique nationale et la communauté internationale, cette mascarade préélectorale. Au final, les conditions de tenue des ces « Etats généraux » et les manœuvres grossières auxquelles ils donnèrent lieu furent telles que, même des partisans de première heure du putsch et des participants de « bonne volonté » ont dû s’en désolidariser et dénoncer leurs résultats ficelés d’avance par les putschistes.
15. Il est évident que toutes ces initiatives et cette agitation fébrile menées avec arrogance et mépris contre l’ordre constitutionnel et contre les exigences de la communauté internationale n’ont été rendues possibles que par ce « délai franc » de six mois qui autorise toutes les dérives et rend possible tous les errements des putschistes, « en attendant les sanctions »…
Suggestions pour améliorer le dispositif de lutte contre les putschs
16. Face à un tel détournement des objectifs initiaux visés à travers ce délai (dont celui de chercher un authentique dialogue avec les putschistes et les amener à retourner à la raison sans trop de dégâts pour la paix civile et l’ordre constitutionnel), il convient de corriger les failles apparues, en commençant par poser et consolider le dispositif de lutte contre le putsch, dès les premiers jours de sa survenance.
17. Il semble d’abord nécessaire de rendre immédiat le dispositif de sanctions ciblées quitte à les appliquer en tenant compte des besoins des négociations avec certains des auteurs du putsch. Non seulement leurs avoirs à l’étranger doivent être gelés mais aussi certains des fonds et avoirs à l’étranger de l’Etat doivent immédiatement leur être rendus inaccessibles de plein droit, ce qui, d’ailleurs serait tout à fait en accord avec les règles de représentativité des Gouvernements à l’étranger. Il faut, dès l’annonce d’un coup d’Etat, geler les avoirs de toutes natures de l’Etat en attendant la restauration de l’ordre constitutionnel.
18. Les autorités légitimes en liberté doivent continuer à assurer la participation de l’Etat aux activités de l’UA au nom du principe de continuité de la légitimité des autorités élues de l’Etat, corollaire du principe de continuité de la représentation de l’Etat au sein des institutions internationales par ses autorités légitimes. Il n’est nul besoin, pour ce faire, qu’elles soient spécialement invitées à participer, en tant que telles, aux activités de l’UA dès lors qu’elles ne sont nullement exclues ou suspendues en raison du coup d’Etat, ce qui serait le comble des paradoxes. Toutes personnes responsables au sein des missions diplomatiques et consulaires établies à l’étranger ayant rallié les putschistes doivent immédiatement être déclarées personae non grata et invitées à quitter les pays d’accueil, membres de l’UA ainsi que tous les pays partenaires de l’UA.
19. A cet égard, il est nécessaire que dans les démarches entreprises pour assurer une sortie de crise conforme à l’ordre constitutionnel et au droit de l’UA, les institutions de cette dernière n’apparaissent pas comme arbitres entre des parties égales en droit et en exigences que sont d’une part, les autorités légitimes renversées et, d’autre part, des autorités usurpatrices de la souveraineté de l’Etat et qui, de ce fait, sont mises au ban de la communauté internationale. L’UA ne devrait donc pas rechercher un « consensus » quelconque entre légitimistes et putschistes qui donnerait à penser que ces derniers sont en « droit » d’imposer une volonté juridique quelconque après avoir exercé une contrainte inacceptable sur l’ordre constitutionnel.
20. Il doit être clairement indiqué que la limite ultime de tout compromis acceptable pour la communauté internationale est la restauration de l’ordre constitutionnel par le retour au pouvoir des autorités légitimes. Les prises de position de l’UA doivent donc se départir de toute ambiguïté autant dans leur formulation que dans les solutions préconisées pour la sortie de crise dont le dernier mot doit revenir, en définitive, aux représentants des autorités légitimes. La référence à des « élections » pour sortir d’une crise née d’un coup d’Etat ne doit pas en être un moyen de justification a posteriori lorsque ce coup d’Etat a mis fin à un Gouvernement dont l’élection démocratique a été incontestable comme en Mauritanie. En aucun cas, l’UA et la communauté internationale ne doivent accepter des coups d’Etat révocatoires de mandats en cours d’exercice, menés uniquement pour satisfaire des militaires mécontents de l’évolution de leur carrière personnelle soutenus par des candidats malheureux de la précédente élection, tout heureux de tenter à nouveau leur chance sans attendre les délais constitutionnels, comme c’est le cas dans notre expérience en cours.
