1. Et maintenant sur un tout autre sujet, qu'est devenu votre mouvement, « les Cavaliers du Changement » ?
Vous dites mon mouvement ? Vous faites une erreur de casting ! Les Cavaliers du Changement étaient l’organisation militaire dont l’Alliance Patriotique (AP) constituait l’aile politique.
Suite aux péripéties qui ont suivi la chute de Ould Taya, les « Cavaliers du Changement », sous la houlette du Commandant Mohamed Cheikhna, qui en avait pris le commandement après l’arrestation, à Nouakchott, de Abderrahmane Minnih et de Salah Hannena, entre autres, avait décidé, avec certains de ses hommes, de rompre l’exil et de rentrer, suite à l’amnistie que nous avions demandée dans la DECLARATION DE DAKAR du 16 août 2005.
La démocratie étant, par nature, synonyme de renoncements, de frictions, de ruptures, les Cavaliers n’y échappèrent pas. J’en fus consterné, car ce sont mes amis avec lesquels nous avons, quand même, partagé des joies et des peines même si nous avions commencé à diverger dans certaines formes d’approche dans le suivi de la lutte en commun menée. Mais c’est connu, je demeure toujours fidèle à l’amitié et ce n’est pas la politique aléatoire, versatile, qui m’en détournera. Beaucoup m’ont abandonné pour avoir gardé l’amitié de ceux qu’ils honnissent, mais qu’ils retrouveront car la vie est si complexe.
Pour finir sur ce chapitre, une partie du noyau des Cavaliers constitua le parti politique, HATEM et certains rejoignirent des partis politiques, en ordre dispersé.
2. Comment naquirent alors l’Alliance et la Coalition des Forces Patriotiques ? Quelles étaient leurs perspectives ?
Nous étions, c’est vrai, trop ambitieux, trop prétentieux même, je le reconnais, 16 ans après !
Une ambition, certainement, beaucoup trop grande et que ne pouvaient contenir toutes nos petites têtes réunies ! Une ambition de patriotes, pourtant, pour un pays auquel toutes les générations doivent tout.
Les Cavaliers avaient senti la nécessité de faire mieux connaitre leur mouvement, leurs objectifs, leur programme afin de faire cesser ces jugements réducteurs qui ne les confinaient qu’à cette image de « séditieux armés de deubbab-deubbab » comme il en avait pullulé et en pullulaient encore dans ces contrées.
Des concertations rapides entre les Chefs des Cavaliers et un nombre réduit d’acteurs politiques, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, porta sur les fonts baptismaux, l’Alliance Patriotique.
Ce fut elle qui s’en fut courir les personnalités et institutions officielles des pays africains, européens et américains pour prêcher.
Souvent dans une gêne terrible, surtout quand il fallut expliquer, au cœur de l’Assemblée Nationale française, Haut lieu de l’expression de la Démocratie, la nécessité d’un coup d’Etat contre un régime prétendument élu démocratiquement et demander, naïvement, leur soutien. Eh oui, bien naïvement !
Toutefois, après le verdict de Ouad Naga, qui condamnait à la peine capitale certains Cavaliers, capturés lors de la dernière attaque avortée de Nouakchott, en 2005, nous avions, avec l’entregent des hommes de CR, entres autres, pu obtenir de monsieur Robert Badinter une déclaration orale en faveur des condamnés ! Cette intervention radiophonique fut du meilleur effet car je suis sûr, encore aujourd’hui, qu’elle suspendit le sabre du bourreau.
Ces moments-là, je suis sûr encore aujourd’hui, participèrent à murir la décision de destituer Ould Taya, dans la tête du Colonel Aziz. Ill aidera surement à préciser ce point aussi, dans ses Mémoires.
Quant à la Coalition, elle, naquit, c’est vrai, d’une initiative de membres de l’ALLIANCE PATRIOTIQUE (AP).
L’AP, je rappelle, était composée d’hommes et de femmes issus d’horizons divers ; ils en étaient souvent membres clandestinement, pour faire l’économie de heurts inutiles avec leurs mouvements d’origine, qui ne souffraient pas l’existence d’organisations autres que les leurs ! C’était à l’époque de l’antiquité des oppositions en exil !
L’AP s’était choisie comme Président, feu le Professeur Moustapha Boly Saidou Kane, dont le charisme, la vision, le sens de la mesure et du compromis auraient destiné au leadership de tout Mouvement ou Parti politique ou de toutes hautes charges publiques, dans ce pays.
Pourtant, il fut combattu avec une rare violence et l’AP ne fut guère épargnée, pour cela !
Il est heureux quand même qu’il soit, aujourd’hui, honoré par tous.
Paix à son âme, Amine Ya Rabbi.
3. Mais comment naquit la COALITION ? Comment voyiez-vous surtout son implication dans ce qui se dessinait après le 03 août 2005 ?
Après le putsch du 03 août 2005, nous avions formé, dans une précipitation justifiée par la célérité des évènements, la COALITION DES FORCES PATRIOTIQUES MAURITANIENNES.
Cette célérité nous amena à prendre des décisions urgentes, sans nous embarrasser des procédures internes de nos mouvements. Ainsi le sagace Jemal Ould Yessa et moi-même engagions officiellement l’AP dont le Président se trouvait en conférence à Genève. Je me chargeais de contacter les FLAM par l’intermédiaire de leur secrétaire aux relations extérieures d’alors, monsieur Ba Mamadou BOCAR. L’urgence d’être à Dakar, une semaine après le putsch, le 10 août 2005, pour rencontrer le Président Wade, dont l’agenda était fermé, obligea à des acrobaties dont je me demande, encore, comment elles furent possibles. La volonté, dit-on, donne des ailes. Toujours est-il que Mamadou Bocar m’accompagna, avec les autres de Paris qui furent diversement contactés, comme l’OCVIDH. Les billets avaient été rapidement disponibilisés auprès de Brussels Airlines par des amis, sollicités par l’AP, qui tenaient, eux-aussi, à participer, à leur élégante façon, à une initiative de paix en Mauritanie.
Une fois créée, la Coalition me désigna comme porte-parole, par courtoisie, je suppose. Le 16 août 2005, suite aux rencontres de Dakar, avec la facilitation du Président sénégalais Abdoulaye WADE, la Coalition proclama la DECLARATION DE DAKAR (La DDD), après moult débats, parfois houleux.
