Originaire d’Atar, le capitaine Breyka Oul M’Bareck, est, de l’avis général, l’un des plus valeureux officiers de notre armée. L’homme s’est forgé sur les terrains de combats, une réputation de fin stratège capable de mettre en déroute l’ennemi au premier contact.
Ces exploits accumulés dans toutes les batailles et sur tous les fronts ne se comptent plus (voir document plus bas). Ces ennemis aussi, des aigris et des jaloux qui, jusqu’au bout, ne lui ont jamais pardonné d’être ce qu’il était un résistant, qui aura rempli sa mission qui consiste à défendre l’intégrité de son pays.
Par ailleurs, Breyka Oul M’Bareck dérangeait aussi parce que la cause pour laquelle il luttait depuis 1964, celle de la composante ( khadhari ) forçait les lobbies réactionnaires à poser le regard sur un problème qui les dérangeait En effet, c’est là aussi qu’on retrouve l’autre facette de l’homme, un anti-esclavagiste pur et dur.
Mais pour ses compagnons, qu’il continue d’appeler affectueusement les militants, ceux qui connaissent son histoire remplie de courage et de dévouement, histoire faite aussi de douleurs, et d’espoirs, ils magnifient l’homme car, comme dit l’un d’eux, nous tous ici, connaissons le prix de son sacrifice, et la solitude de ses exils mais qui aujourd’hui, dans ce gouvernement démocratique, qui pense à lui, à tout ce qu’il a donné pour son pays ?
Le capitaine Breyka Ould M’Bareck a accepté volontiers de répondre à toutes nos questions avec franchise et parfois passion pour les sujets qui lui tiennent à cœur.
Pour mieux connaître l’homme nous vous proposons un regard furtif sur son parcours.
Med
L'entretien
Ces exploits accumulés dans toutes les batailles et sur tous les fronts ne se comptent plus (voir document plus bas). Ces ennemis aussi, des aigris et des jaloux qui, jusqu’au bout, ne lui ont jamais pardonné d’être ce qu’il était un résistant, qui aura rempli sa mission qui consiste à défendre l’intégrité de son pays.
Par ailleurs, Breyka Oul M’Bareck dérangeait aussi parce que la cause pour laquelle il luttait depuis 1964, celle de la composante ( khadhari ) forçait les lobbies réactionnaires à poser le regard sur un problème qui les dérangeait En effet, c’est là aussi qu’on retrouve l’autre facette de l’homme, un anti-esclavagiste pur et dur.
Mais pour ses compagnons, qu’il continue d’appeler affectueusement les militants, ceux qui connaissent son histoire remplie de courage et de dévouement, histoire faite aussi de douleurs, et d’espoirs, ils magnifient l’homme car, comme dit l’un d’eux, nous tous ici, connaissons le prix de son sacrifice, et la solitude de ses exils mais qui aujourd’hui, dans ce gouvernement démocratique, qui pense à lui, à tout ce qu’il a donné pour son pays ?
Le capitaine Breyka Ould M’Bareck a accepté volontiers de répondre à toutes nos questions avec franchise et parfois passion pour les sujets qui lui tiennent à cœur.
Pour mieux connaître l’homme nous vous proposons un regard furtif sur son parcours.
Med
L'entretien
AVOMM.COM : Depuis votre retour d’exil en juin 2006, bien des choses se sont passées, pouvez nous parler un peu des espoirs nées du changement, les acquis et les déceptions ?
Capitaine Breyka Ould M’Bareck : Tout d’abord permettez-moi, Mohamed, de saluer ici tous les membres de l’AVOMM pour le combat qu’ils ont mené toutes ces années et qui a abouti à l’éviction de Ould Taya. Je saisis cette occasion pour affirmer que le coup d’Etat du 3 août n’est pas l’œuvre exclusive des militaires, mais une conjugaison de l’ensemble des pressions extérieures et intérieures qui ont fait chaviré le système et créé les conditions propices pour le changement. L’AVOMM et les autres Associations y ont contribué fortement.
Ceci dit, j’ai ressenti une grande déception de voir exclure du gouvernement, qui devait mener la transition, toutes ces figures qui ont contribué à la chute du régime totalitaire. Néanmoins les militaires du CMJD avec à leur tête Ely Ould Mohamed Vall n’ont pas démérité, ils méritent le respect et la reconnaissance de tout le peuple Mauritanien meurtri par tant d’années de marginalisation.
Cependant, j’ai été déçu de voir que les problèmes des déportés et du passif humanitaire, de l’esclavage, ses séquelles et les pratiques esclavagistes n’ont pas été parmi les priorités du CMJD et de son gouvernement. J’ai aussi été irrité par le fait que le CMJD s’est abstenu de s’attaquer aux problèmes relevant de la mauvaise gestion et la gabegie du pouvoir déchu. Malgré la célérité avec laquelle le gouvernement de transition a mis en place l’IGN (Inspection générale) aucune poursuite n’a été engagée contre les prédateurs.
