Un an après le changement du 03 août 2005, où en est la Transition ? La réponse à cette question ne saurait tenir à un bilan, un catalogue de ce qui a été fait ou au contraire de ce qui ne l’a pas été. Cet exercice n’est pas de mon ressort. Puis-je tout simplement m’interroger sur ce que les mauritaniens peuvent être en droit d’en attendre : politiques et société civile.
Le CMJD et le gouvernement de transition s’étaient engagés dès les semaines qui ont suivi le changement à lutter contre la corruption et créer un environnement favorable à l’instauration de la démocratie. En d’autres termes instituer la bonne gouvernance pour un pays, la Mauritanie, où le détournement des deniers publics était la vertu et l’injustice la règle du jeu politique et social. Cela n’est pas chose simple.
Qu’est-ce donc la bonne gouvernance ? Sans prétendre à l’exactitude ni à l’exhaustivité, disons que le vocable renvoie à l’exercice de l’autorité politique, économique et administrative dans la gestion des affaires d’un pays à tous les niveaux. Elle va donc bien au delà la lutte anti-corruption ou le rétablissement de la justice (sic). Elle suppose un ensemble de paramètres qui, pris séparément y concourent sans jamais la consacrer.
La bonne gouvernance implique la responsabilité et la transparence dans la conduite des affaires publiques, mais aussi la participation.
La responsabilité, c’est-à-dire l’obligation pour les autorités, de rendre compte devant le peuple des décisions qu’elles ont prises ou qu’elles n’ont pas prises dans l’exercice de leurs fonctions officielles. Cela signifie que les individus et les organisations chargés d’activités particulières en sont tenus responsables. Cela suppose qu’il faut répondre aux critiques et aux remises en questions formulées. Un tel principe doit être connu, mais surtout accepté par toutes celles et tous ceux qui aujourd’hui ou demain s’apprêtent à prendre un mandat électif, national ou local, ou un mandat impératif. Si au moment de franchir cette étape, le moindre doute les habite, ils ou elles doivent, chacun (e) après un examen personnel de soi-même, avoir le courage de s’abstenir.
La transparence complète et renforce l’obligation de rendre des comptes en offrant un accès facile et sans entrave à l’information privée et publique, avec exactitude, sans retard, et de façon pertinente et complète. La récente mesure d’abrogation de l’article 11 de la constitution de 1991 autorisant le ministre de l’intérieur à censurer les articles est une avancée, bien timide certes vers la libéralisation de l’information. Toutefois, dans une société comme la nôtre, où information rime souvent avec diffamations et calomnies, où en l’absence de professionnels avertis de la communication, ceux qui en font office se muent en laudateurs professionnels, la liberté de la presse passe, si elle n’est conduite de façon rigoureuse, rapidement à la délation et autres déballages de vie privée ou de règlement de compte tribalo-clanique.
Prises ensemble, la responsabilité et la transparence jouent contre la corruption qui sape la discipline et le moral, en particulier dans la fonction publique, et se traduit ainsi par une défaillance de la gouvernance.
Rares sont les pays africains qui ont mis en place des institutions qui obligent à rendre compte de l’exercice du pouvoir. Ce qui se met en place en Mauritanie aboutira-t-il à cela ?
Quelle que puisse être la probité des gouvernants, l’absence d’obligation de rendre des comptes et l’absence de transparence encouragent les rumeurs. Celles-ci, ici plus qu’ailleurs vont très vite et ne peuvent que faire naître la désaffection, le ressentiment, fausser la communication et contribuer ainsi à des situations conflictuelles.
La participation est le principal fondement de la bonne gouvernance, car c’est elle qui offre au pouvoir sa légitimité. Pour ce faire, elle doit être pleine et entière, c’est-à-dire celle de la société toute entière, dans sa diversité et sa complexité. Participation donc de tous à la gestion des affaires administrative, politique et économique du pays. Tout manque de participation volontaire ou non, en fait toute exclusion d’une composante ou d’une frange de la société, conduit inexorablement à des conflits ouverts, dont les dirigeants de notre pays n’ont jusque là pas fait la démonstration de leur capacité à les gérer.
La participation d’abord de ce qui tient lieu de « classe politique », celle qui ambitionne de briguer le suffrage de nos compatriotes. Sa participation est déterminante tant elle traduira la capacité de ce qui sera demain la classe dirigeante à s’approprier positivement du fait électoral et du phénomène démocratique. Mais les agitations actuelles qui entourent cette participation laissent à croire que cette classe est préoccupée par l’unique perspective d’une élection plus ou moins régulière qui lui confèrerait une légitimité de fait. La floraison des candidatures, déclarées ou potentielles, celles dites indépendantes en particulier, est symptomatique de ce comportement.