21. Comme l’indiquent clairement les textes pertinents et les réactions convergentes de l’UA ainsi qu’une « jurisprudence » bien établie du Conseil de sécurité des Nations Unies, les coups d’Etat constituent, de nos jours, une grave infraction internationale. Ils portent atteinte à la paix et à la sécurité internationale et au droit des peuples à choisir librement leurs gouvernants. Il en découle une double conséquence au plan des réactions qui doivent être désormais les nôtres lorsqu’ils adviennent : celui du soutien à accorder aux autorités légitimes et aux forces de résistance qui s’organisent pour faire face au coup d’Etat d’une part, et celui du régime des sanctions à mettre en œuvre en raison de la gravité extrême de cette infraction, d’autre part.
22. Pour ce qui est du soutien aux gouvernants légitimes, il est indispensable de le réaffirmer explicitement dès les premières heures du coup d’Etat. L’UA doit inciter ses membres ainsi que toute la communauté internationale à assister ces dernières ainsi que les forces de résistance suscitées au sein de l’Etat pour isoler les putschistes et leurs partisans. Cette reconnaissance du droit à l’assistance matérielle et morale des autorités légitimes contribuera très fortement à la mobilisation tant interne qu’externe contre les coups d’Etat, à l’instar des contributions apportées naguère aux combattants de la liberté à l’époque de la lutte contre le colonialisme et l’apartheid. Elle aura une portée symbolique et pratique considérable dans l’opinion publique tant nationale qu’internationale.
23. S’agissant du régime des sanctions, notre expérience a prouvé que devant la gravité des évènements que constituent un coup d’Etat et ses suites, il n’est pas très judicieux d’en limiter l’occurrence aux seules mesures restrictives de déplacement des putschistes ou d’accès à leurs avoirs à l’étranger. Dans une situation de crise aigue, à l’intérieur du pays, ces mesures, certes très salutaires ne sont pas, cependant, à elles seules, d’une dissuasion rédhibitoire. Les moyens modernes de communication peuvent en effet compenser ces difficultés de voyager sans oublier la possibilité d’établir grâce à certaines complicités étrangères, de véritables réseaux de gestion de leurs intérêts à l’étranger, en utilisant les techniques éprouvées de prête-noms ou de sociétés –écran. Par ailleurs, il conviendrait de faire en sorte de limiter, autant que faire se peut, les contacts avec les autorités putschistes qui doivent apparaître, dès la commission de leur forfait, comme de véritables parias internationaux.
24. Par ailleurs, il ne faut pas oublier de situer la survenance de certains coups d’Etat dans leur contexte sécuritaire national voir régional qui, sans aucun doute, pourrait éclairer leurs enjeux cachés (trafics de drogue, de cigarettes, de voitures, d’êtres humains, immigration clandestine, terrorisme téléguidé etc. qui alimentent parfois des réseaux aux ramifications les plus inattendues dans les sphères les plus élevées des appareils sécuritaires et économiques). Les auteurs des coups d’Etat ont donc tout le loisir de trouver dans ces réseaux mafieux en pleine expansion dans notre sous-région, les conditions et les ressources nécessaires pour contourner ces sanctions minimales, sans trop de difficultés.
25. En vérité, le coup d’Etat étant une infraction d’une particulière gravité, ses auteurs doivent toujours s’attendre à en payer le prix fort. Pour être crédible, les réactions de l’UA et de la communauté internationale doivent être plus larges, plus ouvertes et comprendre tous les moyens nécessaires pour y faire faire face, y compris la perspective pour ses auteurs, d’être jugés par une juridiction pénale ad hoc, pour crime contre la paix et atteinte à l’ordre constitutionnel d’un Etat membre. Ainsi seulement pourrait-on amener les putschistes et leurs éventuels émules à réfléchir avant d’agir inconsidérément et à être considérés pour ce qu’ils sont en vérité : des délinquants politiques.
Source: ForMauritania
Elle s'articule autour de trois axes:
i)la résurgence du phénomène, ii)les faiblesses du dispositif actuel et iii)les suggestions pour l’améliorer. Le vécu de l’exemple mauritanien sera déroulé pour illustrer l’argumentaire.
