Nous l'avons interrogé sur son parcours, son engagement et ses ambitions pour le pays. Il plaide pour le rapprochement des uns et des autres, en vue de fonder un front solide et puissant capable de mettre fin à ce régime pourri imposé par les gérants de l'absurde.
Il définit et oriente les objectifs de son mouvement et décline ses rapports avec les autres sans pour autant vouloir plaire à n'importe quel prix. De tout ce qu'il dit ou ne dit pas, on sent, tout au long de cet entretien, la détermination farouche de l’ officier à mener une lutte sans merci contre le pouvoir dictatorial de Ould Taya. Et puis il y a l'homme, serein et confiant qui n'hésite pas, à exprimer sa fidélité à son compagnon l'Ex Président Haidalla.
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AVOMM : Mr Diop, merci de nous recevoir aujourd’hui, l'usage voudrait que notre invité se présente et parle de son parcours ainsi que de son engagement et ses ambitions pour le pays. Quoique connaissant votre humilité; nous vous demandons néanmoins de vous soumettre à cet exercice; pour permettre à nos lecteurs de connaître Mr Diop Moustapha ?
Monsieur Diop Moustapha : Je suis touché par la déférence avec laquelle vous me traitez même si je m’attends à des questions sans complaisance. Et vous aurez aussi, comme vous le souhaitez, des réponses sans complaisance.
Ma carrière d’officier de Marine et au gouvernement a aidé, je crois, à me faire connaître. Vous savez, quand vous avez, très jeune, exercé de hautes responsabilités publiques, cela vous fait connaître ; cependant, toute humilité tue, je vais sacrifier au rituel.
Je suis né, à Kaédi, à Gattaga, précisément, en 1953 ; j’y ai achevé mes études primaires. Après trois années au lycée de Nouakchott, dont une année blanche pour cause des évènements de 1966, j’ai intègré, en 1967, l’Ecole Militaire Préparatoire Technique du Mans, en classe de 4°. J’y suis resté jusqu’en Terminale ; en 1972, j’obtiens le baccalauréat dans la série E. Ensuite, j’intègre l’Ecole Navale de Brest, d’où je sors, en 1974, avec le diplôme d’officier de Marine. Il faut, à ce niveau, signaler que j’étais le troisième officier de Marine de Mauritanie, ce qui expliquera, plus tard, mon ascension rapide aux plus hautes responsabilités de ce corps technique de l’Armée. Les deux premiers officiers étaient feu l’Enseigne de Vaisseau Yacoub Ould Ragel et le Lieutenant de Vaisseau Dahane Ahmed Mahmoud. La maladie écarta très tôt Yacoub du commandement et, la guerre du Sahara et les premières convulsions dans la hiérarchie militaire apparaissant, Dahane fut un moment mis en disgrâce, puis réhabilité par une promotion à la fonction de Permanent du CMSN, en 1980. Je me retrouvais donc à la tête de la Marine Nationale, en intérim pendant deux années et titulaire durant deux autres années, avant d’entrer au gouvernement, à la mi-année de 1981. Pour l’anecdote, je vous dirai que mon accession au poste de ministre de l’information, cumulativement avec les fonctions de Permanent adjoint du CMSN, était due à une réplique du Président Haïdalla, pour nous faire « mettre la main à la pâte », selon son _expression, après que Dahane et moi aillions suscité la fronde d’avril 1981 au sein du CMSN, suite à la tentative de putsch du 16 mars.
Nous avions réussi à convaincre, avec un certain risque, plusieurs dinosaures de l’instance, de la nécessité de mettre un terme au processus démocratique en cours à ce moment-là. Ayant mis en minorité les partisans de la poursuite du processus malgré le 16 mars, emmené par le Président lui-même, celui-ci entra dans une violente colère contre nous et nous demanda de nous préparer à intégrer le gouvernement « puisque nous tenions tant à l’exercice du pouvoir ». Cela nous parut caricatural et injuste comme jugement, puisque nous avions seulement estimé que le gouvernement civil, mis en place pour conduire le processus démocratique, s’était dévoyé et qu’il s’était mis dans l’incapacité de gérer et d’assurer la sécurité première du pays. Bref, nous allions intégrer le gouvernement…par sanction. Haïdalla savait bien que plusieurs parmi nous, surtout moi, étions plus heureux parmi nos hommes, à exercer notre métier des armes.
Après un bref et tumultueux passage à l’Information, je m’en fus au Commerce et à l’Industrie, avant de prendre la tête du Bureau de Sécurité, jusqu’au 12 décembre 1984. Ce fut ensuite le parcours de tout vaincu : la prison pendant quatre ans, la relégation. La suite est connue.
AVOMM : Vous êtes le porte parole de l’Alliance Patriotique, pouvez vous nous parler de votre organisation?
Monsieur Diop Moustapha : Cela serait bien long et ennuyeux de parler d’un mouvement politique de nos jours.
En Juillet 2004, l’Alliance Patriotique avait donné le ton, dans le communiqué annonçant sa création. Et depuis, dans ses différents actes, jusqu’à celui, récent, qui rendait public son instance exécutive, le mouvement a réitéré ses objectifs et ses choix de lutte, sans ambiguïté. L’Alliance Patriotique est née de la volonté souveraine d’hommes et de femmes de sensibilités multiples, venus d’horizons divers, unis dans une dynamique de résistance à la barbarie d’un système de trahison nationale, falsificateur et usurpateur. Nul besoin de revenir sur les forfaitures du pouvoir à Nouakchott, elles sont connues de tous et de toutes. L’essentiel est maintenant de se définir et surtout de définir, au vu de tous les maux, des souffrances vécues et prévisibles, du joug sous lequel nous ployons, quelle voie s’offre à nous pour sortir de cette épreuve et bâtir ce qui, à nos yeux, sera une nation plurielle, unie dans sa diversité culturelle, ethnique, raciale, linguistique. Une fois ces postulats émis, acceptés et irréversiblement établis, alors les contours d’une démocratie réelle, concertée, en seront les garants.
Ce combat n’est commun qu’entre ceux qui partagent ces mêmes objectifs. L’Alliance Patriotique n’est pas sortie de la cuisse de Jupiter, ni aucune autre entité, à ce que je sache ; le constat et les objectifs nous sont en partage avec beaucoup de partis et de mouvements. Notre différence avec certains d’entre eux ne réside que dans les conclusions et les choix de la lutte. Ce qui ne saurait être suffisant pour en faire des ennemis, tout juste des partenaires agaçants.
Nous respectons les autres compagnons de lutte et pensons que la diversité de celle-ci peut, si elle est complémentaire et non antagonique, ni hostile, contribuer à ébranler les murs de la citadelle de l’infamie. A ce niveau, nous prions, de toute notre âme, pour que ceux qui pensent être plus déterminés et avoir de meilleures approches, précipitent la chute du tyran car cette chute-là demeure un préalable nécessaire à la refondation de notre nation. Tant que ce système est là, la sérénité désertera nos esprits.
Hélas, dans les rangs de l’opposition, bien souvent, certains braves se trompent de cible et gaspillent inutilement des cartouches sémantiques dont les troupes auraient bien besoin. Mais ceci est une autre affaire et paraît-il normal dans notre contexte. Cela me rappelle opportunément le bon mot du philosophe-théologien : « lorsque la bataille dure trop longtemps et que le siège perdure, seul se renforce l’assiégé ; alors, les alliés, en dehors du fortin, se retournent les uns contre les autres.» Peut-être les effets de la lassitude…
L’Alliance Patriotique, quant à elle, fait le serment de ne lever le glaive que contre l’ennemi. D’ailleurs, en raison de la faiblesse de ses moyens, elle ne saurait les divertir ailleurs. Le terme de la lutte, si Dieu nous prête vie, jugera les uns et les autres.