Pour l’anecdote, notre Président Saidou Kane nous rejoignit à Dakar et entama une consultation informatique entre les membres de l’AP afin d’évaluer notre initiative, Yessa et moi-même, pour impliqué l’AP, hors décision des instances compétentes. Le verdict tomba: Félicitations pour l’initiative et ses conclusions…sanctionnées par deux mois de suspension ! Fallait que les principes administratifs jouent, disait-il !
Jamais de ma vie de commandement à haut niveau, je n’avais envisagé sanction plus joyeuse ! C’était ça aussi Saïdou Kane.
Restés à Dakar, le Professeur Saidou Kane, Limam Chavi et moi-même, nous étions convaincus de pouvoir rallier à la DDD nombre de partis, mouvements, associations, société civile, anciens Présidents et Premiers ministres, Oulémas et surtout le CMJD. Rien de moins.
Je signifiais, à l’un à l’autre, mon pessimisme devant tant de labeur tellement les tirs groupés, des opposants à la Coalition, étaient nourris. Saidou Kane me répondit, avec cet humour qui lui était si caractéristique dans les situations de grands défis : « toi comme moi avons toujours dit que l’impossible ou le possible ne sont vécus qu’après avoir été tenté » ! Oui, nous allions tenter.
Ainsi, décida-t-il de rentrer à Nouakchott pour y porter, la bonne parole, oui la bonne parole ! Je pense qu’il fut une espèce de Messie, apparut trop tôt sur des terres qui n’étaient même pas siennes.
4. Dans le contexte de la chute deb[ Ould Taya, vues les attentes de l’opposition d’alors, la démarche de votre Coalition pouvait-elle susciter adhésion dans la classe politique, à l’intérieur !]b
OH NON ! Cette opposition s’imaginait que le CMJD lui céderait le pouvoir au plus vite et qu’il ne fallait donc pas susciter son courroux par des initiatives d’apprentis-opposants, comme nous étions traités ! Mis à part la légitimité que je leur reconnaissais, car eux, se sont confrontés à des élections et ont donc eu l’onction du peuple, nous avions tout plus qu’eux : la détermination, l’esprit de rassemblement, le sens du consensus, l’esprit de sacrifice !
Cette opposition a donc vu d’un mauvais œil cette escouade d’intrus, empêcheurs de « succéder » en rond, surgis d’on ne sait où, en guenilles, venir troubler un ordre établi et importuner une si gentille junte, prête enfin à céder le trône ! A mourir de rire !
Ainsi, la DDD suscita une féroce levée de boucliers au sein du pays (CMJD, partis politiques, tous confondus, à l’exception notable de l’AMDH, SOS Esclaves, du GERDDES et du FONADH, tous représentés par Maître Diabira Maroufa).
Ceux de Nouakchott revendiquaient, seuls, la légitimité de négocier, sinon de parler avec la Junte. Ce que leur reconnaissait bien le CMJD car Ely me l’avait inlassablement asséné suite à mes suppliques épistolaires.
Ce qui, en passant, n’était pas tout à fait faux, vue la future rapide solubilité de notre Alliance et de notre Coalition.
La Coalition fut traitée de subtile et sordide manipulation de Moustapha Limam Chavi et de Jemal Ould Yessa, dont j’aurais été le tenace protecteur vis-à-vis de ses amis de CR, ce qui relève de l’absurde, en passant, cet homme, que je surnommais, en interne, « le fabricant de monstres », était capable d’abattre, tout seul, une forteresse…par sa plume et sa langue !
Faut dire que pour nombre de politiques, les noms de ces deux hommes sonnent, à tort très souvent, comme synonymes de magouilleurs, de comploteurs au coin de ruelles sombres, etc…Certains, pourtant, aujourd’hui, bien drapés d’honorabilité usurpée, auraient pu aussi subir, bien plus qu’eux, ces qualificatifs ! L’affaire Ghadda est là pour l’illustrer. Mais qu’importe, DIEU saura reconnaître les siens !
Le résultat était pourtant là ; mais la Coalition fut traitée de « coalition de traitres et ennemis de la nation », de « vendus au Sénégal et au Burkina Faso» et autres douces amabilités.
Maitre Lô Gourmo Abdoul, vice-président de l’UFP, au cours d’une correspondance de vol commercial à Dakar, eut même la témérité de se rendre à notre hôtel, tout cuirassé d’un épais courroux fait de certitudes, pour nous asséner ses vérités crues. Pris en charge par un groupe de la Coalition, et pacifiquement traité, il en sortit, retourné, lavé à blanc, car il reconnut le bien fondé de la DDD. Il demanda même à monsieur Cheikh Tidiane Gadio, ministre sénégalais des Affaires Etrangères et coorganisateur des rencontres, son ami aussi, de transmettre, à la prochaine session, son mea culpa ! Ce que son ministériel envoyé fit avec panache ! On l’en adora encore plus, le Gourmo national.
Un autre évènement qui nous marqua, mais bien tristement celui-là, fut le communiqué de désaveu de Maître Brahim Ebety ! Ce fut un choc pour nous et surtout pour son ami et frère Maître Diabira Maroufa.
Ebety s’offusquait lui aussi que nous ayons « choisi de parler des choses de la Mauritanie, hors de la Mauritanie, avec des étrangers, de surcroit ». Il y affirmait se démarquer nettement de notre démarche. Meurtri, Diabira dut lui répondre « qu’en aucun cas, le Sénégal ne saurait être étranger à la Mauritanie et que le Président Abdoulaye Wade ne saurait être étranger aux choses de la Mauritanie et vice versa »
Sachant l’estime et l’admiration que nous nourrissions à l’endroit de Ebety, vous comprendrez alors notre consternation, à ces moments-là. Avant de nous ressaisir.
5. Le CMJD vous semblait-il moins hostile à vos approches ? Quel était l’état de votre Coalition à ce moment-là ?
A un moment donné j’ai cru que le CMJD était moins hostile, même si le Président Ely rappelait, invariablement, que les dispositions contenues dans la DDD ne pouvaient être mises en œuvre que par un pouvoir élu. Ce que je contestais bien sûr m’appuyant sur des confidences selon lesquelles un certain Mohamed Ould Abdel Aziz, Colonel alors, aurait un avis moins tranché et semblait mû par un pragmatisme qui ne semblait pas sous-tendu par une ambition politique. Les contacts soutenus alors, entre des membres du CMJD et ceux de l’AP, plus particulièrement les actifs CR, me faisaient croire à cette information qui nous réconfortait vue notre position de « pestiférés de la République ». Après mes échecs successifs à convaincre Ely, il ne nous restait qu’à essayer de s’accrocher à la bouée surgie soudainement.