Ensuite, la participation de la société civile, qui doit prendre pleinement conscience de son rôle d’arbitre et de contre-pouvoir. Mais surtout de le jouer, loyalement, sans complaisance, mais aussi sans verser dans la critique systématique.
Puis, celle des femmes qui, ici comme ailleurs, représentent plus de la moitié de la population. Et comme leurs préoccupations se recoupent dans un très large éventail de questions et institutions, leur accès égal au scrutin et à la participation aux institutions de gouvernance et à l’économie à tous les niveaux est une question essentielle qui se pose dans la crise de la légitimité du pouvoir.
Puis encore celle des jeunes : près des deux tiers de notre population ont moins de 35 ans. Leur participation est plus que déterminante, tant la bonne gouvernance doit sinon être pensée et conduite pour eux, du moins les affranchir du risque si grand aujourd’hui sur notre continent de les voir prendre le large et échouer dans des embarquements de fortune.
La participation enfin des déportés. Oui, les déportés. Eux aussi. Car nul ne doit être exclu de fait de cette marche. Eux aussi ont suivi le changement, nourri des espoirs et fait le rêve de goûter un jour à cette société démocratique en construction. Eux aussi croient à cette volonté politique, dont on dit qu’elle est réelle et clairement affichée en faveur de leur retour. Une volonté cependant bien masquée par le yoyo communicationnel qui l’entoure.
De nombreux pays luttent pour améliorer cette participation, notamment en organisant régulièrement des élections pluralistes, libres et équitables.
A elles seules, les consultations électorales ne suffisent pas à assurer une participation populaire active. Là où les dirigeants ont fondé l’exercice de leur pouvoir uniquement sur l’élection, ils ont tendance à se croire autonomes, du simple fait qu’ils ont été élus et risquent de priver le citoyen de toute possibilité d’influencer les décisions prises. Un manque de possibilité de participation entre des élections successives peut transformer le processus électoral en un jeu politique à somme nulle et à enjeux élevés, ce qui multiplie les risques de conflit.
Or, la gestion des conflits, c’est-à-dire l’aptitude d’un Etat comme le nôtre d’élaborer des normes, des institutions et des mécanismes permettant de faire évoluer des situations de conflits ou conflits potentiels vers un résultat non violent est faible. C’est là que se fondent tous les espoirs.
Le régime d’exception, celui du colonel Mouawiya Ould Sid’Ahmed Taya fut. Il n’est plus. Le régime démocratique est à naître. Est-ce avec la transition, c’est-à-dire au terme de la période actuelle ? Wait and see !
Rouen, le 03 août 2006
Boubacar Tidjane DIAGANA
Chargé de la Communication
Porte-parole des FLAM/Rénovation.
Le CMJD et le gouvernement de transition s’étaient engagés dès les semaines qui ont suivi le changement à lutter contre la corruption et créer un environnement favorable à l’instauration de la démocratie. En d’autres termes instituer la bonne gouvernance pour un pays, la Mauritanie, où le détournement des deniers publics était la vertu et l’injustice la règle du jeu politique et social. Cela n’est pas chose simple.
Qu’est-ce donc la bonne gouvernance ? Sans prétendre à l’exactitude ni à l’exhaustivité, disons que le vocable renvoie à l’exercice de l’autorité politique, économique et administrative dans la gestion des affaires d’un pays à tous les niveaux. Elle va donc bien au delà la lutte anti-corruption ou le rétablissement de la justice (sic). Elle suppose un ensemble de paramètres qui, pris séparément y concourent sans jamais la consacrer.
La bonne gouvernance implique la responsabilité et la transparence dans la conduite des affaires publiques, mais aussi la participation.
La responsabilité, c’est-à-dire l’obligation pour les autorités, de rendre compte devant le peuple des décisions qu’elles ont prises ou qu’elles n’ont pas prises dans l’exercice de leurs fonctions officielles. Cela signifie que les individus et les organisations chargés d’activités particulières en sont tenus responsables. Cela suppose qu’il faut répondre aux critiques et aux remises en questions formulées. Un tel principe doit être connu, mais surtout accepté par toutes celles et tous ceux qui aujourd’hui ou demain s’apprêtent à prendre un mandat électif, national ou local, ou un mandat impératif. Si au moment de franchir cette étape, le moindre doute les habite, ils ou elles doivent, chacun (e) après un examen personnel de soi-même, avoir le courage de s’abstenir.
La transparence complète et renforce l’obligation de rendre des comptes en offrant un accès facile et sans entrave à l’information privée et publique, avec exactitude, sans retard, et de façon pertinente et complète. La récente mesure d’abrogation de l’article 11 de la constitution de 1991 autorisant le ministre de l’intérieur à censurer les articles est une avancée, bien timide certes vers la libéralisation de l’information. Toutefois, dans une société comme la nôtre, où information rime souvent avec diffamations et calomnies, où en l’absence de professionnels avertis de la communication, ceux qui en font office se muent en laudateurs professionnels, la liberté de la presse passe, si elle n’est conduite de façon rigoureuse, rapidement à la délation et autres déballages de vie privée ou de règlement de compte tribalo-clanique.
