En inaugurant, il y a quelques années, sa rubrique Projecteurs, le site de l'AVOMM avait eu le grand privilège d'inviter l'une des personnalités les plus attachantes de l'opposition mauritanienne en Exil, Monsieur Hamdou Rabby Sy, philosophe et militant averti.
Aujourd'hui, nous l'accueillons, de nouveau, pour nous parler des changements intervenus au pays et ce à la veille du retour annoncé des réfugiés Mauritaniens au Sénégal et au Mali et du règlement du Passif Humanitaire.
Monsieur Hamdou SY fut le représentant de l’AJD en Europe et le chargé des relations extérieures du (Fome) Forum de l'Opposition Mauritanienne en Exil. L’homme est connu pour son franc parler, la pertinence de ses analyses et sa grande humilité.
Med
L’ENTRETIEN :
AVOMM : Monsieur Hamdou, commençons, si vous le voulez bien, par la visite que vient d’effectuer le Président Mauritanien à Paris, êtes-vous satisfait des rencontres qu’il a eues avec les associations des victimes en exil ?
HRS : Avant de répondre à la question, permettez-moi de vous dire très sincèrement combien je suis touché par le portrait sympathique que vous faites de ma personne.
Je pense que c’est une très bonne chose que le Président ait pu rencontrer les associations et les organisations mauritaniennes à travers leurs représentants. Il me semble que le contenu des entretiens confirme les priorités du moment et les engagements de notre Président. Cela dit, il est temps que Sidi ould Cheick Abdellahi se mette au travail et ne réduise pas son mandat à des rencontres sempiternelles et des formes de rassemblements pour arracher un consensus qui ne fait qu’enliser le pays. Il a été élu assez démocratiquement, il doit diriger pour résoudre certes des problèmes majeurs comme le retour des déportés, la question de l’unité nationale, mais aussi, prendre des résolutions pour améliorer le quotidien des Mauritaniens. Mais, j’ai l’impression que notre Président est un partisan de l’immobilisme et qu’il reste encore dans l’euphorie de la victoire électorale.
Mon constat est qu’il est vraiment dans le piétinement, est-ce voulu ou non? Sidi n’a-t-il pas pour mission de pérenniser le conservatisme structurel et fonctionnel qui inhibe toutes les forces du progrès dans notre pays? Un scepticisme profond m’envahit quant à la réalisation des espoirs nés au lendemain de son élection. Rien encore de porteur sur le plan des actions concrètes à l’actif de notre Président. Il est sur la planète du flou et des hésitations, ce qui n’augure pas de l’effectuation des changements escomptés. Il n’est pas exagéré de dire que notre Président est l’incarnation presque parfaite du Mauritanien traditionnel, qui cherche à faire converger tout le monde; ce qui est profondément antidémocratique.
AVOMM : Plusieurs personnes croient que vous avez été oublié par votre ancien parti AJD, vous qui étiez le représentant en France. Est-ce possible de vous exprimer à ce sujet?
HRS : Non, il ne s’agit pas d’un oubli, mais d’une mise à l’écart délibérée dans la mesure où je fus un des membres fondateurs de l’AJD, membre du bureau politique, un des principaux rédacteurs de tous les textes du Parti, son représentant en Europe depuis décembre 2003 jusqu’à la création de l’AJD/ MR. Je dois dire que j’ai contribué avec d’autres de mes camarades à l’audience de l’AJD en France et en Belgique par mon implication et mon engagement dans la dynamique de l’Opposition mauritanienne en Exil. J’ai été associé à toutes les activités de cette opposition dont les principaux responsables m’ont réservé un accueil aussi bien fraternel que militant. J’ai joui d’une réelle confiance associée à un respect de la part de ces responsables dont certains sont devenus mes amis et continuent jusqu’à aujourd’hui à me faire part de leurs activités.
Toutefois, cette mise à l’écart est du seul ressort de mes anciens camarades et principalement de l’ancien premier secrétaire de l’AJD. J’ignore jusque-là les raisons de leur position. Je reconnais que cette décision m’a surpris de la part d’hommes et de femmes avec lesquels j’ai partagé avec détermination et ferveur des moments décisifs et des étapes significatives du combat contre le système odieux de Taya. La phase récente de fusion avec d’autres partenaires nécessitait sans doute le sacrifice de quelques uns de leurs éléments; il n’est pas anodin que ce fut quelqu’un qui ne représentait plus quelque chose pour eux. Pour autant, je ne cesserai pas de résister contre l’injustice, l’oppression et l’arbitraire. Peut-être un jour, ils m’expliqueront le pourquoi du comment de leur décision qui, probablement ne manque pas de fondement!
AVOMM : Quel est votre regard sur le nouveau parti AJD/MR, présidé par Monsieur Ibrahima Moctar Sarr?
HRS : En dépit de la décision de mes anciens camarades, je salue l’avènement de ce Parti qui est un vaste rassemblement d’hommes et de femmes qui ont une certaine expérience politique et qui sont animés de la volonté de participer à l’opportunité historique ouverte par la transition politique. Je souhaite plein succès à cette formation et une victoire digne des idéaux qui animent leurs dirigeants. Ce rassemblement, s’il arrive à surmonter les querelles de chapelles et les susceptibilités personnelles pourrait bien peser sur l’échiquier politique national. Il faudrait bien un approfondissement idéologique et une ouverture d’esprit qui ne s’offusque pas des confrontations d’idées et de l’adversité politique.