L’ennemi a choisi pour nous et le champ de bataille et les armes. Ce combat sera sans quartier, puisqu’il l’a ainsi voulu et l’applique sur nous chaque jour depuis si longtemps. L’élémentaire instinct de conservation, dans un ultime sursaut, nous commande une légitime défense d’où ne peuvent qu’être exclus la tergiversation, l’amalgame et le futile. Les seuls énoncés des souffrances endurées et la litanie des méfaits du colonel Ould Taya et de ses complices suffisent à justifier cette résistance à la décimation de tout un pays.
L’Alliance Patriotique n’a pas un monopole de lutte ; elle participe à des combats engagés bien souvent avant elle ; aussi, prônera-t-elle la concertation et la complémentarité dans l’action mais n’en fera pas un préalable pour agir. Le secret ne réside pas dans notre volonté d’en découdre avec le pouvoir du colonel Ould Taya, nous n’en avons jamais fait mystère ; ce sera la stratégie qui sera énigme pour l’ennemi et ses fouineurs.
AVOMM : Mr Ely o / Sneiba revendique depuis son lieu de résidence le poste que vous occupez. Parlez nous un peu de ce différent ?
Monsieur Diop Moustapha : Cette question est pour moi sans objet.
L’Alliance Patriotique, comme tous les mouvements, a désigné, souverainement, son instance exécutive, publié des dispositions et en a informé ses partenaires, qui ont pris acte et respectent ses décisions.
Je crois savoir que l’AVOMM a remanié tout récemment son instance dirigeante, en nommant un nouveau responsable aux relations extérieures, ce dont nous avons pris acte après en avoir été informés.
AVOMM : Mr Diop Moustapha , vous êtes l’officier le plus titré de l’armée Mauritanienne en exil ; des centaines de soldats , des dizaines d’officiers courent les rues d’Afrique et d’Europe ; n'avez-vous pas songé à unir les rangs de tout ce monde et pourquoi pas appeler à la résistance armée, être ce leader unificateur que les Mauritaniens attendent depuis longtemps ?
Monsieur Diop Moustapha : Vous allez vous attirer de sacrés ennuis avec la qualification et le dessein que vous projetez pour moi ! .
C’est flatteur, je vous sais gré de cela, mais je ne suis pas l’officier le plus titré en exil mais un officier, parmi d’autres, sûrement.
L’exil, intérieur ou extérieur est une bien douloureuse et pénible existence. Il impose des contraintes qui vous redéfinissent l’homme et font naître en lui, parfois, des réflexes nouveaux dus à l’environnement. Le subconscient aussi est mis à rude épreuve et souvent le sentiment de culpabilité conduit à des émotions réactives qui dénaturent le véritable sens que l’on veut imprimer à ses expressions. D’où des dérives souvent constatées ça et là. Mais tout devrait être pardonnable lorsque l’essentiel préoccupe tant et se situe ailleurs.
Les structures de l’opposition à l’extérieur unissent, en leur sein, des civils et des militaires sans distinction de statut.
Notre rôle à tous - et c’est peut-être plus vrai pour ceux, d’entre nous, qui ont exercé un commandement et qui se retrouvent sur la Roche Tarpéienne avec leurs anciens subordonnés – c’est d’abord, de chercher à contribuer à rassurer, à lever des doutes en nous et à raffermir la solidarité. En vérité, au delà de l’hostilité que l’on peut manifester à l’endroit les uns des autres, aujourd’hui, tous ont un statut commun, celui d’exilés, d’apatrides. Les appartenances à des mouvements ou organisations divers ne sauraient constituer un handicap pour les militaires. Il ne s’agit pas de créer une légion à l’étranger mais plutôt de définir des tâches où le critère de la compétence prend en compte, les capacités de chaque individu. Je note, par exemple, une grande compétence de militaires dans l’exercice de défense des droits humains et dans l’action humanitaire. C’est le cas à l’AVOMM et à l’OCVIDH. Les avancées que ces organisations humanitaires ont acquises, souvent dans la discrétion, sont reconnues tant par les organisations internationales qui sont leur partenaires, et qui en témoignent, que par les bénéficiaires de leur assistance et de leur aide.
La satisfaction et les témoignages de ceux-là sont leur seule récompense et leur moteur pour poursuivre encore et encore.
L’unification des rangs des seuls militaires comporte des germes de particularisme qui ne seyent pas à la résistance. Or, celle-là est commune à toutes les franges de la population. La résistance est un acte hautement volontaire, fait d’engagement profond et de sacrifices ; elle ne saurait être l’apanage des seuls militaires. L’histoire nous apprend que de grands résistants étaient aussi civils, sans formation militaire particulière : Castro, le Che, Cienfuegos n’étaient pas gens d’armes ; Jean Moulin et Rol-Tanguy, non plus. Dans nos contrées, combien de résistants au colon ou de combattants de nos royaumes et émirats avaient une réelle formation militaire académique ?
Je dirai que les multiples et fréquents contacts que j’ai avec les uns et les autres me confortent dans l’idée qu’il y’a des preux, civils et militaires, qui, en exil, silencieux et discrets, agissent, efficacement, pour le bien de tous, sans en rechercher panache ou citations. A ces innombrables anonymes, reviendra, un jour la parole de vérité, c’est ma conviction.
Quant au leader unificateur que les mauritaniens attendent, je pense qu’ils le veulent unificateur d’abord dans le projet d’une société plurielle où chaque composante s’épanouira dans sa différence, sa culture sa langue, où sera à jamais banni l’esclavage, le racisme et le tribalisme. Ils le voudront aussi unificateur de tous les segments de notre population, engagés avec détermination dans la lutte contre la tyrannie. Cet unificateur, autour duquel se cristalliseront les espoirs et qui saura porter le fardeau de nos contradictions, pourra aussi bien nous venir d’un anonyme, dans un village ou un hameau, quelque part dans un coin perdu de ce vaste territoire où plus personne n’est épargné par les hordes du bourreau.
La résistance sera dans chaque cœur et armera chaque bras. Le pouvoir a fait de chaque mauritanien une cible potentielle de sa répression. Le lourd tribut payé par la communauté négro-africaine par les assassinats, les déportations, les expropriations, l’esclavage avoué par le colonel lui-même à Akjoujt, le tribalisation de tous les corps de l’Etat, l’extinction de toutes les voies d’alternance pacifique, la répression, les intimidations, la gestion familiale du patrimoine national, les tortures subies par les patriotes en prison et les récentes arrestations sont autant de facteurs qui ne laissent plus aucun choix à ce peuple, sinon la résistance à la dimension de la forfaiture. Et avec les mêmes armes. Ou disparaître.
AVOMM : On ne peut pas parler de l’opposition Mauritanienne en exil sans parler des Forces de Libération Africaines de Mauritanie (les flam), avez-vous en tant qu’organisation des relations avec les flam ; si oui quelles sont ces relations ? Si non envisagez-vous travailler ensemble pour mieux optimiser vos moyens de lutte contre votre ennemi commun à savoir le régime en place ?
Monsieur Diop Moustapha : Les FLAM sont partie de l’opposition mauritanienne en exil. La particularité de ce mouvement c’est qu’il en est le doyen et a, de ce fait, un capital de lutte à partager. Je rappelle, au passage, que les Flam, avant l’exil, étaient déjà un mouvement d’opposition au régime auquel je participais ; certes, il était illégal - donc en clandestinité (ou presque) - en raison de la nature prétorienne de notre gouvernement, mais il agissait sur le territoire national. A l’époque, nous étions la cible de leur sagacité et des tracts qui nous procuraient de vrais embarras. Pourtant, certains futurs responsables des Flam exerçaient librement leur profession, parfois aussi avaient goûté, momentanément, aux froidures des gêoles. Mais, assurément, nous n’avions pas Walata, ni Inal, ni Azlat. Pour l’anecdote, puisque c’est maintenant connu, lorsque j’étais ministre de l’information, j’avais choisi de nommer un de leurs membres fondateurs, et pas des moindres, agitateur devant l’Eternel, le journaliste-poête Ibrahima Sarr, directeur de Radio Mauritanie. Le CMSN préféra un militaire à un civil pour de simples raisons de verrouillage et l’affaire en resta là.
