Scrutins du 19 novembre : La CFCD a-t-elle atteint son objectif ?

Au lendemain du trois août, les Réformateurs centristes (Islamistes) en avaient appelé au regroupement des forces du changement pour barrer la route aux partisans du régime déchu. Dans son discours d’ouverture de la campagne électorale, le président de l’UFP, Mohamed Ould Maouloud, avait rappelé que le véritable enjeu de la Transition était de choisir entre les partisans du statut quo et du retour du système déchu d’une part et les défenseurs d’une véritable démocratie d’autre part. Cet objectif affiché par les membres de la CFCD a-t-il été compris par les électeurs ?

Les résultats des élections municipales du 19 novembre, à Nouakchott, sont connus. Arafat, Dar Naim et Toujounine ont été remporté par les Réformateurs Centristes (Islamistes). L’APP passe première à Ryadh et à El Mina. Le RFD l’emporte à Teyarett, au Ksar et à Tevragh Zeina.


Première lecture : tous ces partis appartiennent à la Coalition des forces pour le changement démocratique (CFCD) regroupant l’opposition traditionnelle à Ould Taya.
Deuxième lecture : Ce n’est pas une surprise. En 2001, sous le régime déchu, l’opposition avait gagné six des neuf communes de Nouakchott.



Troisième lecture : A Nouakchott, l’UFP a déçu.
Quatrième lecture : Toujours à Nouakchott : Les indépendants suscités qui avait abandonné le bateau PRDR à la veille du dépôt des listes candidates, ont mordu la poussière. Ils n’ont obtenu qu’une victoire étriquée à Sebkha où la liste jaune passe en tête devant l’APP et les Islamistes.
Cinquième lecture : Le PRDR a été dépossédé des trois communes qu’elle gérait à Nouakchott


A Boghé, comme prévue, l’UFP conservera la Mairie avec Ba Adama Moussa. Au Trarza, les symboles des années Ould Taya et du PRDS, Boidiel Ould Hmoid et Sow Deyna ont perdu, respectivement, les communes de Keur Macène et Rosso au profit du RFD. A Selybabi, le maire sortant APP est sur le point de l’emporter. Dans la capitale économique, Nouadhibou, le Renouveau Démocratique a conservé la Mairie. Le Hatem de Saleh Ould Hanane s’est adjugé la commune d’Aioun. Celles de Tintane et Guérrou sont tombées aux mains des islamistes.

Il se dégage de ces résultas, encore très partiels, une nette avance des partis membres de la CFCD qui sont le RFD, l’APP, l’UFP, le RD, Hatem et les Islamistes. La CFCD, née pour barrer la route aux tenants du régime déchu, serait-elle en passe de réussir son pari ? Pas sur.

A Kaédi, les populations se sont jetés dans les bras d’un parti satellite du PRDS il y a peu. Kiffa, ville la plus peuplée après Nouakchott est aux mains des indépendants.
Au Brakna, à part Boghé bien tenu par l’UFP, le reste de la Willaya a préféré les indépendants.

Il est fort probable que les résultats des législatives recoupent ceux des municipales. Pour prétendre à une majorité à l’assemblée nationale, il faut plus que Nouakchott, Nouadhibou, Boghé, Rosso, et Selibaby. La CFCD, avec la victoire des islamistes aux municipales de Guerrou et Tintane, le sacre du Hatem de Saleh Ould Hanane à Aioun a fait quelques incursions dans les fiefs traditionnels de l’Ex parti au pouvoir. Mais, est-ce suffisant ?

Si l’enjeu des scrutins du 19 novembre-fermer la porte aux barons du régime totalitaire de l’avant trois août- a été compris dans les grands centres urbains. Il n’en est pas de même dans la Mauritanie rurale, toujours aux mains des forces tribalo-féodo-ethniques autoproclamées indépendants. Au vu des premières tendances, même si les accords électoraux de la CFCD jouent à fond, il n’est pas sur que cette coalition domine l’assemblée nationale. Au vu des premières tendances, aucun parti politique n’obtiendrait une majorité parlementaire, gage de la stabilité des institutions. Il faudra faire des alliances. Et ça ne sera pas facile.

Les Islamistes, plus qu’un groupuscule

Les Réformateurs Centristes (Islamistes) interdit de parti par la loi sont en tête de trois des neuf communes de Nouakchott : Arafat, Dar Naim et Toujounine. Ils sont deuxième à Sebkha et ont fait plus que de la figuration à Tevragh Zeina, Ryadh, Teyarett et El Mina. Il est sorti des urnes qu’ils ne sont pas un simple groupuscule mais une force politique, désormais difficilement contournable. Peut-on continuer à priver un courant politique d’une telle envergure de parti ?

Les Islamistes mauritaniens, dits modérés, bénéficieront certainement des accords électoraux de la CFCD. Au moment des discussions en vue de la formation d’une majorité au parlement, ils seront également dans le coup. Et, logiquement, ils pourront siéger au gouvernement futur.

A la question quel programme gouvernemental soutenons-nous ? Les Islamistes, à travers les propositions de leur liste El Moustaghbal répondent " Nous voulons d’abord souligner que parmi nos priorités figurent la préservation des constantes Islamiques dans la constitution et leurs traduction en détail dans les lois et les politiques de l’Etat. Parmi les plus importantes de ces constantes, il y a le fait que l’Islam est la religion du peuple et de l’Etat et que les prescriptions e l’Islam sont l’unique source des lois." Les lois actuellement en vigueur en Mauritanie (Code pénal, code du statut personnel, le code des obligations et des contrats, le code des assurances…) sont-elles " dans les détails " conformes au préambule de la constitution faisant de l’Islam, unique source du droit ? A cette question, il n’a jamais été donné réponse détaillée par les Réformateurs centristes.

Les Réformateurs centristes écrivent que leur soutien ou leur opposition à un quelconque gouvernement sera fonction de la prise d’un certains nombre de mesures. Il s’agit, entre autres, " de la révision de la loi sur les partis, du retour organisé des expulsées mauritaniens à leur pays et jouissance de leurs droits dans un cadre d’équité et de compréhension, de la création d’une commission nationale vérité et réconciliation chargée de faire la lumière sur le passif humanitaire, adoptant les règles du pardon et de compréhension, préparant une situation nouvelle où prévaut la justice et créant un mécanisme qui répare les injustices et empêche la répétition de l’oppression. "

Dans le domaine social, les Islamistes prônent " l’élimination de tous les aspects et séquelles de l’esclavage et l’utilisation de tous les moyens pour y parvenir. " Au niveau de la diplomatie, ils proposent " le retour à la CEDEAO et la rupture des rélations avec Israël ".

Les réformateurs centristes partagent-ils toutes ces propositions avec leurs alliés de la CFCD ?

Khalilou Diagana
Khalioubi@yahoo.fr

source : Nouakchott Info