AVOMM : Y a-t-il une opposition radicale qui veille sur la Mauritanie ?
HRS : Aujourd’hui, il est difficile de parler d’une opposition radicale dans la mesure où l’idéologie du consensus mou est en train de gagner les esprits sur la base tout simplement de la proclamation d’un certain nombre de préoccupations. Sidi bénéficie d’une trêve qui fait que personne n’a envie de se faire remarquer par des observations critiques et justes. Or, l’opposition radicale n’a pas à faire une pause au regard de la léthargie dominante, il ne se passe rien, hormis des discours dont la symbolique est de rassurer, d’une part la communauté internationale et la sous-région et d’autre part d’endormir les Mauritaniens. Si une opposition cesse de faire son travail parce que tout simplement il y a eu des élections démocratiques, c’est vraiment inquiétant. Je demeure un des militants de cette opposition radicale qu’il va falloir réorganiser de toute urgence. En tout cas, elle est d’actualité et elle s’impose au vu du piétinement du régime de Sidi et de son Premier Ministre qui brille par son absence sur l’espace politique.
A mon avis, une exigence de radicalité oppositionnelle s’impose comme mode de résistance contre le consensualisme simpliste et réducteur qu’affectionnent les Mauritaniens. En ce sens l’actuel Président joue pleinement sur le registre de la sensibilité pour étouffer l’esprit critique et la vigilance requise pour ne pas s’installer dans une illusion de démocratie, alors qu’en matière d’actions concrètes, c’est la routine qui persiste. La situation sociale et économique est explosive. Le quotidien du Mauritanien est plus que jamais invivable.
A l’heure actuelle, tout est suspendu à la question du retour des déportés comme s’il ne fallait rien faire pour justifier de l’importance accordée à ce problème. Personne ne met en doute la dimension essentielle du retour des Mauritaniens expulsés injustement de leur pays, mais comment ne pas s’étonner de la surexploitation politicienne qui en est faite. Ce qui est symptomatique d’une certaine mauvaise volonté qui est encore souterraine. Il est à souligner que le comportement de nos autorités n’est pas sans indiquer un certain amateurisme au vu de la légèreté des discours et de leur manque de profondeur.
AVOMM : En Mauritanie, en Afrique, en Europe jusqu’au Québec plusieurs personnes n’oublient pas leur professeur Hamdou Rabby Sy. Souhaitez-vous profiter de cet entretien pour leur adresser quelques mots?
HRS : J’ai été marqué par le capital de sympathie dont je bénéficie, surtout de la part de certains militants et particulièrement de mes anciens élèves qui me renouvellent leur confiance à chaque fois que l’occasion se présente. Il s’agit là d’une reconnaissance active et engagée, puisqu’elle est relative aux idées que je défens avec détermination dans la dynamique de l’opposition radicale.
J’espère que nous continuerons à cheminer dans le but de construire ensemble une Mauritanie juste, égalitaire et fraternelle. C’est dire que je suis attentif à ces marques de confiance qui m’obligent davantage à redoubler de vigilance et à ne jamais trahir la cause pour laquelle nous luttons. Je pense que la jeunesse mauritanienne est assoiffée de justice, de changement, de liberté et à ce titre, elle est exigeante et ne s’accommode pas du comportement de militants fanfarons et opportunistes qui sont une pléthore.
AVOMM : Monsieur SY, le président Sidi a demandé encore récemment à tous les réfugiés de rentrer au pays, que lui répondez vous ?
HRS : J’ai envie de dire que répondre à cet appel suppose que des garanties suffisantes existent par la mise en place de conditions réelles pour une réinsertion digne, équitable et viable. Mais, s’il s’agit de rentrer pour rentrer en abandonnant la situation laborieusement conquise durant les années d’exil, je ne pense pas qu’il y aura de nouvelles aventures dans ce sens. Il y a eu une euphorie du retour dès la chute de Taya, à ma connaissance, les plus motivés à l’époque vivent toujours en dehors des frontières nationales. Sidi ferait mieux de s’occuper de la réinsertion intégrale et complète des déportés qui seront de retour, des mauritaniens qui sont démunis et qui souffrent. Le Président et son Premier Ministre devraient engager une politique progressiste de développement économique, social et culturel pour que la Mauritanie sorte enfin de la pauvreté, de la misère, de l’arriération, de l’obscurantisme et de l’ignorance.
Si notre Président est animé d’une volonté politique généreuse et courageuse, il doit engager un plan national ambitieux pour que les Mauritaniens accèdent à un niveau de vie de qualité sur tous les plans : alimentaire, médical, scolaire, culturel et artistique. Ce qui suppose que, lui-même se fasse violence pour être plus actif et se tourner vers une philosophie du progrès et des Lumières. La malchance de la Mauritanie, c’est de n’avoir eu que des Présidents arriérés, conservateurs, tous porteurs de l’idéologie passéiste, esclavagiste et féodale.
