Mr Beddy Ould Ebnou
Projecteurs de l'AVOMM vous propose un entretien avec M. Beddy Ould Ebnou.
Poète-écrivain engagé, militant convaincu, il n'a cessé d'irriter et de déranger le pouvoir déchu de Ould Taya. Son engagement lui a valu tortures et prison.
Son exil en Europe a été aussi, pour lui, un autre combat : Violemment agressé dans son domicile Parisien, par un agent à la solde du pouvoir, il était aussi confronté à ceux qui l’ont combattus avec le plus de détermination et qui, paradoxalement, n'étaient pas les hommes du système, mais des opposants.
Toutes ces contraintes n'ont jamais entamé sa détermination. Il s’est toujours relevé et a repris le combat parce qu’il était convaincu que son pays méritait des combats plus sérieux, que les calculs politiciens et les règlements de comptes.
Sa persévérance lui a valu respect et estime de l'opposition en exil qui lui confia les fonctions de porte-parole du Forum de l'opposition mauritanienne en exil (FOME). Ses déclarations, ainsi que les face à face qu'il a soutenu avec brio face aux représentants du pouvoir déchu sur El Jazira, El Arabiya et autres chaînes satellitaires internationales ont fini par montrer la vrai nature du régime policier de Taya.
Pour lui, la politique est d’abord le courage intellectuel, l’audace de l’action, la force de suggestion, la participation à la réflexion, l’acceptation de la critique. Sa plume qui l'a propulsé dans le cercle très restreint des géants de la poésie arabe (un actif de sept ouvrages), il l'a d'abord mise au service de son combat. Son livre "C'est pour ceci que j'ai quitté cette terre" est une révolte contre la réalité des injustices dans notre pays.
Il a convaincu et réussi là où d'autres ont abandonné.
Aujourd'hui de retour au pays, Beddy nous livre ici ses impressions sur la Transition en cours, et sur bien d'autres sujets.
Med
L'entretien :
AVOMM : Vous avez pris la décision de rentrer au pays pour continuer la lutte, comment évaluez-vous la Transition en cours?
M. Beddy Ould Ebnou : Il va sans dire que j'aurai besoin de davantage de temps en Mauritanie pour me faire une idée plus objective. Je crois avoir cependant constaté un véritable vent d'espoir ou plus exactement d'espérance. Mais il faut du même coup reconnaître qu'il y a beaucoup d'inquiétudes et d'interrogations. L'héritage peu glorieux des dernières décennies est encore là. Il suffit de jeter un regard sur l'agglomération kafkaïenne de Nouakchott. Ceux qui ont eu à gouverner ce pays n'ont aucune vergogne, aucune retenue, aucune pudeur. Tout est déchéance et absurdité. Quand vous jetez un regard sur les trois secteurs primordiaux que sont l'Education, la Santé et la Justice vous serez consternés. Education, Santé et Justice renvoient exactement à leur opposé antonymique. Du ministre au plus petit instituteur, du ministre au plus petit infirmier, du ministre au plus petit greffier, les équipes s'occupent de tout autre chose que ce que suggère le titre ou le secteur. Un membre du CMJD à qui je me plaignais de ce qui "ne marche pas" dans l'Education me répondait fort justement : "Puisque vous pensez qu'il y a quelque chose d'autre qui marche ! Et où est ce lieu en Mauritanie où quelque chose marche?". Ce que l'Opposition divulguait avant le 3 août n'est pas le dixième de l'état réel du délabrement. Même le secteur militaire que je croyais être un cran plus organisé que le reste des institutions est dans un état de désagrégation bien plus avancé que tout ce qui a été dit ou écrit. Le délabrement règne en maître à tous les niveaux. Et surtout au niveau le plus inquiétant c'est-à-dire celui des esprits et des "supra -structures". L'extériorité et la facticité de l'Etat dans ce qu'elles ont de plus caricatural sont en chaque recoin de la Mauritanie mises à nu.
Le gouvernement actuel à qui le CMJD a confié la gestion de la Transition a compris celle-ci d'une drôle de façon, il ne fait que "transiter". Bon nombre de ses éléments sont de l'Ancien Régime et le restent dans les faits. Ils perpétuent et consacrent, un peu plus subtilement il est vrai, les habitudes héritées beaucoup plus qu'ils n'aident à les défaire et les dépasser. Prenons l'exemple significatif de la corruption. Le CMJD a réussi partiellement à fermé les gros robinets des fonds publics qui irriguaient la déliquescence et la criminalité économico -financières mais les "funambules" du passé - présent ont déjà et aussitôt trouvé toutes sortes d'acrobaties pour régénérer une bonne partie des anciennes pratiques. Pour se faire une idée, il suffit de comparer le salaire dit officiel d'un haut fonctionnaire et son train de vie, celui à la fois que lui-même se choisit et que son environnement social choisit pour lui.
