Que se passe t-il à au sud du Brakna ? S’agit-t-il d’un conflit intercommunautaire ou d’un conflit sur fond de revendications politiques ? Que ce soit dans le département de Boghé ou de Bababé, les évènements s’enchaînent et se succèdent dangereusement sous le regard indifférent de l’autorité centrale, plus préoccupée – apparemment - par le front extérieur que par le front intérieur qui menace d’exploser à tout moment.
Même si ce souci est légitime, le gouvernement de Moulaye Ould Mohamed Laghdaf ne doit pas perdre de vue que le front intérieur est en ébullition. Depuis le début du mois d’octobre et même avant, la presse nationale et internationale se font l’échos des turbulences dans ces zones.
Plutôt que de réagir, c’est motus et bouche cousue côté gouvernement et côté classe politique dans son ensemble. Idem également pour la société civile et particulièrement les organisations des droits de l’Homme plus engagées sur le front politique que sur le motif même de leur existence légale, face à des problèmes récurrents entre éleveurs et agriculteurs dans la vallée du fleuve. Ces problèmes ne trouvent de répondant que dans la répression brutale des forces de l’ordre au point que la côte d’alerte est au maximum. Résultat, la situation évolue dangereusement. Le dernier évènement en date, s’est produit le 23 octobre dernier dans la localité de Dioudé Diéri où, selon notre correspondant, le chef de la police locale de Bababé a usé de balles réelles tirées en l’air (notre photo) pour tenter de disperser la population. C’était aux environs de 15 heures. Après des négociations qui n’ont pas abouties, le commissaire de police, sans doute fort du feu vert de sa hiérarchie locale, décide de dépêcher des éléments de la police. Objectif, libérer des animaux mis en fourrière pour avoir détruit des champs de culture de paysans du village. L’opération tourne au fiasco mais pas par l’opposition des populations, mais les bêtes n’ont pas voulu quitter l’enclos malgré toute l’insistance des policiers. Ce genre d’incidents est fréquent dans la vallée. Souvenons-nous, le 9 avril 1989 sur un conflit – apparemment anodin et habituel – à la frontière mauritano sénégalaise (sur l’île de Doundé-Khoré, près de Bakel) entre agriculteurs Sénégalais du village de Diawara et éleveurs mauritaniens qu’ont été déclenchés les événements d’avril 1989. La suite on la connaît, puisque ce désastre continue de miner l’Unité nationale et de faire saliver tout le monde. A l’heure actuelle, le risque à terme est celui de confronter des communautés vivant un destin commun et sur un territoire commun. Disons, opposer des mauritaniens entre eux. Ces conflits ont souvent été exploités par les différents régimes militaires qui se sont succédés dans le pays depuis 1978 pour appliquer la politique du « diviser pour mieux régner » en appuyant ou tolérant les agissements d’éleveurs contre des agriculteurs peu ou pas favorables à cette politique. Ces agriculteurs estiment à tort ou à raison, que l’Etat se sert d’eux comme d’une force partisane pour asseoir son autorité mise à mal par ses pratiques arbitraires.
Des relations difficiles
La sécheresse récurrente des années 70 qui a longtemps frappé le pays a remis en cause les bonnes relations de voisinage qui existaient entre agriculteurs, éleveurs et pêcheurs. Elle a eu deux principales conséquences : d’une part l’attisement des tensions sur les terres, lié à la modification des transhumances des éleveurs et la sédentarisation des nomades ; d’autre part, l’affaiblissement des liens de solidarité, lié au rapprochement des modes de vie et donc à la diminution des échanges entre les différents groupes. En outre, le développement de l’agriculture irriguée a rendu difficile les relations de cohabitation entre éleveurs et agriculteurs. Ainsi, l’accès aux périmètres fût interdit aux éleveurs pour éviter la déprédation des infrastructures et des cultures par le bétail. Pas pour longtemps puisque finalement, les autorités bafouaient en permanence cette règle de conduite au gré de leurs intérêts tribaux, claniques et familiaux. Il est vrai également que d’un autre côté, les aménagements agricoles barraient l’accès du fleuve aux éleveurs. A cela est venu s’ajouter la régulation du débit du fleuve liée à la mise en eau des deux grands barrages de Diama et Manantali. Cet aménagement a entraîné une diminution des surfaces cultivables des terres du waalo, sur lesquelles les éleveurs n’hésitent pas à faire pâturer leurs troupeaux.Dans ce contexte de conflits, une nouvelle loi foncière est venue exacerber ces relations déjà difficiles. Selon l’ordonnance foncière de 1983 et son décret d’application de 1990, les terres dites "mortes" du fait de leur non mise en valeur, reviennent au domaine de l’Etat. En fait la notion de "terres mortes" dénie la fonction qu’avaient les espaces vacants dans l’accroissement des alliances politiques et des rapports de clientélisme des propriétaires terriens. Le principe de "mise en valeur" selon lequel "la terre appartient à celui qui la cultive" n’a le plus souvent pas été appliqué conformément à l’esprit de la loi. Au contraire, ce principe a été détourné de son objectif et appliqué pour exproprier purement et simplement les populations de la vallée du fleuve. Une telle politique a favorisé la création d’un nombre important de périmètres privés. Nombre d’entre eux appartiennent à des promoteurs privés, dont l’arrivée dans la vallée a amené les populations riveraines à revendiquer la propriété des terres. Etant généralement des fonctionnaires, commerçants et hommes d’affaire ne résidant pas sur place, leur présence a contribué à fragiliser les solidarités locales. Si l’on n’y ajoute la crise économique endémique qui frappe le pays, il ne fait pas de doute qu’on a fini de poser dans cette partie Sud du pays, une bombe à retardement.