Je maintenais, plus tard, sans succès, dans une lettre à Ely, que seul un régime militaire serait l’inexpugnable forteresse pour aborder les termes de la DDD.
Des membres de l’Alliance continuaient à nouer des liens avec des membres du CMJD à cet effet.
Je comprendrai bien plus tard, au détour de confidences, encore, que la prétendue trop grande visibilité de Moustapha Limam Chavi et le supposé activisme de Jemal Ould Yessa, au sein de notre délégation à Dakar, attiraient des animosités diverses dans le sérail politique national. Chacun se gardant bien d’avouer les raisons de cette animosité.
Toutefois, c’était oublier ou faire semblant d’oublier que ces deux hommes étaient sympathisant et membre de l’AP et apportaient leurs pierres à l’édifice, au même titre que tous ceux des autres mouvements, présents à Dakar.
Toujours est-il que notre Président, Saidou Kane qui était aussi Président de Conscience et Résistance, je le rappelle, offrait un solide bouclier à nos gars.
Autant, à ce moment, Limam Chavi s’est vu crier « haro sur le baudet » autant il fut apprécié comme allié, par ses détracteurs, plus tard, lorsqu’il fallut, par de hardies initiatives, soutenir SIDIOCA pour son élection…et après le 06 août 2008, lorsque la rupture de celui-ci fut consommée avec sa propre majorité et les militaires…pour incompatibilité d’humeur, simplement.
Tout ça, pendant que le drame surgissait au sein notre Coalition. Certains, individuellement, des partis et des mouvements divers.
Les Cavaliers du Changements, quant à eux, avaient décidé, comme je disais, de se constituer en un parti politique. Pendant que leurs alliés du Groupement Militaire Négro-africain pour le Changement optaient pour une autre forme d’expression.
Une frange importante de l’Alliance Patriotique resta en exil, en ordre dispersé. Et cela sonna, de facto, la mort de l’Alliance et surtout celle de la Coalition qui perdait là une magnifique occasion de s’ancrer dans le nouveau paysage politique qu’elle aurait pu susciter. D’autant plus qu’elle pouvait s’appuyer sur des alliés, au sein du CMJD, peu ou prou acquis aux thèses de la DDD.
Je ne pense pas, encore aujourd’hui, que les membres composant la Coalition étaient de moindre facture que ceux de la classe politique intérieure qui eux aussi avaient leurs agendas et s’adossaient bien aux militaires.
6. Voyiez-vous venir cette rupture ? Donc, vous imaginiez un putsch imminent le putsch ?
La crise parlementaire aidant, le délitement de l’Etat dû à un incivisme créé par le climat de fronde parlementaire, tous les analystes politiques s’accordaient sur l’inéluctabilité d’un putsch.
Je m’en ouvrais, une semaine avant, fin juillet, lors d’un appel téléphonique privé, à monsieur Alioune Tine, ancien Responsable de la RADDHO, en mission alors à Bangui, pour qu’il aidât à une facilitation en Mauritanie avant le drame car il avait été aussi à la manœuvre lors de nos rencontres de Dakar. Quand il me demanda mon avis sur une sortie de crise, je lui répondis franchement qu’une seule issue s’offrait au pays : le départ de SIDIOCA. Ne croyant guère à sa démission, mon souhait allait à une déposition douce, sans heurt qui préserverait son intégrité physique, sa dignité et garder ainsi la situation sous contrôle !
Alioune Tine, cet homme forgé en airain dans le moule des principes démocratiques et des droits humains, ne pouvait naturellement souffrir d’entendre parler de putsch mais s’inquiétait de la situation et suggérait un communiqué pour interpeller les acteurs, sitôt rentré à Dakar !
Cette situation s’empira, entre autres, quand de redoutables bêtes politiques firent alors leur irruption, aux cotés de SIDIOCA, au détour de la crise parlementaire.
Ces nouvelles alliances mirent en disgrâce de premiers et fervents soutiens de SIDIOCA, dont l’Alliance Patriotique fut. Et elle le fut par un activisme à la mesure de tous ceux qui œuvraient contre SIDIOCA, « le pantin des militaires », comme ils l’appelaient tous alors.
Hélas, les nouveaux alliés nous écartèrent brutalement de SIDIOCA, auquel nous n’avions plus accès. Les Palais nationaux revivaient à l’ordre des caciques d’Ould Taya.
A ce niveau, il est utile de préciser que nul ne saurait plus gouverner dans ce pays sans personnel issu des multiples administrations de Ould Taya car 80% ont collaboré admistrativement et/ou politiquement car cet homme a quand même régné sur ce pays, durant plus de 20 ans.
Ceux dont nous redoutions le retour étaient ceux qui constituaient, à ce moment-là, son ossature politique, ses théoriciens. Et ceux-là, hantaient désormais l’administration, dirigée par le Premier ministre Yahya Ould Ahmed Ould Waghef.
Le coup de grâce vint avec cette désastreuse décision du Président de destituer tous les chefs militaires, dont son chef d’état-major particulier.
L’Histoire retiendra, à tort ou à raison, une manœuvre matinale de destitution qui précipitera le cours des choses.
7. Quels sont vos relations avec le régime actuel au pouvoir, celui de Aziz ?
Notre Coalition n’existe plus, l’Alliance non plus. Je ne suis ni Chef de parti ni de Mouvement, encore moins membre d’une quelconque structure.
Voyez-vous, je ne revendique même plus la qualité de personnalité politique, dont on veut, avec élégance et considération, me parer. Dès lors, cette question devrait être formulée bien autrement, de mon point de vue, mais j’y répondrai à ma manière.
De relations, nous aurions souhaité en avoir exactement les mêmes que vous avez entretenues ou avez voulu, légitimement, avoir avec le régime, comme beaucoup d’autres mouvements ou personnes politiques à l’extérieur ou à l’intérieur l’auraient voulu.
Malheureusement, sitôt les premiers contacts noués avec le pouvoir de Ould Abdel Aziz, des pressions injustifiées firent éclater des organisations, jadis membres de la Coalition, comme Conscience et Résistance et l’OCVIDH, entre autres !
Plus tard, ce furent les FLAM qui eurent aussi des contacts avec Aziz. Hélas, rien n’en sortit.
Leur décision de s’établir à l’intérieur et d’engager leurs actions dans un cadre légal, ne fut pas étrangère, non plus, à leur dernière scission, je crois !
