La mort par pendaison de Saddam Hussein, ce matin à l'aube, n'est pas appréciée par les partisans de la civilisation, notamment les défenseurs des droits humains et de la condamnation à mort quelle que soit la gravité du crime. Le principe d'humanité dans sa formulation universelle et dans l'énonciation du droit humain naturel à la vie ne peut plus s'accommoder de pratiques peu conformes à l'actualité des récents progrès des juridictions internationales.
Il convient de souligner l'importance de l'existence d'instances juridictionnelles internationales dans un monde où règne la barbarie comme méthode de gouvernement dans bon nombre de pays. Des peuples croupissent sous l'oppression et la tyrannie. Des régimes de l'arbitraire continuent à prospérer sans être inquiétés.
Le principe d'humanité, désormais, fondé sur la dimension sacrée de la vie, est entrain de faire, son chemin pour parvenir à son effectivité universelle intégrale. Certes, il ne sied pas, aux progressistes et aux humanistes de prôner une sanction barbare même à un barbare.
Sans donner libre cours au sentiment de révolte, ni au soulagement, devant l'élimination d'une vie, fût-elle, celle d'un criminel, il importe de mettre en exergue l'espoir que, cette mort peut naturellement susciter chez les négro-africains de Mauritanie.
Saddam Hussein a eu autant, sinon probablement, plus de succès en Mauritanie qu'en Irak. Toute une partie du peuple mauritanien, dans sa grande majorité, s'est identifiée au baathisme et avait reconnu Saddam comme son héros. Il était vénéré dans notre pays parce que son idéologie a permis l'extermination et la déportation des négro-africains. Il y avait eu une sorte d'euphorie généralisée chez toute une grande partie de la composante maure du pays devant la perspective idéologique de négation de l'entité négro-africaine. Il y avait une fierté affichée à être baathiste irakien. Certains de nos compatriotes considéraient les Irakiens comme étant leurs concitoyens dans le déni de la citoyenneté de leurs compatriotes négro-africains. Le dictateur irakien a aidé à la mise en place d'un programme d'extermination totale de la communauté négro-africaine.
Au regard de cette réalité, les Mauritaniens noirs ne peuvent pas avoir la même réaction que leurs compatriotes maures, heureux et fiers des années sombres de mise à mort, d'humiliation et de déportation des négro-africains. Ould Taya et ses compagnons dont Ely ould Mohamed Vall, l'actuel chef de l'Etat étaient inféodés à leur grand frère, qui leur apportait une formation idéologique, morale et politique, des armes et tout un arsenal de propagande pour les encourager à agir de façon inhumaine contre les négro-africains. Le baathisme mauritanien a permis à bon nombre de nos compatriotes à se sentir à l'aise dans une posture inhumaine vis-à-vis du négro-africain.
C'était l'époque où des élèves, des étudiants, des enseignants, des intellectuels, des universitaires, des officiers de l'armée, de la gendarmerie, de la marine, de la garde nationale, de la police (très nombreux pour ne pas dire presque tous) des administrateurs, des diplomates, des commerçants, de simples citoyens hommes comme femmes furent tous, avec ferveur, engagés dans cette aventure qui leur permettaient de massacrer et d'humilier les négro-africains. Tous les secteurs de la vie du pays furent contrôlés par les baathistes. Les négro-africains vivaient dans l'enfer total. Etre négro-africain , en cette période, était un grand malheur. Des amitiés nouées de longue date n'avaient plus de sens, un voisinage ancestral ne représentait plus rien.