Ceux qui ont, en effet, dirigé le pays, de Daddah à Sidi n’ont ni envergure intellectuelle ni épaisseur politique rendant possibles des réformes en profondeur d’une société qui se morfond dans la misère et dans la médiocrité. Sidi doit aussi penser à ces fonctionnaires mauritaniens compétents, honnêtes et sérieux et qui sont depuis des décennies à la touche, qui, pourtant sont les chevilles ouvrières de notre fonction publique. Je pense à ces fonctionnaires qui ont une éthique, partisans du service public et défenseurs de l’intérêt général, discrets et efficaces, généreux et serviables qui sont des mauritaniens de tous bords, mais d’éternels laissés pour compte, victimes de tous les régimes. Or, hier comme aujourd’hui, ce sont de petits arrivistes, très médiocres qui brillent par leur incompétence qui sont promus en lieu et place de cadres très compétents et très dignes.
Si notre Président est généreux et courageux, il doit agir pour diminuer les souffrances du peuple mauritanien en freinant la flambée des prix des denrées qui ne cessent d’augmenter chaque jour, en baissant aussi le prix de l’électricité qui est inaccessible, en stoppant le comportement injuste et barbare des agents de police qui torturent des citoyens injustement, de l’arrogance des agents de la Sonélec qui arrachent les compteurs sans que les usagers ne puissent se plaindre. Ce sont des problèmes structurels qui empoisonnent le quotidien de nos compatriotes.
Si notre Président est humaniste, il doit sillonner le pays pour mesurer l’ampleur de la misère et de la pauvreté dans nos campagnes pour tenter d’entreprendre une politique à hauteur d’homme pour que reculent à jamais la faim, la maladie, l’ignorance et l’arbitraire. Mais tant que des Mauritaniens au Nord comme au Sud, à l’Est et à l’Ouest continueront à ne pas manger à leur faim, à ne pas se soigner correctement, à ne pas aller à l’école et à ne pas sentir que la vie n’est pas que souffrance, la résistance doit être de vigueur. Il est temps de rompre avec plusieurs décennies de nullité politique et de médiocrité dans la façon de gouverner et de gérer le pays. Agir pour un Président, c’est améliorer les conditions de vie de son peuple.
Cet appel donc ne concerne pas ceux et celles qui ont acquis des possibilités de vie correctes que le pays n’est pas prêt à leur offrir parce que ne l’offrant pas à ceux et à celles qui, en dépit des souffrances, des manques et des manquements vivent toujours sur le territoire national. Il y a eu des militants en exil qui ont eu le courage de rentrer, mais, il ne s’est rien passé pour eux d’encourageant sur place. Pourquoi alors faire des appels pour inviter des gens qui s’en sortent mieux en dehors du pays pour qu’ils viennent grossir les rangs des pauvres et des frustrés? L’impuissance n’est pas la posture idéale pour être utile socialement. Se résigner ensemble dans une misère partagée ne provoque pas les vertus du combat et l’héroïsme de la résistance. La misère favorise ainsi la perte de confiance et de l’estime de soi.
En conclusion, cet appel n’engage que Sidi qui est rentré au pays en sachant qu’il pouvait ne pas être inquiété, qu’il jouirait d’une très bonne situation économique, financière et sociale, mieux qu’il pourrait devenir Président. Son retour est très largement bénéfique. Ce qui n’est pas, assurément le cas de bon nombre de ses compatriotes.
AVOMM : Le président Mauritanien a reçu à Paris Mr Ousmane Sarr président de l’AVOMM, il a déjà reçu le président des FLAM à New York n’est ce pas là, quand même des signes de changements politiques au pays ?
HRS : Dans le contexte actuel, je vois mal un Président élu qui n’agirait pas dans ce sens dans la mesure où c’est le moment qui l’exige et ce sont les aspirations du peuple qui se sont exprimées. L’opportunité historique qui a vu Sidi accéder au pouvoir recommande un minimum de bon sens, tel est à mon sens l’attitude consensualiste de notre Président. Mais, je pense qu’il doit aller plus loin pour ne pas gérer son mandat dans une sorte d’accumulation de frustrations et de rendez-vous manqués; ce qui serait très grave pour la suite du cheminement politique de notre pays. Au risque de me tromper, j’ai l’impression que notre Président ne mesure pas pleinement l’opportunité historique qui lui est offerte pour permettre à notre pays de vivre des transformations décisives et qualitatives.
Le moment est venu de laisser affleurer une forte vibration pour le développement du pays dans une ambiance de progrès et de ferveur politique démocratique nourrie par un élan intellectuel de débats et de confrontation d’idées. La Mauritanie a besoin de vie spirituelle, intellectuelle par les discussions autour de grandes questions idéologiques et théoriques. Il faut aider notre pays à se libérer des archaïsmes suicidaires par la constitution de cercles de réflexions et de pensées, vivier pour l’émergence d’une culture politique démocratique. Ce n’est pas par des échanges d’informations fondées sur des rumeurs que se construit l’opinion éclairée d’une élite politique dirigeante.
L’ambiance politique actuelle doit permettre l’organisation régulière des soirées-débats, des espaces publics de discussions, de cycles de conférences, de séminaires, des édifices pour la culture et le savoir. Ce sont là les conditions d’un mouvement national pluriel et multiforme pour une Mauritanie vivante, féconde, active et résolument tournée vers un avenir radieux et progressiste. En revanche, je ne suis pas sûr que notre Président et son Premier Ministre soient prêts à engager la Mauritanie dans cette aventure.
