Samedi 8 novembre 2010
Brèves notes de lecture des « Conversations avec moi-même » de Nelson Mandela, avec la Préface de Barck Obama, traduction française Les Editions de la Martinière 2010.
Document précieux, important, un véritable trésor, à la hauteur de la grandeur du personnage. « Conversations avec moi-même » comme l'a souligné, le président américain Barack Obama : « C'est l'histoire d'un homme qui a décidé de risquer sa propre vie au nom de ses convictions, et qui a beaucoup donné de lui-même pour essayer de le rendre meilleur ».
Un homme a fait le choix de consacrer sa vie à la libération de son peuple en ayant comme devise: « l'espoir est une arme puissante quand il ne reste plus rien d'autre ». La conclusion de son allocution lors du procès de Rivonia le 20 avril 1964 constitue le condensé du programme auquel Mandela est resté fidèle. Cet extrait fut l'expression de la puissance des convictions qui ont animé l'un des plus grands héros de l'histoire de l'humanité: « Durant toute ma vie, je me suis engagé dans la lutte pour le peuple africain. J'ai combattu la domination blanche, et j'ai combattu la domination noire. J'ai défendu l'idéal d'une société démocratique et libre dans laquelle tous les individus vivraient en harmonie et bénéficieraient de chances égales. C'est un idéal pour lequel j'espère vivre et que j'espère voir se réaliser. Mais c'est un idéal aussi pour lequel, s'il le faut je suis prêt à mourir. »
Mandela est sorti vivant, prisonnier promu à la présidence, comme récompense de son long séjour en prison. L'homme qui portait une tenue de prisonnier et qui a vécu pendant presque trois décennies dans une petite cellule a connu les lambris dorés de la présidence. Quelle revanche de l'histoire! Animé par l'authentique générosité, celle qui consiste à libérer son peuple de l'inhumanité, de la cruauté et de la barbarie, Mandela a vécu et a lutté contre l'un des systèmes d'oppression le plus injuste et le plus ignoble qui ait été appliqué sur une composante de l'humanité, du fait de sa couleur de peau: le racisme érigé en système. Enfin, il a régné et continue encore à faire profiter aux générations présentes et futures de la grandeur de sa mission et de la noblesse de son expérience. Il a honoré ses engagements, respecté le contrat moral avec son peuple, avec l'humanité et a transformé en réalité son idéal de paix et de justice.
Pour vaincre l'apartheid, il fallait un humanisme radical fondé sur une reconnaissance sans réserve de notre commune humanité et une éthique de la mise en application du devoir de la libération des opprimés et des opresseurs. La grandeur de Mandela s'est manifestée au cours de son expérience de combattant p ar l'enracinement de la lutte comme une libération des noirs constamment humiliés et des blancs porteurs de cette logique de la domination. Il est clair pour Mandela que l'oppresseur n'est pas libre autant qu'il exerce sa domination. L'enjeu de la lutte reposait sur l'opportunité d'en finir avec la confiscation de l'humanité dès lors que dans une société, une partie en opprime une autre.
Le parcours de vie de cet homme aux convictions qui ont croisé le fer avec l'un des sytèmes les plus humiliants, les plus barbares que l'humanité ait connus dans sa longue marche vers l'émancipation et l'avènement d'un monde juste, mérite une reconnaisance sans nuance.