Beaucoup de négro-africains vécurent dramatiquement cette expérience. Saddam fut un héros mauritanien dont le nom était systématiquement choisi pour les nouveaux nés. Il y a des générations en Mauritanie qui portent le nom de Saddam. C'est le grand frère de Taya, de Ely , de Cheic ould Ahmed, l'ancien directeur de la sûreté régionale au Gorgol et au Trarza, de Isselmou ould Mohamed Vall l'ancien Gouverneur du Gorgol, du Trarza et du District, de Ely ould Dah. C'est lui Saddam qui vient de mourir de manière barbare et sans honneur. L'espoir qui en résulte sans s'en réjouir, est immense dans la mesure où, nos criminels pourraient un jour, répondre de leurs crimes devant une juridiction. Savoir qu'un Taya, qu'un Ely, qu'un Gabriel Cymper alias Djibril ould Abdellah, ancien Ministre de l'intérieur et de la terreur, peuvent aujourd'hui, dans le silence de leur conscience, être confrontés à l'image de Saddam pendu, donne de l'espoir. Ces hommes étaient déjà troublés, ils le seront davantage avec cet événement. Apprendre la nouvelle que leur maître tout puissant et absolu est mort, par pendaison, est un événement tragique, pour eux et tous leurs compagnons.
Il faut dire que l'histoire est géniale par sa dialectique, ses retournements, ses surprises. Les puissants d'hier, sont devenus des misérables, ceux qui se pensaient éternellement à l'abri, sont défaits, d'abord chassés du pouvoir, ensuite vaincus par la justice et anéantis par la mort. Le sort de Saddam est exemplaire, étant donné que Pinochet a été épargné à cause de la mort naturelle. Le criminel barbare qui a détruit des vies innocentes qu'il s'appelle Pinochet, Saddam, Ould Taya, Oul Vall, répondra devant la justice humaine ou éternelle. L'humanité des hommes mérite un respect absolument sacré. Toute vie humaine est sacrée, et, à ce titre, mérite d'être protégée, préservée et non détruite. Les tyrans que furent Pinochet et Saddam ont détruit des vies de manière barbare et inhumaine ; des tyrans que sont Ould Taya et Ely ould Mohamed vall ont détruit des vies ; leur sort est d'être obligatoirement présentés devant des juridictions internationales.
C'est pourquoi, Ely n'a pas la légitimité d'être le garant d'une quelconque transition démocratique. Il doit répondre avec ses amis et son ancien patron devant une juridiction pénale internationale. Le seul mérite d'un barbare, qui a exterminé des vies, c'est de répondre devant la justice. L'espoir, aujourd'hui, des négro-africains, après l'exécution par pendaison, de Saddam Hussein, un des responsables de notre calvaire est de voir Taya et Ely répondre de leurs crimes devant un tribunal pénal international. Vive le droit contre l'arbitraire, vive la justice contre l'injustice, vive la vie contre la mort. Nous savons, désormais que le tribunal de l'histoire est une réalité effective et universelle.
Notre sentiment ne doit pas, être pour autant, de satisfaction devant la mort d'un être humain fût-il un bourreau, mais de méditer la leçon de l'histoire qui, avec cet événement, montre que la justice finira toujours par vaincre l'injustice. Dans un monde qui se veut civilisé, il est des pratiques, qui doivent être éradiquées à jamais. Or, les dirigeants mauritaniens n'ont pas assimilé la leçon de l'histoire. Il y a encore, dans le monde et en Mauritanie particulièrement, des partisans de l'arbitraire, du racisme et de l'esclavage. Ils doivent être traduits devant la justice universelle. Taya, Ely, Djibril ould Abdellah doivent d'abord être les premiers à être jugés pour que la Mauritanie puisse espérer vivre une transition démocratique. L'exécution de Saddam sera ressentie comme un avertissement pour bon nombre de criminels mauritaniens ; Taya et Ely doivent se préparer à vivre le sort que vient de subir leur grand frère Saddam Hussein. Ainsi va la vie ; aucun pouvoir temporel n'est vraiment absolu, encore moins éternel. Le droit est en définitive plus puissant que la force de l'injustice et de l'arbitraire. La civilisation doit remporter la victoire sur la barbarie. Taya et Ely doivent sérieusement réfléchir.
SY Hamdou