Moussa Diop
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Source: quotidiennouakchott
(M) avomm
Même si ce souci est légitime, le gouvernement de Moulaye Ould Mohamed Laghdaf ne doit pas perdre de vue que le front intérieur est en ébullition. Depuis le début du mois d’octobre et même avant, la presse nationale et internationale se font l’échos des turbulences dans ces zones.
Plutôt que de réagir, c’est motus et bouche cousue côté gouvernement et côté classe politique dans son ensemble. Idem également pour la société civile et particulièrement les organisations des droits de l’Homme plus engagées sur le front politique que sur le motif même de leur existence légale, face à des problèmes récurrents entre éleveurs et agriculteurs dans la vallée du fleuve. Ces problèmes ne trouvent de répondant que dans la répression brutale des forces de l’ordre au point que la côte d’alerte est au maximum. Résultat, la situation évolue dangereusement. Le dernier évènement en date, s’est produit le 23 octobre dernier dans la localité de Dioudé Diéri où, selon notre correspondant, le chef de la police locale de Bababé a usé de balles réelles tirées en l’air (notre photo) pour tenter de disperser la population. C’était aux environs de 15 heures. Après des négociations qui n’ont pas abouties, le commissaire de police, sans doute fort du feu vert de sa hiérarchie locale, décide de dépêcher des éléments de la police. Objectif, libérer des animaux mis en fourrière pour avoir détruit des champs de culture de paysans du village. L’opération tourne au fiasco mais pas par l’opposition des populations, mais les bêtes n’ont pas voulu quitter l’enclos malgré toute l’insistance des policiers. Ce genre d’incidents est fréquent dans la vallée. Souvenons-nous, le 9 avril 1989 sur un conflit – apparemment anodin et habituel – à la frontière mauritano sénégalaise (sur l’île de Doundé-Khoré, près de Bakel) entre agriculteurs Sénégalais du village de Diawara et éleveurs mauritaniens qu’ont été déclenchés les événements d’avril 1989. La suite on la connaît, puisque ce désastre continue de miner l’Unité nationale et de faire saliver tout le monde. A l’heure actuelle, le risque à terme est celui de confronter des communautés vivant un destin commun et sur un territoire commun. Disons, opposer des mauritaniens entre eux. Ces conflits ont souvent été exploités par les différents régimes militaires qui se sont succédés dans le pays depuis 1978 pour appliquer la politique du « diviser pour mieux régner » en appuyant ou tolérant les agissements d’éleveurs contre des agriculteurs peu ou pas favorables à cette politique. Ces agriculteurs estiment à tort ou à raison, que l’Etat se sert d’eux comme d’une force partisane pour asseoir son autorité mise à mal par ses pratiques arbitraires.
Des relations difficiles
La sécheresse récurrente des années 70 qui a longtemps frappé le pays a remis en cause les bonnes relations de voisinage qui existaient entre agriculteurs, éleveurs et pêcheurs. Elle a eu deux principales conséquences : d’une part l’attisement des tensions sur les terres, lié à la modification des transhumances des éleveurs et la sédentarisation des nomades ; d’autre part, l’affaiblissement des liens de solidarité, lié au rapprochement des modes de vie et donc à la diminution des échanges entre les différents groupes. En outre, le développement de l’agriculture irriguée a rendu difficile les relations de cohabitation entre éleveurs et agriculteurs. Ainsi, l’accès aux périmètres fût interdit aux éleveurs pour éviter la déprédation des infrastructures et des cultures par le bétail. Pas pour longtemps puisque finalement, les autorités bafouaient en permanence cette règle de conduite au gré de leurs intérêts tribaux, claniques et familiaux. Il est vrai également que d’un autre côté, les aménagements agricoles barraient l’accès du fleuve aux éleveurs. A cela est venu s’ajouter la régulation du débit du fleuve liée à la mise en eau des deux grands barrages de Diama et Manantali. Cet aménagement a entraîné une diminution des surfaces cultivables des terres du waalo, sur lesquelles les éleveurs n’hésitent pas à faire pâturer leurs troupeaux.Dans ce contexte de conflits, une nouvelle loi foncière est venue exacerber ces relations déjà difficiles. Selon l’ordonnance foncière de 1983 et son décret d’application de 1990, les terres dites "mortes" du fait de leur non mise en valeur, reviennent au domaine de l’Etat. En fait la notion de "terres mortes" dénie la fonction qu’avaient les espaces vacants dans l’accroissement des alliances politiques et des rapports de clientélisme des propriétaires terriens. Le principe de "mise en valeur" selon lequel "la terre appartient à celui qui la cultive" n’a le plus souvent pas été appliqué conformément à l’esprit de la loi. Au contraire, ce principe a été détourné de son objectif et appliqué pour exproprier purement et simplement les populations de la vallée du fleuve. Une telle politique a favorisé la création d’un nombre important de périmètres privés. Nombre d’entre eux appartiennent à des promoteurs privés, dont l’arrivée dans la vallée a amené les populations riveraines à revendiquer la propriété des terres. Etant généralement des fonctionnaires, commerçants et hommes d’affaire ne résidant pas sur place, leur présence a contribué à fragiliser les solidarités locales. Si l’on n’y ajoute la crise économique endémique qui frappe le pays, il ne fait pas de doute qu’on a fini de poser dans cette partie Sud du pays, une bombe à retardement.
Moussa Diop
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Source: quotidiennouakchott
(M) avomm