Bilal, jeune esclave hartani, vit en France. Par réaction aux étiquettes " arabe, musulman, noir et sous développé " collé à son pays par son entourage français, il réagit en présentant son pays, la Mauritanie, comme un modèle. " Qu’est ce qui t’attaches à ce pays dans lequel tu n’es qu’un esclave ? " S’entend-t-il cracher à la figure. "
Je préfère vivre dans un pays où je suis esclave mais capable de lutter pour être libre plutôt que de vivre là où on me considère comme un ancien esclave. "
Bilal, sans aucune formation politique avant son départ pour la France, commence alors à se poser des questions sur son identité, sur la complexité de l’identité haratine. Il prend contact avec la diaspora mauritanienne. Le contact avec cette diaspora qui n’est rien d’autre que le prolongement de la Mauritanie avec ses complexes et ses contradictions, au lieu de l’édifier, va le perdre d’avantage. Une partie de cette diaspora le prend pour un négro-mauritanien, l’autre pour un arabe noir.
Comme l’a fait remarquer Mohamed Baba au cours de la présentation de son roman " pour ces gens, il est important de démontrer qu’il y a une majorité socio-éthnique qui doit donner des droits particuliers. " Autrement dit, compte tenu du peu d’ancrage de la notion de citoyenneté en Mauritanie, dans notre entendement, la majorité est purement ethnico-raciale et/ou linguistique. Même si on ne le dit pas toujours, pour justifier, pour légitimer le pouvoir, on fait référence aux équilibres entre les communautés, les races, les ethnies ou les tribus.
Et, les hartanis sont l’enjeu de cette guerre de la majorité. Pour les negro-africains, un hartani étant noir et à, l’origine Bambara, Soninké ou Pular, doit être comptabilisé parmi les kwars. Pour les maures, le hartani parlant hassaniya et étant de culture maure, doit être comptabilisé parmi les arabes. Ceux qui, comme Mohamed lemine Ould ketab, sont allés au-delà de ce problème de couleur, ceux pour qui " le peuple mauritanien est celui qui ressemble le plus à tous les peuples du monde " ne sont pas nombreux, mais ils portent le discours de l’avenir, le discours d’une Mauritanie de citoyens riches de leur diversité. Une Mauritanie de citoyens pour qui être parmi les plus nombreux ne donne aucun privilège. C’est tout le sens de la démocratie dont on parle tant : " le pouvoir de la majorité tempéré par le respect de la minorité ". Seulement, il s’agit d’une majorité des idées, des programmes politiques.
Querelle de majorité
Mohamed Baba, dans son livre, a fait état de cette majorité ethnico-raciale qui, pour certains mauritaniens, est synonyme de préséance. On peut faire état d’une autre attitude également ridicule, c’est celle de la préséance en fonction de l’arrivée dans le pays. Il n’est pas rare en effet d’entendre certains soutenir que les membres de telle ethnie, telle race, telle tribu sont les premiers à fouler le sol national. Avoir été les premiers à fouler le sol du pays ne donne pas plus de droit dès l’instant où chacun a une carte d’identité nationale.
N’ayant pas trouvé une réponse à sa " crise d’identité ", Bilal décide de regagner son pays. Il va y découvrir une autre réalité : la répression politique, la torture. C’est à partir de ce moment du récit que le personnage central, Bilal, et l’auteur du Roman, Mohamed Baba, se recoupent. Au-delà de la plainte déposée au tribunal de Clermont Ferrand, Mohamed baba a choisi l’univers romanesque pour laisser à la postérité un témoignage vivant d’une page très sombre de notre histoire, celle des tortures, des atteintes à la dignité humaine. Car pour l’auteur, le tortionnaire ne cherche pas à faire parler, à extirper des aveux, mais à faire taire. En écrivant Bilal, il rompt la culture du silence dont nous avons trop souffert. Pour Mohamed Baba, chimiste de formation, le laboratoire est un lieu de travail, d’analyse pour faire avancer l’humanité. Au commissariat de Tevragh zeina, on lui a fait découvrir un autre laboratoire qui est le contraire de celui qu’il connaît. Le laboratoire du commissariat de Tevragh-Zeina- heureusement qu’il n’existe plus- était la négation de la dignité humaine.
Bilal, c’est Mohamed baba
" Pourquoi cette transfiguration ? Pourquoi le choix de Bilal ? Est ce parce qu’étant tiraillé entre " négrité " mauritanienne et arabité noire, il a le plus d’arguments pour critiquer la société mauritanienne ? Comme ce confrère, beaucoup de mauritaniens, à la lecture de ce roman, se demanderont : comment un maure blanc qui raconte son histoire choisit de se mettre dans la peau d’un hartani ? " Le choix a été fait pour brosser le plus grand nombre de tableaux de la société mauritanienne, pour susciter le débat sur la condition des hartanis. Pas pour la recherche d’identité qui peut être dangereuse mais pour inviter les mauritaniens au dialogue." Telle est la réponse donnée par Mohamed Baba au cours de la présentation de son livre.