Les inquiétudes sont donc grandes car les réalités et les démons du passé sont présents. Mais il y a aussi de l'espoir- espérance. Il y a une opportunité historique si l'on arrive à mettre à profit la liberté d'expression et d'organisation obtenue aujourd'hui pour donner aux Mauritaniens une ambition et un projet à la hauteur de la gravité du moment. Il y a besoin de provoquer une synergie, une exaltation capable de soulever les foules par-delà les carcans et les archaïsmes, par-delà le je-m'en-foutisme, l'attentisme et le fatalisme ambiants. Sinon les "habitus" sociopolitiques surannés risquent de se trouver consolidés.
Aux pratiques machiavéliques reçues, à la politique comme opium discursif dont l'objectif ultime est la redistribution de rôles aux seins des cercles bien installés, il faut opposer une autre pratique politique. La politique qui en vaut la peine est celle qui n'est pas accommodation mais transformation. La politique est l'outil sinon unique du moins principal aux mains des opprimés pour défataliser l'histoire. Il n'y aura pas un véritable mouvement de changement sans cette exaltation que seule pourra susciter une pratique politique humanisée, dont la finalité éthique est davantage de justice et de liberté. Sans cette politique qui rime avec éthique, le machiavélisme mafieux se trouvera immunisé, consacré et légitimé par les urnes du mois de novembre et du mois de mars prochains.
AVOMM : Vous n’ êtes plus en exil , nous supposons que le FOME est terminé pour vous et votre camarade Mr Mamadou Bocar BA qui vient de créer les FLAM / R , que devient le FOME ( forum de l’ opposition mauritanienne en exil)?
M. Beddy Ould Ebnou : Comme vous le savez, le FOME est composé de quelques quinze organisations dont la vôtre, les FLAM, FMRD et bien d'autres. Il est donc et sera ce qu'en décident toutes ces organisations. Lors de la dernière assemblée générale j'ai, avec d'autres membres, proposé de le dissoudre. La majorité qui s'est dégagée n'était pas favorable à la dissolution. On nous a rétorqué un argument bien solide : les organisations du FOME ont mis des années pour pouvoir mettre cette structure en place et il ne faut pas la sacrifier inconsidérément. Compte tenu des nouvelles donnes consécutives au 3 août la plupart des organisations ne voulait ni d'un nouveau mandat ni de la dissolution mais proposait une modification du FOME qui soit adaptée à la conjoncture. Ils nous ont chargés, nous membres du bureau et le doyen Mourtudo Diop de faire des propositions en vue de la mise en place d'une nouvelle structure en phase, allant au-delà du FOME et associant un maximum d'organisation politiques et de la société civile. Voici où nous en étions avant mon départ en Mauritanie et avant le congrès des FLAM et les événements auxquels vous faites allusion. Ces jours-ci de retour à Paris, je me suis déjà entretenu avec le doyen Mourtudo Diop et quelques responsables d'organisations. Je n'ai pas encore eu le temps de rencontrer toutes les organisations pour décider ensemble de la suite.
AVOMM : Dans votre première conférence de presse, vous appelez à la rupture avec la vieille génération d'hommes politiques qui, selon vous, n'est plus apte à gouverner. Pouvez-vous nous expliquer le fond de votre pensée?
M. Beddy Ould Ebnou : Je partais d'un constat très simple. L'âge moyen de la population est autour de 21 ans alors que celui de la classe politique ou plus exactement de ses "voix audibles" est de plus de 50 ans. Depuis le 3 août le combat n'est plus tactique contre un tyran mais doit être stratégique contre une pensée tyrannique. Le tyran est parti alors que la pensée tyrannique reste. Celle-ci veux que le changement ne soit que redistribution de rôles au sein des mêmes cercles de vétérans momifiés. Formellement il y a des partis et des adhérents de tout âge. Réellement il n'y a que des individualités de la première génération dont la légitimité provient en grande partie de leur "fossilisation" au sens littéral comme au sens métaphorique. Leur capital matériel et symbolique est principalement du à leur encrage jubilé et jubilatoire dans le Système. Ce dont nous avons besoin est une rupture avec le parti -individu au profit du parti -institution. Si vous alliez aujourd'hui chez un parti quelconque pour vous faire une idée de son programme et de ses structures, vous seriez surpris par la difficulté de mettre la main sur les textes fondateurs et la liste des adhérents. Mais si par hasard vous y tombiez vous trouveriez une belle littérature moderniste imprégnée des idéaux de justice, d'équité et de liberté. Cependant tout se passe, ralliements et retraits compris, comme s'il n'y a ni textes ni structures. En lisant les textes