Le rapport de la commission d’enquête internationale sur la sanglante répression du 28 septembre dernier, à Conakry, est sans appel. Il accuse la junte militaire de crime contre l’humanité et demande la saisine de la Cour pénale internationale pour juger les coupables. Le Capitaine Moussa Dadis Camara et ses proches collaborateurs sont directement responsables de ce massacre ‘prémédité’, estiment les enquêteurs de l’Onu.
C’est un rapport accablant d’une soixantaine de pages que la Commission d’enquête de l’Onu vient de déposer au bureau du Conseil de sécurité des Nations unies, à New York. Les trois commissaires mandatés par le Secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, accusent la junte militaire guinéenne, ‘de crime contre l’humanité’. Contrairement aux déclarations du gouvernement du Premier ministre Kabinet Komara, tendant à nier la responsabilité des plus hautes autorités de la junte, dans la sanglante répression des manifestants, le massacre a été bel et bien prémédité et planifié par le président guinéen, le Capitaine Moussa Dadis Camara et ses principaux lieutenants, souligne le rapport qui a été remis, le 19 décembre dernier, au Conseil de sécurité de l’Onu.
Les trois rapporteurs estiment, en effet, que la responsabilité directe du chef de l’Etat guinéen, dans ce massacre, n’est plus à démontrer : ‘La commission considère qu'il existe des raisons suffisantes de présumer une responsabilité pénale directe du président Moussa Dadis Camara’. Les principaux collaborateurs du président guinéen sont également épinglés par les membres de la Commission d’enquête, pour leur implication directe dans ce bain de sang qui a coûté la vie à plus de 157 personnes. C’est le cas notamment du Lieutenant Aboubacar Sidiki Diakité, dit ‘Toumba’, ex-aide du camp de Moussa Dadis Camara, du Capitaine Claude Pivi, chargé de la sécurité présidentielle et du Commandant Thiégboro Camara, ministre des Services spéciaux, chargé de la lutte contre la drogue et le grand banditisme.
Les enquêteurs citent aussi plusieurs autres personnalités de l’entourage direct de Dadis Camara, comme présumés responsables de cette répression, au même titre que le chef de la junte. Ils réclament une saisine de la Cour pénale internationale (Cpi) pour juger les coupables, vu la gravité des faits qui leur sont reprochés. ‘Plusieurs corps de victimes, récupérés par les familles, avaient reçu des balles dans la tête, le thorax ou les côtes (…).
L'utilisation d'armes mortelles contre des civils non armés, le fait d'ouvrir le feu à balles réelles et sans sommation sur une foule compacte assemblée sur la pelouse et d'avoir tiré jusqu'à épuisement des balles et visé les parties du corps comprenant les organes vitaux sont autant d'indications de l'intention préméditée de faire un maximum de victimes parmi les manifestants’, précise le rapport.
D’après les témoignages recueillis auprès des rescapés de l’enfer du Stade du 28 septembre et de leurs proches, par les enquêteurs onusiens, les manifestants avaient été piégés par l’armée. Les militaires ont attendu qu’ils soient à l’intérieur du stade pour les encercler. Une unité de la fameuse garde présidentielle, composée des ‘bérets rouges’ est entrée dans la pelouse et a aussitôt commencé à tirer des rafales d’armes automatiques sur la foule. De nombreuses victimes ont été tuées à la baïonnette, au poignard ou tabassées à mort, à l’aide de planches à clou, si l’on en croit encore le rapport des Nations unies. Les militaires, qui étaient appuyés par des gendarmes et des milices masqués et habillés en noir, se sont alors livrés à une série de viols sur des dizaines de femmes et de jeunes filles.
Pendant ce temps, une autre unité, appartenant au même corps d’élite de l’armée, referma les portes avec des fils de fer barbelés électrifiés pour empêcher les manifestants de quitter le stade. Le rapport fait ainsi état, d’au moins 156 tués et de 109 femmes et jeunes filles victimes de viols, de mutilations sexuelles et d’esclavage sexuel, durant cette répression barbare et inhumaine de l’armée guinéenne contre son peuple. Ce qui confirme ainsi les chiffres fournis, au lendemain du massacre, par les organisations guinéennes de défense des droits de l’homme qui parlaient de 157 victimes et de plus de 80 disparus.
TRAITEMENT CRUEL ET DEGRADANT DES MANIFESTANTS : On a mutilé pour enterrer dans des fosses communes
La commission d’enquête de l’Onu estime, en outre, que la junte militaire a tenté de masquer la vérité en soustrayant nuitamment des corps dans les hôpitaux pour les enterrer en catimini, à l’insu de leurs proches. Les militaires auraient coupé les bras et les jambes de certains corps pour pouvoir les enterrer dans des fosses communes. ‘Le nombre des victimes est très probablement plus élevé’, note-t-elle. La commission fait également état de ‘centaines d’autres cas de torture, de traitement cruel et dégradant’, perpétrés par l’armée contre des innocents citoyens.