Pour lui, un problème national ne doit pas être l’apanage d’une communauté. " Si le problème que pose les FLAM avait été pris en charge par tous les mauritaniens, cette organisation n’allait pas exister. " affirme Mohamed Baba.
La raison de cette transfiguration est la même que celle qui a conduit Abderrahmane N’Gaidé, natif de Boghé et maître de conférence à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, a préfacé le roman. Mohamed Baba, issu d’une famille maraboutique et Abderrahmane N’gaidé, torodo bon teint, sont à une longueur d’avance sur beaucoup de mauritaniens. Ils sont allés au-delà du déterminisme de naissance pour tendre vers l’humanité, vers l’être humain dépouillé de toute sa charge sociale négative, libéré des carcans. Autrement, nous n’aurions pas eu le plaisir de lire ce roman écrit par un maure blanc, préfacé par un torodo et qui parle des hartanis.
La rencontre de deux humanités
Au cours de la présentation du livre, Abderrahmane N’gaidé qui a fait le voyage : Dakar-Nouakchott pour la circonstance, a affirmé que sa rencontre avec Mohamed Baba était celle de deux humanités. Deux humanités qui ont compris, peut être un peu avant les autres, que les hartanis ne doivent pas être une pomme de discorde, tiraillés des deux cotés pour justifier une majorité insensée, mais plutôt la jonction naturelle entre des communautés qui, finalement, ont une valeur commune supérieure à la négritude, à la " beydanité " : l’Islam.
Littérature négro-africaine ou maghrébine ?
" Littérature négro-africaine ou maghrébine " Tous les romans écrits en Afrique rentrent dans cette classification. Littérature maghrébine pour l’Afrique du Nord et négro-africaine pour l’Afrique sub -saharienne. Interpellé sur la nature de son roman eu égard à cette classification, Mohamed Baba a laissé entendre que la mention " collection écritures arabes " sur la couverture a été choisie par la maison d’édition. Si cette maison d’édition avait une idée de la réalité de notre pays, elle aurait écrit autre chose. Comme " Bilal " la Mauritanie n’est ni arabe ni négro-africaine. Elle est entre les deux.
Interrogé sur l’éventualité du retrait de sa plainte contre ses tortionnaires pour favoriser l’unité nationale et la réconciliation, Mohamed Baba a affirmé : " je ne compte pas retirer la plainte et si la possibilité m’est offerte j’en déposerai une ici (en Mauritanie). Le seul obstacle est qu’une même affaire ne peut être jugé dans deux lieux différents." Mohamed Baba a aussi laissé entendre que la mesure d’amnistie prise par le CMJD pouvait être accompagnée d’autres gestes envers les victimes du passif humanitaire. Il a ajouté que le plus important, c’est le retour de l’espoir.
Khalilou.B.diagana
khalioubi@yahoo.fr
Note:
Info source : Nouakchott Info via cridem.org
Je préfère vivre dans un pays où je suis esclave mais capable de lutter pour être libre plutôt que de vivre là où on me considère comme un ancien esclave. "
Bilal, sans aucune formation politique avant son départ pour la France, commence alors à se poser des questions sur son identité, sur la complexité de l’identité haratine. Il prend contact avec la diaspora mauritanienne. Le contact avec cette diaspora qui n’est rien d’autre que le prolongement de la Mauritanie avec ses complexes et ses contradictions, au lieu de l’édifier, va le perdre d’avantage. Une partie de cette diaspora le prend pour un négro-mauritanien, l’autre pour un arabe noir.
Comme l’a fait remarquer Mohamed Baba au cours de la présentation de son roman " pour ces gens, il est important de démontrer qu’il y a une majorité socio-éthnique qui doit donner des droits particuliers. " Autrement dit, compte tenu du peu d’ancrage de la notion de citoyenneté en Mauritanie, dans notre entendement, la majorité est purement ethnico-raciale et/ou linguistique. Même si on ne le dit pas toujours, pour justifier, pour légitimer le pouvoir, on fait référence aux équilibres entre les communautés, les races, les ethnies ou les tribus.
Et, les hartanis sont l’enjeu de cette guerre de la majorité. Pour les negro-africains, un hartani étant noir et à, l’origine Bambara, Soninké ou Pular, doit être comptabilisé parmi les kwars. Pour les maures, le hartani parlant hassaniya et étant de culture maure, doit être comptabilisé parmi les arabes. Ceux qui, comme Mohamed lemine Ould ketab, sont allés au-delà de ce problème de couleur, ceux pour qui " le peuple mauritanien est celui qui ressemble le plus à tous les peuples du monde " ne sont pas nombreux, mais ils portent le discours de l’avenir, le discours d’une Mauritanie de citoyens riches de leur diversité. Une Mauritanie de citoyens pour qui être parmi les plus nombreux ne donne aucun privilège. C’est tout le sens de la démocratie dont on parle tant : " le pouvoir de la majorité tempéré par le respect de la minorité ". Seulement, il s’agit d’une majorité des idées, des programmes politiques.