fondant les différents partis vous aurez l'intenable conviction qu'il s'agit d'un seul que la quasi-totalité a plagié. Très rapidement vous verrez qu'il y a deux niveaux séparés de manière étanche. A l'image de l'Etat lui-même, il y a toujours d'une part le niveau des formalités et de l'autre celui des réalités. Si vous lisiez la liste des adhérents vous trouveriez probablement des gens de tout âge. Mais là encore c'est des formalités. Fondamentalement, le parti c'est son chef. Ceux qui ont leur mot à dire dans les partis ne sont pas nécessairement leurs adhérents, que personne d'ailleurs ou presque ne connaît, même pas les adhérents eux-mêmes. Les voix audibles sont nécessairement des gens de la vieille génération, des notabilités traditionnelles ou des barrons des ex-régimes, des "bailleurs" de fonds, qu'ils s'agisse de fonds financiers ou de fonds symboliques. La population ne s'y trompe pas, elle n'appelle pas les partis par leur nom qu'elle ne connaît généralement pas mais les identifie par le nom de leur chef. On dit le parti de tel. C'est là un détaille de taille. Au demeurant, le débat à Nouakchott est dominé en grande partie par les spéculations sur le nom du futur chef de l'Etat. La voilà la situation qui risque d'annoncer un nouveau régime autocratique ou oligarchique en continuité des régimes précédents. Aujourd'hui on ne vient pas adhérer à un parti, on vient faire allégeance à un chef de parti. On n'est pas adhérent ou militant mais on est client. Quand vous interrogez quelqu'un sur les raisons de son retrait d'un parti ou de son ralliement à un autre l'explication courante qu'il vous donnera procèdera de son appréciation du chef de parti. Il l'apprécie ou le déprécie. Le nomadisme politique n'est que la conséquence d'un jeu de rapports qui repose d'une part sur le clientélisme politique et de l'autre sur le lien agnatique reconstruit. Il y a naturellement des exceptions mais suffisamment rares pour dire qu'elles confirment la règle.
Nous buttons aujourd'hui contre des rapports bien rôdés qui sont le produit plus que quinquagénaire d'une double domestication, d'une domestication réciproque dont les deux composantes sont "l'Etat" et la société "traditionnelle". Pour pouvoir enlever les guillemets il faut parler du sous-sur-Etat et de la société traditionnelle reconstruite ou réinvestie dont j'ai longuement parlé ailleurs. Il s'agit d'un demi-siècle ou plus d'un processus d'accommodation de la société traditionnelle patriarcale et paternaliste et l'Etat extérieur et factice, "l'Etat-malaz" des "petits interprètes" où "traduire-c'est-trahir" est à prendre au sens littéral car la trahison y est la première qualité du "fidèle". Le "malaz" doit trahir pour prouver sa fidélité. Le haut fonctionnaire d'aujourd'hui est l'héritier en droite lignée du "malaz" d'hier dont le rôle est principalement de ménager à la fois l'administrateur colonial et la notabilité tribale. Sa "fidélité" procède de sa qualité de médiateur bi-paravent. Il doit par exemple pouvoir baragouineur, notamment devant les Etrangers, des mots comme citoyenneté, République, égalité, tout en les "interprétant" aux tenants de l'ordre traditionnel par "votre fils est des nôtre, nous sommes cousins de par la grand-mère de tel etc." Ce régime de "malazitude" a sophistiqué ses méthodes depuis le 10 juillet 1978 et davantage depuis le 12 décembre 1984. L'officier du 10 juillet n'est rien d'autre qu'une sophistication du goumi, il est le cadre postcolonial et néocolonial le mieux adapté au régime de la "malazitude", il allie à merveille la forme moderne et le contenu archaïque, les faux-semblants de la tenue et du vocabulaire militaires et l'adhésion qui se veut exclusive à l'ordre traditionnel. Il appartient à un double ordre, double corps et double esprit de corps qui en font le schizophrène le plus parachevé. Un psychanalyste aurait peu de mal à repérer un des ressorts significatifs de la violence extrême, de la cruauté caractéristique d'un tel officier. Il y a évidemment des exceptions parmi les générations des officiers du 10 juillet, c'est-à-dire les officiers de la guerre du Sahara, mais là encore il s'agit d'exceptions qui confirment la règle. Je parle évidemment des prototypes qui ont dominé. Rompre avec la pratique d'une certaine génération d'hommes politique, de hauts fonctionnaires et d'officiers supérieurs nécessite entre autres de rénover la classe politique. De la rénover ou réinventer de manière factuelle et non formelle, dans les faits et non sur le papier. La "malazitude" change sur le papier jamais dans les faits. Il est grand temps de changer dans les faits.
AVOMM : En concret que proposez-vous ? De nouveaux partis? De nouveaux dirigeants?