S’agissant des élections organisées par le gouvernement de transition, le CMJD a effectivement respecté le calendrier, toutefois la mise en place de la CENI qui, en réalité, n’avait pas en charge ses élections et l’intrusion dans notre pays de ce qu’on appelle les indépendants dirigés par une coordination sous la bénédiction d’une partie du CMJD sont venus fausser la lisibilité, la visibilité et l’impartialité de celles-ci.
Avant de terminer je félicite le CMJD d’avoir honoré leur engagement et d’avoir permis l’avènement d’un président assermenté démocratiquement élu pour la première fois dans notre pays.
Je félicite le Président Sidi Mohamed O/ Cheikh Abdallahi, pour les actes forts qu’il a déjà inscrits à son palmarès et qui se sont traduits par un discours historique à la nation dans lequel il a clairement demandé pardon aux victimes des dérives du système déchu à savoir la déportation de plusieurs milliers de nos concitoyens essentiellement halpulars, dépossédés de leurs terres et reniés dans leur nationalité, sans compter ceux qui sont morts ou disparus. Et la volonté politique de régler le problème des déportés et du passif humanitaire et en promulguant une loi criminalisant l’esclavage.
AVOMM.COM : En votre qualité de militant de première heure de la cause anti-esclavagiste êtes-vous satisfait de la loi incriminant l’esclavage ?
Capitaine Breyka Ould M’Bareck :
Avant de répondre à votre question, je ferai un bref rappel historique relatif à cette problématique. Le Comité Militaire de Salut National présidé par le Colonel Mohamed Khouna Ould Haiddalla a promulgué l’ordonnance 81234 du 9 Novembre 1981 portant abolition de l’esclavage en Mauritanie. A l’époque des instructions très claires ont été données aux autorités administratives et judiciaires pour son application. Et faites moi confiance quand je vous dis qu’à l’époque personne ne pouvait déroger à ces instructions. Donc on aurait pu en finir n’eut été l’arrivée au pouvoir de Taya qui a bloqué le décret d’application.
Plus tard sous la pression des militants anti-esclavagiste Ould Taya a promulgué une ordonnance portant sur la traite des personnes, c’était une tentative de diversion comme il sait en faire, juste avant les élections prévues la même année. Aujourd’hui, le Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi a promulgué la loi criminalisant l’esclavage. Mais le problème, à mon avis, reste entier dans la mesure où la dimension sociale, culturelle et économique n’a pas été prise en compte. Convaincu de la bonne volonté du Président, je me permets de faire des propositions qui à mon humble aideront à clore ce dossier de façon définitive.
En ce qui concerne l’esclavage, il est nécessaire de désigner une personnalité connue pour sa probité et rattachée à la Présidence. Une Commission chargée du recensement de tous les cas d’esclavage en Mauritanie devra être créée et sera aussi chargée de la lutte contre les pratiques et les séquelles de l’esclavage. Une agence de réinsertion, d’encadrement et d’accompagnement devra être créée.
Il serait souhaitable que cette agence soit gérée par des personnalités qui se sont illustrées dans la lutte contre l’esclavage et qui sont au fait des tenants et aboutissants de cette problématique.
AVOMM.COM : Que pensez-vous de ce nouveau parti de la mouvance présidentielle ?
Capitaine Breyka Ould M’Bareck : Je salue l’arrivée de ce parti en souhaitant qu’il soit sur le pied d’égalité que les autres, cela est dans l’intérêt de la stabilité de notre pays. Cependant lors sa formation, ce parti a été rejoint par plusieurs adhérents des partis formant El Mithaq et en ma connaissance ce passage ne s’est pas fait de façon réglementaire dans la mesure où il n’y a pas eu de démission ce qui laisse présager de fortes turbulences dans la majorité présidentielle, ce qui pourrait distraire le Président des préoccupations du citoyen ordinaire et serait un grand handicap face aux menaces qui guettent le pays, drogues, terrorisme etc…
AVOMM.COM : N’êtes-vous pas déçu du manque de reconnaissance par le pouvoir en place, des officiers qui ont été marginalisés par le système déchu ? Avez-vous entrepris des démarches dans ce sens auprès des nouvelles autorités ?