Querelle de majorité
Mohamed Baba, dans son livre, a fait état de cette majorité ethnico-raciale qui, pour certains mauritaniens, est synonyme de préséance. On peut faire état d’une autre attitude également ridicule, c’est celle de la préséance en fonction de l’arrivée dans le pays. Il n’est pas rare en effet d’entendre certains soutenir que les membres de telle ethnie, telle race, telle tribu sont les premiers à fouler le sol national. Avoir été les premiers à fouler le sol du pays ne donne pas plus de droit dès l’instant où chacun a une carte d’identité nationale.
N’ayant pas trouvé une réponse à sa " crise d’identité ", Bilal décide de regagner son pays. Il va y découvrir une autre réalité : la répression politique, la torture. C’est à partir de ce moment du récit que le personnage central, Bilal, et l’auteur du Roman, Mohamed Baba, se recoupent. Au-delà de la plainte déposée au tribunal de Clermont Ferrand, Mohamed baba a choisi l’univers romanesque pour laisser à la postérité un témoignage vivant d’une page très sombre de notre histoire, celle des tortures, des atteintes à la dignité humaine. Car pour l’auteur, le tortionnaire ne cherche pas à faire parler, à extirper des aveux, mais à faire taire. En écrivant Bilal, il rompt la culture du silence dont nous avons trop souffert. Pour Mohamed Baba, chimiste de formation, le laboratoire est un lieu de travail, d’analyse pour faire avancer l’humanité. Au commissariat de Tevragh zeina, on lui a fait découvrir un autre laboratoire qui est le contraire de celui qu’il connaît. Le laboratoire du commissariat de Tevragh-Zeina- heureusement qu’il n’existe plus- était la négation de la dignité humaine.
Bilal, c’est Mohamed baba
" Pourquoi cette transfiguration ? Pourquoi le choix de Bilal ? Est ce parce qu’étant tiraillé entre " négrité " mauritanienne et arabité noire, il a le plus d’arguments pour critiquer la société mauritanienne ? Comme ce confrère, beaucoup de mauritaniens, à la lecture de ce roman, se demanderont : comment un maure blanc qui raconte son histoire choisit de se mettre dans la peau d’un hartani ? " Le choix a été fait pour brosser le plus grand nombre de tableaux de la société mauritanienne, pour susciter le débat sur la condition des hartanis. Pas pour la recherche d’identité qui peut être dangereuse mais pour inviter les mauritaniens au dialogue." Telle est la réponse donnée par Mohamed Baba au cours de la présentation de son livre.
Pour lui, un problème national ne doit pas être l’apanage d’une communauté. " Si le problème que pose les FLAM avait été pris en charge par tous les mauritaniens, cette organisation n’allait pas exister. " affirme Mohamed Baba.
La raison de cette transfiguration est la même que celle qui a conduit Abderrahmane N’Gaidé, natif de Boghé et maître de conférence à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, a préfacé le roman. Mohamed Baba, issu d’une famille maraboutique et Abderrahmane N’gaidé, torodo bon teint, sont à une longueur d’avance sur beaucoup de mauritaniens. Ils sont allés au-delà du déterminisme de naissance pour tendre vers l’humanité, vers l’être humain dépouillé de toute sa charge sociale négative, libéré des carcans. Autrement, nous n’aurions pas eu le plaisir de lire ce roman écrit par un maure blanc, préfacé par un torodo et qui parle des hartanis.
La rencontre de deux humanités
Au cours de la présentation du livre, Abderrahmane N’gaidé qui a fait le voyage : Dakar-Nouakchott pour la circonstance, a affirmé que sa rencontre avec Mohamed Baba était celle de deux humanités. Deux humanités qui ont compris, peut être un peu avant les autres, que les hartanis ne doivent pas être une pomme de discorde, tiraillés des deux cotés pour justifier une majorité insensée, mais plutôt la jonction naturelle entre des communautés qui, finalement, ont une valeur commune supérieure à la négritude, à la " beydanité " : l’Islam.
Littérature négro-africaine ou maghrébine ?
" Littérature négro-africaine ou maghrébine " Tous les romans écrits en Afrique rentrent dans cette classification. Littérature maghrébine pour l’Afrique du Nord et négro-africaine pour l’Afrique sub -saharienne. Interpellé sur la nature de son roman eu égard à cette classification, Mohamed Baba a laissé entendre que la mention " collection écritures arabes " sur la couverture a été choisie par la maison d’édition. Si cette maison d’édition avait une idée de la réalité de notre pays, elle aurait écrit autre chose. Comme " Bilal " la Mauritanie n’est ni arabe ni négro-africaine. Elle est entre les deux.
Interrogé sur l’éventualité du retrait de sa plainte contre ses tortionnaires pour favoriser l’unité nationale et la réconciliation, Mohamed Baba a affirmé : " je ne compte pas retirer la plainte et si la possibilité m’est offerte j’en déposerai une ici (en Mauritanie). Le seul obstacle est qu’une même affaire ne peut être jugé dans deux lieux différents." Mohamed Baba a aussi laissé entendre que la mesure d’amnistie prise par le CMJD pouvait être accompagnée d’autres gestes envers les victimes du passif humanitaire. Il a ajouté que le plus important, c’est le retour de l’espoir.
Khalilou.B.diagana
khalioubi@yahoo.fr
Note:
Info source : Nouakchott Info via cridem.org