Parmi les suggestions faites pour améliorer le dispositif, la Coordination du Gouvernement Légitime précise: "Il faut, dès l’annonce d’un coup d’Etat, geler les avoirs de toutes natures de l’Etat en attendant la restauration de l’ordre constitutionnel.". Et plus loin: "La référence à des « élections » pour sortir d’une crise née d’un coup d’Etat ne doit pas en être un moyen de justification a posteriori lorsque ce coup d’Etat a mis fin à un Gouvernement dont l’élection démocratique a été incontestable comme en Mauritanie".
Voici le texte de cette importante communication:
Mémorandum portant contribution à l’évaluation des mécanismes de lutte contre les changements non constitutionnels de Gouvernement
1. À la lumière de l’expérience du semestre écoulé depuis le coup d’Etat en Mauritanie le 6 août 2008 et devant la résurgence et les risques de développement de ce véritable fléau de notre continent que sont les changements inconstitutionnels de Gouvernement, le dispositif actuel de traitement des changements inconstitutionnels de Gouvernement de notre Union suscite quelques réflexions, interrogations et suggestions. Le présent document est élaboré par le gouvernement légitime pour servir de contribution en vue de parfaire nos textes et mécanismes dans le sens de leurs plus grandes efficacité et pertinence.
2. Le document s’articulera autour de la résurgence du phénomène, les faiblesses du dispositif actuel et les suggestions pour l’améliorer. Le vécu de l’exemple mauritanien sera déroulé pour illustrer l’argumentaire.
La résurgence du putschisme : l’exemple mauritanien
3. Depuis plus d’une décennie, l’UA mène un combat continu contre les changements anticonstitutionnels de Gouvernement, véritable fléau qui ravage le continent, contribue à sa déstabilisation chronique, compromet en permanence la paix et la sécurité régionales, accentue les clivages et les divisions au sein des pays africains et entre ses différentes nations et sape tout effort sérieux de développement durable et véritable. Les efforts de l’UA se sont ainsi traduits par l’adoption de nombreux instruments et mécanismes juridiques dont la pertinence et la clarté sont une source de fierté pour tous les africains, leurs partenaires et amis de par le monde. Il en est ainsi de l’Acte constitutif de l’UA, de la Décision AHG/142(XXXV) d’Alger de juillet 1999, de la Déclaration de Lomé de juillet 2000 sur le cadre sur une réaction de l’OUA face aux changements anticonstitutionnels de Gouvernement et du Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité sur les changements anticonstitutionnels de Gouvernement ainsi que la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance.
4. Dès l’établissement d’un ordre constitutionnel authentiquement démocratique suite aux élections législatives et présidentielles de 2006 et 2007, après une transition fondée sur un consensus national et concertée avec le reste de la communauté internationale consécutivement au précédent coup d’Etat d’août 2005, le Gouvernement a décidé d’entreprendre les réformes économiques, politiques et sociales nécessaires pour consolider l’unité de notre nation, renforcer la démocratie et ouvrir de nouvelles perspectives prometteuses de développement, dans notre environnement naturel, arabe et africain. Notre Gouvernement s’est donc attaché a adhérer avec sincérité à l’ensemble des dispositions pertinentes de l’UA, spécialement celles citées précédemment, dans sa volonté de contribuer à l’ancrage de la démocratie pluraliste dans notre continent longtemps meurtri par les conflits civils, les coups de force et les dictatures militaires ou civiles. Il n’est donc pas fortuit que la Mauritanie ait été le premier pays africain à avoir ratifié, en juillet 2008, la Charte africaine de la Démocratie, des élections et de la gouvernance, soit, ironie de l’histoire, quelques semaines avant le coup d’Etat.
5. Cependant, en dépit de tous les efforts méritoires de l’UA, aidée et encouragée par nos partenaires de développement et les autres institutions internationales, l’on observe, depuis peu, une nette tendance à la résurgence des coups d’Etat, tentatives de coups d’Etat et autres formes ou menaces de changements anticonstitutionnels de Gouvernement. De graves dangers pèsent sur la poursuite des efforts de nos pays et de nos institutions communes pour faire face au retour du fléau, au moment où le monde entier, y compris les Très Grandes Puissances, doit faire face à une crise multidimensionnelle dont le traitement requiert la stabilité, la paix et la solidarité active avec le reste de la communauté internationale. A cet égard, le Coup d’Etat en cours en Mauritanie constitue, sans aucun doute, en raison de son contexte et de ses enjeux réels, le plus grand défi auquel doit faire face notre UA et la communauté internationale, dans sa lutte contre ce fléau en Afrique.