8. b[Vous y êtes allés en ordre dispersé, diriez-vous, vous le militaire !]b
Votre qualificatif de militaire est chargé de souffre mais j’en adore l’odeur ! Je ne suis plus militaire en service mais militaire d’esprit, heureusement !
Tous les mouvements ayant eu des rencontres, individuellement, avec le Pouvoir, durcirent leur discours, inutilement, après l’échec de celles-ci.
De l’autre coté des forteresses aussi furent édifiées autour du Président afin de contenir toute velléité de dialogue autre que celle voulue avec ceux qu’on a appelés, improprement, l’Opposition Dialoguiste.
Personnellement, issu d’une dictature pure et dure, j’ignorais tout des manœuvres politiciennes de certains civils patentés, opportunistes manipulateurs politiques devant l’Eternel, qui jetèrent toujours les militaires les uns contre les autres, dans de perpétuelles batailles fratricides dont ils ramassaient les armures et armes encore fumantes sur les champs de batailles et les offraient aux suivants.
Je gardais cependant une ligne ferme pour appuyer nos compagnons qui acceptaient d’accompagner le pouvoir issu du 06 août 2008, pour les mille raisons déjà évoquées. D’autant que le pouvoir montrait des signes d’ouverture. Je ne comprenais pas qu’un pouvoir neuf avec lequel nous pouvions avoir une chance d’appliquer en partie la DDD. S’installer dans une opposition éternelle confère un socle de statue duquel il faudra bien accepter de descendre pour montrer ce qu’on a dans le ventre et arrêter le confort des slogan et banderoles.
Un pouvoir aussi doit savoir qu’un opposant est un citoyen compatriote avec lequel on partage tout : le bonheur si le pays est dans l’opulence et la géhenne si le pays sombre dans la misère. Un opposant peut être utile à son pays sans renier ses convictions. Malheureusement, souvent les pouvoirs demandent que l’on abjure ses croyances pour servir et à l’inverse, les opposants redoutent le quolibet bien futile de « nègre de service » qui n’est servi, curieusement qu’aux noirs ralliés, jamais à un compatriote arabe !
Ainsi, je défendais bec et ongles la participation aux gouvernements, notamment, de Mohamed Lemine Ould Dadde, Hassena Ould Ely que leur mouvement CR avait condamnés pour « complicité avec l’adversaire », tout simplement parce que le Général Aziz, disait-on, n’avait, apparemment, pas reconduit les ministres et hauts fonctionnaires monnayés, individuellement, jadis, avec SIDIOCA par le tandem Limam Chavi et Jemal Ould Yessa. Deux hommes qui m’étaient pourtant proches mais qui ne m’avaient jamais entretenu d’un tel sujet. Naïveté ou immaturité politique ? Je revendique les deux.
Au finish, seuls Mohamed Abba Ould Sidi Ould Jeïlany, Inspecteur Général d’Etat et Ibrahima Dia ambassadeur CR aux USA, présentèrent leur démission, sous la pression de leurs amis
9. En fait, pour vous, le cas du Président Sidi Ould Cheikh Abdallah constitue une énigme politique.
Le prétexte évoqué, en son temps, par mes amis de l’Alliance, justifiant leur rejet de Aziz, d’un coup d’état, « contre le premier Président démocratiquement élu » et avec eux tous ceux qui se sont ligués, pour rompre, momentanément, tout contact avec le pouvoir, était fallacieux.
Qu’on ne se moque pas de notre intelligence et qu’on arrête ce bolchévisme à quat’sous et qu’on laisse à tout un chacun le loisir de « savourer » le « démocratiquement élu » !
Voyons le tableau : pendant toute la campagne électorale de la présidentielle de 2007, presque tous les partis et Mouvements s’étaient ligués contre SIDIOCA et n’ont cessé de clamer, avec force arguments, qu’il était le candidat, ramené de Niamey, dans le paquetage et soute des militaires et qu’il y’eut bourrages d’urnes, transport de personnes, achat de consciences, votes des morts et tutti quanti.
Ceux, opposés à SIDIOCA, arguaient même que le second tour opposait, en fait le Colonel Ely, Président du CMJD, rallié au RFD et classé rempart de la voie républicaine, au Colonel Aziz, classé fidèle au « candidat des militaires », SIDIOCA. Très subtil comme raisonnement…selon qui, cela arrange !
Même certains amis de la Coalition comme Salah Hannena et un ancien candidat dit malheureux, porteur de voix quand même comme Ibrahima Moctar Sarr, auxquels j’avais demandé leur appui, refusèrent de soutenir SIDIOCA et firent campagne, pour des raisons qui leur étaient propres chacun, pour Ahmed Ould Daddah !
Venir ensuite après toute cette farandole électorale, revêtus du « le Président démocratiquement élu », dont vous aviez contesté et ironisé l’élection, pour venir aseptiser d’inconfortables positions et se faire une virginité morale, relève d’une acrobatie intellectuelle qui me dépasse, surtout venant d’anciens membres de l’Alliance et alliés.
Le plus simple eut été, pour les fâchés, de décréter un drapeau blanc entre un Président et « ses tuteurs » et déclarer ne même pas vouloir se mêler du sujet.
Je me souviens, au cours d’un dîner auquel il nous avait conviés, feu Claude K et moi-même, à Levallois-Perret, dans la banlieue parisienne, monsieur Brahim Khlil, très proche de SIDIOCA, nous confirmait bien, en prenant soin de mots élégants, sachant mes rapports fraternels avec Ely, que celui-ci avait déçu SIDIOCA, pour la campagne qu’il menait pour son adversaire et que cela semblait un coup de poignard au dos de ses amis militaires ! Il venait demander l’appui de CRIDEM, qu’il ne savait même pas déjà acquis hors des cellules de communication du candidat SIDIOCA.
Pour nous, c’était un scoop ; alors que, nous le sûmes plus tard, dans la République, cette information relevait du secret de polichinelle.
Que l’on soit opposé au régime du Président Aziz, soit, rien de plus normal en démocratie ; mais que l’on s’attaque à sa gouvernance, mais pas à l’Histoire.
Ce récit est partie d’une restitution, par devoir, vis-à-vis de ceux qui nous ont cru, que nous avons déçus mais qui ne nous ont jamais mandatés.
DIEU Bénisse la Mauritanie.
Merci, Monsieur le ministre de nous avoir honorés encore une fois, en acceptant notre invitation.