D'entrée de jeu, Mandela donne une idée de la prodondeur de sa filiation spirituelle avant de s'abreuver aux nourritures intellectuelles et politiques qui vont alimenter sa réflexion, ses analyses et sa posture de combattant de la liberté. La tradition et la modernité ont forgé sa personnalité, de la première il a retenu: « La discipline, l'ordre, le sang froid et le respect d'autrui qui composaient le socle de l'autorité traditionnelle »; de la seconde: « J'ai fini par réaliser que je n'avais pas le droit de juger quelqu'un en fonction de mes propres coutumes, aussi fier qu'elles me rendent, et que le fait de mépriser les autres parce qu'ils n'observent pas des coutumes particulières est une forme dangereuse de chauvinisme ». S'enraciner n'est pas s'enfermer, s'ouvrir n'est pas une forme de dilution aliénante. Le sens de la synthèse harmonieuse et productrice est déjà énoncée dans la démarche de Mandela. Cette démarche va déterminer toute sa ligne de conduite. La radicalité de l'adoption définitive de certaines valeurs culturelles explique son choix de sortir d'une conférence aux Nations Unies, parce qu'il se levait à chaque fois que quelqu'un qui entrait dans la salle le saluait. Mandela fait remaruqer que: « Quand quelqu'un vient me voir, il faut bien que je me lève pour lui serrer la main. »
Dès lors que le sens d'une pratique est hautement humaine, Mandela n'hésite pas à bousculer les protocles et à passer outre. Fidèle à une pédagogie de la fermeté oouverte, critique et responsable, s'adressant aux resposanbles Burundais d'une réunion à Arusha en Tanzanie dans le cadre du processus de paix au Burundi le 16 ajnvier 2000, il dit: « Les compromis sont indispensables pour diriger un pays, et c'est avec les adversaires qu'on fait des compromis, pas avec les amis. »
Une culture politique de la fermeté fondée sur l'intransigeance de la revendication de la dignité s'accompagne d'un sens élevé du dialogue politique mettant au coeur de ses stratégies, une reconnaissance de l'autre, surtout quand des désaccords importants subsistent. Mandela poursuit dans ce contexte, dans le but de promouvoir la paix: « Un dirigeant s'efforce perpétuellement d'apaiser les tensions, surtout quand il a affaire à des problèmes sensibles et complexes. Les extrêmes prospèrent quand il y a de la tension, l'émotion pure tend alors à se substituer à la rationalité. »
Fidèle à sa ligne qui porte sur la lucidité et la prise en compte du principe de réalité qui est de ne jamais être dans une attitude de fuite devant les problèmes, Mandela a retenu la leçon de morale suivante: « Ne fuyez pas les problèmes; affrontez-les! Parce que si vous n'y faites pas face, ils ne seront jamais réglés. Affrontez les problèmes quand ils arrivent; faites preuve de courage. » Engagé dans une lutte féroce contre un système odieux et inique, Mandela puise ses forces, sa sérénité dans des ressources qui ne renient jamais le respect absolu de la dignité humaine sans parti pris, ni prisme particulariste. Devant un problème, la seule attitude qui vaille, c'est de l'affronter pour le résoudre, autrement, il bouche l'horizon et obstrue les portes de l'avenir. Tout système raciste est une impasse dans son principe, il en résulte que c'est par le combat qu'on peut l'éradiquer.
Mandela est un homme libéré des préjugés, en témoigne ce passage: « Au cours de ma carrière politique, j'ai découvert que dans toutes les communautés, africaines, coloured, indiennes ou blanches, et dans toutes les organisations sans exception, il y a des hommes et des femmes de valeur qui désirent ardemment mener leur vie dans la paix et la stabilité, avec des revenus décents, de belles maisons et de bonnes écoles dans lesquelles envoyer leurs enfants. Des hommes et des femmes qui respectent le tissu social et familial. »
Mandela a toujours prôné la paix, la justice, l'égalité. Mais cette aspiration était refusée aux noirs, aux indiens et aux métis. Il y a une vision commune aux humains, révélatrice de l'aspiration universelle au bien-être matériel, social et culturel. Ce qui ne peut se concrétiser que dans un régime démocratique et juste.
Mandela a oeuvré dans le sens de l'instauration au sein de l'ANC d'une culture démocratique dont l'exigence fondamentale est l'adhésion à la discussion critique et à une confrontation libre des idées. Son avertissement aux dirigeants allergiques aux critiques est lumineux: « C'est une grave erreur pour tout dirigeant d'être exagérément sensible aux critiques, de mener les discussions comme un maître d'école pérorant devant des écoliers moins informés et expérimentés. Un dirigeant doit toujours encourager et accueillir avec équanamité un échange libre et sans entraves. Mais nul ne devrait jamais mettre en cause l'honnêteté d'un autre membre, qu'il s'agisse d'un simple adhérent ou d'un dirigeant. »
La leçon a été entendue au sein de l'ANC, parce qu'elle pose une règle qu'il a respectée avec rigueur, bienveillance et générosité. Il convient de remarquer que les grandes organisations ne remportent des victoires que quand cette règle d'or est érigée en vertu. Autrement, c'est la soumisison servile qui prend le dessus sur la discipline militante qui n'exclut jamais l'esprit critique sans pour autant céder aux surenchères de la culture individuelle. Etouffer la discussion critique et dialectique procède d'une culture politique de l'enfermement qui finit par affaiblir une organisation politique.