Les enquêteurs dénoncent, par ailleurs, la cruauté de l’armée guinéenne qu’ils accusent d’avoir organisé une campagne de terreur, dans la journée du 28 septembre et durant les deux jours qui ont suivi pour intimider les opposants à la junte. Selon le rapport de l’Onu, les militaires ont commis, durant ces trois jours, une série de tueries systématiques, de viols et d’actes de tortures ‘organisés’ contre une partie de la population.
L’Onu rapporte que de nombreuses femmes et jeunes filles ont été enlevées et emmenées de force, au camp Alpha Yaya Diallo, qui sert le Q.g à la junte militaire ou dans des villas appartenant à des officiels de l’armée pour servir d’’esclaves sexuels’, pendant plusieurs jours. ‘Des femmes ont été violées avec des objets, notamment des baïonnettes, des bâtons, des morceaux de métal, des matraques’, précisent les enquêteurs qui ajoutent que ‘des militaires ont achevé des femmes violées en introduisant les fusils dans leur vagin et en tirant... Une femme aux yeux bandés, qui avait été violée, a été égorgée par un militaire au moment où elle arrachait le foulard de ses yeux.’ Pour rappel, le chef de la junte militaire, le Capitaine Dadis Camara, son ministre de la Défense, le général Sékouba Konaté qui assure actuellement l’intérim du président alité, depuis le 4 décembre dernier, au Maroc ainsi le Commandant Claude Pivi avaient aussi été entendus par les enquêteurs de l’Onu.
En revanche, le Lieutenant Toumba Diakité, aurait refusé de les rencontrer, estimant avoir été trahi par son patron alors que les deux hommes étaient liés, par un pacte de ‘non trahison’, depuis la prise du pouvoir par l’armée, le 23 décembre dernier. Ce qui aurait alors mis l’ex-homme fort de Conakry dans tous ses états. Mais la tentative d’explication entre les deux compères se transforma en échanges de propos amers et d’insultes avant de tourner à l’affrontement dont on connaît la suite.
Ironie du sort, plus d’une centaine de militaires, qui avaient pris part au massacre du 28 septembre, auraient également péri durant cette fusillade entre partisans de Toumba Diakité et la garde rapprochée du Capitaine Dadis Camara.
Mamadou Aliou DIALLO (Sources Le Monde)
walfadjiri
C’est un rapport accablant d’une soixantaine de pages que la Commission d’enquête de l’Onu vient de déposer au bureau du Conseil de sécurité des Nations unies, à New York. Les trois commissaires mandatés par le Secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, accusent la junte militaire guinéenne, ‘de crime contre l’humanité’. Contrairement aux déclarations du gouvernement du Premier ministre Kabinet Komara, tendant à nier la responsabilité des plus hautes autorités de la junte, dans la sanglante répression des manifestants, le massacre a été bel et bien prémédité et planifié par le président guinéen, le Capitaine Moussa Dadis Camara et ses principaux lieutenants, souligne le rapport qui a été remis, le 19 décembre dernier, au Conseil de sécurité de l’Onu.
Les trois rapporteurs estiment, en effet, que la responsabilité directe du chef de l’Etat guinéen, dans ce massacre, n’est plus à démontrer : ‘La commission considère qu'il existe des raisons suffisantes de présumer une responsabilité pénale directe du président Moussa Dadis Camara’. Les principaux collaborateurs du président guinéen sont également épinglés par les membres de la Commission d’enquête, pour leur implication directe dans ce bain de sang qui a coûté la vie à plus de 157 personnes. C’est le cas notamment du Lieutenant Aboubacar Sidiki Diakité, dit ‘Toumba’, ex-aide du camp de Moussa Dadis Camara, du Capitaine Claude Pivi, chargé de la sécurité présidentielle et du Commandant Thiégboro Camara, ministre des Services spéciaux, chargé de la lutte contre la drogue et le grand banditisme.
Les enquêteurs citent aussi plusieurs autres personnalités de l’entourage direct de Dadis Camara, comme présumés responsables de cette répression, au même titre que le chef de la junte. Ils réclament une saisine de la Cour pénale internationale (Cpi) pour juger les coupables, vu la gravité des faits qui leur sont reprochés. ‘Plusieurs corps de victimes, récupérés par les familles, avaient reçu des balles dans la tête, le thorax ou les côtes (…).