Prises ensemble, la responsabilité et la transparence jouent contre la corruption qui sape la discipline et le moral, en particulier dans la fonction publique, et se traduit ainsi par une défaillance de la gouvernance.
Rares sont les pays africains qui ont mis en place des institutions qui obligent à rendre compte de l’exercice du pouvoir. Ce qui se met en place en Mauritanie aboutira-t-il à cela ?
Quelle que puisse être la probité des gouvernants, l’absence d’obligation de rendre des comptes et l’absence de transparence encouragent les rumeurs. Celles-ci, ici plus qu’ailleurs vont très vite et ne peuvent que faire naître la désaffection, le ressentiment, fausser la communication et contribuer ainsi à des situations conflictuelles.
La participation est le principal fondement de la bonne gouvernance, car c’est elle qui offre au pouvoir sa légitimité. Pour ce faire, elle doit être pleine et entière, c’est-à-dire celle de la société toute entière, dans sa diversité et sa complexité. Participation donc de tous à la gestion des affaires administrative, politique et économique du pays. Tout manque de participation volontaire ou non, en fait toute exclusion d’une composante ou d’une frange de la société, conduit inexorablement à des conflits ouverts, dont les dirigeants de notre pays n’ont jusque là pas fait la démonstration de leur capacité à les gérer.
La participation d’abord de ce qui tient lieu de « classe politique », celle qui ambitionne de briguer le suffrage de nos compatriotes. Sa participation est déterminante tant elle traduira la capacité de ce qui sera demain la classe dirigeante à s’approprier positivement du fait électoral et du phénomène démocratique. Mais les agitations actuelles qui entourent cette participation laissent à croire que cette classe est préoccupée par l’unique perspective d’une élection plus ou moins régulière qui lui confèrerait une légitimité de fait. La floraison des candidatures, déclarées ou potentielles, celles dites indépendantes en particulier, est symptomatique de ce comportement.
Ensuite, la participation de la société civile, qui doit prendre pleinement conscience de son rôle d’arbitre et de contre-pouvoir. Mais surtout de le jouer, loyalement, sans complaisance, mais aussi sans verser dans la critique systématique.
Puis, celle des femmes qui, ici comme ailleurs, représentent plus de la moitié de la population. Et comme leurs préoccupations se recoupent dans un très large éventail de questions et institutions, leur accès égal au scrutin et à la participation aux institutions de gouvernance et à l’économie à tous les niveaux est une question essentielle qui se pose dans la crise de la légitimité du pouvoir.
Puis encore celle des jeunes : près des deux tiers de notre population ont moins de 35 ans. Leur participation est plus que déterminante, tant la bonne gouvernance doit sinon être pensée et conduite pour eux, du moins les affranchir du risque si grand aujourd’hui sur notre continent de les voir prendre le large et échouer dans des embarquements de fortune.
La participation enfin des déportés. Oui, les déportés. Eux aussi. Car nul ne doit être exclu de fait de cette marche. Eux aussi ont suivi le changement, nourri des espoirs et fait le rêve de goûter un jour à cette société démocratique en construction. Eux aussi croient à cette volonté politique, dont on dit qu’elle est réelle et clairement affichée en faveur de leur retour. Une volonté cependant bien masquée par le yoyo communicationnel qui l’entoure.
De nombreux pays luttent pour améliorer cette participation, notamment en organisant régulièrement des élections pluralistes, libres et équitables.
A elles seules, les consultations électorales ne suffisent pas à assurer une participation populaire active. Là où les dirigeants ont fondé l’exercice de leur pouvoir uniquement sur l’élection, ils ont tendance à se croire autonomes, du simple fait qu’ils ont été élus et risquent de priver le citoyen de toute possibilité d’influencer les décisions prises. Un manque de possibilité de participation entre des élections successives peut transformer le processus électoral en un jeu politique à somme nulle et à enjeux élevés, ce qui multiplie les risques de conflit.
Or, la gestion des conflits, c’est-à-dire l’aptitude d’un Etat comme le nôtre d’élaborer des normes, des institutions et des mécanismes permettant de faire évoluer des situations de conflits ou conflits potentiels vers un résultat non violent est faible. C’est là que se fondent tous les espoirs.
Le régime d’exception, celui du colonel Mouawiya Ould Sid’Ahmed Taya fut. Il n’est plus. Le régime démocratique est à naître. Est-ce avec la transition, c’est-à-dire au terme de la période actuelle ? Wait and see !
Rouen, le 03 août 2006
Boubacar Tidjane DIAGANA
Chargé de la Communication
Porte-parole des FLAM/Rénovation.