M. Beddy Ould Ebnou : Dans le court terme, comme j'ai eu l'occasion de le développer, ce que j'essaye de promouvoir avec quelques partenaires est d'encourager les personnes issues des nouvelles générations à saisir l'opportunité actuelle pour couper le "cordon ombilical", pour investir l'espace public, pour se représenter massivement lors des prochaines échéances notamment lors des plus décisives d'entre elles, c'est-à-dire les municipales et les législatives. Cette rénovation sera certainement partielle dans un premier temps. Du reste il faut qu'elle procède de manière graduelle. Elle est encore en puissance et non en acte mais elle est désormais inéluctable pour plusieurs raisons que j'ai eu à énumérer à maintes reprises. Au-delà des aspects statistiques, la raison principale sur laquelle on n'aura jamais assez insisté reste la césure qui s'est opérée dans les mentalités grâce au 8 juin. Le huit juin est la première attaque sérieuse qu'a subi "l'Etat-malaz". Symboliquement c'est le premier jour d'un changement qui sera plus moins long et lent selon les stratégies mises en place. Après tout est-il raisonnable qu'un pays où la moyenne d'âge est autour de 21 ans reste otage d'une génération ante -indépendance qui s'en va mais s'obstine à ne pas s'en aller? Les grands changements sont aussi une affaire d'âge et de générations. La plupart de ceux qui ont dirigé et encadré la Révolution Française n'avait pas encore trente ans.
AVOMM : Mr BEDDY vous avez toujours manifesté avec les militants des FLAM dans les rues des grandes villes Européennes, pouvez vous nous dire qui sont-ils ?
M. Beddy Ould Ebnou : J'ai connu aussi bien sur le plan politique que sur le plan personnel la plupart des cadres dirigeants des FLAM. Les attitudes exclusives à leur égard au début des années 90 relevaient ou du boycott ou de la courtisanerie. Ce qui m'intéressait moi et mon ami Mohamed Aly Ould Louly était de dépasser cette binarité et d'engager le débat. Il fallait partir du fait que le débat est synonyme de pluralité d'horizons et d'encrages. La geo-histoire dont nous portions les marques et les griffes nous imposait d'ouvrir le débat dans la sérénité et sans complaisance. Nous avions besoin de voir sur quelles bases nous pouvions aborder nos convergences et divergences et avec quel minima nous étions en mesure d'envisager les priorités du moment. Ce n'était pas facile au départ pour des raisons multiples. Entre autres les blessures des années de braise étaient encore vives. Mais notre refus catégorique de la complaisance et des discours caméléons nous a été bénéfiques. Ce que nous, Mauritaniens de tout bord, avions, avons toujours en partage est bien réel et ne relève aucunement de l'idéalisation. Sur le plan spirituel, culturel, social etc., les liens sont légion. La seule vraie barrière est et demeure la politique, l'Etat, le drame et les crimes c'est l'Etat, le sous-sur-Etat légué par le Colonisateur. On en revient toujours au même point de départ. Le lègue s'est transmis sans nous tous, sans nous consulter, mais nous le subissons, ses griffes nous déchiquettent encore. A nous d'avoir le courage de prendre notre destin en main et de décider d'en discuter sans exclusive, d'en décider ensemble.
AVOMM : Les FLAM connaissent une scission, l’ AVOMM a eu ses crises, même si la naissance d’une AVOMM- BIS bien pâle n’a pas fait long feu d’ ailleurs, que vous inspirent ces déchirures ?
M. Beddy Ould Ebnou : Je ne pense pas qu'il faille les dramatiser outre mesure. Nombreux sont les facteurs qui expliquent objectivement ces fractures. Elles sont douloureuses mais comme notre expérience récente l'a prouvé, elles seront dépassées sur le long terme. C'est un processus de maturation que l'on voit partout. Chez nous comme ailleurs.
AVOMM : Mr Ould Ebnou, allez vous créer un parti politique ?
M. Beddy Ould Ebnou : La création d'un énième parti politique en Mauritanie ne me semble pas de grande utilité dans les conditions actuelles. Au demeurant, l'action partisane et la politique dite politicienne ne font pas partie de mes priorités. Mon combat tel que je viens de l'évoquer succinctement se place sur un autre terrain politique. Nous vivons un moment qui peut être historique et il nous faut une force motrice capable de nous soulever bien au-delà des pesanteurs si voraces du passé.
AVOMM : Votre dernier mot Mr Beddy ?
M. Beddy Ould Ebnou : J'aimerai vous féliciter messieurs Mohamed Ould Dogui et Adama SARR de votre travail remarquable. J'aimerai également féliciter l'AVOMM et son président, mon ami Ousmane Sarr, de la constance et de la grande mesure dont cette organisation a fait preuve ces dernières années. Nous avons fait du chemin ensemble notamment dans le cadre du FOME et je pense avoir raison de me féliciter de la justesse des multiples luttes qui nous ont réunis. Dans la diaspora comme en Mauritanie, notre combat doit continuer. L'espérance gagne du terrain, faisons-la triompher.
AVOMM : Merci Beddy d'avoir répondu à notre invitation.
