La Mauritanie s'apprête à vivre deux années décisives, avant la désignation de l'homme qui prendra en main sa destinée et l'avenir de son peuple. Aujourd'hui, parmi les candidats potentiels à cette tâche, aucun n'est en mesure de se faire aimer, ni même accepter par la majorité des Mauritaniens : leurs "projets de société", très semblables par le manque d'imagination et d'audace ne recouvrent, je le crains, que la course atavique au pouvoir. Aucun parti, dans ses propositions de l'après-Taya, n'échappe à l'amnésie ; celles-ci, autant que les gestes et poses des opposants d'hier, ne sont que la somme des tares dans la société mauritanienne. Les tribus paradent, reçoivent et laissent venir à elles la salive des mendiants du suffrage.
Le Cmjd, en dépit de ses déclarations d'intention, a fait son choix, une attitude qui obombre la lueur issue de la révolution de palais d'un inoubliable 3 août 2005. Sa neutralité - affichée et probablement irréprochable sur le plan de la forme - commue l'état de grâce de la transition, en une pré-campagne électorale qui torpille, par ses excès de prudence, sa manie consensuelle et sa peur du conflit, la nécessaire explication entre Mauritaniens.
Au moment où les alliances, les manœuvres de toute nature se nouent, il importe pour l'élite, de prendre position. Le jeu de la prudence, la pauvre petite ambition de ceux qui veulent gagner à tout prix, observable ici et là entre les acteurs politiques du moment, apparaît, sans pudeur, comme une insulte à l'entendement de mes compatriotes, en particulier les rares d'entre eux à réfléchir et lever le front, ces dernières années.
Le régime du colonel OuId Taya aura aliéné tous les esprits, par le chantage à la survie dans l'indignité, en contrepartie d'un peu de pain et de la tranquillité. Aujourd'hui, il nous en reste l'essentiel, en somme la faculté, pour chacun, d'anticiper la bonne alliance, le vent porteur, l'adhésion lucrative ; jamais, peut-être, campagne électorale ne durera aussi longtemps. Dans la perspective du triomphe escompté de tel ou tel, la finalité commande sa vertu ; il s'agit d'être souple, très véloce, prodigieusement retournable, toujours en veille et, s'il faut dormir, garder chaussure au pied ; le nouvel homme mauritanien a la girouette pour idole ; il n'est donc pas surprenant que sa devise soit le vent. De quoi récolter les tempêtes...
Oui, l'anticipation est un art, un art point aisé. Mes compatriotes l'ont appris, souvent à leurs dépens, sous le règne du colonel Ould Taya dont la longévité tient à l'hégémonie d'une minorité distributice de prébendes ; d'où la fragilisation du pacte social et l'atomisation de la communauté. En effet, dans un tel contexte, la prospective, le sens de l'histoire, la fameuse vision ne vont jamais moins près que le fumet de la marmite.
Si le pouvoir du colonel Ould Taya a bien pris fin, il reste, désormais, à régler les problèmes qu'il engendrait, en premier lieu la fracture nationale. Aujourd'hui, les candidats - plus ou moins déclarés d'ailleurs - ont intégré cet usage bien africain qui recommande de se préoccuper des élections, de leurs modes, puis, incidemment, des souffrances, des destins brisés, des frustrations, des éventuels risques de guerre, bref de cet avenir déjà en marche. Notre rapport, jalousement superficiel à la politique, porte l'empreinte d'une véritable défiance envers toute profondeur, toute authenticité, tout volontarisme. Le sacrifice novateur, le fameux souffle des idées, de l'imaginaire et de l'irrévérence, ce par quoi l'homme d'Etat devance l'esprit de ses contemporains et insulte les préjugés de la multitude, au fond ce pragmatisme libérateur ne me semble, de nos jours, porté par aucun des candidats crédibles à l'exercice du pouvoir.