Capitaine Breyka Ould M’Bareck : Déçu oui, parce que le CMJD a raté l’occasion de régler tous les problèmes des militaires victimes des abus de 1978 à nos jours. C’est pourquoi je fondais beaucoup d’espoirs de voir le Président s’attaquer à ce problème des forces armées et de sécurité dont la non résolution pourrait menacer à termes la stabilité du pays et la fragilisation du processus démocratique. Je m’explique : Vous avez 2 catégories de militaires laissés pour compte. La 1ere catégorie, la moins dangereuse à mon avis est celle constituée d’hommes de troupes, sous-officiers, officiers ayant un carnet de pension dont le montant est dérisoire ce qui est grave c’est que toutes les augmentations opérées ne les ont pas touchés. La 2eme catégorie, plus dangereuse, plus menaçante est formée d’hommes de troupe, officiers, sous-officiers qui ont été jetés de la rue sans droit, sans travail et sans salaires.
Les militaires victimes des événements de 89 à 91 , les militaires accusés d’être Baathistes, les militaires accusés d’être nasséristes, les militaires auteurs de la tentative du 8 juin 2003 et enfin les officiers éjectés des différents comités militaires.
Je saisis cette occasion pour attirer l’attention du Président de la République de l’importance de la prise en compte de ces problèmes pour l’intérêt suprême du pays. Je suis convaincu qu’il ne manquera pas de trouver des solutions rapides.
AVOMM.COM : Vous avez soutenu lors des dernières élections le candidat Mohamed Khouna Ould Haidalla, aujourd’hui où vous situez-vous ?
Capitaine Breyka Ould M’Bareck : Actuellement je suis Président du Réseau Africain pour le Développement Humain Durable, et du Forum Pour la défense et la Promotion des Droits de l’Homme et de la Citoyenneté, car je pense qu’il y a un travail important à faire pour le renforcement de l’unité nationale et la consolidation du processus démocratique.
AVOMM.COM : Il y a aujourd’hui des tracts qui circulent, certains attribués aux harratines et d’autres intitulés Avant-garde civilo-militaire, pouvez-vous nous parler de ces tracts ?
Capitaine Breyka Ould M’Bareck : S’agissant du problème de l’esclavage, je pense que les insuffisances évoquées existent et demandent des solutions. Toutefois, je ne suis pas d’accord avec la pratique des tracts car depuis l’arrivée au pouvoir de Sidi O/ Cheikh Abdallahi, il n’a pas de censure et la liberté d’expression est assurée. Pour éviter la confusion et permettre la recherche de solutions, il faut avoir le courage de signer ses déclarations. S’agissant du second tract, les problèmes évoqués imposent une meilleure écoute de la classe politique, la société civile et les citoyens. Enfin, je pense qu’à chaque fois que nous avons des problèmes de cette nature, il convient de créer une cellule pour l’étude et la proposition de solutions adéquates.
AVOMM.COM : Pourquoi utilisez-vous le mot Khadhari pour désigner la composante haratine ?
Capitaine Breyka Ould M’Bareck : Pour moi le terme harratine perpétue la dépendance psychologique et morale de l’ancien esclave avec son environnement esclavagiste. Pour moi la lutte doit commencer par le choix d’une appellation consacrant une rupture totale avec la pratique et le vocabulaire esclavagiste. Entre ceux qui utilisent le mot hartani et ceux qui utilisent le mot arbi asmar, le mot Khadhari dont la race fait référence à la couleur m’a semblé le plus approprié dans les circonstances actuelles.
AVOMM.COM : Votre combat pour la composante Khadhari n’est-il pas déjà pris en charge par l’APP et SOS ESCLAVES ?
Capitaine Breyka Ould M’Bareck : Il s’agit du combat commencé en 1978 par le mouvement El Hor et tous les harratines y ont participé mais à des degrés différents. Bien sûr, c’est ici l’occasion de saluer l’honorable performance de mon grand frère Messaoud Ould Belkheir Président de l’APP et actuellement président de l’Assemblée Nationale, ainsi que mon frère Boubacar Ould Messaoud Président de SOS Esclaves pour les efforts consentis pour cette noble cause. Mais, il y a lieu aussi de citer Boidel Ould Houmeid dans l’action syndicale et politique, le Professeur El Keihel Ould Mohamed El Abd qui fut Secrétaire Général d’El Hor, ce dernier a publié beaucoup d’ouvrage sur l’esclavage en milieu maure. Bouh Ould Demba qui fut Secrétaire Général d’El Hor actions syndicale et politique, Achour Ould Boubou O/ Demba, Boukhreiss Ould Ahmed, Malick O/ M’Barek, Mohamed Ould Heimer, Achour Samba, Sgheir Ould M’Bareck, Mohamed Salem Ould Merzoug, Ould Werzeg, Sidi Abdallah Ould Mahmoud, Abderrahmane O/ Mahmoud, Sidi Ould Messaoud, Amar Ould Ahmed Deina, Feu Mohamed Lemine Ould Ahmed, Cheikh Ahmed Ould Zahav et la jeune génération Rchid O/ Mohamed par des publications, Maître Mohamed O/ Leghaf, Birame O/ Abeid, Dr Heimoud O/ Ramdane, Hemeine O/ Sidi, Ahmed O/ Khlive, Nave O/ Ahmed Beinane, Lebatt O/ Mohamed, Mohamed O/ Heimer, il faut citer aussi les femmes Oumou El Id Fall, M’Barke Sy, Aichetou Mt Alioune, je ne terminerai pas sans citer feu le Professeur Jaber décédé en Tunisie qui fut Secrétaire Général d’El Hor et feu Mahmoud O/ Said. Je m’excuse pour ceux que je n’ai pu nommer ici. J’ai voulu tout simplement montrer que cette lutte a mobilisé tout le monde et qu’elle continue, malgré la volonté du Président, car les lobbies réactionnaires et féodaux continuent d’exister.