Pourtant, c’est là l’aventure dans laquelle, notre pays doit s’engager. L’ère nouvelle est propice à une vie mouvementée dans le sens des idées et des courants de pensée comme par une sorte de renaissance intellectuelle et humaniste. Ce qui exige une fréquentation des bibliothèques et un engouement sérieux pour la lecture. J’aurais bien voulu savoir si notre Président est un lecteur, et s’il l’est, quels sont ses auteurs préférés?
AVOMM : L’opposition manifeste à Nouakchott, il n’y a eu aucune arrestation ou intimidation, n’est-ce pas un bon point pour Sidi ?
HRS : Oui, c’est un bon signe, mais il faudrait que les manifestations se multiplient pour savoir jusqu’où peut aller le seuil de tolérance démocratique de l’actuel pouvoir. Vous savez la démocratie commence quand ce qui relevait de la nouveauté devient habituel et finit par entrer dans les mœurs et les traditions. Mais tant que le signalement se fait, c’est qu’on est encore dans la nouvelle ère. Un pas a été franchi, il est important, mais ce qui reste à faire est plus décisif par son ampleur. Il nous faut de la modestie, de l’humilité, de la patience et surtout de la lucidité et de la vigilance.
Ne crions pas victoire, car la défaite veille encore, du fait des résistances rétrogrades entretenues par les partisans du conservatisme et du système dont les principaux acteurs sont toujours actifs. Sur ce plan, les partisans de Taya comme de Ely sont aussi présents que puissants. Nous ne savons pas le pacte qui lie le régime de Sidi à ces deux camps. L’avenir nous dira si un pas a été définitivement franchi. Il faut vraiment susciter une culture de la résistance pour se donner les moyens de combattre les forces de régression au cas où elles se manifesteraient. C’est à l’aune des capacités de résistance populaire que nous pourrons mesurer véritablement le pas accompli dans la phase actuelle. Dans tous les cas, on peut accorder le bénéfice du doute aux nouvelles autorités.
AVOMM : Des journées de concertation sont annoncées à Nouakchott y êtes vous invité ? Dans tous les cas quel est votre message à l’endroit des participants à ces journées
HRS : À ma connaissance, je ne suis pas invité. Je dirai aux participants de profiter de ces rencontres pour débattre en profondeur de l’avenir du pays et des possibles qui s’ouvrent pour une dynamique de progrès et de développement pour notre pays. Avec l’instauration d’un Etat de droit et d’un régime politique démocratique courageux et généreux, nous pourrons faire de notre pays, un pays prospère et paisible. Pour cela, il faut se dépasser, sortir de la médiocrité, de la nullité et de la facilité.
Ces journées peuvent être l’occasion de définir ensemble une politique de l’avenir sur le plan économique, social, culturel et humain. La Mauritanie a soif de dirigeants justes, honnêtes, travailleurs et audacieux. Notre peuple attend des hommes et des femmes rigoureux, exigeants qui conjuguent l’amour de l’intérêt général et le dévouement pour le service public. Notre pays attend des dirigeants qui se vouent corps et âme au bien-être du peuple dans une éthique du progrès, de la croissance économique, au service de la solidarité nationale.
En un mot ces journées doivent permettre de définir une orientation politique forte, vigoureuse, intelligente qui va engager la Mauritanie dans la voie du progrès et de la prospérité. Les journées de concertation peuvent permettre la constitution d’un cadre de débats favorisant les dispositions pour un programme de travail responsable sur la nature de l’Etat de droit que nous voulons construire, le système éducatif à mettre en place qui permettra de définir notre projet de société, le type de citoyen, une charte culturelle, un engagement pour les droits fondamentaux de l’être humain, une exigence éthique et juridique pour le respect des ressources nationales.
Ces rencontres doivent avoir à cœur les conditions de la prospérité économique et son partage équitable. Au fond, il sera question de réfléchir à fond sur un contrat social et un pacte moral pour une citoyenneté pour tous. Il s’agit là d’un véritable forum pour la vraie Mauritanie de demain qu’il serait essentiel de saisir afin de jeter les bases d’une communauté nationale libérée du racisme, de l’esclavage, de l’oppression, de l’exclusion, du tribalisme, du régionalisme et du clanisme. Si les Mauritaniens arrivent à se représenter leur humanité comme subjectivité et citoyenneté, le défi de construire ensemble une nation mauritanienne sera mis en mouvement pour ne pas dire gagné! Je souhaite plein succès à ces journées de concertation nationale. La Mauritanie se doit d’avoir une ambition pour s’inscrire enfin dans le cours de l’Histoire universelle pour briser le joug du nationalisme médiocre, creux et mortifère qui l’a tant engloutie dans le trou abyssal de la barbarie et de la sauvagerie.
Une nation qui n’est pas dirigée par des hommes et des femmes fiers de leur humanité intégrale, respectueux de la diversité et de la différence qui la constituent est vouée constamment au cycle infernal de la destruction. Espérons que la nouvelle ère qui s’ouvre nous permette de rompre à jamais ce cycle, afin que commence un autre cycle, digne de nos attentes pour apaiser nos souffrances et éradiquer notre misère.
L’espoir doit toujours être permis, mais la vigilance et la résistance sont à maintenir; la lucidité critique doit être en veille. Il est de notre devoir d’incarner les exigences fondamentales de respect de la dignité du peuple, car le « pouvoir corrompt la raison » comme le disait Kant.
AVOMM : Monsieur Hamdou, merci d’avoir bien voulu répondre à nos questions
HRS : C’est moi qui vous remercie d’avoir bien voulu m’offrir votre tribune avec amitié sans déroger au sérieux et à la gravité de vos questions.