6. Dès l’annonce du coup d’Etat et l’arrestation des principales autorités légitimes du pays, dont le Président de la République et le Premier Ministre, de nombreux observateurs attirèrent l’attention sur son effet d’entraînement inéluctable, compte tenu notamment de l’exemplarité de la transition démocratique mauritanienne couronnée d’élections libres, démocratiques, transparentes et incontestées, pour la toute première fois dans l’histoire de notre pays. Nul ne s’étonne donc vraiment de la tentative de renversement du Gouvernement en Guinée Bissau en novembre 2008 et de la prise inconstitutionnelle du pouvoir par certains militaires en Guinée Conakry en décembre 2008, soit trois mois et quatre mois après la prise du pouvoir par la junte en Mauritanie. Il est à craindre, malheureusement, que d’autres aventures de cet ordre qui délaissent les voies régulières de règlement des crises politiques et institutionnelles, puissent surgir et gangrener le cours normal de la vie politique et institutionnelle dans d’autres pays de notre continent si des mesures promptes et énergiques n’étaient prises par notre Union.
7. L’expérience en cours dans notre pays où les auteurs du Coup d’Etat semblent narguer l’UA et la communauté internationale dans leur fuite en avant en vue de consolider leur emprise pernicieuse sur le pays, ses institutions et ses mœurs politiques- et les leçons qui se dégagent d’une lecture attentive de l’actualité dans les pays précités, incitent à mener, de toute urgence, une réflexion approfondie et actualisée du dispositif de traitement des changements anticonstitutionnels de régime, en vue de consolider ses acquis incontestables et de combler certaines failles apparues clairement dans le cas de la Mauritanie tout au moins. Ainsi pourra t-il répondre à l’attente de nos Etats et de nos populations.
Quelques faiblesses du dispositif actuel de traitement des putschs
8. Le cadre de référence pour les réactions, mesures et décisions de l’UA en cas de changement anticonstitutionnel de Gouvernement dans un pays membre est constitué par les principaux instruments cités précédemment, spécialement la Déclaration de Lomé de juillet 2000, adoptée après la Décision d’Alger de 1999. Pour l’essentiel, ce dispositif prévoit qu’au-delà d’une suspension automatique de la participation du pays frappé par un coup d’Etat, aux activités de l’UA, après la condamnation de principe immédiate du changement anticonstitutionnel de Gouvernement, un délai maximum de six mois devrait être accordé à ses auteurs pour la restauration de l’ordre constitutionnel. C’est seulement à l’expiration de ce délai, si l’ordre constitutionnel n’était toujours pas rétabli, qu’un ensemble de sanctions limitées et ciblées pouvaient être envisagées contre les auteurs du putsch, y compris des restrictions de voyage et le gel des avoirs à l’étranger des auteurs ainsi que d’éventuelles restrictions commerciales.
9. Le caractère relativement peu dissuasif de ce dispositif pour les putschistes apparaît évident comme le montre notre exemple en cours. Il semble même, au contraire, pousser ces derniers à persister dans leur action en interprétant le délai accordé comme étant une véritable autorisation de coup d’Etat provisoire, une prime au putsch. Pendant que s’ouvrent des « négociations » avec l’UA et le reste de la communauté internationale, les autorités illégitimes entreprennent des manœuvres dilatoires destinées à gagner du temps, à renforcer leur autorité de fait et à rendre irréversible leur remise en cause de l’ordre constitutionnel.
10. Dès le premier jour du coup d’Etat, les autorités illégitimes se sont engagées dans une véritable fuite en avant, en bouleversant de fond en comble l’ordre politique, administratif, économique et social en vigueur au moment de leur forfait. Outre une nouvelle « charte constitutionnelle » aux accents militaristes traditionnels qui transfigure et subordonne la constitution légitime aux desiderata juridiques des putschistes, l’administration centrale et locale ont été immédiatement restructurées par une véritable chasse aux sorcières à l’encontre des agents nommés par les autorités légitimes et remplacés par des affidés, très souvent sans compétence ni civisme, au nom d’un clientélisme fondé sur tous les particularismes ( ethniques, tribaux, régionaux etc.). L’indépendance de la justice a été purement et simplement bafouée par une instrumentalisation éhontée des juridictions, spécialement pour couvrir et légaliser la chasse aux anti-putschistes comme le montre la multiplication des arrestations parmi les plus hautes autorités légitimes du pays dont le Premier Ministre, des ministres et de hauts cadres de l’administration publique, en raison de leur appartenance au FNDD et de leur refus courageux du fait accompli.