J’avais regretté cet échec, puisque cela aurait permis, à un professionnel, contestataire certes mais compétent, de mettre en application une politique de réforme de l’information que nous avions mise en chantier avec les gens du métier. Plus tard, la frilosité l’emporta et la réforme fut enterrée…et le ministre avec. Ceci, pour vous dire que mes relations avec les Flam ne datent pas d’aujourd’hui, même si certains ont quitté le mouvement sans pour autant renier leur foi dans la lutte et continuent le combat sous d’autres formes avec la même énergie. Je rappelle que c’est l’intervention mémorable de ce même Ibrahima Sarr, devenu député, dans le cénacle du pouvoir législatif asservi, sur les assassinats impunis, sur le sort des déportés, sur l’esclavage qui a déstabilisé le pouvoir au point de l’amener à interdire son parti, Action pour le Changement. Si je rappelle ces points c’est pour dire que des constantes sont là pour impulser toutes les formes de lutte et de résistance. L’esprit premier demeure. A l’Alliance Patriotique nous nous enrichissons sans complexe des acquis obtenus au nom de l’opposition entière, dans ses différents segments, qu’ils appartiennent à l’intérieur ou à l’extérieur, qu’ils aient opté pour la résistance armée ou qu’ils s’en tiennent éloignés. Il est évident qu’un parti légal ne saurait opter pour la lutte armée à moins de se dissoudre et se fondre dans le maquis.
Notre mouvement est récent, il est né dans une conjoncture particulière pour des objectifs précis. Il achève sa structuration et serait désireux, naturellement, d’entretenir des relations sincères et fructueuses avec le mouvement des Flam, pour que, forts de leur expérience, rechercher ensemble des ressorts qui propulsent la lutte vers son terme victorieux. Pour que cet objectif ne soit pas un vœux pieux il est nécessaire que la concertation se fasse dans une meilleure connaissance de l’autre pour jeter aux orties les préjugés et les à priori ; alors, le dessein commun permettra de définir ce que sera la stratégie pour « optimiser les moyens de lutte contre l’ennemi commun » comme vous dites.
Vous savez, l’unanisme n’a jamais été la règle, même au sein d’un même mouvement. C’est la synthèse de la diversité de pensée qui enrichit les débats internes et ordonne des orientations qui s’imposent aux militants. Il en est de même pour une concertation entre mouvements poursuivant les mêmes objectifs puisque la logique voudrait d’ailleurs que ceux qui ne poursuivent pas les mêmes objectifs ne s’assoient même pas ensemble sinon pour faire des ronds de jambes.
Toutefois, vous accepterez que la primeur de nos initiatives communes soit réservée aux hiérarchies statutaires des deux mouvements. Mon expérience m’a appris que les choses trop vite déflorées avortent aussi vite. Mais une chose est évidente, nous considérons les Flam comme partenaire naturel et les liens d’amitié entre les personnes peuvent rendre plus faciles bien de choses.
Cette même approche nous l’aurons aussi avec les autres partenaires de l’opposition radicale.
AVOMM : En Août 2004, des rumeurs ont fait état de la participation de votre organisation à la tentative de coup d’état contre le régime, avec la collaboration des cavaliers du changement ; peut-on en déduire que les cavaliers de changement et l'Alliance Patriotique mènent le même combat et ont les mêmes objectifs?
Monsieur Diop Moustapha : Il ne s’agissait pas de rumeurs ; c’est le ministre de la défense du gouvernement du colonel Ould Taya qui a porté, officiellement, cette accusation sur les média d’état. Par cette même déclaration, il impliquait aussi le jordanien Zarkaoui proche d’Al Qaida et une autre nébuleuse soit-disant « islamiste terroriste ». Ce qui, quand même, avouons-le, constituait un trop plein que n’auraient certainement pas pu contenir les forces du régime. Par la suite, cette accusation a été abandonnée par les autorités mauritaniennes. Les Cavaliers du Changement sont un mouvement patriotique de révolte puis de résistance, né dans la foulée de l’insurrection d’une partie de l’armée, en juin 2003. Comme les autres forces de l’opposition, ses animateurs ont défini un programme politique, pour une phase de transition ; nous soutenons leurs efforts et ne nous cachons pas d’entretenir, avec eux, des liens de solidarité. Le commandant Saleh Ould Hanenna et le capitaine Abderrahmane Ould Miny ont prouvé, je crois, leur valeur d’hommes de détermination durant le procès de Ouad Naga. Le flambeau est solidement repris par le commandant Mohamed Ould Cheikhna et ses amis qui poursuivent, avec perspicacité et vaillance, le combat.
AVOMM : Beaucoup de mauritaniens sont devenus sceptiques à force de voir l’opposition confrontée, de façon régulière, à des règlements de compte, des querelles politiciennes, d’autres sont découragés en voyant tant de forces saines devenir inefficaces parce que trop dispersées. A votre avis que faudrait-il faire pour en finir définitivement avec les querelles partisanes ?
Monsieur Diop Moustapha : Ce jugement des mauritaniens dont vous vous faites l’écho serait sévère et sans appel s’il reflète leur sentiment profond. Il est vrai qu’il y’a matière à s’indigner des querelles politiciennes, des règlements de compte cryto-personnels primaires. Toutefois, je pense sincèrement que ce n’est pas ce qui va déterminer l’issue du combat que ce peuple mène contre la tyrannie. Nous devons faire la part des choses. Il y’a ce que j’appelle des débats féconds qui opposent entre elles des idées saines, constructives d’où naissent toujours des enseignements profitables pour tous ; et il y’a le futile, l’insulte, la diffamation gratuite pour lesquels il ne saurait y avoir de réponse. Ne mélangeons pas les genres. Il serait dangereux et inquiétant si nous devions tous avoir le même mode de pensée c’est à dire aboutir à la pensée unique qui ne conduit qu’à l’abrutissement des esprits. Ceci est l’archétype des dictatures obscures réduites à l’état de fossiles par l’évolution de nos sociétés et par les conquêtes démocratiques. Or les fossiles sont destinés aux musées et non à la reproduction.
Je ne saurais croire un instant que les mauritaniens soient devenus sceptiques parce que des personnes se réclamant de l’opposition ont érigé le règlement de compte personnel et la querelle politicienne en système de combat politique Le mauritanien se préoccupe surtout de sa survie, de sa sécurité, de la reconquête de ses droits spoliés et cela, nul ne saurait l’en détourner. Le combat qui est mené est un combat reconnu et accepté pour tout être humain, celui à la vie, à la justice, à la dignité et pour cela, nous accompagnent tous ceux, dans le monde, qui sont imprégnés de l’universalité et de la légitimité de combat-là. Nous ne sommes pas seuls et d’autres se lèveront, au nom du droit à l’ingérence humanitaire, à celui de l’assistance à peuple en danger, si nous devions faillir. Que les dérives de plus en plus dénoncées puissent faire penser à une dispersion d’énergie serait injuste car elles n’entament en rien la détermination du plus grand nombre. Elles disqualifient tout simplement leurs auteurs.
