TROIS URNES, UN BULLETIN UNIQUE

Les scrutins « couplés » des élections législatives et municipales ont démarré hier, dimanche 19 novembre en Mauritanie. En vérité, il s’agit de trois élections couplées : les législatives au scrutin proportionnel, concernant principalement les villes de Nouakchott, de Nouadibou et de Sélibabi et au scrutin majoritaire à deux tours pour les 64 députés restants des 95 à pourvoir, pour l’ensemble des départements du pays. Les municipales ferment la marche. Un scrutin complexe avec un bulletin unique pour chaque type d’élection. Est-ce la raison pour laquelle, les autorités ont « toléré » le fait que les partis politiques indiquent jusque devant les centres de vote à leurs militants, la manière de voter avec support électoral à l’appui ?

(Nouakchott. Envoyé Spécial. Reportage.) 9 heures 30, le centre de vote des Domaines dans le chic quartier de Tevragh-Zeina (centre ville) où se sont massés dans la vaste cour ou circulant dans les différents bureaux de vote du centre, journalistes de tous les médias nationaux, sous régionaux et internationaux ainsi que les officiels du pays, Fatimetou Mint Abdel Malick, la « maire » de la Commune depuis octobre 2001, date des dernières élections municipales, candidate à sa propre succession sur les listes du Prds, l’ancien parti de Maouya Ould Taya le président déchu le 3 août 2005, arbore fièrement son écharpe d’édile. Elle arpente d’un pas souple et gracieux l’aire du centre de vote, saluant un officiel par là, un agent des forces de l’ordre qui sont nombreux, par ci, discute avec les journalistes, encourage un militant ou une militante, enveloppe son monde d’un regard certainement maternel. Mais tout ce beau monde, surtout la presse nationale et internationale présente en masse n’en a que pour le président Ould Vall que l’on attend encore. Il arrive enfin, sobrement escorté, accompagné de son épouse et se dirige vers son bureau de vote. Cameramen et photographes rivalisent d’ardeur pour immortaliser ces faits et gestes. Ils se bousculent à sa suite et le suivent jusque dans l’étroit local où il accomplit son devoir civique. Il est mitraillé par les flashs et filmé sous tous les angles. Vêtu d’un costume bleu foncé, assorti à sa cravate, il se prête bien volontiers aux questions des journalistes à sa sortie.
Même s’il ne cache pas son « agacement » par rapport à la récurrente question sur l’immixtion des indépendants dans le jeu électoral et le rôle que lui et son gouvernement y auraient joué,-chose qu’il balaie d’un revers de main, réfutant catégoriquement une telle thèse,- il s’est plu à faire remarquer que le Cmjd respectait jusqu’ici son « contrat » en organisant à date les engagements qu’il avait souscrit devant la nation mauritanienne.

Ould Daddah vote à l’école normale supérieure

Centre de l’Ecole normale supérieure et de l’école primaire de Luxore, un autre quartier plus loin du centre ville, 10 heures. Le décor est autre. Là, surtout au niveau de l’école primaire où existent 3 bureaux vote, les soldats votent en masse. Ils sont là, en rang, disciplinés, attendant d’accomplir leur acte citoyen. Depuis 1986, ils votent, nous renseigne-t- on. Ils ne sont pas les seuls à voter. Les citoyens ordinaires sont là également en masse. Devant chaque bureau, se sont formés trois rangs, un pour les femmes, un pour les militaires et autres membres des forces de l’ordre, parmi lesquels des femmes, et enfin une file pour la gent féminine de la société civile qui participe massivement au scrutin. Tout le monde attend son tour, calmement, aucun signe d’énervement, ni d’agacement n’est constaté. L’atmosphère est même guillerette malgré la canicule. C’est là, où a voté, notamment au centre de l’Ecole normale supérieure, le leader du Rassemblement des forces démocratiques (Rfd), Ould Daddah à 10 heures 30. Accompagné de son épouse et escorté par ses militants, il accomplit son devoir civique avant de donner ses impressions à la presse. Il dit constater le bon déroulement « jusqu’ici » du scrutin et se veut confiant pour la suite. Son parti a présenté le plus grand nombre de candidats aux municipales comme aux élections législatives et fait partie de la coalition des Onze « appelée à diriger le pays » au sortir de la présidentielle de mars 2007 prochain, si elle ne vole pas aux éclats d’ici là. En attendant, le Rfd semble supplanté le Prds, l’ancien parti-Etat du temps de Maouya Ould Taya qui, au vu de ses listes, se positionne au cinquième rang.

Les brigades d’encadrement et d’information

Les électeurs et électrices qui sont appelés à départager les 1222 listes pour les municipales pour l’ensemble du pays et les 441 listes aux législatives ont eu hier, la lourde tâche d’opérer leur choix pour trois scrutins différents avec seulement un bulletin unique pour chacune des élections. Trois urnes dans chaque bureau de vote pour recueillir leurs bulletins. Une situation complexe, d’autant plus que la majorité des électeurs et électrices sont peu alphabétisés, s’ils ne sont tout bonnement analphabètes et risqueraient ainsi de se perdre dans la forêt des symboles des bulletins uniques, représentant les partis politiques, les coalitions de partis et les indépendants à cocher pour chaque type d’élection.

C’est certainement la raison pour laquelle, Mme Taye, a-t-elle affirmé, avec sa brigade de militantes et de militants du Prds, confortablement installée sur une natte à l’entrée du centre de vote, hèle ses électeurs et électrices et leur donne un cours sur les modes de scrutins en jeu avec à l’appui un support électoral. A chacun d’eux, il est montré les bulletins de vote et la case à cocher impérativement, une fois dans l’isoloir. Mme Taye et son équipe ne sont pas les seules pourtant. Tout près d’elles, d’autres militants de formations politiques ou d’indépendants en lice, font la même chose. Ils « racolent » les électeurs et leur fournissent « gratuitement » un cours sur les modes de scrutin et sur comment bien voter. Est-ce que ce que vous faites n’est pas interdit par la loi électorale ? « Ecoutez, nos militants sont analphabètes pour la plupart. Nous les aidons simplement à voter correctement. Il y un consensus au niveau des partis dans ce cadre et les autorités ferment les yeux, sinon il y aura trop de bulletins invalidés, ce qui risquerait de fausser les scrutins », répondent-ils à l’unisson. Du côté des autorités interrogées, on semble se refuser à voir le problème de sorte à y répondre. Toujours est-il que tout cela est fait avec bonhomie dans un climat bon enfant. La démocratie mauritanienne n’en souffrira pas semble-t-on se dire devant la foule des observateurs qui vont et viennent de bureau de vote en bureau de vote, justifiant ainsi certainement leur présence en Mauritanie.

En attendant, les premières estimations de ce triple scrutin sont attendues aujourd’hui, lundi 20 novembre. Une soirée électorale est prévue le même jour, tard dans la soirée. Les Mauritaniens eux, votent tranquillement avec leur bulletin unique fabriqué depuis la lointaine Angleterre pour trois scrutins en un.
SUD QUOTIDIEN