AVOMM.COM : Parlez-nous de votre perception des journées de concertations, les points forts, les insuffisances, les espoirs et les déceptions ?
Capitaine Breyka Ould M’Bareck : S’agissant de ces journées, je me félicite du climat dans lequel s’était déroulé le débat. Et je précise que le rapport de synthèse a été adopté par acclamation de tous les participants. Pour ma part, je vous livre ici mes propositions.
Pour rappel ces mêmes propositions ont été formulées dans ma lettre ouverte de 1990.
Pour le problème des déportés et du passif humanitaire le Président doit nommer une personnalité connue pour sa probité et directement rattaché à la présidence, pour éviter les blocages et les retards de la bureaucratie etc… Et une Commission d’enquête indépendante. En ce qui concerne le retour des réfugiés, leur installation et leur insertion, il est nécessaire d’associer toutes les organisations des victimes, Fonadh, Covire, Représentants de réfugiés, Copeco, et les représentants des associations de la Diaspora AVOMM, OCVIDH ainsi que les associations des Droits de l’Homme, Commission des Droits de l’Homme, AMDH ainsi que le READHD (Réseau Africain pour le Développement Humain Durable), le Forum Pour la défense et la promotion des Droits de l’Homme et de la Citoyenneté. A propos de l’Agence, je suggère que le Président de son conseil d’Administration doit être issu de la société civile.
Compte tenu de l’unanimité dégagée lors de ces journées de concertations, il appartient au gouvernement de ne pas décevoir les attentes de toute une nation.
AVOMM.COM : On vous a vu intervenir lors la conférence sur le renforcement de l’unité nationale organisée conjointement par NDI et la Commission Nationale des Droits de l’Homme, selon vous cette conférence a omis de prendre en charge certains dossiers, si oui de quels dossiers s’agit-il ?
Capitaine Breyka Ould M’Bareck : Je tiens à féliciter NDI et la Commission Nationale des droits de l’Homme, car la présence d’experts en matière de règlement de passif humanitaire de différents continent est une façon assez subtile d’aider le comité interministériel d’améliorer l’approche qu’il privilégie pour un règlement satisfaisant du dossier du passif humanitaire et du retour des réfugiés. J’ai apprécié fortement la manière dont le Président de la Commission Nationale des droits de l’Homme a introduit le problème de l’esclavage pour la grande satisfaction des participants. Ceci étant dit, il me semble que le problème des militaires victimes d’abus de 1978 à 2005 doit figurer en bonne place dans la recherche de la consolidation de l’unité nationale.
AVOMM.COM : Mon capitaine, si vous le voulez bien évoquons un peu les années de braises: On ne vous entend pas beaucoup évoquer la chasse aux négro mauritaniens que le régime Taya a faite de 1986 à 1991, massacrant des centaines de militaires noirs mauritaniens dans des casernes militaires, est ce par pudeur ou trouvez-vous une justification à cette horreur ?
Capitaine Breyka Ould M’Bareck : Ce n’est ni par pudeur, encore moins par la recherche d’une justification quelconque à cette horreur, je vous rappelle tout simplement que de 1984 à 1988 j’étais en détention isolée par le même système qui a commis ces horreurs, j’ai même perdu ma petite fille M’boirika qui avait neuf ans et qui avant sa mort dans son lit d’hôpital pleurait et réclamait de voir son père avant de mourir, alors que j’étais embastillé à Jreida. Le régime de Taya avait refusé d’accéder à la supplication de cette petite fille mourante, Y a-t- il, à votre avis une horreur aussi monstrueuse que celle-ci ? Pourtant si vous consultez ma première lettre ouverte adressée à Taya, je dénonçais tous ces crimes, disparitions et violations graves des droits de l’Homme et demandais la mise d’une commission d’enquête indépendante et d’autres mesures. Je vous informe aussi que je suis membre fondateur de l’AMDH et j’ai participé à ce combat et ma position n’a fait que se renforcer toutes ces années.
AVOMM.COM : Pensez vous que le président Sidi est libre et gouverne librement ce pays; quand on voit que des gens que nous accusons formellement de criminels et dont nous avons les preuves de leurs forfaitures sont encore aujourd'hui nommés à des postes de choix dans notre armée dite nationale, qu'en pensez vous ?