Propos recueillis par Mohamed Dogui
Aujourd'hui, nous l'accueillons, de nouveau, pour nous parler des changements intervenus au pays et ce à la veille du retour annoncé des réfugiés Mauritaniens au Sénégal et au Mali et du règlement du Passif Humanitaire.
Monsieur Hamdou SY fut le représentant de l’AJD en Europe et le chargé des relations extérieures du (Fome) Forum de l'Opposition Mauritanienne en Exil. L’homme est connu pour son franc parler, la pertinence de ses analyses et sa grande humilité.
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L’ENTRETIEN :
AVOMM : Monsieur Hamdou, commençons, si vous le voulez bien, par la visite que vient d’effectuer le Président Mauritanien à Paris, êtes-vous satisfait des rencontres qu’il a eues avec les associations des victimes en exil ?
HRS : Avant de répondre à la question, permettez-moi de vous dire très sincèrement combien je suis touché par le portrait sympathique que vous faites de ma personne.
Je pense que c’est une très bonne chose que le Président ait pu rencontrer les associations et les organisations mauritaniennes à travers leurs représentants. Il me semble que le contenu des entretiens confirme les priorités du moment et les engagements de notre Président. Cela dit, il est temps que Sidi ould Cheick Abdellahi se mette au travail et ne réduise pas son mandat à des rencontres sempiternelles et des formes de rassemblements pour arracher un consensus qui ne fait qu’enliser le pays. Il a été élu assez démocratiquement, il doit diriger pour résoudre certes des problèmes majeurs comme le retour des déportés, la question de l’unité nationale, mais aussi, prendre des résolutions pour améliorer le quotidien des Mauritaniens. Mais, j’ai l’impression que notre Président est un partisan de l’immobilisme et qu’il reste encore dans l’euphorie de la victoire électorale.
Mon constat est qu’il est vraiment dans le piétinement, est-ce voulu ou non? Sidi n’a-t-il pas pour mission de pérenniser le conservatisme structurel et fonctionnel qui inhibe toutes les forces du progrès dans notre pays? Un scepticisme profond m’envahit quant à la réalisation des espoirs nés au lendemain de son élection. Rien encore de porteur sur le plan des actions concrètes à l’actif de notre Président. Il est sur la planète du flou et des hésitations, ce qui n’augure pas de l’effectuation des changements escomptés. Il n’est pas exagéré de dire que notre Président est l’incarnation presque parfaite du Mauritanien traditionnel, qui cherche à faire converger tout le monde; ce qui est profondément antidémocratique.
AVOMM : Plusieurs personnes croient que vous avez été oublié par votre ancien parti AJD, vous qui étiez le représentant en France. Est-ce possible de vous exprimer à ce sujet?
HRS : Non, il ne s’agit pas d’un oubli, mais d’une mise à l’écart délibérée dans la mesure où je fus un des membres fondateurs de l’AJD, membre du bureau politique, un des principaux rédacteurs de tous les textes du Parti, son représentant en Europe depuis décembre 2003 jusqu’à la création de l’AJD/ MR. Je dois dire que j’ai contribué avec d’autres de mes camarades à l’audience de l’AJD en France et en Belgique par mon implication et mon engagement dans la dynamique de l’Opposition mauritanienne en Exil. J’ai été associé à toutes les activités de cette opposition dont les principaux responsables m’ont réservé un accueil aussi bien fraternel que militant. J’ai joui d’une réelle confiance associée à un respect de la part de ces responsables dont certains sont devenus mes amis et continuent jusqu’à aujourd’hui à me faire part de leurs activités.
Toutefois, cette mise à l’écart est du seul ressort de mes anciens camarades et principalement de l’ancien premier secrétaire de l’AJD. J’ignore jusque-là les raisons de leur position. Je reconnais que cette décision m’a surpris de la part d’hommes et de femmes avec lesquels j’ai partagé avec détermination et ferveur des moments décisifs et des étapes significatives du combat contre le système odieux de Taya. La phase récente de fusion avec d’autres partenaires nécessitait sans doute le sacrifice de quelques uns de leurs éléments; il n’est pas anodin que ce fut quelqu’un qui ne représentait plus quelque chose pour eux. Pour autant, je ne cesserai pas de résister contre l’injustice, l’oppression et l’arbitraire. Peut-être un jour, ils m’expliqueront le pourquoi du comment de leur décision qui, probablement ne manque pas de fondement!
AVOMM : Quel est votre regard sur le nouveau parti AJD/MR, présidé par Monsieur Ibrahima Moctar Sarr?
HRS : En dépit de la décision de mes anciens camarades, je salue l’avènement de ce Parti qui est un vaste rassemblement d’hommes et de femmes qui ont une certaine expérience politique et qui sont animés de la volonté de participer à l’opportunité historique ouverte par la transition politique. Je souhaite plein succès à cette formation et une victoire digne des idéaux qui animent leurs dirigeants. Ce rassemblement, s’il arrive à surmonter les querelles de chapelles et les susceptibilités personnelles pourrait bien peser sur l’échiquier politique national. Il faudrait bien un approfondissement idéologique et une ouverture d’esprit qui ne s’offusque pas des confrontations d’idées et de l’adversité politique.
AVOMM : Y a-t-il une opposition radicale qui veille sur la Mauritanie ?