Propos recueillis par Mohamed Dogui et Adama SARR .
Poète-écrivain engagé, militant convaincu, il n'a cessé d'irriter et de déranger le pouvoir déchu de Ould Taya. Son engagement lui a valu tortures et prison.
Son exil en Europe a été aussi, pour lui, un autre combat : Violemment agressé dans son domicile Parisien, par un agent à la solde du pouvoir, il était aussi confronté à ceux qui l’ont combattus avec le plus de détermination et qui, paradoxalement, n'étaient pas les hommes du système, mais des opposants.
Toutes ces contraintes n'ont jamais entamé sa détermination. Il s’est toujours relevé et a repris le combat parce qu’il était convaincu que son pays méritait des combats plus sérieux, que les calculs politiciens et les règlements de comptes.
Sa persévérance lui a valu respect et estime de l'opposition en exil qui lui confia les fonctions de porte-parole du Forum de l'opposition mauritanienne en exil (FOME). Ses déclarations, ainsi que les face à face qu'il a soutenu avec brio face aux représentants du pouvoir déchu sur El Jazira, El Arabiya et autres chaînes satellitaires internationales ont fini par montrer la vrai nature du régime policier de Taya.
Pour lui, la politique est d’abord le courage intellectuel, l’audace de l’action, la force de suggestion, la participation à la réflexion, l’acceptation de la critique. Sa plume qui l'a propulsé dans le cercle très restreint des géants de la poésie arabe (un actif de sept ouvrages), il l'a d'abord mise au service de son combat. Son livre "C'est pour ceci que j'ai quitté cette terre" est une révolte contre la réalité des injustices dans notre pays.
Il a convaincu et réussi là où d'autres ont abandonné.
Aujourd'hui de retour au pays, Beddy nous livre ici ses impressions sur la Transition en cours, et sur bien d'autres sujets.
Med
L'entretien :
AVOMM : Vous avez pris la décision de rentrer au pays pour continuer la lutte, comment évaluez-vous la Transition en cours?
M. Beddy Ould Ebnou : Il va sans dire que j'aurai besoin de davantage de temps en Mauritanie pour me faire une idée plus objective. Je crois avoir cependant constaté un véritable vent d'espoir ou plus exactement d'espérance. Mais il faut du même coup reconnaître qu'il y a beaucoup d'inquiétudes et d'interrogations. L'héritage peu glorieux des dernières décennies est encore là. Il suffit de jeter un regard sur l'agglomération kafkaïenne de Nouakchott. Ceux qui ont eu à gouverner ce pays n'ont aucune vergogne, aucune retenue, aucune pudeur. Tout est déchéance et absurdité. Quand vous jetez un regard sur les trois secteurs primordiaux que sont l'Education, la Santé et la Justice vous serez consternés. Education, Santé et Justice renvoient exactement à leur opposé antonymique. Du ministre au plus petit instituteur, du ministre au plus petit infirmier, du ministre au plus petit greffier, les équipes s'occupent de tout autre chose que ce que suggère le titre ou le secteur. Un membre du CMJD à qui je me plaignais de ce qui "ne marche pas" dans l'Education me répondait fort justement : "Puisque vous pensez qu'il y a quelque chose d'autre qui marche ! Et où est ce lieu en Mauritanie où quelque chose marche?". Ce que l'Opposition divulguait avant le 3 août n'est pas le dixième de l'état réel du délabrement. Même le secteur militaire que je croyais être un cran plus organisé que le reste des institutions est dans un état de désagrégation bien plus avancé que tout ce qui a été dit ou écrit. Le délabrement règne en maître à tous les niveaux. Et surtout au niveau le plus inquiétant c'est-à-dire celui des esprits et des "supra -structures". L'extériorité et la facticité de l'Etat dans ce qu'elles ont de plus caricatural sont en chaque recoin de la Mauritanie mises à nu.
Le gouvernement actuel à qui le CMJD a confié la gestion de la Transition a compris celle-ci d'une drôle de façon, il ne fait que "transiter". Bon nombre de ses éléments sont de l'Ancien Régime et le restent dans les faits. Ils perpétuent et consacrent, un peu plus subtilement il est vrai, les habitudes héritées beaucoup plus qu'ils n'aident à les défaire et les dépasser. Prenons l'exemple significatif de la corruption. Le CMJD a réussi partiellement à fermé les gros robinets des fonds publics qui irriguaient la déliquescence et la criminalité économico -financières mais les "funambules" du passé - présent ont déjà et aussitôt trouvé toutes sortes d'acrobaties pour régénérer une bonne partie des anciennes pratiques. Pour se faire une idée, il suffit de comparer le salaire dit officiel d'un haut fonctionnaire et son train de vie, celui à la fois que lui-même se choisit et que son environnement social choisit pour lui.