11. Le « Haut Conseil d’Etat », conclave des putschistes et organe suprême de commandement illégal a entrepris, à l’échelle du pays et à l’étranger, une campagne sans précédent de dénigrement des autorités légitimes et d’intimidation de leurs partisans désormais privés des libertés garanties par la constitution légitime et les engagements internationaux de la Mauritanie, comme la liberté d’aller et de venir, de s’exprimer librement dans la presse publique désormais exclusivement réservée aux partisans des putschistes, de manifester pacifiquement etc. Manipulant les media et forts du soutien d’une majorité de parlementaires acquis à leur cause grâce au contrôle des moyens de l’Etat, au chantage et aux menaces, les putschistes ont entrepris, au cours de ces longs mois d’attente des sanctions, de créer de toutes pièces un nouvel état de fait caractérisé par une peur insidieuse, la délation, la soumission à des maîtres-chanteurs notoires et la corruption. Tout le système de valeurs du pays est sens dessus dessous pour le plus grand bonheur des traditionnels pêcheurs en eau trouble qui sont les soutiens les plus en vue des putschistes.
12. Pour consolider son emprise et s’assurer de la durée de son œuvre, la junte s’est détournée des voies de la raison et de la rationalité économique, politique et sociale, en remettant au goût du jour, les vieilles lunes d’un populisme de basse extraction sur un fond d’incitation au bellicisme, à l’étroitesse nationale, en ciblant tout particulièrement une communauté internationale présentée comme étant la cause de toutes les difficultés que rencontre le pays et en indexant les partisans du retour à l’ordre constitutionnel comme les suppôts de l’ Etranger diabolisé et jeté en pâture aux foules. D’une expérience de coup d’Etat à une autre, le discours des putschistes varie et s’adapte pour mieux s’attirer la compréhension voire la sympathie. Dans le cas actuel de la Mauritanie, le mot d’ordre lancé par le chef de la junte et repris par ses thuriféraires c’est la soi disant lutte contre la « gabegie », paravent derrière lequel se camouflent des manœuvres de dénigrement des autorités légitimes et d’instrumentalisation de la justice en vue de neutraliser les forces et personnalités opposées au coup d’Etat comme l’arrestation arbitraire et la détention du Premier Ministre légitime et certains de ses collaborateurs.
13. Pour en arriver à un tel désordre dans le fonctionnement des institutions politiques, administratives et judiciaires du pays, il est clairement apparu en Mauritanie, que six mois furent très largement suffisants. Car ce sont six mois de main- mise sur l’Etat, sur la Puissance publique et sur l’ensemble des moyens matériels, humains et financiers dont peut disposer un Gouvernement quelconque durant cette période. Et, sachant pertinemment ce qui risquerait d’advenir au bout de ce délai, les putschistes s’y préparent avec méthode et minutie, en tentant, à l’occasion, de jouer les prolongations. Aujourd’hui, l’unité nationale et la paix civile sont gravement menacées par le réveil de toutes les forces traditionnelles centrifuges, à nouveau mobilisées par les autorités putschistes comme base sociale et politique de l’action putschiste, contre les autorités légitimes et contre les exigences de la communauté internationale.