Propos recueillis par Mme Mireille Hamelin et Adama Sarr
pour le site avomm.com
Vous dites mon mouvement ? Vous faites une erreur de casting ! Les Cavaliers du Changement étaient l’organisation militaire dont l’Alliance Patriotique (AP) constituait l’aile politique.
Suite aux péripéties qui ont suivi la chute de Ould Taya, les « Cavaliers du Changement », sous la houlette du Commandant Mohamed Cheikhna, qui en avait pris le commandement après l’arrestation, à Nouakchott, de Abderrahmane Minnih et de Salah Hannena, entre autres, avait décidé, avec certains de ses hommes, de rompre l’exil et de rentrer, suite à l’amnistie que nous avions demandée dans la DECLARATION DE DAKAR du 16 août 2005.
La démocratie étant, par nature, synonyme de renoncements, de frictions, de ruptures, les Cavaliers n’y échappèrent pas. J’en fus consterné, car ce sont mes amis avec lesquels nous avons, quand même, partagé des joies et des peines même si nous avions commencé à diverger dans certaines formes d’approche dans le suivi de la lutte en commun menée. Mais c’est connu, je demeure toujours fidèle à l’amitié et ce n’est pas la politique aléatoire, versatile, qui m’en détournera. Beaucoup m’ont abandonné pour avoir gardé l’amitié de ceux qu’ils honnissent, mais qu’ils retrouveront car la vie est si complexe.
Pour finir sur ce chapitre, une partie du noyau des Cavaliers constitua le parti politique, HATEM et certains rejoignirent des partis politiques, en ordre dispersé.
2. Comment naquirent alors l’Alliance et la Coalition des Forces Patriotiques ? Quelles étaient leurs perspectives ?
Nous étions, c’est vrai, trop ambitieux, trop prétentieux même, je le reconnais, 16 ans après !
Une ambition, certainement, beaucoup trop grande et que ne pouvaient contenir toutes nos petites têtes réunies ! Une ambition de patriotes, pourtant, pour un pays auquel toutes les générations doivent tout.
Les Cavaliers avaient senti la nécessité de faire mieux connaitre leur mouvement, leurs objectifs, leur programme afin de faire cesser ces jugements réducteurs qui ne les confinaient qu’à cette image de « séditieux armés de deubbab-deubbab » comme il en avait pullulé et en pullulaient encore dans ces contrées.
Des concertations rapides entre les Chefs des Cavaliers et un nombre réduit d’acteurs politiques, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, porta sur les fonts baptismaux, l’Alliance Patriotique.
Ce fut elle qui s’en fut courir les personnalités et institutions officielles des pays africains, européens et américains pour prêcher.
Souvent dans une gêne terrible, surtout quand il fallut expliquer, au cœur de l’Assemblée Nationale française, Haut lieu de l’expression de la Démocratie, la nécessité d’un coup d’Etat contre un régime prétendument élu démocratiquement et demander, naïvement, leur soutien. Eh oui, bien naïvement !
Toutefois, après le verdict de Ouad Naga, qui condamnait à la peine capitale certains Cavaliers, capturés lors de la dernière attaque avortée de Nouakchott, en 2005, nous avions, avec l’entregent des hommes de CR, entres autres, pu obtenir de monsieur Robert Badinter une déclaration orale en faveur des condamnés ! Cette intervention radiophonique fut du meilleur effet car je suis sûr, encore aujourd’hui, qu’elle suspendit le sabre du bourreau.
Ces moments-là, je suis sûr encore aujourd’hui, participèrent à murir la décision de destituer Ould Taya, dans la tête du Colonel Aziz. Ill aidera surement à préciser ce point aussi, dans ses Mémoires.
Quant à la Coalition, elle, naquit, c’est vrai, d’une initiative de membres de l’ALLIANCE PATRIOTIQUE (AP).
L’AP, je rappelle, était composée d’hommes et de femmes issus d’horizons divers ; ils en étaient souvent membres clandestinement, pour faire l’économie de heurts inutiles avec leurs mouvements d’origine, qui ne souffraient pas l’existence d’organisations autres que les leurs ! C’était à l’époque de l’antiquité des oppositions en exil !
L’AP s’était choisie comme Président, feu le Professeur Moustapha Boly Saidou Kane, dont le charisme, la vision, le sens de la mesure et du compromis auraient destiné au leadership de tout Mouvement ou Parti politique ou de toutes hautes charges publiques, dans ce pays.
Pourtant, il fut combattu avec une rare violence et l’AP ne fut guère épargnée, pour cela !
Il est heureux quand même qu’il soit, aujourd’hui, honoré par tous.
Paix à son âme, Amine Ya Rabbi.
3. Mais comment naquit la COALITION ? Comment voyiez-vous surtout son implication dans ce qui se dessinait après le 03 août 2005 ?
Après le putsch du 03 août 2005, nous avions formé, dans une précipitation justifiée par la célérité des évènements, la COALITION DES FORCES PATRIOTIQUES MAURITANIENNES.
Cette célérité nous amena à prendre des décisions urgentes, sans nous embarrasser des procédures internes de nos mouvements. Ainsi le sagace Jemal Ould Yessa et moi-même engagions officiellement l’AP dont le Président se trouvait en conférence à Genève. Je me chargeais de contacter les FLAM par l’intermédiaire de leur secrétaire aux relations extérieures d’alors, monsieur Ba Mamadou BOCAR. L’urgence d’être à Dakar, une semaine après le putsch, le 10 août 2005, pour rencontrer le Président Wade, dont l’agenda était fermé, obligea à des acrobaties dont je me demande, encore, comment elles furent possibles. La volonté, dit-on, donne des ailes. Toujours est-il que Mamadou Bocar m’accompagna, avec les autres de Paris qui furent diversement contactés, comme l’OCVIDH. Les billets avaient été rapidement disponibilisés auprès de Brussels Airlines par des amis, sollicités par l’AP, qui tenaient, eux-aussi, à participer, à leur élégante façon, à une initiative de paix en Mauritanie.
Une fois créée, la Coalition me désigna comme porte-parole, par courtoisie, je suppose. Le 16 août 2005, suite aux rencontres de Dakar, avec la facilitation du Président sénégalais Abdoulaye WADE, la Coalition proclama la DECLARATION DE DAKAR (La DDD), après moult débats, parfois houleux.