Les inquiétudes sont donc grandes car les réalités et les démons du passé sont présents. Mais il y a aussi de l'espoir- espérance. Il y a une opportunité historique si l'on arrive à mettre à profit la liberté d'expression et d'organisation obtenue aujourd'hui pour donner aux Mauritaniens une ambition et un projet à la hauteur de la gravité du moment. Il y a besoin de provoquer une synergie, une exaltation capable de soulever les foules par-delà les carcans et les archaïsmes, par-delà le je-m'en-foutisme, l'attentisme et le fatalisme ambiants. Sinon les "habitus" sociopolitiques surannés risquent de se trouver consolidés.
Aux pratiques machiavéliques reçues, à la politique comme opium discursif dont l'objectif ultime est la redistribution de rôles aux seins des cercles bien installés, il faut opposer une autre pratique politique. La politique qui en vaut la peine est celle qui n'est pas accommodation mais transformation. La politique est l'outil sinon unique du moins principal aux mains des opprimés pour défataliser l'histoire. Il n'y aura pas un véritable mouvement de changement sans cette exaltation que seule pourra susciter une pratique politique humanisée, dont la finalité éthique est davantage de justice et de liberté. Sans cette politique qui rime avec éthique, le machiavélisme mafieux se trouvera immunisé, consacré et légitimé par les urnes du mois de novembre et du mois de mars prochains.
AVOMM : Vous n’ êtes plus en exil , nous supposons que le FOME est terminé pour vous et votre camarade Mr Mamadou Bocar BA qui vient de créer les FLAM / R , que devient le FOME ( forum de l’ opposition mauritanienne en exil)?
M. Beddy Ould Ebnou : Comme vous le savez, le FOME est composé de quelques quinze organisations dont la vôtre, les FLAM, FMRD et bien d'autres. Il est donc et sera ce qu'en décident toutes ces organisations. Lors de la dernière assemblée générale j'ai, avec d'autres membres, proposé de le dissoudre. La majorité qui s'est dégagée n'était pas favorable à la dissolution. On nous a rétorqué un argument bien solide : les organisations du FOME ont mis des années pour pouvoir mettre cette structure en place et il ne faut pas la sacrifier inconsidérément. Compte tenu des nouvelles donnes consécutives au 3 août la plupart des organisations ne voulait ni d'un nouveau mandat ni de la dissolution mais proposait une modification du FOME qui soit adaptée à la conjoncture. Ils nous ont chargés, nous membres du bureau et le doyen Mourtudo Diop de faire des propositions en vue de la mise en place d'une nouvelle structure en phase, allant au-delà du FOME et associant un maximum d'organisation politiques et de la société civile. Voici où nous en étions avant mon départ en Mauritanie et avant le congrès des FLAM et les événements auxquels vous faites allusion. Ces jours-ci de retour à Paris, je me suis déjà entretenu avec le doyen Mourtudo Diop et quelques responsables d'organisations. Je n'ai pas encore eu le temps de rencontrer toutes les organisations pour décider ensemble de la suite.
AVOMM : Dans votre première conférence de presse, vous appelez à la rupture avec la vieille génération d'hommes politiques qui, selon vous, n'est plus apte à gouverner. Pouvez-vous nous expliquer le fond de votre pensée?
M. Beddy Ould Ebnou : Je partais d'un constat très simple. L'âge moyen de la population est autour de 21 ans alors que celui de la classe politique ou plus exactement de ses "voix audibles" est de plus de 50 ans. Depuis le 3 août le combat n'est plus tactique contre un tyran mais doit être stratégique contre une pensée tyrannique. Le tyran est parti alors que la pensée tyrannique reste. Celle-ci veux que le changement ne soit que redistribution de rôles au sein des mêmes cercles de vétérans momifiés. Formellement il y a des partis et des adhérents de tout âge. Réellement il n'y a que des individualités de la première génération dont la légitimité provient en grande partie de leur "fossilisation" au sens littéral comme au sens métaphorique. Leur capital matériel et symbolique est principalement du à leur encrage jubilé et jubilatoire dans le Système. Ce dont nous avons besoin est une rupture avec le parti -individu au profit du parti -institution. Si vous alliez aujourd'hui chez un parti quelconque pour vous faire une idée de son programme et de ses structures, vous seriez surpris par la difficulté de mettre la main sur les textes fondateurs et la liste des adhérents. Mais si par hasard vous y tombiez vous trouveriez une belle littérature moderniste imprégnée des idéaux de justice, d'équité et de liberté. Cependant tout se passe, ralliements et retraits compris, comme s'il n'y a ni textes ni structures. En lisant les textes