HRS : Aujourd’hui, il est difficile de parler d’une opposition radicale dans la mesure où l’idéologie du consensus mou est en train de gagner les esprits sur la base tout simplement de la proclamation d’un certain nombre de préoccupations. Sidi bénéficie d’une trêve qui fait que personne n’a envie de se faire remarquer par des observations critiques et justes. Or, l’opposition radicale n’a pas à faire une pause au regard de la léthargie dominante, il ne se passe rien, hormis des discours dont la symbolique est de rassurer, d’une part la communauté internationale et la sous-région et d’autre part d’endormir les Mauritaniens. Si une opposition cesse de faire son travail parce que tout simplement il y a eu des élections démocratiques, c’est vraiment inquiétant. Je demeure un des militants de cette opposition radicale qu’il va falloir réorganiser de toute urgence. En tout cas, elle est d’actualité et elle s’impose au vu du piétinement du régime de Sidi et de son Premier Ministre qui brille par son absence sur l’espace politique.
A mon avis, une exigence de radicalité oppositionnelle s’impose comme mode de résistance contre le consensualisme simpliste et réducteur qu’affectionnent les Mauritaniens. En ce sens l’actuel Président joue pleinement sur le registre de la sensibilité pour étouffer l’esprit critique et la vigilance requise pour ne pas s’installer dans une illusion de démocratie, alors qu’en matière d’actions concrètes, c’est la routine qui persiste. La situation sociale et économique est explosive. Le quotidien du Mauritanien est plus que jamais invivable.
A l’heure actuelle, tout est suspendu à la question du retour des déportés comme s’il ne fallait rien faire pour justifier de l’importance accordée à ce problème. Personne ne met en doute la dimension essentielle du retour des Mauritaniens expulsés injustement de leur pays, mais comment ne pas s’étonner de la surexploitation politicienne qui en est faite. Ce qui est symptomatique d’une certaine mauvaise volonté qui est encore souterraine. Il est à souligner que le comportement de nos autorités n’est pas sans indiquer un certain amateurisme au vu de la légèreté des discours et de leur manque de profondeur.
AVOMM : En Mauritanie, en Afrique, en Europe jusqu’au Québec plusieurs personnes n’oublient pas leur professeur Hamdou Rabby Sy. Souhaitez-vous profiter de cet entretien pour leur adresser quelques mots?
HRS : J’ai été marqué par le capital de sympathie dont je bénéficie, surtout de la part de certains militants et particulièrement de mes anciens élèves qui me renouvellent leur confiance à chaque fois que l’occasion se présente. Il s’agit là d’une reconnaissance active et engagée, puisqu’elle est relative aux idées que je défens avec détermination dans la dynamique de l’opposition radicale.
J’espère que nous continuerons à cheminer dans le but de construire ensemble une Mauritanie juste, égalitaire et fraternelle. C’est dire que je suis attentif à ces marques de confiance qui m’obligent davantage à redoubler de vigilance et à ne jamais trahir la cause pour laquelle nous luttons. Je pense que la jeunesse mauritanienne est assoiffée de justice, de changement, de liberté et à ce titre, elle est exigeante et ne s’accommode pas du comportement de militants fanfarons et opportunistes qui sont une pléthore.
AVOMM : Monsieur SY, le président Sidi a demandé encore récemment à tous les réfugiés de rentrer au pays, que lui répondez vous ?
HRS : J’ai envie de dire que répondre à cet appel suppose que des garanties suffisantes existent par la mise en place de conditions réelles pour une réinsertion digne, équitable et viable. Mais, s’il s’agit de rentrer pour rentrer en abandonnant la situation laborieusement conquise durant les années d’exil, je ne pense pas qu’il y aura de nouvelles aventures dans ce sens. Il y a eu une euphorie du retour dès la chute de Taya, à ma connaissance, les plus motivés à l’époque vivent toujours en dehors des frontières nationales. Sidi ferait mieux de s’occuper de la réinsertion intégrale et complète des déportés qui seront de retour, des mauritaniens qui sont démunis et qui souffrent. Le Président et son Premier Ministre devraient engager une politique progressiste de développement économique, social et culturel pour que la Mauritanie sorte enfin de la pauvreté, de la misère, de l’arriération, de l’obscurantisme et de l’ignorance.
Si notre Président est animé d’une volonté politique généreuse et courageuse, il doit engager un plan national ambitieux pour que les Mauritaniens accèdent à un niveau de vie de qualité sur tous les plans : alimentaire, médical, scolaire, culturel et artistique. Ce qui suppose que, lui-même se fasse violence pour être plus actif et se tourner vers une philosophie du progrès et des Lumières. La malchance de la Mauritanie, c’est de n’avoir eu que des Présidents arriérés, conservateurs, tous porteurs de l’idéologie passéiste, esclavagiste et féodale.
Ceux qui ont, en effet, dirigé le pays, de Daddah à Sidi n’ont ni envergure intellectuelle ni épaisseur politique rendant possibles des réformes en profondeur d’une société qui se morfond dans la misère et dans la médiocrité. Sidi doit aussi penser à ces fonctionnaires mauritaniens compétents, honnêtes et sérieux et qui sont depuis des décennies à la touche, qui, pourtant sont les chevilles ouvrières de notre fonction publique. Je pense à ces fonctionnaires qui ont une éthique, partisans du service public et défenseurs de l’intérêt général, discrets et efficaces, généreux et serviables qui sont des mauritaniens de tous bords, mais d’éternels laissés pour compte, victimes de tous les régimes. Or, hier comme aujourd’hui, ce sont de petits arrivistes, très médiocres qui brillent par leur incompétence qui sont promus en lieu et place de cadres très compétents et très dignes.
