Manifestation contre la vie chère à Dakar, le 26 avril 2008
Depuis quelques jours, j'écoute et je lis les revues de l'année réalisées par les médias africains. Il n'y en a que pour le président élu des États-Unis. Un éditorialiste sénégalais disait à la radio que «l'homme de l'année 2008, ce n'est pas Barack Obama mais le peuple américain, pour avoir su voir la lumière... et offrir au monde ce grand leader afro-américain».
Les Africains se sont approprié sa victoire comme si c'était véritablement un des leurs qui allait emménager à la Maison-Blanche le 20 janvier prochain. L'espoir que cet homme suscite ici est troublant. Les Africains se nourrissent du symbole de sa réussite comme on s'abreuve à la source après une longue traversée du désert. On a beau mesurer l'ampleur des désillusions à venir, on ne peut s'empêcher d'être ébloui par la force de cet espoir. Un espoir à la fois démesuré et lucide.
Les Africains savent bien que Barack Obama ne va pas transformer leurs terres brûlées en vallées verdoyantes d'un coup de baguette magique. Qu'il ne va pas ensemencer les océans vidés de leurs poissons par les bateaux usines venus d'Europe et d'Asie. Qu'il ne va pas emprisonner les élites africaines corrompues par des multinationales complices. Les Africains savent qu'ils vont devoir guérir eux-mêmes leurs maux.
L'effet Obama en Afrique est plus, disons, psychologique. Son élection agit comme un formidable baume sur l'ego meurtri des Africains. Leur conscience collective reste marquée au fer par l'esclavage, l'oppression colonialiste, suivie par la répression de leurs propres frères, peut-être la pire. La victoire de Barack Obama, cet homme au drôle de nom, fils d'un Kenyan musulman, Luos de surcroît, une ethnie opprimée au Kenya, ouvre subitement des chemins que les Africains croyaient fermés aux Noirs, surtout aux Noirs d'Afrique. Tout d'un coup, ils savent que tout est possible. L'élection d'un Noir à la tête du plus puissant pays de Blancs de la planète a fait germer la graine de l'estime de soi. Son exemple gonfle les poitrines et se greffe dans l'imaginaire collectif. L'histoire de Barack Obama leur donne le droit de rêver. C'est déjà beaucoup.
En 2009, Robert Mugabe va continuer de s'accrocher au pouvoir au Zimbabwe et de nier les ravages du choléra, qui a fait plus de 1500 victimes jusqu'ici. La crise alimentaire va s'intensifier, la malnutrition va tuer des millions d'enfants, selon l'ONU. Dans l'est du Congo, les rebelles et les militaires vont continuer de violer les fillettes et de piller les ressources du pays, loin des caméras, en faisant semblant de vouloir la paix. L'Afrique du Sud va élire un nouveau président, mais l'ANC va continuer de gouverner avec les dérives propres au parti unique qu'il est devenu. Les Ivoiriens espèrent finir de panser leurs plaies en allant aux urnes, mais on craint de nouvelles violences postélectorales. Bref, les Africains vont vivre une autre année de conflits et de souffrances. Mais tout cela ne tuera pas leur nouvel espoir. Ni leur nouvelle confiance, venue d'Amérique, mais aussi des rues de Douala, Ouagadougou, Abidjan, Dakar, qui ont connu des manifestations sans précédent cette année.
Quelque chose a changé en 2008. Les Africains ne subissent plus leur misère comme avant. Ils ont commencé, tranquillement, à se tenir debout... à crier leur faim. Les émeutes du printemps ont fait bouger les gouvernements, même les plus autoritaires. Les taxes sur l'essence et les prix de certaines denrées ont baissé. Ils ont compris qu'ils étaient capables de se battre et de gagner, une simple cuillère à la main. Qu'avec Internet et YouTube, l'image d'un bol vide peut désormais faire aussi mal à un gouvernant africain qu'une kalachnikov.
Sophie Langlois
Radio Canada
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/carnets/2008/12/31/112132.shtml?auteur=2269
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avomm.com
Les Africains se sont approprié sa victoire comme si c'était véritablement un des leurs qui allait emménager à la Maison-Blanche le 20 janvier prochain. L'espoir que cet homme suscite ici est troublant. Les Africains se nourrissent du symbole de sa réussite comme on s'abreuve à la source après une longue traversée du désert. On a beau mesurer l'ampleur des désillusions à venir, on ne peut s'empêcher d'être ébloui par la force de cet espoir. Un espoir à la fois démesuré et lucide.
Les Africains savent bien que Barack Obama ne va pas transformer leurs terres brûlées en vallées verdoyantes d'un coup de baguette magique. Qu'il ne va pas ensemencer les océans vidés de leurs poissons par les bateaux usines venus d'Europe et d'Asie. Qu'il ne va pas emprisonner les élites africaines corrompues par des multinationales complices. Les Africains savent qu'ils vont devoir guérir eux-mêmes leurs maux.
L'effet Obama en Afrique est plus, disons, psychologique. Son élection agit comme un formidable baume sur l'ego meurtri des Africains. Leur conscience collective reste marquée au fer par l'esclavage, l'oppression colonialiste, suivie par la répression de leurs propres frères, peut-être la pire. La victoire de Barack Obama, cet homme au drôle de nom, fils d'un Kenyan musulman, Luos de surcroît, une ethnie opprimée au Kenya, ouvre subitement des chemins que les Africains croyaient fermés aux Noirs, surtout aux Noirs d'Afrique. Tout d'un coup, ils savent que tout est possible. L'élection d'un Noir à la tête du plus puissant pays de Blancs de la planète a fait germer la graine de l'estime de soi. Son exemple gonfle les poitrines et se greffe dans l'imaginaire collectif. L'histoire de Barack Obama leur donne le droit de rêver. C'est déjà beaucoup.
En 2009, Robert Mugabe va continuer de s'accrocher au pouvoir au Zimbabwe et de nier les ravages du choléra, qui a fait plus de 1500 victimes jusqu'ici. La crise alimentaire va s'intensifier, la malnutrition va tuer des millions d'enfants, selon l'ONU. Dans l'est du Congo, les rebelles et les militaires vont continuer de violer les fillettes et de piller les ressources du pays, loin des caméras, en faisant semblant de vouloir la paix. L'Afrique du Sud va élire un nouveau président, mais l'ANC va continuer de gouverner avec les dérives propres au parti unique qu'il est devenu. Les Ivoiriens espèrent finir de panser leurs plaies en allant aux urnes, mais on craint de nouvelles violences postélectorales. Bref, les Africains vont vivre une autre année de conflits et de souffrances. Mais tout cela ne tuera pas leur nouvel espoir. Ni leur nouvelle confiance, venue d'Amérique, mais aussi des rues de Douala, Ouagadougou, Abidjan, Dakar, qui ont connu des manifestations sans précédent cette année.
Quelque chose a changé en 2008. Les Africains ne subissent plus leur misère comme avant. Ils ont commencé, tranquillement, à se tenir debout... à crier leur faim. Les émeutes du printemps ont fait bouger les gouvernements, même les plus autoritaires. Les taxes sur l'essence et les prix de certaines denrées ont baissé. Ils ont compris qu'ils étaient capables de se battre et de gagner, une simple cuillère à la main. Qu'avec Internet et YouTube, l'image d'un bol vide peut désormais faire aussi mal à un gouvernant africain qu'une kalachnikov.
Sophie Langlois
Radio Canada
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/carnets/2008/12/31/112132.shtml?auteur=2269
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