fondant les différents partis vous aurez l'intenable conviction qu'il s'agit d'un seul que la quasi-totalité a plagié. Très rapidement vous verrez qu'il y a deux niveaux séparés de manière étanche. A l'image de l'Etat lui-même, il y a toujours d'une part le niveau des formalités et de l'autre celui des réalités. Si vous lisiez la liste des adhérents vous trouveriez probablement des gens de tout âge. Mais là encore c'est des formalités. Fondamentalement, le parti c'est son chef. Ceux qui ont leur mot à dire dans les partis ne sont pas nécessairement leurs adhérents, que personne d'ailleurs ou presque ne connaît, même pas les adhérents eux-mêmes. Les voix audibles sont nécessairement des gens de la vieille génération, des notabilités traditionnelles ou des barrons des ex-régimes, des "bailleurs" de fonds, qu'ils s'agisse de fonds financiers ou de fonds symboliques. La population ne s'y trompe pas, elle n'appelle pas les partis par leur nom qu'elle ne connaît généralement pas mais les identifie par le nom de leur chef. On dit le parti de tel. C'est là un détaille de taille. Au demeurant, le débat à Nouakchott est dominé en grande partie par les spéculations sur le nom du futur chef de l'Etat. La voilà la situation qui risque d'annoncer un nouveau régime autocratique ou oligarchique en continuité des régimes précédents. Aujourd'hui on ne vient pas adhérer à un parti, on vient faire allégeance à un chef de parti. On n'est pas adhérent ou militant mais on est client. Quand vous interrogez quelqu'un sur les raisons de son retrait d'un parti ou de son ralliement à un autre l'explication courante qu'il vous donnera procèdera de son appréciation du chef de parti. Il l'apprécie ou le déprécie. Le nomadisme politique n'est que la conséquence d'un jeu de rapports qui repose d'une part sur le clientélisme politique et de l'autre sur le lien agnatique reconstruit. Il y a naturellement des exceptions mais suffisamment rares pour dire qu'elles confirment la règle.
Nous buttons aujourd'hui contre des rapports bien rôdés qui sont le produit plus que quinquagénaire d'une double domestication, d'une domestication réciproque dont les deux composantes sont "l'Etat" et la société "traditionnelle". Pour pouvoir enlever les guillemets il faut parler du sous-sur-Etat et de la société traditionnelle reconstruite ou réinvestie dont j'ai longuement parlé ailleurs. Il s'agit d'un demi-siècle ou plus d'un processus d'accommodation de la société traditionnelle patriarcale et paternaliste et l'Etat extérieur et factice, "l'Etat-malaz" des "petits interprètes" où "traduire-c'est-trahir" est à prendre au sens littéral car la trahison y est la première qualité du "fidèle". Le "malaz" doit trahir pour prouver sa fidélité. Le haut fonctionnaire d'aujourd'hui est l'héritier en droite lignée du "malaz" d'hier dont le rôle est principalement de ménager à la fois l'administrateur colonial et la notabilité tribale. Sa "fidélité" procède de sa qualité de médiateur bi-paravent. Il doit par exemple pouvoir baragouineur, notamment devant les Etrangers, des mots comme citoyenneté, République, égalité, tout en les "interprétant" aux tenants de l'ordre traditionnel par "votre fils est des nôtre, nous sommes cousins de par la grand-mère de tel etc." Ce régime de "malazitude" a sophistiqué ses méthodes depuis le 10 juillet 1978 et davantage depuis le 12 décembre 1984. L'officier du 10 juillet n'est rien d'autre qu'une sophistication du goumi, il est le cadre postcolonial et néocolonial le mieux adapté au régime de la "malazitude", il allie à merveille la forme moderne et le contenu archaïque, les faux-semblants de la tenue et du vocabulaire militaires et l'adhésion qui se veut exclusive à l'ordre traditionnel. Il appartient à un double ordre, double corps et double esprit de corps qui en font le schizophrène le plus parachevé. Un psychanalyste aurait peu de mal à repérer un des ressorts significatifs de la violence extrême, de la cruauté caractéristique d'un tel officier. Il y a évidemment des exceptions parmi les générations des officiers du 10 juillet, c'est-à-dire les officiers de la guerre du Sahara, mais là encore il s'agit d'exceptions qui confirment la règle. Je parle évidemment des prototypes qui ont dominé. Rompre avec la pratique d'une certaine génération d'hommes politique, de hauts fonctionnaires et d'officiers supérieurs nécessite entre autres de rénover la classe politique. De la rénover ou réinventer de manière factuelle et non formelle, dans les faits et non sur le papier. La "malazitude" change sur le papier jamais dans les faits. Il est grand temps de changer dans les faits.
AVOMM : En concret que proposez-vous ? De nouveaux partis? De nouveaux dirigeants?