Capitaine Breyka Ould M’Bareck : Pour moi c’est Sidi qui gouverne et il assume l’entière responsabilité de ses choix. Cependant, il ne faut pas oublier qu’il est arrivé au pouvoir avec une équipe de militaires et de civils, on ne peut pas lui demander de s’affaiblir en se débarrassant de ses alliés, parce que ce sera de l’ingratitude et de l’irresponsabilité et une fragilisation de la stabilité du pays pour le moment, je suis convaincu qu’il est conscient de l’impérieuse nécessité de se conformer au serment qu’il a fait lors de son investiture.
AVOMM.COM : On l'a évoqué plus haut, votre combat pour l'égalité des races et des ethnies dans notre pays, l'envoyé des nations unies sur les discriminations en mission en Mauritanie a parlé de quotas dans l’accession à des postes de responsabilités de ceux qui y sont presque exclus, nous pensons aux hartanis et aux négro africains certainement lui aussi, partagez vous ce point de vue de Mr Doudou Diéne ?
Capitaine Breyka Ould M’Bareck : Je partage parfaitement ce point de vue, je pense que seule une représentativité équilibrée permettra à tous les mauritaniens de jouir de leur droits et d’être fiers de leur appartenance à une même nation. Car le partage ici, doit être compris comme le levier indispensable à la consécration de la cohabitation des communautés de ce pays. Acquis que nous avions négligé depuis l’avènement de l’indépendance.
AVOMM.COM : Merci Capitaine d’avoir bien voulu répondre à nos questions.
Propos recueillis par Mariame Kane et Mohamed Dogui
Capitaine Breyka Ould M’Bareck : Tout d’abord permettez-moi, Mohamed, de saluer ici tous les membres de l’AVOMM pour le combat qu’ils ont mené toutes ces années et qui a abouti à l’éviction de Ould Taya. Je saisis cette occasion pour affirmer que le coup d’Etat du 3 août n’est pas l’œuvre exclusive des militaires, mais une conjugaison de l’ensemble des pressions extérieures et intérieures qui ont fait chaviré le système et créé les conditions propices pour le changement. L’AVOMM et les autres Associations y ont contribué fortement.
Ceci dit, j’ai ressenti une grande déception de voir exclure du gouvernement, qui devait mener la transition, toutes ces figures qui ont contribué à la chute du régime totalitaire. Néanmoins les militaires du CMJD avec à leur tête Ely Ould Mohamed Vall n’ont pas démérité, ils méritent le respect et la reconnaissance de tout le peuple Mauritanien meurtri par tant d’années de marginalisation.
Cependant, j’ai été déçu de voir que les problèmes des déportés et du passif humanitaire, de l’esclavage, ses séquelles et les pratiques esclavagistes n’ont pas été parmi les priorités du CMJD et de son gouvernement. J’ai aussi été irrité par le fait que le CMJD s’est abstenu de s’attaquer aux problèmes relevant de la mauvaise gestion et la gabegie du pouvoir déchu. Malgré la célérité avec laquelle le gouvernement de transition a mis en place l’IGN (Inspection générale) aucune poursuite n’a été engagée contre les prédateurs.
S’agissant des élections organisées par le gouvernement de transition, le CMJD a effectivement respecté le calendrier, toutefois la mise en place de la CENI qui, en réalité, n’avait pas en charge ses élections et l’intrusion dans notre pays de ce qu’on appelle les indépendants dirigés par une coordination sous la bénédiction d’une partie du CMJD sont venus fausser la lisibilité, la visibilité et l’impartialité de celles-ci.
Avant de terminer je félicite le CMJD d’avoir honoré leur engagement et d’avoir permis l’avènement d’un président assermenté démocratiquement élu pour la première fois dans notre pays.
Je félicite le Président Sidi Mohamed O/ Cheikh Abdallahi, pour les actes forts qu’il a déjà inscrits à son palmarès et qui se sont traduits par un discours historique à la nation dans lequel il a clairement demandé pardon aux victimes des dérives du système déchu à savoir la déportation de plusieurs milliers de nos concitoyens essentiellement halpulars, dépossédés de leurs terres et reniés dans leur nationalité, sans compter ceux qui sont morts ou disparus. Et la volonté politique de régler le problème des déportés et du passif humanitaire et en promulguant une loi criminalisant l’esclavage.
AVOMM.COM : En votre qualité de militant de première heure de la cause anti-esclavagiste êtes-vous satisfait de la loi incriminant l’esclavage ?