Les préoccupations des populations conduisent à une telle exigence de changement radical qu’il ne saurait y avoir place pour le désespoir. Nous sommes condamnés à gagner cette guerre-là. Certes, des déceptions peuvent éclore ça et là mais sûrement pas pour éteindre la ferveur de vaincre.
En finir avec les querelles partisanes relèvent d’un vaste programme, comme dirait l’autre, mais il y’a la force de cette armée de déshérités pour lesquels ces querelles sont le rideau de fumée qui cachent bien des incertitudes et des hésitations, et qui ne s’en soucient plus guère car elles ont duré le temps que dure la dissipation d’une fumée.
AVOMM : Le peuple mauritanien a-t-il les moyens d’en finir avec ce pouvoir ou serait-il simplement incapable de la moindre initiative au moment où d’autres peuples ont pu chasser leurs dictateurs en occupant la rue et les institutions sans la moindre effusion de sang ?
Monsieur Diop Moustapha : Si nous n’avons pas la conviction que ce peuple a les moyens d’en finir avec le pouvoir que nous resterait-il de notre engagement, de notre foi ? Il est vrai que les élites déçoivent peut-être mais il est vrai aussi qu’un peuple sait toujours reprendre son destin en main, reprendre ce qu’il avait confié ou ce qui lui avait été usurpé. Les mauritaniens ne sont pas plus lâches ni plus immatures que la moyenne humaine. Peut-être sommes-nous, seulement, en retard. Il faut quand même reconnaître, que les pays auxquels vous faites allusion, ne sont pas toujours tributaires de divisons ethniques ni confrontés à des régimes coupables de crimes contre l’humanité. Le cas mauritanien n’est pas facile mais l’horizon de plus en plus s’éclaircit..
AVOMM : Le rapprochement entre les différentes sensibilités de l’opposition radicale n’est-il pas le meilleur moyen de contrecarrer ceux qui veulent briser notre unité et donner des motifs "légitimes" aux ennemis de notre peuple ? Le vrai combat de l’opposition n’est-il pas de convaincre d’abord les mauritaniens de sortir de leur fatalisme et de les encadrer pour les aider à se libérer ?
Monsieur Diop Moustapha : Le premier corps de votre question donne réponse à vos interrogations. Le seul aspect qui constitue, pour nous, un handicap, c’est l’identification de « ceux qui veulent briser notre unité ». Ceci est un sujet qui pourra faire l’objet d’un autre échange.
La raison et le discernement doivent être notre credo pour que nul ne nous entraîne sur les chemins de l’égarement préjudiciable seulement à notre marche. Souvent la désinformation entretenue s’insère pernicieusement dans nos subconscients et, involontairement, nous rend esclaves de la volonté du manipulateur. Ce n’est pas pour rien que les techniques de désinformation ont été élevés, aujourd’hui, au rang de Sciences et Techniques dans les administrations sécuritaires des Etats qui y consacrent de consistants budgets.
Dans tous les cas, l’intelligence collective, car je doute fort que nous soyons un immense regroupement d’abrutis, la franchise des échanges et le sens de l’organisation viennent souvent à bout de ce genre d’inconvénients qu’il ne faut pas négliger ni minimiser mais dont il faut maîtriser les contours.
Pour convaincre les mauritaniens et les encadrer, il nous faudra commencer à leur donner d’abord l’image crédible d’éducateurs, même si ce mot me paraît chargé d’une ostensible prétention, et promouvoir avec eux des actes concrets de lutte susceptibles de renforcer la foi en un mouvement irréversible de changement. Toute initiative tendant au renversement du régime est à soutenir, à l’image du récent appel à l’Intifada du FMRD, le 06 Mai 2005, afin d’intensifier cette pression qui lui fera lâcher prise. Bien sûr que nous gagnerons en efficacité en promouvant la concertation et seule cette concertation dans l’action sera garante de nos succès.
AVOMM : Certains responsables de l’AVOMM ont déploré le manque d’implication de l’opposition qui n’a pas relayé la plainte introduite auprès du tribunal de 1ere instance de Bruxelles contre le colonel Taya pour crimes contre l'humanité , qu’en dites vous ?
Monsieur Diop Moustapha : Comment relayer une telle plainte, sinon en parler ? Je crois avoir lu plusieurs de ces mentions, auprès de tous les partenaires de notre lutte. N’oubliez pas que seuls les plaignants ont accès au dossier. Le profane en ignore le contenu exact qui, de par son aspect juridique maintenant, est devenu plus technique. Il est du devoir des responsables de l’AVOMM de faire connaître aux uns et aux autres ce qu’ils attendent d’eux. Cette tâche de coordination incombe à votre organisation qui a eu là un mérite incommensurable dont l’aboutissement, c’est vrai, devra être œuvre de tous.
AVOMM : A votre avis, quel soutien pourrait apporter l’Alliance Patriotique aux actions de parrainage initiées par l’AVOMM en faveur des veuves, orphelins et réfugiés mauritaniens ?
Monsieur Diop Moustapha : Celui que vous lui indiqueriez en fonction de la stratégie propre à l’AVOMM.
Ces actions, dirigées vers des populations si meurtries, méritent respect.
Grâces vous soient rendues de les entreprendre et de les conduire.
Toutefois, en dehors du lobbying en leur faveur qui nécessitent un support médiatique certain, il est évident que ceux d’entre nous qui ont devoir d’assistance doivent le faire dans l’humilité. Nos traditions nous y obligent.
AVOMM : Une dernière question Mr Diop : comment va votre ami l’ex président O/ HAIDALLA ? Ne pensez vous pas, au regard de la carrière militaire de cet homme, du moins d’après sa légende, qu’il y’a une sacrée différence entre le courageux colonel de la guerre du Sahara et le O/Haidalla d’aujourd’hui qui se laisse voler sa victoire électorale sans broncher ?
Monsieur Diop Moustapha : Ce fut la victoire de tout un peuple qui a été usurpée. Et cette victoire, le peuple l’avait mise entre les mains de son candidat, le président Haïdalla et entre nos mains aussi, nous qui avions été investis de sa confiance. Si faillite il y’a eu c’est notre faillite collective que nous avons devoir d’assumer.
Ma pensée respectueuse et admiratrice est pour tous ces partis, corporations, mouvements politiques, personnalités de la société civile, citoyens anonymes qui, dans un même élan, malgré des difficultés certaines, ont conjugués pourtant leurs efforts pour accepter d’abord un défi qu’on leur disait impossible à relever et qui ont fait mordre la poussière au pouvoir qui n’a eu d’autre voie que la prise d’otages pour imposer sa main mise sur un scrutin duquel il était mis hors jeu.
Le président Haïdalla, par trois fois est resté à poste : le 03 novembre, jour des perquisitions, avant le scrutin, le 06 novembre, jour de la première arrestation, la veille du scrutin et le 09 novembre 2003, jour de la deuxième arrestation, le lendemain du hold-up électoral ; pendant que se refermait de plus en plus autour de lui, autour de sa famille et autour de ses partisans l’étau de l’imposteur.
La prison, les tentatives d’humiliation, les inculpations pour lui et pour ses partisans de l’élection, dans d’autres procès, furent le prix à payer pour mettre définitivement à nu, devant le monde, médusé, l’incurie d’un système. Et ce ne fut pas rien, puisque plus jamais les choses ne seront comme avant en Mauritanie.
Etait-ce suffisant ? Chacun d’entre nous a-t-il joué convenablement son rôle dans ces moments cruciaux de la vie de notre pays ? L’histoire proche nous le dira mais une chose est indéniable, cette victoire volée est celle qui enlève toute légitimité et toute légalité au pouvoir actuel du colonel Maouya Ould Sid’Ahmed Taya et qui justifie qu’il demeure une cible à l’identique de ce qu’il a fait de nous tous depuis si longtemps déjà.