L'utilisation d'armes mortelles contre des civils non armés, le fait d'ouvrir le feu à balles réelles et sans sommation sur une foule compacte assemblée sur la pelouse et d'avoir tiré jusqu'à épuisement des balles et visé les parties du corps comprenant les organes vitaux sont autant d'indications de l'intention préméditée de faire un maximum de victimes parmi les manifestants’, précise le rapport.
D’après les témoignages recueillis auprès des rescapés de l’enfer du Stade du 28 septembre et de leurs proches, par les enquêteurs onusiens, les manifestants avaient été piégés par l’armée. Les militaires ont attendu qu’ils soient à l’intérieur du stade pour les encercler. Une unité de la fameuse garde présidentielle, composée des ‘bérets rouges’ est entrée dans la pelouse et a aussitôt commencé à tirer des rafales d’armes automatiques sur la foule. De nombreuses victimes ont été tuées à la baïonnette, au poignard ou tabassées à mort, à l’aide de planches à clou, si l’on en croit encore le rapport des Nations unies. Les militaires, qui étaient appuyés par des gendarmes et des milices masqués et habillés en noir, se sont alors livrés à une série de viols sur des dizaines de femmes et de jeunes filles.
Pendant ce temps, une autre unité, appartenant au même corps d’élite de l’armée, referma les portes avec des fils de fer barbelés électrifiés pour empêcher les manifestants de quitter le stade. Le rapport fait ainsi état, d’au moins 156 tués et de 109 femmes et jeunes filles victimes de viols, de mutilations sexuelles et d’esclavage sexuel, durant cette répression barbare et inhumaine de l’armée guinéenne contre son peuple. Ce qui confirme ainsi les chiffres fournis, au lendemain du massacre, par les organisations guinéennes de défense des droits de l’homme qui parlaient de 157 victimes et de plus de 80 disparus.
TRAITEMENT CRUEL ET DEGRADANT DES MANIFESTANTS : On a mutilé pour enterrer dans des fosses communes
La commission d’enquête de l’Onu estime, en outre, que la junte militaire a tenté de masquer la vérité en soustrayant nuitamment des corps dans les hôpitaux pour les enterrer en catimini, à l’insu de leurs proches. Les militaires auraient coupé les bras et les jambes de certains corps pour pouvoir les enterrer dans des fosses communes. ‘Le nombre des victimes est très probablement plus élevé’, note-t-elle. La commission fait également état de ‘centaines d’autres cas de torture, de traitement cruel et dégradant’, perpétrés par l’armée contre des innocents citoyens.
Les enquêteurs dénoncent, par ailleurs, la cruauté de l’armée guinéenne qu’ils accusent d’avoir organisé une campagne de terreur, dans la journée du 28 septembre et durant les deux jours qui ont suivi pour intimider les opposants à la junte. Selon le rapport de l’Onu, les militaires ont commis, durant ces trois jours, une série de tueries systématiques, de viols et d’actes de tortures ‘organisés’ contre une partie de la population.
L’Onu rapporte que de nombreuses femmes et jeunes filles ont été enlevées et emmenées de force, au camp Alpha Yaya Diallo, qui sert le Q.g à la junte militaire ou dans des villas appartenant à des officiels de l’armée pour servir d’’esclaves sexuels’, pendant plusieurs jours. ‘Des femmes ont été violées avec des objets, notamment des baïonnettes, des bâtons, des morceaux de métal, des matraques’, précisent les enquêteurs qui ajoutent que ‘des militaires ont achevé des femmes violées en introduisant les fusils dans leur vagin et en tirant... Une femme aux yeux bandés, qui avait été violée, a été égorgée par un militaire au moment où elle arrachait le foulard de ses yeux.’ Pour rappel, le chef de la junte militaire, le Capitaine Dadis Camara, son ministre de la Défense, le général Sékouba Konaté qui assure actuellement l’intérim du président alité, depuis le 4 décembre dernier, au Maroc ainsi le Commandant Claude Pivi avaient aussi été entendus par les enquêteurs de l’Onu.
En revanche, le Lieutenant Toumba Diakité, aurait refusé de les rencontrer, estimant avoir été trahi par son patron alors que les deux hommes étaient liés, par un pacte de ‘non trahison’, depuis la prise du pouvoir par l’armée, le 23 décembre dernier. Ce qui aurait alors mis l’ex-homme fort de Conakry dans tous ses états. Mais la tentative d’explication entre les deux compères se transforma en échanges de propos amers et d’insultes avant de tourner à l’affrontement dont on connaît la suite.
Ironie du sort, plus d’une centaine de militaires, qui avaient pris part au massacre du 28 septembre, auraient également péri durant cette fusillade entre partisans de Toumba Diakité et la garde rapprochée du Capitaine Dadis Camara.
Mamadou Aliou DIALLO (Sources Le Monde)
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