Tout en ayant combattu de la manière la plus déterminée, sans concession, durant les années où la répression sur les noirs était cruelle, Mandela a constamment prôné le sens de la mesure fondé sur un optimisme inflexible: « Aussi mauvais qu'aient été nos calculs, et quelles que soient les difficultés auxquelles nous devrons encore faire face, je sais que je sortirai, que je marcherai d'un pied ferme sous le soleil, parce que la force de mon organisation et la détermination sans faille de notre peuple finiront par l'emporter. »
La force de conviction transcende le désir d'assiter à la célébration de la victoire du combat mené. Il faut dire que l'espoir de voir la cause défendue toute sa vie triompher n'est pas donnée à tous les combattants. Mandela ne perdait pas de vue cette dimension de la lutte en faisant observer: « Les idéaux que nous portons dans notre coeur, nos rêves les plus chers et nos fervents espoirs ne se réaliseront peut-être pas de notre vivant. Mais là n'est pas la question . Le fait de savoir que durant ta vie tu as fait ton devoir, que tu as été à la hauteur des attentes de tes camarades est en soi une expérience gratifiante et une réussiste superbe. Ce qui importe, c'est la conscience de ses devoirs et la concentration sur les moyens de les accomplir dans la dignité. L'expérience d'une vie réussie n'est pas à l'aune de la victoire, mais dans le sentiment et la conscience d'avoir été à la hauteur de ses responsabilités. Accomplir sa mission quand l'histoire nous convoque est la seule chose qui compte et n'a pas de prix.
« La victoire d'une grande cause ne se mesure pas seulement en atteignant le but final. C'est déjà un triomphe de se montrer à la hauteur de ses attentes au cours de sa vie. »
Il est difficile d'entretenir l'exigence des responsabilités à assumer et des missions à accomplir sans nourrir aucune autre forme d'attente et sans rechercher la gloire. Telle est la nature de la grandeur, celle qui a façonné Mandela et ses compagnons de lutte. Qu'est ce qui a permis à Mandela de s'ancrer dans cette grandeur hors normes? « Ce qui ancre tous mes rêves, c'est la sagesse collective de l'humanité. » Il y a là un pilier inébranlable et un enraciment profond dans l'humansime universel. Les sources d'inspiration de Mandela sont simples et complexes. Le visionnaire est un dialecticien qui puise dans son expérience, des armes spirituelles. Chaque étape de son parcours aussi difficile et humiliante soit-elle renforce son adhésion à la sagesse éternelle de l'humanité.
« Les armes spirituelles peuvent être efficaces, leur impact est souvent difficile à apprécier, sauf à la lumière de l'expérience. En un sens, elles transforment le prisonnier en homme libre, le roturier en monarque, la boue en or. Pour le dire crûment, ce ne sont que ma chair et mes os qui sont coincés derrière ces murs épais. »
Il est remarquable de constater qu'un leader de la trempe de Mandela ne condamne pas les indécis, les résignés et les spectateurs passifs. Il ne se prive pas, en revanche, de présenter les acteurs de la transformation de la société: « Le nouveau monde ne sera pas construit par ceux qui restent à l'écart les bras croisés, mais par ceux qui sont dans l'arêne, les vêtements réduits en haillon par la tempête et le corps mutilé par les événements. » Le combat pour la vie nécessite des sacrifices considérables, à la hauteur de la terreur du système combattu. Ceux qui luttent sont exposés en ce sens qu'ils optent pour l'activisme et la résistance contre le système oppresseur.
Par moments, une forme d'exaltation non sans lucidité s'empare de Mandela : « L'honneur appartient à ceux qui jamais ne s'éloignent de la vérité, même dans l'obscurité et la difficulté, ceux qui essayent toujours et qui ne se laissent pas décourager par les insultes, l'humiliation ou même la défaite. » L'épreuve de l'expérience cruciale de la prison a propulsé une intelligence claire et limpide à travers les ombres et les méandres vertigineux des pratiques inhumaines inhérentes à l'enfermement des humains. L'univers carcéral est un observatoire de la souffrance humaine, physique et morale.
La souffrance est une école de la grandeur au point que Mandela formule cette recommandation destinée aux candidats au pouvoir: « Un homme qui s'élève au sommet du pouvoir, dans n'importe quel pays, doit être un homme de talent, une personnalité vigoureuse et droite dans sa vie publique. »
La générosité, la force de caractère, l'éthique de la responsabilité, le sens de l'engagement, de l'honneur constituent les sources vives de la pensée politique de Mandela et l'unité d'action à travers les différentes péripéties de sa vie. Une carrière politique faite vie, de laquelle se dégage une sagesse qui vaut tous les traités de sagesse. Un homme heureux, sage, lucide a porté très haut le sens de la dignité, de la grandeur à un niveau, en général, caractéristque des contes de fées et des réves irréalisables. Mandela a montré que l'impossible peut devenir une réalité, c'est-à-dire plus que possible. L'apartheid s'était présenté au monde noir comme un horizon sombre, terriblement invincible. Mais, un homme a incarné le refus, la résistance et a transformé le rêve en réalité.