Capitaine Breyka Ould M’Bareck :
Avant de répondre à votre question, je ferai un bref rappel historique relatif à cette problématique. Le Comité Militaire de Salut National présidé par le Colonel Mohamed Khouna Ould Haiddalla a promulgué l’ordonnance 81234 du 9 Novembre 1981 portant abolition de l’esclavage en Mauritanie. A l’époque des instructions très claires ont été données aux autorités administratives et judiciaires pour son application. Et faites moi confiance quand je vous dis qu’à l’époque personne ne pouvait déroger à ces instructions. Donc on aurait pu en finir n’eut été l’arrivée au pouvoir de Taya qui a bloqué le décret d’application.
Plus tard sous la pression des militants anti-esclavagiste Ould Taya a promulgué une ordonnance portant sur la traite des personnes, c’était une tentative de diversion comme il sait en faire, juste avant les élections prévues la même année. Aujourd’hui, le Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi a promulgué la loi criminalisant l’esclavage. Mais le problème, à mon avis, reste entier dans la mesure où la dimension sociale, culturelle et économique n’a pas été prise en compte. Convaincu de la bonne volonté du Président, je me permets de faire des propositions qui à mon humble aideront à clore ce dossier de façon définitive.
En ce qui concerne l’esclavage, il est nécessaire de désigner une personnalité connue pour sa probité et rattachée à la Présidence. Une Commission chargée du recensement de tous les cas d’esclavage en Mauritanie devra être créée et sera aussi chargée de la lutte contre les pratiques et les séquelles de l’esclavage. Une agence de réinsertion, d’encadrement et d’accompagnement devra être créée.
Il serait souhaitable que cette agence soit gérée par des personnalités qui se sont illustrées dans la lutte contre l’esclavage et qui sont au fait des tenants et aboutissants de cette problématique.
AVOMM.COM : Que pensez-vous de ce nouveau parti de la mouvance présidentielle ?
Capitaine Breyka Ould M’Bareck : Je salue l’arrivée de ce parti en souhaitant qu’il soit sur le pied d’égalité que les autres, cela est dans l’intérêt de la stabilité de notre pays. Cependant lors sa formation, ce parti a été rejoint par plusieurs adhérents des partis formant El Mithaq et en ma connaissance ce passage ne s’est pas fait de façon réglementaire dans la mesure où il n’y a pas eu de démission ce qui laisse présager de fortes turbulences dans la majorité présidentielle, ce qui pourrait distraire le Président des préoccupations du citoyen ordinaire et serait un grand handicap face aux menaces qui guettent le pays, drogues, terrorisme etc…
AVOMM.COM : N’êtes-vous pas déçu du manque de reconnaissance par le pouvoir en place, des officiers qui ont été marginalisés par le système déchu ? Avez-vous entrepris des démarches dans ce sens auprès des nouvelles autorités ?
Capitaine Breyka Ould M’Bareck : Déçu oui, parce que le CMJD a raté l’occasion de régler tous les problèmes des militaires victimes des abus de 1978 à nos jours. C’est pourquoi je fondais beaucoup d’espoirs de voir le Président s’attaquer à ce problème des forces armées et de sécurité dont la non résolution pourrait menacer à termes la stabilité du pays et la fragilisation du processus démocratique. Je m’explique : Vous avez 2 catégories de militaires laissés pour compte. La 1ere catégorie, la moins dangereuse à mon avis est celle constituée d’hommes de troupes, sous-officiers, officiers ayant un carnet de pension dont le montant est dérisoire ce qui est grave c’est que toutes les augmentations opérées ne les ont pas touchés. La 2eme catégorie, plus dangereuse, plus menaçante est formée d’hommes de troupe, officiers, sous-officiers qui ont été jetés de la rue sans droit, sans travail et sans salaires.
Les militaires victimes des événements de 89 à 91 , les militaires accusés d’être Baathistes, les militaires accusés d’être nasséristes, les militaires auteurs de la tentative du 8 juin 2003 et enfin les officiers éjectés des différents comités militaires.
Je saisis cette occasion pour attirer l’attention du Président de la République de l’importance de la prise en compte de ces problèmes pour l’intérêt suprême du pays. Je suis convaincu qu’il ne manquera pas de trouver des solutions rapides.
AVOMM.COM : Vous avez soutenu lors des dernières élections le candidat Mohamed Khouna Ould Haidalla, aujourd’hui où vous situez-vous ?
Capitaine Breyka Ould M’Bareck : Actuellement je suis Président du Réseau Africain pour le Développement Humain Durable, et du Forum Pour la défense et la Promotion des Droits de l’Homme et de la Citoyenneté, car je pense qu’il y a un travail important à faire pour le renforcement de l’unité nationale et la consolidation du processus démocratique.
AVOMM.COM : Il y a aujourd’hui des tracts qui circulent, certains attribués aux harratines et d’autres intitulés Avant-garde civilo-militaire, pouvez-vous nous parler de ces tracts ?