Pour l’anecdote, notre Président Saidou Kane nous rejoignit à Dakar et entama une consultation informatique entre les membres de l’AP afin d’évaluer notre initiative, Yessa et moi-même, pour impliqué l’AP, hors décision des instances compétentes. Le verdict tomba: Félicitations pour l’initiative et ses conclusions…sanctionnées par deux mois de suspension ! Fallait que les principes administratifs jouent, disait-il !
Jamais de ma vie de commandement à haut niveau, je n’avais envisagé sanction plus joyeuse ! C’était ça aussi Saïdou Kane.
Restés à Dakar, le Professeur Saidou Kane, Limam Chavi et moi-même, nous étions convaincus de pouvoir rallier à la DDD nombre de partis, mouvements, associations, société civile, anciens Présidents et Premiers ministres, Oulémas et surtout le CMJD. Rien de moins.
Je signifiais, à l’un à l’autre, mon pessimisme devant tant de labeur tellement les tirs groupés, des opposants à la Coalition, étaient nourris. Saidou Kane me répondit, avec cet humour qui lui était si caractéristique dans les situations de grands défis : « toi comme moi avons toujours dit que l’impossible ou le possible ne sont vécus qu’après avoir été tenté » ! Oui, nous allions tenter.
Ainsi, décida-t-il de rentrer à Nouakchott pour y porter, la bonne parole, oui la bonne parole ! Je pense qu’il fut une espèce de Messie, apparut trop tôt sur des terres qui n’étaient même pas siennes.
4. Dans le contexte de la chute deb[ Ould Taya, vues les attentes de l’opposition d’alors, la démarche de votre Coalition pouvait-elle susciter adhésion dans la classe politique, à l’intérieur !]b
OH NON ! Cette opposition s’imaginait que le CMJD lui céderait le pouvoir au plus vite et qu’il ne fallait donc pas susciter son courroux par des initiatives d’apprentis-opposants, comme nous étions traités ! Mis à part la légitimité que je leur reconnaissais, car eux, se sont confrontés à des élections et ont donc eu l’onction du peuple, nous avions tout plus qu’eux : la détermination, l’esprit de rassemblement, le sens du consensus, l’esprit de sacrifice !
Cette opposition a donc vu d’un mauvais œil cette escouade d’intrus, empêcheurs de « succéder » en rond, surgis d’on ne sait où, en guenilles, venir troubler un ordre établi et importuner une si gentille junte, prête enfin à céder le trône ! A mourir de rire !
Ainsi, la DDD suscita une féroce levée de boucliers au sein du pays (CMJD, partis politiques, tous confondus, à l’exception notable de l’AMDH, SOS Esclaves, du GERDDES et du FONADH, tous représentés par Maître Diabira Maroufa).
Ceux de Nouakchott revendiquaient, seuls, la légitimité de négocier, sinon de parler avec la Junte. Ce que leur reconnaissait bien le CMJD car Ely me l’avait inlassablement asséné suite à mes suppliques épistolaires.
Ce qui, en passant, n’était pas tout à fait faux, vue la future rapide solubilité de notre Alliance et de notre Coalition.
La Coalition fut traitée de subtile et sordide manipulation de Moustapha Limam Chavi et de Jemal Ould Yessa, dont j’aurais été le tenace protecteur vis-à-vis de ses amis de CR, ce qui relève de l’absurde, en passant, cet homme, que je surnommais, en interne, « le fabricant de monstres », était capable d’abattre, tout seul, une forteresse…par sa plume et sa langue !
Faut dire que pour nombre de politiques, les noms de ces deux hommes sonnent, à tort très souvent, comme synonymes de magouilleurs, de comploteurs au coin de ruelles sombres, etc…Certains, pourtant, aujourd’hui, bien drapés d’honorabilité usurpée, auraient pu aussi subir, bien plus qu’eux, ces qualificatifs ! L’affaire Ghadda est là pour l’illustrer. Mais qu’importe, DIEU saura reconnaître les siens !
Le résultat était pourtant là ; mais la Coalition fut traitée de « coalition de traitres et ennemis de la nation », de « vendus au Sénégal et au Burkina Faso» et autres douces amabilités.
Maitre Lô Gourmo Abdoul, vice-président de l’UFP, au cours d’une correspondance de vol commercial à Dakar, eut même la témérité de se rendre à notre hôtel, tout cuirassé d’un épais courroux fait de certitudes, pour nous asséner ses vérités crues. Pris en charge par un groupe de la Coalition, et pacifiquement traité, il en sortit, retourné, lavé à blanc, car il reconnut le bien fondé de la DDD. Il demanda même à monsieur Cheikh Tidiane Gadio, ministre sénégalais des Affaires Etrangères et coorganisateur des rencontres, son ami aussi, de transmettre, à la prochaine session, son mea culpa ! Ce que son ministériel envoyé fit avec panache ! On l’en adora encore plus, le Gourmo national.
Un autre évènement qui nous marqua, mais bien tristement celui-là, fut le communiqué de désaveu de Maître Brahim Ebety ! Ce fut un choc pour nous et surtout pour son ami et frère Maître Diabira Maroufa.
Ebety s’offusquait lui aussi que nous ayons « choisi de parler des choses de la Mauritanie, hors de la Mauritanie, avec des étrangers, de surcroit ». Il y affirmait se démarquer nettement de notre démarche. Meurtri, Diabira dut lui répondre « qu’en aucun cas, le Sénégal ne saurait être étranger à la Mauritanie et que le Président Abdoulaye Wade ne saurait être étranger aux choses de la Mauritanie et vice versa »
Sachant l’estime et l’admiration que nous nourrissions à l’endroit de Ebety, vous comprendrez alors notre consternation, à ces moments-là. Avant de nous ressaisir.
5. Le CMJD vous semblait-il moins hostile à vos approches ? Quel était l’état de votre Coalition à ce moment-là ?
A un moment donné j’ai cru que le CMJD était moins hostile, même si le Président Ely rappelait, invariablement, que les dispositions contenues dans la DDD ne pouvaient être mises en œuvre que par un pouvoir élu. Ce que je contestais bien sûr m’appuyant sur des confidences selon lesquelles un certain Mohamed Ould Abdel Aziz, Colonel alors, aurait un avis moins tranché et semblait mû par un pragmatisme qui ne semblait pas sous-tendu par une ambition politique. Les contacts soutenus alors, entre des membres du CMJD et ceux de l’AP, plus particulièrement les actifs CR, me faisaient croire à cette information qui nous réconfortait vue notre position de « pestiférés de la République ». Après mes échecs successifs à convaincre Ely, il ne nous restait qu’à essayer de s’accrocher à la bouée surgie soudainement.