AVOMM : Monsieur Diop Moustapha, merci d’avoir accepté notre invitation
Il définit et oriente les objectifs de son mouvement et décline ses rapports avec les autres sans pour autant vouloir plaire à n'importe quel prix. De tout ce qu'il dit ou ne dit pas, on sent, tout au long de cet entretien, la détermination farouche de l’ officier à mener une lutte sans merci contre le pouvoir dictatorial de Ould Taya. Et puis il y a l'homme, serein et confiant qui n'hésite pas, à exprimer sa fidélité à son compagnon l'Ex Président Haidalla.
Med
AVOMM : Mr Diop, merci de nous recevoir aujourd’hui, l'usage voudrait que notre invité se présente et parle de son parcours ainsi que de son engagement et ses ambitions pour le pays. Quoique connaissant votre humilité; nous vous demandons néanmoins de vous soumettre à cet exercice; pour permettre à nos lecteurs de connaître Mr Diop Moustapha ?
Monsieur Diop Moustapha : Je suis touché par la déférence avec laquelle vous me traitez même si je m’attends à des questions sans complaisance. Et vous aurez aussi, comme vous le souhaitez, des réponses sans complaisance.
Ma carrière d’officier de Marine et au gouvernement a aidé, je crois, à me faire connaître. Vous savez, quand vous avez, très jeune, exercé de hautes responsabilités publiques, cela vous fait connaître ; cependant, toute humilité tue, je vais sacrifier au rituel.
Je suis né, à Kaédi, à Gattaga, précisément, en 1953 ; j’y ai achevé mes études primaires. Après trois années au lycée de Nouakchott, dont une année blanche pour cause des évènements de 1966, j’ai intègré, en 1967, l’Ecole Militaire Préparatoire Technique du Mans, en classe de 4°. J’y suis resté jusqu’en Terminale ; en 1972, j’obtiens le baccalauréat dans la série E. Ensuite, j’intègre l’Ecole Navale de Brest, d’où je sors, en 1974, avec le diplôme d’officier de Marine. Il faut, à ce niveau, signaler que j’étais le troisième officier de Marine de Mauritanie, ce qui expliquera, plus tard, mon ascension rapide aux plus hautes responsabilités de ce corps technique de l’Armée. Les deux premiers officiers étaient feu l’Enseigne de Vaisseau Yacoub Ould Ragel et le Lieutenant de Vaisseau Dahane Ahmed Mahmoud. La maladie écarta très tôt Yacoub du commandement et, la guerre du Sahara et les premières convulsions dans la hiérarchie militaire apparaissant, Dahane fut un moment mis en disgrâce, puis réhabilité par une promotion à la fonction de Permanent du CMSN, en 1980. Je me retrouvais donc à la tête de la Marine Nationale, en intérim pendant deux années et titulaire durant deux autres années, avant d’entrer au gouvernement, à la mi-année de 1981. Pour l’anecdote, je vous dirai que mon accession au poste de ministre de l’information, cumulativement avec les fonctions de Permanent adjoint du CMSN, était due à une réplique du Président Haïdalla, pour nous faire « mettre la main à la pâte », selon son _expression, après que Dahane et moi aillions suscité la fronde d’avril 1981 au sein du CMSN, suite à la tentative de putsch du 16 mars.
Nous avions réussi à convaincre, avec un certain risque, plusieurs dinosaures de l’instance, de la nécessité de mettre un terme au processus démocratique en cours à ce moment-là. Ayant mis en minorité les partisans de la poursuite du processus malgré le 16 mars, emmené par le Président lui-même, celui-ci entra dans une violente colère contre nous et nous demanda de nous préparer à intégrer le gouvernement « puisque nous tenions tant à l’exercice du pouvoir ». Cela nous parut caricatural et injuste comme jugement, puisque nous avions seulement estimé que le gouvernement civil, mis en place pour conduire le processus démocratique, s’était dévoyé et qu’il s’était mis dans l’incapacité de gérer et d’assurer la sécurité première du pays. Bref, nous allions intégrer le gouvernement…par sanction. Haïdalla savait bien que plusieurs parmi nous, surtout moi, étions plus heureux parmi nos hommes, à exercer notre métier des armes.
Après un bref et tumultueux passage à l’Information, je m’en fus au Commerce et à l’Industrie, avant de prendre la tête du Bureau de Sécurité, jusqu’au 12 décembre 1984. Ce fut ensuite le parcours de tout vaincu : la prison pendant quatre ans, la relégation. La suite est connue.
AVOMM : Vous êtes le porte parole de l’Alliance Patriotique, pouvez vous nous parler de votre organisation?
Monsieur Diop Moustapha : Cela serait bien long et ennuyeux de parler d’un mouvement politique de nos jours.
En Juillet 2004, l’Alliance Patriotique avait donné le ton, dans le communiqué annonçant sa création. Et depuis, dans ses différents actes, jusqu’à celui, récent, qui rendait public son instance exécutive, le mouvement a réitéré ses objectifs et ses choix de lutte, sans ambiguïté. L’Alliance Patriotique est née de la volonté souveraine d’hommes et de femmes de sensibilités multiples, venus d’horizons divers, unis dans une dynamique de résistance à la barbarie d’un système de trahison nationale, falsificateur et usurpateur. Nul besoin de revenir sur les forfaitures du pouvoir à Nouakchott, elles sont connues de tous et de toutes. L’essentiel est maintenant de se définir et surtout de définir, au vu de tous les maux, des souffrances vécues et prévisibles, du joug sous lequel nous ployons, quelle voie s’offre à nous pour sortir de cette épreuve et bâtir ce qui, à nos yeux, sera une nation plurielle, unie dans sa diversité culturelle, ethnique, raciale, linguistique. Une fois ces postulats émis, acceptés et irréversiblement établis, alors les contours d’une démocratie réelle, concertée, en seront les garants.
Ce combat n’est commun qu’entre ceux qui partagent ces mêmes objectifs. L’Alliance Patriotique n’est pas sortie de la cuisse de Jupiter, ni aucune autre entité, à ce que je sache ; le constat et les objectifs nous sont en partage avec beaucoup de partis et de mouvements. Notre différence avec certains d’entre eux ne réside que dans les conclusions et les choix de la lutte. Ce qui ne saurait être suffisant pour en faire des ennemis, tout juste des partenaires agaçants.
Nous respectons les autres compagnons de lutte et pensons que la diversité de celle-ci peut, si elle est complémentaire et non antagonique, ni hostile, contribuer à ébranler les murs de la citadelle de l’infamie. A ce niveau, nous prions, de toute notre âme, pour que ceux qui pensent être plus déterminés et avoir de meilleures approches, précipitent la chute du tyran car cette chute-là demeure un préalable nécessaire à la refondation de notre nation. Tant que ce système est là, la sérénité désertera nos esprits.
Hélas, dans les rangs de l’opposition, bien souvent, certains braves se trompent de cible et gaspillent inutilement des cartouches sémantiques dont les troupes auraient bien besoin. Mais ceci est une autre affaire et paraît-il normal dans notre contexte. Cela me rappelle opportunément le bon mot du philosophe-théologien : « lorsque la bataille dure trop longtemps et que le siège perdure, seul se renforce l’assiégé ; alors, les alliés, en dehors du fortin, se retournent les uns contre les autres.» Peut-être les effets de la lassitude…
L’Alliance Patriotique, quant à elle, fait le serment de ne lever le glaive que contre l’ennemi. D’ailleurs, en raison de la faiblesse de ses moyens, elle ne saurait les divertir ailleurs. Le terme de la lutte, si Dieu nous prête vie, jugera les uns et les autres.