Capitaine Breyka Ould M’Bareck : S’agissant du problème de l’esclavage, je pense que les insuffisances évoquées existent et demandent des solutions. Toutefois, je ne suis pas d’accord avec la pratique des tracts car depuis l’arrivée au pouvoir de Sidi O/ Cheikh Abdallahi, il n’a pas de censure et la liberté d’expression est assurée. Pour éviter la confusion et permettre la recherche de solutions, il faut avoir le courage de signer ses déclarations. S’agissant du second tract, les problèmes évoqués imposent une meilleure écoute de la classe politique, la société civile et les citoyens. Enfin, je pense qu’à chaque fois que nous avons des problèmes de cette nature, il convient de créer une cellule pour l’étude et la proposition de solutions adéquates.
AVOMM.COM : Pourquoi utilisez-vous le mot Khadhari pour désigner la composante haratine ?
Capitaine Breyka Ould M’Bareck : Pour moi le terme harratine perpétue la dépendance psychologique et morale de l’ancien esclave avec son environnement esclavagiste. Pour moi la lutte doit commencer par le choix d’une appellation consacrant une rupture totale avec la pratique et le vocabulaire esclavagiste. Entre ceux qui utilisent le mot hartani et ceux qui utilisent le mot arbi asmar, le mot Khadhari dont la race fait référence à la couleur m’a semblé le plus approprié dans les circonstances actuelles.
AVOMM.COM : Votre combat pour la composante Khadhari n’est-il pas déjà pris en charge par l’APP et SOS ESCLAVES ?
Capitaine Breyka Ould M’Bareck : Il s’agit du combat commencé en 1978 par le mouvement El Hor et tous les harratines y ont participé mais à des degrés différents. Bien sûr, c’est ici l’occasion de saluer l’honorable performance de mon grand frère Messaoud Ould Belkheir Président de l’APP et actuellement président de l’Assemblée Nationale, ainsi que mon frère Boubacar Ould Messaoud Président de SOS Esclaves pour les efforts consentis pour cette noble cause. Mais, il y a lieu aussi de citer Boidel Ould Houmeid dans l’action syndicale et politique, le Professeur El Keihel Ould Mohamed El Abd qui fut Secrétaire Général d’El Hor, ce dernier a publié beaucoup d’ouvrage sur l’esclavage en milieu maure. Bouh Ould Demba qui fut Secrétaire Général d’El Hor actions syndicale et politique, Achour Ould Boubou O/ Demba, Boukhreiss Ould Ahmed, Malick O/ M’Barek, Mohamed Ould Heimer, Achour Samba, Sgheir Ould M’Bareck, Mohamed Salem Ould Merzoug, Ould Werzeg, Sidi Abdallah Ould Mahmoud, Abderrahmane O/ Mahmoud, Sidi Ould Messaoud, Amar Ould Ahmed Deina, Feu Mohamed Lemine Ould Ahmed, Cheikh Ahmed Ould Zahav et la jeune génération Rchid O/ Mohamed par des publications, Maître Mohamed O/ Leghaf, Birame O/ Abeid, Dr Heimoud O/ Ramdane, Hemeine O/ Sidi, Ahmed O/ Khlive, Nave O/ Ahmed Beinane, Lebatt O/ Mohamed, Mohamed O/ Heimer, il faut citer aussi les femmes Oumou El Id Fall, M’Barke Sy, Aichetou Mt Alioune, je ne terminerai pas sans citer feu le Professeur Jaber décédé en Tunisie qui fut Secrétaire Général d’El Hor et feu Mahmoud O/ Said. Je m’excuse pour ceux que je n’ai pu nommer ici. J’ai voulu tout simplement montrer que cette lutte a mobilisé tout le monde et qu’elle continue, malgré la volonté du Président, car les lobbies réactionnaires et féodaux continuent d’exister.
AVOMM.COM : Parlez-nous de votre perception des journées de concertations, les points forts, les insuffisances, les espoirs et les déceptions ?
Capitaine Breyka Ould M’Bareck : S’agissant de ces journées, je me félicite du climat dans lequel s’était déroulé le débat. Et je précise que le rapport de synthèse a été adopté par acclamation de tous les participants. Pour ma part, je vous livre ici mes propositions.
Pour rappel ces mêmes propositions ont été formulées dans ma lettre ouverte de 1990.
Pour le problème des déportés et du passif humanitaire le Président doit nommer une personnalité connue pour sa probité et directement rattaché à la présidence, pour éviter les blocages et les retards de la bureaucratie etc… Et une Commission d’enquête indépendante. En ce qui concerne le retour des réfugiés, leur installation et leur insertion, il est nécessaire d’associer toutes les organisations des victimes, Fonadh, Covire, Représentants de réfugiés, Copeco, et les représentants des associations de la Diaspora AVOMM, OCVIDH ainsi que les associations des Droits de l’Homme, Commission des Droits de l’Homme, AMDH ainsi que le READHD (Réseau Africain pour le Développement Humain Durable), le Forum Pour la défense et la promotion des Droits de l’Homme et de la Citoyenneté. A propos de l’Agence, je suggère que le Président de son conseil d’Administration doit être issu de la société civile.