Si notre Président est généreux et courageux, il doit agir pour diminuer les souffrances du peuple mauritanien en freinant la flambée des prix des denrées qui ne cessent d’augmenter chaque jour, en baissant aussi le prix de l’électricité qui est inaccessible, en stoppant le comportement injuste et barbare des agents de police qui torturent des citoyens injustement, de l’arrogance des agents de la Sonélec qui arrachent les compteurs sans que les usagers ne puissent se plaindre. Ce sont des problèmes structurels qui empoisonnent le quotidien de nos compatriotes.
Si notre Président est humaniste, il doit sillonner le pays pour mesurer l’ampleur de la misère et de la pauvreté dans nos campagnes pour tenter d’entreprendre une politique à hauteur d’homme pour que reculent à jamais la faim, la maladie, l’ignorance et l’arbitraire. Mais tant que des Mauritaniens au Nord comme au Sud, à l’Est et à l’Ouest continueront à ne pas manger à leur faim, à ne pas se soigner correctement, à ne pas aller à l’école et à ne pas sentir que la vie n’est pas que souffrance, la résistance doit être de vigueur. Il est temps de rompre avec plusieurs décennies de nullité politique et de médiocrité dans la façon de gouverner et de gérer le pays. Agir pour un Président, c’est améliorer les conditions de vie de son peuple.
Cet appel donc ne concerne pas ceux et celles qui ont acquis des possibilités de vie correctes que le pays n’est pas prêt à leur offrir parce que ne l’offrant pas à ceux et à celles qui, en dépit des souffrances, des manques et des manquements vivent toujours sur le territoire national. Il y a eu des militants en exil qui ont eu le courage de rentrer, mais, il ne s’est rien passé pour eux d’encourageant sur place. Pourquoi alors faire des appels pour inviter des gens qui s’en sortent mieux en dehors du pays pour qu’ils viennent grossir les rangs des pauvres et des frustrés? L’impuissance n’est pas la posture idéale pour être utile socialement. Se résigner ensemble dans une misère partagée ne provoque pas les vertus du combat et l’héroïsme de la résistance. La misère favorise ainsi la perte de confiance et de l’estime de soi.
En conclusion, cet appel n’engage que Sidi qui est rentré au pays en sachant qu’il pouvait ne pas être inquiété, qu’il jouirait d’une très bonne situation économique, financière et sociale, mieux qu’il pourrait devenir Président. Son retour est très largement bénéfique. Ce qui n’est pas, assurément le cas de bon nombre de ses compatriotes.
AVOMM : Le président Mauritanien a reçu à Paris Mr Ousmane Sarr président de l’AVOMM, il a déjà reçu le président des FLAM à New York n’est ce pas là, quand même des signes de changements politiques au pays ?
HRS : Dans le contexte actuel, je vois mal un Président élu qui n’agirait pas dans ce sens dans la mesure où c’est le moment qui l’exige et ce sont les aspirations du peuple qui se sont exprimées. L’opportunité historique qui a vu Sidi accéder au pouvoir recommande un minimum de bon sens, tel est à mon sens l’attitude consensualiste de notre Président. Mais, je pense qu’il doit aller plus loin pour ne pas gérer son mandat dans une sorte d’accumulation de frustrations et de rendez-vous manqués; ce qui serait très grave pour la suite du cheminement politique de notre pays. Au risque de me tromper, j’ai l’impression que notre Président ne mesure pas pleinement l’opportunité historique qui lui est offerte pour permettre à notre pays de vivre des transformations décisives et qualitatives.
Le moment est venu de laisser affleurer une forte vibration pour le développement du pays dans une ambiance de progrès et de ferveur politique démocratique nourrie par un élan intellectuel de débats et de confrontation d’idées. La Mauritanie a besoin de vie spirituelle, intellectuelle par les discussions autour de grandes questions idéologiques et théoriques. Il faut aider notre pays à se libérer des archaïsmes suicidaires par la constitution de cercles de réflexions et de pensées, vivier pour l’émergence d’une culture politique démocratique. Ce n’est pas par des échanges d’informations fondées sur des rumeurs que se construit l’opinion éclairée d’une élite politique dirigeante.
L’ambiance politique actuelle doit permettre l’organisation régulière des soirées-débats, des espaces publics de discussions, de cycles de conférences, de séminaires, des édifices pour la culture et le savoir. Ce sont là les conditions d’un mouvement national pluriel et multiforme pour une Mauritanie vivante, féconde, active et résolument tournée vers un avenir radieux et progressiste. En revanche, je ne suis pas sûr que notre Président et son Premier Ministre soient prêts à engager la Mauritanie dans cette aventure.
Pourtant, c’est là l’aventure dans laquelle, notre pays doit s’engager. L’ère nouvelle est propice à une vie mouvementée dans le sens des idées et des courants de pensée comme par une sorte de renaissance intellectuelle et humaniste. Ce qui exige une fréquentation des bibliothèques et un engouement sérieux pour la lecture. J’aurais bien voulu savoir si notre Président est un lecteur, et s’il l’est, quels sont ses auteurs préférés?