L’ennemi a choisi pour nous et le champ de bataille et les armes. Ce combat sera sans quartier, puisqu’il l’a ainsi voulu et l’applique sur nous chaque jour depuis si longtemps. L’élémentaire instinct de conservation, dans un ultime sursaut, nous commande une légitime défense d’où ne peuvent qu’être exclus la tergiversation, l’amalgame et le futile. Les seuls énoncés des souffrances endurées et la litanie des méfaits du colonel Ould Taya et de ses complices suffisent à justifier cette résistance à la décimation de tout un pays.
L’Alliance Patriotique n’a pas un monopole de lutte ; elle participe à des combats engagés bien souvent avant elle ; aussi, prônera-t-elle la concertation et la complémentarité dans l’action mais n’en fera pas un préalable pour agir. Le secret ne réside pas dans notre volonté d’en découdre avec le pouvoir du colonel Ould Taya, nous n’en avons jamais fait mystère ; ce sera la stratégie qui sera énigme pour l’ennemi et ses fouineurs.
AVOMM : Mr Ely o / Sneiba revendique depuis son lieu de résidence le poste que vous occupez. Parlez nous un peu de ce différent ?
Monsieur Diop Moustapha : Cette question est pour moi sans objet.
L’Alliance Patriotique, comme tous les mouvements, a désigné, souverainement, son instance exécutive, publié des dispositions et en a informé ses partenaires, qui ont pris acte et respectent ses décisions.
Je crois savoir que l’AVOMM a remanié tout récemment son instance dirigeante, en nommant un nouveau responsable aux relations extérieures, ce dont nous avons pris acte après en avoir été informés.
AVOMM : Mr Diop Moustapha , vous êtes l’officier le plus titré de l’armée Mauritanienne en exil ; des centaines de soldats , des dizaines d’officiers courent les rues d’Afrique et d’Europe ; n'avez-vous pas songé à unir les rangs de tout ce monde et pourquoi pas appeler à la résistance armée, être ce leader unificateur que les Mauritaniens attendent depuis longtemps ?
Monsieur Diop Moustapha : Vous allez vous attirer de sacrés ennuis avec la qualification et le dessein que vous projetez pour moi ! .
C’est flatteur, je vous sais gré de cela, mais je ne suis pas l’officier le plus titré en exil mais un officier, parmi d’autres, sûrement.
L’exil, intérieur ou extérieur est une bien douloureuse et pénible existence. Il impose des contraintes qui vous redéfinissent l’homme et font naître en lui, parfois, des réflexes nouveaux dus à l’environnement. Le subconscient aussi est mis à rude épreuve et souvent le sentiment de culpabilité conduit à des émotions réactives qui dénaturent le véritable sens que l’on veut imprimer à ses expressions. D’où des dérives souvent constatées ça et là. Mais tout devrait être pardonnable lorsque l’essentiel préoccupe tant et se situe ailleurs.
Les structures de l’opposition à l’extérieur unissent, en leur sein, des civils et des militaires sans distinction de statut.
Notre rôle à tous - et c’est peut-être plus vrai pour ceux, d’entre nous, qui ont exercé un commandement et qui se retrouvent sur la Roche Tarpéienne avec leurs anciens subordonnés – c’est d’abord, de chercher à contribuer à rassurer, à lever des doutes en nous et à raffermir la solidarité. En vérité, au delà de l’hostilité que l’on peut manifester à l’endroit les uns des autres, aujourd’hui, tous ont un statut commun, celui d’exilés, d’apatrides. Les appartenances à des mouvements ou organisations divers ne sauraient constituer un handicap pour les militaires. Il ne s’agit pas de créer une légion à l’étranger mais plutôt de définir des tâches où le critère de la compétence prend en compte, les capacités de chaque individu. Je note, par exemple, une grande compétence de militaires dans l’exercice de défense des droits humains et dans l’action humanitaire. C’est le cas à l’AVOMM et à l’OCVIDH. Les avancées que ces organisations humanitaires ont acquises, souvent dans la discrétion, sont reconnues tant par les organisations internationales qui sont leur partenaires, et qui en témoignent, que par les bénéficiaires de leur assistance et de leur aide.
La satisfaction et les témoignages de ceux-là sont leur seule récompense et leur moteur pour poursuivre encore et encore.
L’unification des rangs des seuls militaires comporte des germes de particularisme qui ne seyent pas à la résistance. Or, celle-là est commune à toutes les franges de la population. La résistance est un acte hautement volontaire, fait d’engagement profond et de sacrifices ; elle ne saurait être l’apanage des seuls militaires. L’histoire nous apprend que de grands résistants étaient aussi civils, sans formation militaire particulière : Castro, le Che, Cienfuegos n’étaient pas gens d’armes ; Jean Moulin et Rol-Tanguy, non plus. Dans nos contrées, combien de résistants au colon ou de combattants de nos royaumes et émirats avaient une réelle formation militaire académique ?
Je dirai que les multiples et fréquents contacts que j’ai avec les uns et les autres me confortent dans l’idée qu’il y’a des preux, civils et militaires, qui, en exil, silencieux et discrets, agissent, efficacement, pour le bien de tous, sans en rechercher panache ou citations. A ces innombrables anonymes, reviendra, un jour la parole de vérité, c’est ma conviction.
Quant au leader unificateur que les mauritaniens attendent, je pense qu’ils le veulent unificateur d’abord dans le projet d’une société plurielle où chaque composante s’épanouira dans sa différence, sa culture sa langue, où sera à jamais banni l’esclavage, le racisme et le tribalisme. Ils le voudront aussi unificateur de tous les segments de notre population, engagés avec détermination dans la lutte contre la tyrannie. Cet unificateur, autour duquel se cristalliseront les espoirs et qui saura porter le fardeau de nos contradictions, pourra aussi bien nous venir d’un anonyme, dans un village ou un hameau, quelque part dans un coin perdu de ce vaste territoire où plus personne n’est épargné par les hordes du bourreau.
La résistance sera dans chaque cœur et armera chaque bras. Le pouvoir a fait de chaque mauritanien une cible potentielle de sa répression. Le lourd tribut payé par la communauté négro-africaine par les assassinats, les déportations, les expropriations, l’esclavage avoué par le colonel lui-même à Akjoujt, le tribalisation de tous les corps de l’Etat, l’extinction de toutes les voies d’alternance pacifique, la répression, les intimidations, la gestion familiale du patrimoine national, les tortures subies par les patriotes en prison et les récentes arrestations sont autant de facteurs qui ne laissent plus aucun choix à ce peuple, sinon la résistance à la dimension de la forfaiture. Et avec les mêmes armes. Ou disparaître.
AVOMM : On ne peut pas parler de l’opposition Mauritanienne en exil sans parler des Forces de Libération Africaines de Mauritanie (les flam), avez-vous en tant qu’organisation des relations avec les flam ; si oui quelles sont ces relations ? Si non envisagez-vous travailler ensemble pour mieux optimiser vos moyens de lutte contre votre ennemi commun à savoir le régime en place ?
Monsieur Diop Moustapha : Les FLAM sont partie de l’opposition mauritanienne en exil. La particularité de ce mouvement c’est qu’il en est le doyen et a, de ce fait, un capital de lutte à partager. Je rappelle, au passage, que les Flam, avant l’exil, étaient déjà un mouvement d’opposition au régime auquel je participais ; certes, il était illégal - donc en clandestinité (ou presque) - en raison de la nature prétorienne de notre gouvernement, mais il agissait sur le territoire national. A l’époque, nous étions la cible de leur sagacité et des tracts qui nous procuraient de vrais embarras. Pourtant, certains futurs responsables des Flam exerçaient librement leur profession, parfois aussi avaient goûté, momentanément, aux froidures des gêoles. Mais, assurément, nous n’avions pas Walata, ni Inal, ni Azlat. Pour l’anecdote, puisque c’est maintenant connu, lorsque j’étais ministre de l’information, j’avais choisi de nommer un de leurs membres fondateurs, et pas des moindres, agitateur devant l’Eternel, le journaliste-poête Ibrahima Sarr, directeur de Radio Mauritanie. Le CMSN préféra un militaire à un civil pour de simples raisons de verrouillage et l’affaire en resta là.