M. Beddy Ould Ebnou : Dans le court terme, comme j'ai eu l'occasion de le développer, ce que j'essaye de promouvoir avec quelques partenaires est d'encourager les personnes issues des nouvelles générations à saisir l'opportunité actuelle pour couper le "cordon ombilical", pour investir l'espace public, pour se représenter massivement lors des prochaines échéances notamment lors des plus décisives d'entre elles, c'est-à-dire les municipales et les législatives. Cette rénovation sera certainement partielle dans un premier temps. Du reste il faut qu'elle procède de manière graduelle. Elle est encore en puissance et non en acte mais elle est désormais inéluctable pour plusieurs raisons que j'ai eu à énumérer à maintes reprises. Au-delà des aspects statistiques, la raison principale sur laquelle on n'aura jamais assez insisté reste la césure qui s'est opérée dans les mentalités grâce au 8 juin. Le huit juin est la première attaque sérieuse qu'a subi "l'Etat-malaz". Symboliquement c'est le premier jour d'un changement qui sera plus moins long et lent selon les stratégies mises en place. Après tout est-il raisonnable qu'un pays où la moyenne d'âge est autour de 21 ans reste otage d'une génération ante -indépendance qui s'en va mais s'obstine à ne pas s'en aller? Les grands changements sont aussi une affaire d'âge et de générations. La plupart de ceux qui ont dirigé et encadré la Révolution Française n'avait pas encore trente ans.
AVOMM : Mr BEDDY vous avez toujours manifesté avec les militants des FLAM dans les rues des grandes villes Européennes, pouvez vous nous dire qui sont-ils ?
M. Beddy Ould Ebnou : J'ai connu aussi bien sur le plan politique que sur le plan personnel la plupart des cadres dirigeants des FLAM. Les attitudes exclusives à leur égard au début des années 90 relevaient ou du boycott ou de la courtisanerie. Ce qui m'intéressait moi et mon ami Mohamed Aly Ould Louly était de dépasser cette binarité et d'engager le débat. Il fallait partir du fait que le débat est synonyme de pluralité d'horizons et d'encrages. La geo-histoire dont nous portions les marques et les griffes nous imposait d'ouvrir le débat dans la sérénité et sans complaisance. Nous avions besoin de voir sur quelles bases nous pouvions aborder nos convergences et divergences et avec quel minima nous étions en mesure d'envisager les priorités du moment. Ce n'était pas facile au départ pour des raisons multiples. Entre autres les blessures des années de braise étaient encore vives. Mais notre refus catégorique de la complaisance et des discours caméléons nous a été bénéfiques. Ce que nous, Mauritaniens de tout bord, avions, avons toujours en partage est bien réel et ne relève aucunement de l'idéalisation. Sur le plan spirituel, culturel, social etc., les liens sont légion. La seule vraie barrière est et demeure la politique, l'Etat, le drame et les crimes c'est l'Etat, le sous-sur-Etat légué par le Colonisateur. On en revient toujours au même point de départ. Le lègue s'est transmis sans nous tous, sans nous consulter, mais nous le subissons, ses griffes nous déchiquettent encore. A nous d'avoir le courage de prendre notre destin en main et de décider d'en discuter sans exclusive, d'en décider ensemble.
AVOMM : Les FLAM connaissent une scission, l’ AVOMM a eu ses crises, même si la naissance d’une AVOMM- BIS bien pâle n’a pas fait long feu d’ ailleurs, que vous inspirent ces déchirures ?
M. Beddy Ould Ebnou : Je ne pense pas qu'il faille les dramatiser outre mesure. Nombreux sont les facteurs qui expliquent objectivement ces fractures. Elles sont douloureuses mais comme notre expérience récente l'a prouvé, elles seront dépassées sur le long terme. C'est un processus de maturation que l'on voit partout. Chez nous comme ailleurs.
AVOMM : Mr Ould Ebnou, allez vous créer un parti politique ?
M. Beddy Ould Ebnou : La création d'un énième parti politique en Mauritanie ne me semble pas de grande utilité dans les conditions actuelles. Au demeurant, l'action partisane et la politique dite politicienne ne font pas partie de mes priorités. Mon combat tel que je viens de l'évoquer succinctement se place sur un autre terrain politique. Nous vivons un moment qui peut être historique et il nous faut une force motrice capable de nous soulever bien au-delà des pesanteurs si voraces du passé.
AVOMM : Votre dernier mot Mr Beddy ?
M. Beddy Ould Ebnou : J'aimerai vous féliciter messieurs Mohamed Ould Dogui et Adama SARR de votre travail remarquable. J'aimerai également féliciter l'AVOMM et son président, mon ami Ousmane Sarr, de la constance et de la grande mesure dont cette organisation a fait preuve ces dernières années. Nous avons fait du chemin ensemble notamment dans le cadre du FOME et je pense avoir raison de me féliciter de la justesse des multiples luttes qui nous ont réunis. Dans la diaspora comme en Mauritanie, notre combat doit continuer. L'espérance gagne du terrain, faisons-la triompher.
AVOMM : Merci Beddy d'avoir répondu à notre invitation.
Propos recueillis par Mohamed Dogui et Adama SARR .