Compte tenu de l’unanimité dégagée lors de ces journées de concertations, il appartient au gouvernement de ne pas décevoir les attentes de toute une nation.
AVOMM.COM : On vous a vu intervenir lors la conférence sur le renforcement de l’unité nationale organisée conjointement par NDI et la Commission Nationale des Droits de l’Homme, selon vous cette conférence a omis de prendre en charge certains dossiers, si oui de quels dossiers s’agit-il ?
Capitaine Breyka Ould M’Bareck : Je tiens à féliciter NDI et la Commission Nationale des droits de l’Homme, car la présence d’experts en matière de règlement de passif humanitaire de différents continent est une façon assez subtile d’aider le comité interministériel d’améliorer l’approche qu’il privilégie pour un règlement satisfaisant du dossier du passif humanitaire et du retour des réfugiés. J’ai apprécié fortement la manière dont le Président de la Commission Nationale des droits de l’Homme a introduit le problème de l’esclavage pour la grande satisfaction des participants. Ceci étant dit, il me semble que le problème des militaires victimes d’abus de 1978 à 2005 doit figurer en bonne place dans la recherche de la consolidation de l’unité nationale.
AVOMM.COM : Mon capitaine, si vous le voulez bien évoquons un peu les années de braises: On ne vous entend pas beaucoup évoquer la chasse aux négro mauritaniens que le régime Taya a faite de 1986 à 1991, massacrant des centaines de militaires noirs mauritaniens dans des casernes militaires, est ce par pudeur ou trouvez-vous une justification à cette horreur ?
Capitaine Breyka Ould M’Bareck : Ce n’est ni par pudeur, encore moins par la recherche d’une justification quelconque à cette horreur, je vous rappelle tout simplement que de 1984 à 1988 j’étais en détention isolée par le même système qui a commis ces horreurs, j’ai même perdu ma petite fille M’boirika qui avait neuf ans et qui avant sa mort dans son lit d’hôpital pleurait et réclamait de voir son père avant de mourir, alors que j’étais embastillé à Jreida. Le régime de Taya avait refusé d’accéder à la supplication de cette petite fille mourante, Y a-t- il, à votre avis une horreur aussi monstrueuse que celle-ci ? Pourtant si vous consultez ma première lettre ouverte adressée à Taya, je dénonçais tous ces crimes, disparitions et violations graves des droits de l’Homme et demandais la mise d’une commission d’enquête indépendante et d’autres mesures. Je vous informe aussi que je suis membre fondateur de l’AMDH et j’ai participé à ce combat et ma position n’a fait que se renforcer toutes ces années.
AVOMM.COM : Pensez vous que le président Sidi est libre et gouverne librement ce pays; quand on voit que des gens que nous accusons formellement de criminels et dont nous avons les preuves de leurs forfaitures sont encore aujourd'hui nommés à des postes de choix dans notre armée dite nationale, qu'en pensez vous ?
Capitaine Breyka Ould M’Bareck : Pour moi c’est Sidi qui gouverne et il assume l’entière responsabilité de ses choix. Cependant, il ne faut pas oublier qu’il est arrivé au pouvoir avec une équipe de militaires et de civils, on ne peut pas lui demander de s’affaiblir en se débarrassant de ses alliés, parce que ce sera de l’ingratitude et de l’irresponsabilité et une fragilisation de la stabilité du pays pour le moment, je suis convaincu qu’il est conscient de l’impérieuse nécessité de se conformer au serment qu’il a fait lors de son investiture.
AVOMM.COM : On l'a évoqué plus haut, votre combat pour l'égalité des races et des ethnies dans notre pays, l'envoyé des nations unies sur les discriminations en mission en Mauritanie a parlé de quotas dans l’accession à des postes de responsabilités de ceux qui y sont presque exclus, nous pensons aux hartanis et aux négro africains certainement lui aussi, partagez vous ce point de vue de Mr Doudou Diéne ?
Capitaine Breyka Ould M’Bareck : Je partage parfaitement ce point de vue, je pense que seule une représentativité équilibrée permettra à tous les mauritaniens de jouir de leur droits et d’être fiers de leur appartenance à une même nation. Car le partage ici, doit être compris comme le levier indispensable à la consécration de la cohabitation des communautés de ce pays. Acquis que nous avions négligé depuis l’avènement de l’indépendance.
AVOMM.COM : Merci Capitaine d’avoir bien voulu répondre à nos questions.
Propos recueillis par Mariame Kane et Mohamed Dogui