Des années durant, nous avons théorisé la fracture nationale, jusqu'à la rendre transparente, lisible par le plus obtus des analphabètes ; la réponse à celle-ci viendra d'un Mauritanien, relativement neuf, au-dessus de tout soupçon de vol du bien public ou de collusion avec des tueurs, doté d'une stature internationale. En effet, au moment d'administrer la pilule vitale, il importe de ne pas se tromper sur la posologie prescrite au patient Mauritanie.
Pour ces raisons, nous appelons notre compatriote Ahmedou Ould Abdallah, actuellement représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unis pour l'Afrique de l'Ouest basé à Dakar (Unowa) à proposer le remède, au travers de sa candidature à l'élection présidentielle de 2007. Celle-ci constituerait une intervention patriotique et un acte préventif au-delà de nos frontières, afin d'accorder, à cette transition encore bancale mais si prometteuse, les chances de durer, de réussir et de produire davantage qu'une mention dans un manuel d'histoire scolaire.
Quelquefois, la politique fonctionne mécaniquement. La personnalité d'Ahmedou Ould Abdallah comporte des atouts, professionnels et empiriques, de nature à rassurer les plus sceptiques sur la possibilité, pour les Mauritaniens, de produire un leader qui ne soit pas un technocrate moyen, un putschiste brouillon, un harangueur sans compétence ou le parent de quelqu'un de connu. L'attitude de réserve, d'expectative embarrassée, de la part des partenaires proches et lointains de la Mauritanie est, à cet égard, édifiante : elle vient rappeler que notre patrie a besoin de leur présenter un visage sain, familier, solvable, rationnel, pour ne pas dire moderne, Les grandes œuvres politiques sont, souvent, le fait de combattants, d'hommes intègres ou de gestionnaires rigoureux, le cas Ahmedou Ould Abdallah relève sans doute des deux dernières qualités. S'y ajoute, singulièrement, une solitude que des années de diplomatie ont forgée, loin des passions et des salissures de l'ère Ould Taya.
Dans l'état actuel des choses, il faut, à la Mauritanie, un homme capable de casser l'emprise d'une domination tribale, entretenue par quarante-cinq ans d'exclusion et d'une mainmise d'une minorité sur les richesses du pays. A la présidence d'une République, l'on élit, je l'espère, un homme, point les siens, une ethnie, une tribu, ni un lieu. Celui-là s'élève au-dessus.
El Arby Oul SALECK Docteur en Science politique Auteur de : "Les Haratins, le Paysage politique mauritanien", L'Harmattan, 2003 Paris, France Tél 06 21 44 25 94
Le Cmjd, en dépit de ses déclarations d'intention, a fait son choix, une attitude qui obombre la lueur issue de la révolution de palais d'un inoubliable 3 août 2005. Sa neutralité - affichée et probablement irréprochable sur le plan de la forme - commue l'état de grâce de la transition, en une pré-campagne électorale qui torpille, par ses excès de prudence, sa manie consensuelle et sa peur du conflit, la nécessaire explication entre Mauritaniens.
Au moment où les alliances, les manœuvres de toute nature se nouent, il importe pour l'élite, de prendre position. Le jeu de la prudence, la pauvre petite ambition de ceux qui veulent gagner à tout prix, observable ici et là entre les acteurs politiques du moment, apparaît, sans pudeur, comme une insulte à l'entendement de mes compatriotes, en particulier les rares d'entre eux à réfléchir et lever le front, ces dernières années.
Le régime du colonel OuId Taya aura aliéné tous les esprits, par le chantage à la survie dans l'indignité, en contrepartie d'un peu de pain et de la tranquillité. Aujourd'hui, il nous en reste l'essentiel, en somme la faculté, pour chacun, d'anticiper la bonne alliance, le vent porteur, l'adhésion lucrative ; jamais, peut-être, campagne électorale ne durera aussi longtemps. Dans la perspective du triomphe escompté de tel ou tel, la finalité commande sa vertu ; il s'agit d'être souple, très véloce, prodigieusement retournable, toujours en veille et, s'il faut dormir, garder chaussure au pied ; le nouvel homme mauritanien a la girouette pour idole ; il n'est donc pas surprenant que sa devise soit le vent. De quoi récolter les tempêtes...