« Le nom de Nelson Mandela est l'un des plus célèbres et des plus révérés qui soient. L'homme qui le porte est un héros de notre temps et l'une des grandes figures du XXème siècle » Pourtant Mandela serait plutôt sceptique par rapport à cette présentation du personnage: « J'ai parfois l'impression qu'à travers moi la Création a voulu donner l'exemple d'un homme médiocre, au sens littéral du mot. » N'est-ce pas l'humilité qui constitue la véritable grandeur!
L'histoire nous a offert une figure exemplaire de la grandeur de l'humanité au point qu'il est difficile d'envisager une forme d'héroïsme qui dépasse celle que Mandela a concrétisée. Une vie entière dédiée à la résistance avec une forme de douceur jamais altérée par la fermeté et la fidélité au refus de l'intolérable et de l'insupportable.
La vie a récompensé l'homme qui a défié un système qui avait réservé le sort le plus terrible au peuple noir d'Afrique du sud.
Puisse cet exemple nous inspirer nous autres Mauritaniens dont le destin est encore compromis par un système politique et culturel qui n'est pas loin de nourrir une secrète admiration pour le défunt apartheid sud-africain.
Bonne lecture
Hamdou Rabby SY
Samedi 8 novembre 2010 Pour avomm.com
Brèves notes de lecture des « Conversations avec moi-même » de Nelson Mandela, avec la Préface de Barck Obama, traduction française Les Editions de la Martinière 2010.
Document précieux, important, un véritable trésor, à la hauteur de la grandeur du personnage. « Conversations avec moi-même » comme l'a souligné, le président américain Barack Obama : « C'est l'histoire d'un homme qui a décidé de risquer sa propre vie au nom de ses convictions, et qui a beaucoup donné de lui-même pour essayer de le rendre meilleur ».
Un homme a fait le choix de consacrer sa vie à la libération de son peuple en ayant comme devise: « l'espoir est une arme puissante quand il ne reste plus rien d'autre ». La conclusion de son allocution lors du procès de Rivonia le 20 avril 1964 constitue le condensé du programme auquel Mandela est resté fidèle. Cet extrait fut l'expression de la puissance des convictions qui ont animé l'un des plus grands héros de l'histoire de l'humanité: « Durant toute ma vie, je me suis engagé dans la lutte pour le peuple africain. J'ai combattu la domination blanche, et j'ai combattu la domination noire. J'ai défendu l'idéal d'une société démocratique et libre dans laquelle tous les individus vivraient en harmonie et bénéficieraient de chances égales. C'est un idéal pour lequel j'espère vivre et que j'espère voir se réaliser. Mais c'est un idéal aussi pour lequel, s'il le faut je suis prêt à mourir. »
Mandela est sorti vivant, prisonnier promu à la présidence, comme récompense de son long séjour en prison. L'homme qui portait une tenue de prisonnier et qui a vécu pendant presque trois décennies dans une petite cellule a connu les lambris dorés de la présidence. Quelle revanche de l'histoire! Animé par l'authentique générosité, celle qui consiste à libérer son peuple de l'inhumanité, de la cruauté et de la barbarie, Mandela a vécu et a lutté contre l'un des systèmes d'oppression le plus injuste et le plus ignoble qui ait été appliqué sur une composante de l'humanité, du fait de sa couleur de peau: le racisme érigé en système. Enfin, il a régné et continue encore à faire profiter aux générations présentes et futures de la grandeur de sa mission et de la noblesse de son expérience. Il a honoré ses engagements, respecté le contrat moral avec son peuple, avec l'humanité et a transformé en réalité son idéal de paix et de justice.
Pour vaincre l'apartheid, il fallait un humanisme radical fondé sur une reconnaissance sans réserve de notre commune humanité et une éthique de la mise en application du devoir de la libération des opprimés et des opresseurs. La grandeur de Mandela s'est manifestée au cours de son expérience de combattant p ar l'enracinement de la lutte comme une libération des noirs constamment humiliés et des blancs porteurs de cette logique de la domination. Il est clair pour Mandela que l'oppresseur n'est pas libre autant qu'il exerce sa domination. L'enjeu de la lutte reposait sur l'opportunité d'en finir avec la confiscation de l'humanité dès lors que dans une société, une partie en opprime une autre.
Le parcours de vie de cet homme aux convictions qui ont croisé le fer avec l'un des sytèmes les plus humiliants, les plus barbares que l'humanité ait connus dans sa longue marche vers l'émancipation et l'avènement d'un monde juste, mérite une reconnaisance sans nuance.