J’avais regretté cet échec, puisque cela aurait permis, à un professionnel, contestataire certes mais compétent, de mettre en application une politique de réforme de l’information que nous avions mise en chantier avec les gens du métier. Plus tard, la frilosité l’emporta et la réforme fut enterrée…et le ministre avec. Ceci, pour vous dire que mes relations avec les Flam ne datent pas d’aujourd’hui, même si certains ont quitté le mouvement sans pour autant renier leur foi dans la lutte et continuent le combat sous d’autres formes avec la même énergie. Je rappelle que c’est l’intervention mémorable de ce même Ibrahima Sarr, devenu député, dans le cénacle du pouvoir législatif asservi, sur les assassinats impunis, sur le sort des déportés, sur l’esclavage qui a déstabilisé le pouvoir au point de l’amener à interdire son parti, Action pour le Changement. Si je rappelle ces points c’est pour dire que des constantes sont là pour impulser toutes les formes de lutte et de résistance. L’esprit premier demeure. A l’Alliance Patriotique nous nous enrichissons sans complexe des acquis obtenus au nom de l’opposition entière, dans ses différents segments, qu’ils appartiennent à l’intérieur ou à l’extérieur, qu’ils aient opté pour la résistance armée ou qu’ils s’en tiennent éloignés. Il est évident qu’un parti légal ne saurait opter pour la lutte armée à moins de se dissoudre et se fondre dans le maquis.
Notre mouvement est récent, il est né dans une conjoncture particulière pour des objectifs précis. Il achève sa structuration et serait désireux, naturellement, d’entretenir des relations sincères et fructueuses avec le mouvement des Flam, pour que, forts de leur expérience, rechercher ensemble des ressorts qui propulsent la lutte vers son terme victorieux. Pour que cet objectif ne soit pas un vœux pieux il est nécessaire que la concertation se fasse dans une meilleure connaissance de l’autre pour jeter aux orties les préjugés et les à priori ; alors, le dessein commun permettra de définir ce que sera la stratégie pour « optimiser les moyens de lutte contre l’ennemi commun » comme vous dites.
Vous savez, l’unanisme n’a jamais été la règle, même au sein d’un même mouvement. C’est la synthèse de la diversité de pensée qui enrichit les débats internes et ordonne des orientations qui s’imposent aux militants. Il en est de même pour une concertation entre mouvements poursuivant les mêmes objectifs puisque la logique voudrait d’ailleurs que ceux qui ne poursuivent pas les mêmes objectifs ne s’assoient même pas ensemble sinon pour faire des ronds de jambes.
Toutefois, vous accepterez que la primeur de nos initiatives communes soit réservée aux hiérarchies statutaires des deux mouvements. Mon expérience m’a appris que les choses trop vite déflorées avortent aussi vite. Mais une chose est évidente, nous considérons les Flam comme partenaire naturel et les liens d’amitié entre les personnes peuvent rendre plus faciles bien de choses.
Cette même approche nous l’aurons aussi avec les autres partenaires de l’opposition radicale.
AVOMM : En Août 2004, des rumeurs ont fait état de la participation de votre organisation à la tentative de coup d’état contre le régime, avec la collaboration des cavaliers du changement ; peut-on en déduire que les cavaliers de changement et l'Alliance Patriotique mènent le même combat et ont les mêmes objectifs?
Monsieur Diop Moustapha : Il ne s’agissait pas de rumeurs ; c’est le ministre de la défense du gouvernement du colonel Ould Taya qui a porté, officiellement, cette accusation sur les média d’état. Par cette même déclaration, il impliquait aussi le jordanien Zarkaoui proche d’Al Qaida et une autre nébuleuse soit-disant « islamiste terroriste ». Ce qui, quand même, avouons-le, constituait un trop plein que n’auraient certainement pas pu contenir les forces du régime. Par la suite, cette accusation a été abandonnée par les autorités mauritaniennes. Les Cavaliers du Changement sont un mouvement patriotique de révolte puis de résistance, né dans la foulée de l’insurrection d’une partie de l’armée, en juin 2003. Comme les autres forces de l’opposition, ses animateurs ont défini un programme politique, pour une phase de transition ; nous soutenons leurs efforts et ne nous cachons pas d’entretenir, avec eux, des liens de solidarité. Le commandant Saleh Ould Hanenna et le capitaine Abderrahmane Ould Miny ont prouvé, je crois, leur valeur d’hommes de détermination durant le procès de Ouad Naga. Le flambeau est solidement repris par le commandant Mohamed Ould Cheikhna et ses amis qui poursuivent, avec perspicacité et vaillance, le combat.
AVOMM : Beaucoup de mauritaniens sont devenus sceptiques à force de voir l’opposition confrontée, de façon régulière, à des règlements de compte, des querelles politiciennes, d’autres sont découragés en voyant tant de forces saines devenir inefficaces parce que trop dispersées. A votre avis que faudrait-il faire pour en finir définitivement avec les querelles partisanes ?
Monsieur Diop Moustapha : Ce jugement des mauritaniens dont vous vous faites l’écho serait sévère et sans appel s’il reflète leur sentiment profond. Il est vrai qu’il y’a matière à s’indigner des querelles politiciennes, des règlements de compte cryto-personnels primaires. Toutefois, je pense sincèrement que ce n’est pas ce qui va déterminer l’issue du combat que ce peuple mène contre la tyrannie. Nous devons faire la part des choses. Il y’a ce que j’appelle des débats féconds qui opposent entre elles des idées saines, constructives d’où naissent toujours des enseignements profitables pour tous ; et il y’a le futile, l’insulte, la diffamation gratuite pour lesquels il ne saurait y avoir de réponse. Ne mélangeons pas les genres. Il serait dangereux et inquiétant si nous devions tous avoir le même mode de pensée c’est à dire aboutir à la pensée unique qui ne conduit qu’à l’abrutissement des esprits. Ceci est l’archétype des dictatures obscures réduites à l’état de fossiles par l’évolution de nos sociétés et par les conquêtes démocratiques. Or les fossiles sont destinés aux musées et non à la reproduction.
Je ne saurais croire un instant que les mauritaniens soient devenus sceptiques parce que des personnes se réclamant de l’opposition ont érigé le règlement de compte personnel et la querelle politicienne en système de combat politique Le mauritanien se préoccupe surtout de sa survie, de sa sécurité, de la reconquête de ses droits spoliés et cela, nul ne saurait l’en détourner. Le combat qui est mené est un combat reconnu et accepté pour tout être humain, celui à la vie, à la justice, à la dignité et pour cela, nous accompagnent tous ceux, dans le monde, qui sont imprégnés de l’universalité et de la légitimité de combat-là. Nous ne sommes pas seuls et d’autres se lèveront, au nom du droit à l’ingérence humanitaire, à celui de l’assistance à peuple en danger, si nous devions faillir. Que les dérives de plus en plus dénoncées puissent faire penser à une dispersion d’énergie serait injuste car elles n’entament en rien la détermination du plus grand nombre. Elles disqualifient tout simplement leurs auteurs.
Les préoccupations des populations conduisent à une telle exigence de changement radical qu’il ne saurait y avoir place pour le désespoir. Nous sommes condamnés à gagner cette guerre-là. Certes, des déceptions peuvent éclore ça et là mais sûrement pas pour éteindre la ferveur de vaincre.