Oui, l'anticipation est un art, un art point aisé. Mes compatriotes l'ont appris, souvent à leurs dépens, sous le règne du colonel Ould Taya dont la longévité tient à l'hégémonie d'une minorité distributice de prébendes ; d'où la fragilisation du pacte social et l'atomisation de la communauté. En effet, dans un tel contexte, la prospective, le sens de l'histoire, la fameuse vision ne vont jamais moins près que le fumet de la marmite.
Si le pouvoir du colonel Ould Taya a bien pris fin, il reste, désormais, à régler les problèmes qu'il engendrait, en premier lieu la fracture nationale. Aujourd'hui, les candidats - plus ou moins déclarés d'ailleurs - ont intégré cet usage bien africain qui recommande de se préoccuper des élections, de leurs modes, puis, incidemment, des souffrances, des destins brisés, des frustrations, des éventuels risques de guerre, bref de cet avenir déjà en marche. Notre rapport, jalousement superficiel à la politique, porte l'empreinte d'une véritable défiance envers toute profondeur, toute authenticité, tout volontarisme. Le sacrifice novateur, le fameux souffle des idées, de l'imaginaire et de l'irrévérence, ce par quoi l'homme d'Etat devance l'esprit de ses contemporains et insulte les préjugés de la multitude, au fond ce pragmatisme libérateur ne me semble, de nos jours, porté par aucun des candidats crédibles à l'exercice du pouvoir.
Des années durant, nous avons théorisé la fracture nationale, jusqu'à la rendre transparente, lisible par le plus obtus des analphabètes ; la réponse à celle-ci viendra d'un Mauritanien, relativement neuf, au-dessus de tout soupçon de vol du bien public ou de collusion avec des tueurs, doté d'une stature internationale. En effet, au moment d'administrer la pilule vitale, il importe de ne pas se tromper sur la posologie prescrite au patient Mauritanie.
Pour ces raisons, nous appelons notre compatriote Ahmedou Ould Abdallah, actuellement représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unis pour l'Afrique de l'Ouest basé à Dakar (Unowa) à proposer le remède, au travers de sa candidature à l'élection présidentielle de 2007. Celle-ci constituerait une intervention patriotique et un acte préventif au-delà de nos frontières, afin d'accorder, à cette transition encore bancale mais si prometteuse, les chances de durer, de réussir et de produire davantage qu'une mention dans un manuel d'histoire scolaire.
Quelquefois, la politique fonctionne mécaniquement. La personnalité d'Ahmedou Ould Abdallah comporte des atouts, professionnels et empiriques, de nature à rassurer les plus sceptiques sur la possibilité, pour les Mauritaniens, de produire un leader qui ne soit pas un technocrate moyen, un putschiste brouillon, un harangueur sans compétence ou le parent de quelqu'un de connu. L'attitude de réserve, d'expectative embarrassée, de la part des partenaires proches et lointains de la Mauritanie est, à cet égard, édifiante : elle vient rappeler que notre patrie a besoin de leur présenter un visage sain, familier, solvable, rationnel, pour ne pas dire moderne, Les grandes œuvres politiques sont, souvent, le fait de combattants, d'hommes intègres ou de gestionnaires rigoureux, le cas Ahmedou Ould Abdallah relève sans doute des deux dernières qualités. S'y ajoute, singulièrement, une solitude que des années de diplomatie ont forgée, loin des passions et des salissures de l'ère Ould Taya.
Dans l'état actuel des choses, il faut, à la Mauritanie, un homme capable de casser l'emprise d'une domination tribale, entretenue par quarante-cinq ans d'exclusion et d'une mainmise d'une minorité sur les richesses du pays. A la présidence d'une République, l'on élit, je l'espère, un homme, point les siens, une ethnie, une tribu, ni un lieu. Celui-là s'élève au-dessus.
El Arby Oul SALECK Docteur en Science politique Auteur de : "Les Haratins, le Paysage politique mauritanien", L'Harmattan, 2003 Paris, France Tél 06 21 44 25 94