Je maintenais, plus tard, sans succès, dans une lettre à Ely, que seul un régime militaire serait l’inexpugnable forteresse pour aborder les termes de la DDD.
Des membres de l’Alliance continuaient à nouer des liens avec des membres du CMJD à cet effet.
Je comprendrai bien plus tard, au détour de confidences, encore, que la prétendue trop grande visibilité de Moustapha Limam Chavi et le supposé activisme de Jemal Ould Yessa, au sein de notre délégation à Dakar, attiraient des animosités diverses dans le sérail politique national. Chacun se gardant bien d’avouer les raisons de cette animosité.
Toutefois, c’était oublier ou faire semblant d’oublier que ces deux hommes étaient sympathisant et membre de l’AP et apportaient leurs pierres à l’édifice, au même titre que tous ceux des autres mouvements, présents à Dakar.
Toujours est-il que notre Président, Saidou Kane qui était aussi Président de Conscience et Résistance, je le rappelle, offrait un solide bouclier à nos gars.
Autant, à ce moment, Limam Chavi s’est vu crier « haro sur le baudet » autant il fut apprécié comme allié, par ses détracteurs, plus tard, lorsqu’il fallut, par de hardies initiatives, soutenir SIDIOCA pour son élection…et après le 06 août 2008, lorsque la rupture de celui-ci fut consommée avec sa propre majorité et les militaires…pour incompatibilité d’humeur, simplement.
Tout ça, pendant que le drame surgissait au sein notre Coalition. Certains, individuellement, des partis et des mouvements divers.
Les Cavaliers du Changements, quant à eux, avaient décidé, comme je disais, de se constituer en un parti politique. Pendant que leurs alliés du Groupement Militaire Négro-africain pour le Changement optaient pour une autre forme d’expression.
Une frange importante de l’Alliance Patriotique resta en exil, en ordre dispersé. Et cela sonna, de facto, la mort de l’Alliance et surtout celle de la Coalition qui perdait là une magnifique occasion de s’ancrer dans le nouveau paysage politique qu’elle aurait pu susciter. D’autant plus qu’elle pouvait s’appuyer sur des alliés, au sein du CMJD, peu ou prou acquis aux thèses de la DDD.
Je ne pense pas, encore aujourd’hui, que les membres composant la Coalition étaient de moindre facture que ceux de la classe politique intérieure qui eux aussi avaient leurs agendas et s’adossaient bien aux militaires.
6. Voyiez-vous venir cette rupture ? Donc, vous imaginiez un putsch imminent le putsch ?
La crise parlementaire aidant, le délitement de l’Etat dû à un incivisme créé par le climat de fronde parlementaire, tous les analystes politiques s’accordaient sur l’inéluctabilité d’un putsch.
Je m’en ouvrais, une semaine avant, fin juillet, lors d’un appel téléphonique privé, à monsieur Alioune Tine, ancien Responsable de la RADDHO, en mission alors à Bangui, pour qu’il aidât à une facilitation en Mauritanie avant le drame car il avait été aussi à la manœuvre lors de nos rencontres de Dakar. Quand il me demanda mon avis sur une sortie de crise, je lui répondis franchement qu’une seule issue s’offrait au pays : le départ de SIDIOCA. Ne croyant guère à sa démission, mon souhait allait à une déposition douce, sans heurt qui préserverait son intégrité physique, sa dignité et garder ainsi la situation sous contrôle !
Alioune Tine, cet homme forgé en airain dans le moule des principes démocratiques et des droits humains, ne pouvait naturellement souffrir d’entendre parler de putsch mais s’inquiétait de la situation et suggérait un communiqué pour interpeller les acteurs, sitôt rentré à Dakar !
Cette situation s’empira, entre autres, quand de redoutables bêtes politiques firent alors leur irruption, aux cotés de SIDIOCA, au détour de la crise parlementaire.
Ces nouvelles alliances mirent en disgrâce de premiers et fervents soutiens de SIDIOCA, dont l’Alliance Patriotique fut. Et elle le fut par un activisme à la mesure de tous ceux qui œuvraient contre SIDIOCA, « le pantin des militaires », comme ils l’appelaient tous alors.
Hélas, les nouveaux alliés nous écartèrent brutalement de SIDIOCA, auquel nous n’avions plus accès. Les Palais nationaux revivaient à l’ordre des caciques d’Ould Taya.
A ce niveau, il est utile de préciser que nul ne saurait plus gouverner dans ce pays sans personnel issu des multiples administrations de Ould Taya car 80% ont collaboré admistrativement et/ou politiquement car cet homme a quand même régné sur ce pays, durant plus de 20 ans.
Ceux dont nous redoutions le retour étaient ceux qui constituaient, à ce moment-là, son ossature politique, ses théoriciens. Et ceux-là, hantaient désormais l’administration, dirigée par le Premier ministre Yahya Ould Ahmed Ould Waghef.
Le coup de grâce vint avec cette désastreuse décision du Président de destituer tous les chefs militaires, dont son chef d’état-major particulier.
L’Histoire retiendra, à tort ou à raison, une manœuvre matinale de destitution qui précipitera le cours des choses.
7. Quels sont vos relations avec le régime actuel au pouvoir, celui de Aziz ?
Notre Coalition n’existe plus, l’Alliance non plus. Je ne suis ni Chef de parti ni de Mouvement, encore moins membre d’une quelconque structure.
Voyez-vous, je ne revendique même plus la qualité de personnalité politique, dont on veut, avec élégance et considération, me parer. Dès lors, cette question devrait être formulée bien autrement, de mon point de vue, mais j’y répondrai à ma manière.
De relations, nous aurions souhaité en avoir exactement les mêmes que vous avez entretenues ou avez voulu, légitimement, avoir avec le régime, comme beaucoup d’autres mouvements ou personnes politiques à l’extérieur ou à l’intérieur l’auraient voulu.
Malheureusement, sitôt les premiers contacts noués avec le pouvoir de Ould Abdel Aziz, des pressions injustifiées firent éclater des organisations, jadis membres de la Coalition, comme Conscience et Résistance et l’OCVIDH, entre autres !
Plus tard, ce furent les FLAM qui eurent aussi des contacts avec Aziz. Hélas, rien n’en sortit.
Leur décision de s’établir à l’intérieur et d’engager leurs actions dans un cadre légal, ne fut pas étrangère, non plus, à leur dernière scission, je crois !