En finir avec les querelles partisanes relèvent d’un vaste programme, comme dirait l’autre, mais il y’a la force de cette armée de déshérités pour lesquels ces querelles sont le rideau de fumée qui cachent bien des incertitudes et des hésitations, et qui ne s’en soucient plus guère car elles ont duré le temps que dure la dissipation d’une fumée.
AVOMM : Le peuple mauritanien a-t-il les moyens d’en finir avec ce pouvoir ou serait-il simplement incapable de la moindre initiative au moment où d’autres peuples ont pu chasser leurs dictateurs en occupant la rue et les institutions sans la moindre effusion de sang ?
Monsieur Diop Moustapha : Si nous n’avons pas la conviction que ce peuple a les moyens d’en finir avec le pouvoir que nous resterait-il de notre engagement, de notre foi ? Il est vrai que les élites déçoivent peut-être mais il est vrai aussi qu’un peuple sait toujours reprendre son destin en main, reprendre ce qu’il avait confié ou ce qui lui avait été usurpé. Les mauritaniens ne sont pas plus lâches ni plus immatures que la moyenne humaine. Peut-être sommes-nous, seulement, en retard. Il faut quand même reconnaître, que les pays auxquels vous faites allusion, ne sont pas toujours tributaires de divisons ethniques ni confrontés à des régimes coupables de crimes contre l’humanité. Le cas mauritanien n’est pas facile mais l’horizon de plus en plus s’éclaircit..
AVOMM : Le rapprochement entre les différentes sensibilités de l’opposition radicale n’est-il pas le meilleur moyen de contrecarrer ceux qui veulent briser notre unité et donner des motifs "légitimes" aux ennemis de notre peuple ? Le vrai combat de l’opposition n’est-il pas de convaincre d’abord les mauritaniens de sortir de leur fatalisme et de les encadrer pour les aider à se libérer ?
Monsieur Diop Moustapha : Le premier corps de votre question donne réponse à vos interrogations. Le seul aspect qui constitue, pour nous, un handicap, c’est l’identification de « ceux qui veulent briser notre unité ». Ceci est un sujet qui pourra faire l’objet d’un autre échange.
La raison et le discernement doivent être notre credo pour que nul ne nous entraîne sur les chemins de l’égarement préjudiciable seulement à notre marche. Souvent la désinformation entretenue s’insère pernicieusement dans nos subconscients et, involontairement, nous rend esclaves de la volonté du manipulateur. Ce n’est pas pour rien que les techniques de désinformation ont été élevés, aujourd’hui, au rang de Sciences et Techniques dans les administrations sécuritaires des Etats qui y consacrent de consistants budgets.
Dans tous les cas, l’intelligence collective, car je doute fort que nous soyons un immense regroupement d’abrutis, la franchise des échanges et le sens de l’organisation viennent souvent à bout de ce genre d’inconvénients qu’il ne faut pas négliger ni minimiser mais dont il faut maîtriser les contours.
Pour convaincre les mauritaniens et les encadrer, il nous faudra commencer à leur donner d’abord l’image crédible d’éducateurs, même si ce mot me paraît chargé d’une ostensible prétention, et promouvoir avec eux des actes concrets de lutte susceptibles de renforcer la foi en un mouvement irréversible de changement. Toute initiative tendant au renversement du régime est à soutenir, à l’image du récent appel à l’Intifada du FMRD, le 06 Mai 2005, afin d’intensifier cette pression qui lui fera lâcher prise. Bien sûr que nous gagnerons en efficacité en promouvant la concertation et seule cette concertation dans l’action sera garante de nos succès.
AVOMM : Certains responsables de l’AVOMM ont déploré le manque d’implication de l’opposition qui n’a pas relayé la plainte introduite auprès du tribunal de 1ere instance de Bruxelles contre le colonel Taya pour crimes contre l'humanité , qu’en dites vous ?
Monsieur Diop Moustapha : Comment relayer une telle plainte, sinon en parler ? Je crois avoir lu plusieurs de ces mentions, auprès de tous les partenaires de notre lutte. N’oubliez pas que seuls les plaignants ont accès au dossier. Le profane en ignore le contenu exact qui, de par son aspect juridique maintenant, est devenu plus technique. Il est du devoir des responsables de l’AVOMM de faire connaître aux uns et aux autres ce qu’ils attendent d’eux. Cette tâche de coordination incombe à votre organisation qui a eu là un mérite incommensurable dont l’aboutissement, c’est vrai, devra être œuvre de tous.
AVOMM : A votre avis, quel soutien pourrait apporter l’Alliance Patriotique aux actions de parrainage initiées par l’AVOMM en faveur des veuves, orphelins et réfugiés mauritaniens ?
Monsieur Diop Moustapha : Celui que vous lui indiqueriez en fonction de la stratégie propre à l’AVOMM.
Ces actions, dirigées vers des populations si meurtries, méritent respect.
Grâces vous soient rendues de les entreprendre et de les conduire.
Toutefois, en dehors du lobbying en leur faveur qui nécessitent un support médiatique certain, il est évident que ceux d’entre nous qui ont devoir d’assistance doivent le faire dans l’humilité. Nos traditions nous y obligent.
AVOMM : Une dernière question Mr Diop : comment va votre ami l’ex président O/ HAIDALLA ? Ne pensez vous pas, au regard de la carrière militaire de cet homme, du moins d’après sa légende, qu’il y’a une sacrée différence entre le courageux colonel de la guerre du Sahara et le O/Haidalla d’aujourd’hui qui se laisse voler sa victoire électorale sans broncher ?
Monsieur Diop Moustapha : Ce fut la victoire de tout un peuple qui a été usurpée. Et cette victoire, le peuple l’avait mise entre les mains de son candidat, le président Haïdalla et entre nos mains aussi, nous qui avions été investis de sa confiance. Si faillite il y’a eu c’est notre faillite collective que nous avons devoir d’assumer.
Ma pensée respectueuse et admiratrice est pour tous ces partis, corporations, mouvements politiques, personnalités de la société civile, citoyens anonymes qui, dans un même élan, malgré des difficultés certaines, ont conjugués pourtant leurs efforts pour accepter d’abord un défi qu’on leur disait impossible à relever et qui ont fait mordre la poussière au pouvoir qui n’a eu d’autre voie que la prise d’otages pour imposer sa main mise sur un scrutin duquel il était mis hors jeu.
Le président Haïdalla, par trois fois est resté à poste : le 03 novembre, jour des perquisitions, avant le scrutin, le 06 novembre, jour de la première arrestation, la veille du scrutin et le 09 novembre 2003, jour de la deuxième arrestation, le lendemain du hold-up électoral ; pendant que se refermait de plus en plus autour de lui, autour de sa famille et autour de ses partisans l’étau de l’imposteur.
La prison, les tentatives d’humiliation, les inculpations pour lui et pour ses partisans de l’élection, dans d’autres procès, furent le prix à payer pour mettre définitivement à nu, devant le monde, médusé, l’incurie d’un système. Et ce ne fut pas rien, puisque plus jamais les choses ne seront comme avant en Mauritanie.
Etait-ce suffisant ? Chacun d’entre nous a-t-il joué convenablement son rôle dans ces moments cruciaux de la vie de notre pays ? L’histoire proche nous le dira mais une chose est indéniable, cette victoire volée est celle qui enlève toute légitimité et toute légalité au pouvoir actuel du colonel Maouya Ould Sid’Ahmed Taya et qui justifie qu’il demeure une cible à l’identique de ce qu’il a fait de nous tous depuis si longtemps déjà.
AVOMM : Monsieur Diop Moustapha, merci d’avoir accepté notre invitation