14. Pour couronner le tout, les putschistes ont ouvert des « Etats généraux de la démocratie » censés déboucher sur l’élaboration « consensuelle » d’une « feuille de route » supposée permettre de créer les conditions de règlement définitif de la crise en Mauritanie et sortir le pays de l’impasse actuelle. Mais ces « Etats généraux de la démocratie » sont vite apparus pour ce qu’ils sont en définitive : une vaste opération destinée à cautionner le coup d’Etat et à assurer une « sortie de crise » qui consacre la pleine et complète victoire du coup d’Etat. Pour ce faire, la communauté internationale a été invitée par la junte à faire pression sur les partisans des autorités légitimes pour les amener à accepter l’inacceptable et à reconnaître la légitimité des putschistes à organiser à leur manière, suivant leur propre agenda et dans les conditions dénoncées par l’opinion démocratique nationale et la communauté internationale, cette mascarade préélectorale. Au final, les conditions de tenue des ces « Etats généraux » et les manœuvres grossières auxquelles ils donnèrent lieu furent telles que, même des partisans de première heure du putsch et des participants de « bonne volonté » ont dû s’en désolidariser et dénoncer leurs résultats ficelés d’avance par les putschistes.
15. Il est évident que toutes ces initiatives et cette agitation fébrile menées avec arrogance et mépris contre l’ordre constitutionnel et contre les exigences de la communauté internationale n’ont été rendues possibles que par ce « délai franc » de six mois qui autorise toutes les dérives et rend possible tous les errements des putschistes, « en attendant les sanctions »…
Suggestions pour améliorer le dispositif de lutte contre les putschs
16. Face à un tel détournement des objectifs initiaux visés à travers ce délai (dont celui de chercher un authentique dialogue avec les putschistes et les amener à retourner à la raison sans trop de dégâts pour la paix civile et l’ordre constitutionnel), il convient de corriger les failles apparues, en commençant par poser et consolider le dispositif de lutte contre le putsch, dès les premiers jours de sa survenance.
17. Il semble d’abord nécessaire de rendre immédiat le dispositif de sanctions ciblées quitte à les appliquer en tenant compte des besoins des négociations avec certains des auteurs du putsch. Non seulement leurs avoirs à l’étranger doivent être gelés mais aussi certains des fonds et avoirs à l’étranger de l’Etat doivent immédiatement leur être rendus inaccessibles de plein droit, ce qui, d’ailleurs serait tout à fait en accord avec les règles de représentativité des Gouvernements à l’étranger. Il faut, dès l’annonce d’un coup d’Etat, geler les avoirs de toutes natures de l’Etat en attendant la restauration de l’ordre constitutionnel.
18. Les autorités légitimes en liberté doivent continuer à assurer la participation de l’Etat aux activités de l’UA au nom du principe de continuité de la légitimité des autorités élues de l’Etat, corollaire du principe de continuité de la représentation de l’Etat au sein des institutions internationales par ses autorités légitimes. Il n’est nul besoin, pour ce faire, qu’elles soient spécialement invitées à participer, en tant que telles, aux activités de l’UA dès lors qu’elles ne sont nullement exclues ou suspendues en raison du coup d’Etat, ce qui serait le comble des paradoxes. Toutes personnes responsables au sein des missions diplomatiques et consulaires établies à l’étranger ayant rallié les putschistes doivent immédiatement être déclarées personae non grata et invitées à quitter les pays d’accueil, membres de l’UA ainsi que tous les pays partenaires de l’UA.
19. A cet égard, il est nécessaire que dans les démarches entreprises pour assurer une sortie de crise conforme à l’ordre constitutionnel et au droit de l’UA, les institutions de cette dernière n’apparaissent pas comme arbitres entre des parties égales en droit et en exigences que sont d’une part, les autorités légitimes renversées et, d’autre part, des autorités usurpatrices de la souveraineté de l’Etat et qui, de ce fait, sont mises au ban de la communauté internationale. L’UA ne devrait donc pas rechercher un « consensus » quelconque entre légitimistes et putschistes qui donnerait à penser que ces derniers sont en « droit » d’imposer une volonté juridique quelconque après avoir exercé une contrainte inacceptable sur l’ordre constitutionnel.
20. Il doit être clairement indiqué que la limite ultime de tout compromis acceptable pour la communauté internationale est la restauration de l’ordre constitutionnel par le retour au pouvoir des autorités légitimes. Les prises de position de l’UA doivent donc se départir de toute ambiguïté autant dans leur formulation que dans les solutions préconisées pour la sortie de crise dont le dernier mot doit revenir, en définitive, aux représentants des autorités légitimes. La référence à des « élections » pour sortir d’une crise née d’un coup d’Etat ne doit pas en être un moyen de justification a posteriori lorsque ce coup d’Etat a mis fin à un Gouvernement dont l’élection démocratique a été incontestable comme en Mauritanie. En aucun cas, l’UA et la communauté internationale ne doivent accepter des coups d’Etat révocatoires de mandats en cours d’exercice, menés uniquement pour satisfaire des militaires mécontents de l’évolution de leur carrière personnelle soutenus par des candidats malheureux de la précédente élection, tout heureux de tenter à nouveau leur chance sans attendre les délais constitutionnels, comme c’est le cas dans notre expérience en cours.