AVOMM : L’opposition manifeste à Nouakchott, il n’y a eu aucune arrestation ou intimidation, n’est-ce pas un bon point pour Sidi ?
HRS : Oui, c’est un bon signe, mais il faudrait que les manifestations se multiplient pour savoir jusqu’où peut aller le seuil de tolérance démocratique de l’actuel pouvoir. Vous savez la démocratie commence quand ce qui relevait de la nouveauté devient habituel et finit par entrer dans les mœurs et les traditions. Mais tant que le signalement se fait, c’est qu’on est encore dans la nouvelle ère. Un pas a été franchi, il est important, mais ce qui reste à faire est plus décisif par son ampleur. Il nous faut de la modestie, de l’humilité, de la patience et surtout de la lucidité et de la vigilance.
Ne crions pas victoire, car la défaite veille encore, du fait des résistances rétrogrades entretenues par les partisans du conservatisme et du système dont les principaux acteurs sont toujours actifs. Sur ce plan, les partisans de Taya comme de Ely sont aussi présents que puissants. Nous ne savons pas le pacte qui lie le régime de Sidi à ces deux camps. L’avenir nous dira si un pas a été définitivement franchi. Il faut vraiment susciter une culture de la résistance pour se donner les moyens de combattre les forces de régression au cas où elles se manifesteraient. C’est à l’aune des capacités de résistance populaire que nous pourrons mesurer véritablement le pas accompli dans la phase actuelle. Dans tous les cas, on peut accorder le bénéfice du doute aux nouvelles autorités.
AVOMM : Des journées de concertation sont annoncées à Nouakchott y êtes vous invité ? Dans tous les cas quel est votre message à l’endroit des participants à ces journées
HRS : À ma connaissance, je ne suis pas invité. Je dirai aux participants de profiter de ces rencontres pour débattre en profondeur de l’avenir du pays et des possibles qui s’ouvrent pour une dynamique de progrès et de développement pour notre pays. Avec l’instauration d’un Etat de droit et d’un régime politique démocratique courageux et généreux, nous pourrons faire de notre pays, un pays prospère et paisible. Pour cela, il faut se dépasser, sortir de la médiocrité, de la nullité et de la facilité.
Ces journées peuvent être l’occasion de définir ensemble une politique de l’avenir sur le plan économique, social, culturel et humain. La Mauritanie a soif de dirigeants justes, honnêtes, travailleurs et audacieux. Notre peuple attend des hommes et des femmes rigoureux, exigeants qui conjuguent l’amour de l’intérêt général et le dévouement pour le service public. Notre pays attend des dirigeants qui se vouent corps et âme au bien-être du peuple dans une éthique du progrès, de la croissance économique, au service de la solidarité nationale.
En un mot ces journées doivent permettre de définir une orientation politique forte, vigoureuse, intelligente qui va engager la Mauritanie dans la voie du progrès et de la prospérité. Les journées de concertation peuvent permettre la constitution d’un cadre de débats favorisant les dispositions pour un programme de travail responsable sur la nature de l’Etat de droit que nous voulons construire, le système éducatif à mettre en place qui permettra de définir notre projet de société, le type de citoyen, une charte culturelle, un engagement pour les droits fondamentaux de l’être humain, une exigence éthique et juridique pour le respect des ressources nationales.
Ces rencontres doivent avoir à cœur les conditions de la prospérité économique et son partage équitable. Au fond, il sera question de réfléchir à fond sur un contrat social et un pacte moral pour une citoyenneté pour tous. Il s’agit là d’un véritable forum pour la vraie Mauritanie de demain qu’il serait essentiel de saisir afin de jeter les bases d’une communauté nationale libérée du racisme, de l’esclavage, de l’oppression, de l’exclusion, du tribalisme, du régionalisme et du clanisme. Si les Mauritaniens arrivent à se représenter leur humanité comme subjectivité et citoyenneté, le défi de construire ensemble une nation mauritanienne sera mis en mouvement pour ne pas dire gagné! Je souhaite plein succès à ces journées de concertation nationale. La Mauritanie se doit d’avoir une ambition pour s’inscrire enfin dans le cours de l’Histoire universelle pour briser le joug du nationalisme médiocre, creux et mortifère qui l’a tant engloutie dans le trou abyssal de la barbarie et de la sauvagerie.
Une nation qui n’est pas dirigée par des hommes et des femmes fiers de leur humanité intégrale, respectueux de la diversité et de la différence qui la constituent est vouée constamment au cycle infernal de la destruction. Espérons que la nouvelle ère qui s’ouvre nous permette de rompre à jamais ce cycle, afin que commence un autre cycle, digne de nos attentes pour apaiser nos souffrances et éradiquer notre misère.
L’espoir doit toujours être permis, mais la vigilance et la résistance sont à maintenir; la lucidité critique doit être en veille. Il est de notre devoir d’incarner les exigences fondamentales de respect de la dignité du peuple, car le « pouvoir corrompt la raison » comme le disait Kant.
AVOMM : Monsieur Hamdou, merci d’avoir bien voulu répondre à nos questions
HRS : C’est moi qui vous remercie d’avoir bien voulu m’offrir votre tribune avec amitié sans déroger au sérieux et à la gravité de vos questions.
Propos recueillis par Mohamed Dogui