8. b[Vous y êtes allés en ordre dispersé, diriez-vous, vous le militaire !]b
Votre qualificatif de militaire est chargé de souffre mais j’en adore l’odeur ! Je ne suis plus militaire en service mais militaire d’esprit, heureusement !
Tous les mouvements ayant eu des rencontres, individuellement, avec le Pouvoir, durcirent leur discours, inutilement, après l’échec de celles-ci.
De l’autre coté des forteresses aussi furent édifiées autour du Président afin de contenir toute velléité de dialogue autre que celle voulue avec ceux qu’on a appelés, improprement, l’Opposition Dialoguiste.
Personnellement, issu d’une dictature pure et dure, j’ignorais tout des manœuvres politiciennes de certains civils patentés, opportunistes manipulateurs politiques devant l’Eternel, qui jetèrent toujours les militaires les uns contre les autres, dans de perpétuelles batailles fratricides dont ils ramassaient les armures et armes encore fumantes sur les champs de batailles et les offraient aux suivants.
Je gardais cependant une ligne ferme pour appuyer nos compagnons qui acceptaient d’accompagner le pouvoir issu du 06 août 2008, pour les mille raisons déjà évoquées. D’autant que le pouvoir montrait des signes d’ouverture. Je ne comprenais pas qu’un pouvoir neuf avec lequel nous pouvions avoir une chance d’appliquer en partie la DDD. S’installer dans une opposition éternelle confère un socle de statue duquel il faudra bien accepter de descendre pour montrer ce qu’on a dans le ventre et arrêter le confort des slogan et banderoles.
Un pouvoir aussi doit savoir qu’un opposant est un citoyen compatriote avec lequel on partage tout : le bonheur si le pays est dans l’opulence et la géhenne si le pays sombre dans la misère. Un opposant peut être utile à son pays sans renier ses convictions. Malheureusement, souvent les pouvoirs demandent que l’on abjure ses croyances pour servir et à l’inverse, les opposants redoutent le quolibet bien futile de « nègre de service » qui n’est servi, curieusement qu’aux noirs ralliés, jamais à un compatriote arabe !
Ainsi, je défendais bec et ongles la participation aux gouvernements, notamment, de Mohamed Lemine Ould Dadde, Hassena Ould Ely que leur mouvement CR avait condamnés pour « complicité avec l’adversaire », tout simplement parce que le Général Aziz, disait-on, n’avait, apparemment, pas reconduit les ministres et hauts fonctionnaires monnayés, individuellement, jadis, avec SIDIOCA par le tandem Limam Chavi et Jemal Ould Yessa. Deux hommes qui m’étaient pourtant proches mais qui ne m’avaient jamais entretenu d’un tel sujet. Naïveté ou immaturité politique ? Je revendique les deux.
Au finish, seuls Mohamed Abba Ould Sidi Ould Jeïlany, Inspecteur Général d’Etat et Ibrahima Dia ambassadeur CR aux USA, présentèrent leur démission, sous la pression de leurs amis
9. En fait, pour vous, le cas du Président Sidi Ould Cheikh Abdallah constitue une énigme politique.
Le prétexte évoqué, en son temps, par mes amis de l’Alliance, justifiant leur rejet de Aziz, d’un coup d’état, « contre le premier Président démocratiquement élu » et avec eux tous ceux qui se sont ligués, pour rompre, momentanément, tout contact avec le pouvoir, était fallacieux.
Qu’on ne se moque pas de notre intelligence et qu’on arrête ce bolchévisme à quat’sous et qu’on laisse à tout un chacun le loisir de « savourer » le « démocratiquement élu » !
Voyons le tableau : pendant toute la campagne électorale de la présidentielle de 2007, presque tous les partis et Mouvements s’étaient ligués contre SIDIOCA et n’ont cessé de clamer, avec force arguments, qu’il était le candidat, ramené de Niamey, dans le paquetage et soute des militaires et qu’il y’eut bourrages d’urnes, transport de personnes, achat de consciences, votes des morts et tutti quanti.
Ceux, opposés à SIDIOCA, arguaient même que le second tour opposait, en fait le Colonel Ely, Président du CMJD, rallié au RFD et classé rempart de la voie républicaine, au Colonel Aziz, classé fidèle au « candidat des militaires », SIDIOCA. Très subtil comme raisonnement…selon qui, cela arrange !
Même certains amis de la Coalition comme Salah Hannena et un ancien candidat dit malheureux, porteur de voix quand même comme Ibrahima Moctar Sarr, auxquels j’avais demandé leur appui, refusèrent de soutenir SIDIOCA et firent campagne, pour des raisons qui leur étaient propres chacun, pour Ahmed Ould Daddah !
Venir ensuite après toute cette farandole électorale, revêtus du « le Président démocratiquement élu », dont vous aviez contesté et ironisé l’élection, pour venir aseptiser d’inconfortables positions et se faire une virginité morale, relève d’une acrobatie intellectuelle qui me dépasse, surtout venant d’anciens membres de l’Alliance et alliés.
Le plus simple eut été, pour les fâchés, de décréter un drapeau blanc entre un Président et « ses tuteurs » et déclarer ne même pas vouloir se mêler du sujet.
Je me souviens, au cours d’un dîner auquel il nous avait conviés, feu Claude K et moi-même, à Levallois-Perret, dans la banlieue parisienne, monsieur Brahim Khlil, très proche de SIDIOCA, nous confirmait bien, en prenant soin de mots élégants, sachant mes rapports fraternels avec Ely, que celui-ci avait déçu SIDIOCA, pour la campagne qu’il menait pour son adversaire et que cela semblait un coup de poignard au dos de ses amis militaires ! Il venait demander l’appui de CRIDEM, qu’il ne savait même pas déjà acquis hors des cellules de communication du candidat SIDIOCA.
Pour nous, c’était un scoop ; alors que, nous le sûmes plus tard, dans la République, cette information relevait du secret de polichinelle.
Que l’on soit opposé au régime du Président Aziz, soit, rien de plus normal en démocratie ; mais que l’on s’attaque à sa gouvernance, mais pas à l’Histoire.
Ce récit est partie d’une restitution, par devoir, vis-à-vis de ceux qui nous ont cru, que nous avons déçus mais qui ne nous ont jamais mandatés.
DIEU Bénisse la Mauritanie.
Merci, Monsieur le ministre de nous avoir honorés encore une fois, en acceptant notre invitation.
Propos recueillis par Mme Mireille Hamelin et Adama Sarr
pour le site avomm.com