21. Comme l’indiquent clairement les textes pertinents et les réactions convergentes de l’UA ainsi qu’une « jurisprudence » bien établie du Conseil de sécurité des Nations Unies, les coups d’Etat constituent, de nos jours, une grave infraction internationale. Ils portent atteinte à la paix et à la sécurité internationale et au droit des peuples à choisir librement leurs gouvernants. Il en découle une double conséquence au plan des réactions qui doivent être désormais les nôtres lorsqu’ils adviennent : celui du soutien à accorder aux autorités légitimes et aux forces de résistance qui s’organisent pour faire face au coup d’Etat d’une part, et celui du régime des sanctions à mettre en œuvre en raison de la gravité extrême de cette infraction, d’autre part.
22. Pour ce qui est du soutien aux gouvernants légitimes, il est indispensable de le réaffirmer explicitement dès les premières heures du coup d’Etat. L’UA doit inciter ses membres ainsi que toute la communauté internationale à assister ces dernières ainsi que les forces de résistance suscitées au sein de l’Etat pour isoler les putschistes et leurs partisans. Cette reconnaissance du droit à l’assistance matérielle et morale des autorités légitimes contribuera très fortement à la mobilisation tant interne qu’externe contre les coups d’Etat, à l’instar des contributions apportées naguère aux combattants de la liberté à l’époque de la lutte contre le colonialisme et l’apartheid. Elle aura une portée symbolique et pratique considérable dans l’opinion publique tant nationale qu’internationale.
23. S’agissant du régime des sanctions, notre expérience a prouvé que devant la gravité des évènements que constituent un coup d’Etat et ses suites, il n’est pas très judicieux d’en limiter l’occurrence aux seules mesures restrictives de déplacement des putschistes ou d’accès à leurs avoirs à l’étranger. Dans une situation de crise aigue, à l’intérieur du pays, ces mesures, certes très salutaires ne sont pas, cependant, à elles seules, d’une dissuasion rédhibitoire. Les moyens modernes de communication peuvent en effet compenser ces difficultés de voyager sans oublier la possibilité d’établir grâce à certaines complicités étrangères, de véritables réseaux de gestion de leurs intérêts à l’étranger, en utilisant les techniques éprouvées de prête-noms ou de sociétés –écran. Par ailleurs, il conviendrait de faire en sorte de limiter, autant que faire se peut, les contacts avec les autorités putschistes qui doivent apparaître, dès la commission de leur forfait, comme de véritables parias internationaux.
24. Par ailleurs, il ne faut pas oublier de situer la survenance de certains coups d’Etat dans leur contexte sécuritaire national voir régional qui, sans aucun doute, pourrait éclairer leurs enjeux cachés (trafics de drogue, de cigarettes, de voitures, d’êtres humains, immigration clandestine, terrorisme téléguidé etc. qui alimentent parfois des réseaux aux ramifications les plus inattendues dans les sphères les plus élevées des appareils sécuritaires et économiques). Les auteurs des coups d’Etat ont donc tout le loisir de trouver dans ces réseaux mafieux en pleine expansion dans notre sous-région, les conditions et les ressources nécessaires pour contourner ces sanctions minimales, sans trop de difficultés.
25. En vérité, le coup d’Etat étant une infraction d’une particulière gravité, ses auteurs doivent toujours s’attendre à en payer le prix fort. Pour être crédible, les réactions de l’UA et de la communauté internationale doivent être plus larges, plus ouvertes et comprendre tous les moyens nécessaires pour y faire faire face, y compris la perspective pour ses auteurs, d’être jugés par une juridiction pénale ad hoc, pour crime contre la paix et atteinte à l’ordre constitutionnel d’un Etat membre. Ainsi seulement pourrait-on amener les putschistes et leurs éventuels émules à réfléchir avant d’agir inconsidérément et à être considérés pour ce qu’ils sont en vérité : des délinquants politiques.
Source: ForMauritania