D'entrée de jeu, Mandela donne une idée de la prodondeur de sa filiation spirituelle avant de s'abreuver aux nourritures intellectuelles et politiques qui vont alimenter sa réflexion, ses analyses et sa posture de combattant de la liberté. La tradition et la modernité ont forgé sa personnalité, de la première il a retenu: « La discipline, l'ordre, le sang froid et le respect d'autrui qui composaient le socle de l'autorité traditionnelle »; de la seconde: « J'ai fini par réaliser que je n'avais pas le droit de juger quelqu'un en fonction de mes propres coutumes, aussi fier qu'elles me rendent, et que le fait de mépriser les autres parce qu'ils n'observent pas des coutumes particulières est une forme dangereuse de chauvinisme ». S'enraciner n'est pas s'enfermer, s'ouvrir n'est pas une forme de dilution aliénante. Le sens de la synthèse harmonieuse et productrice est déjà énoncée dans la démarche de Mandela. Cette démarche va déterminer toute sa ligne de conduite. La radicalité de l'adoption définitive de certaines valeurs culturelles explique son choix de sortir d'une conférence aux Nations Unies, parce qu'il se levait à chaque fois que quelqu'un qui entrait dans la salle le saluait. Mandela fait remaruqer que: « Quand quelqu'un vient me voir, il faut bien que je me lève pour lui serrer la main. »
Dès lors que le sens d'une pratique est hautement humaine, Mandela n'hésite pas à bousculer les protocles et à passer outre. Fidèle à une pédagogie de la fermeté oouverte, critique et responsable, s'adressant aux resposanbles Burundais d'une réunion à Arusha en Tanzanie dans le cadre du processus de paix au Burundi le 16 ajnvier 2000, il dit: « Les compromis sont indispensables pour diriger un pays, et c'est avec les adversaires qu'on fait des compromis, pas avec les amis. »
Une culture politique de la fermeté fondée sur l'intransigeance de la revendication de la dignité s'accompagne d'un sens élevé du dialogue politique mettant au coeur de ses stratégies, une reconnaissance de l'autre, surtout quand des désaccords importants subsistent. Mandela poursuit dans ce contexte, dans le but de promouvoir la paix: « Un dirigeant s'efforce perpétuellement d'apaiser les tensions, surtout quand il a affaire à des problèmes sensibles et complexes. Les extrêmes prospèrent quand il y a de la tension, l'émotion pure tend alors à se substituer à la rationalité. »
Fidèle à sa ligne qui porte sur la lucidité et la prise en compte du principe de réalité qui est de ne jamais être dans une attitude de fuite devant les problèmes, Mandela a retenu la leçon de morale suivante: « Ne fuyez pas les problèmes; affrontez-les! Parce que si vous n'y faites pas face, ils ne seront jamais réglés. Affrontez les problèmes quand ils arrivent; faites preuve de courage. » Engagé dans une lutte féroce contre un système odieux et inique, Mandela puise ses forces, sa sérénité dans des ressources qui ne renient jamais le respect absolu de la dignité humaine sans parti pris, ni prisme particulariste. Devant un problème, la seule attitude qui vaille, c'est de l'affronter pour le résoudre, autrement, il bouche l'horizon et obstrue les portes de l'avenir. Tout système raciste est une impasse dans son principe, il en résulte que c'est par le combat qu'on peut l'éradiquer.
Mandela est un homme libéré des préjugés, en témoigne ce passage: « Au cours de ma carrière politique, j'ai découvert que dans toutes les communautés, africaines, coloured, indiennes ou blanches, et dans toutes les organisations sans exception, il y a des hommes et des femmes de valeur qui désirent ardemment mener leur vie dans la paix et la stabilité, avec des revenus décents, de belles maisons et de bonnes écoles dans lesquelles envoyer leurs enfants. Des hommes et des femmes qui respectent le tissu social et familial. »
Mandela a toujours prôné la paix, la justice, l'égalité. Mais cette aspiration était refusée aux noirs, aux indiens et aux métis. Il y a une vision commune aux humains, révélatrice de l'aspiration universelle au bien-être matériel, social et culturel. Ce qui ne peut se concrétiser que dans un régime démocratique et juste.
Mandela a oeuvré dans le sens de l'instauration au sein de l'ANC d'une culture démocratique dont l'exigence fondamentale est l'adhésion à la discussion critique et à une confrontation libre des idées. Son avertissement aux dirigeants allergiques aux critiques est lumineux: « C'est une grave erreur pour tout dirigeant d'être exagérément sensible aux critiques, de mener les discussions comme un maître d'école pérorant devant des écoliers moins informés et expérimentés. Un dirigeant doit toujours encourager et accueillir avec équanamité un échange libre et sans entraves. Mais nul ne devrait jamais mettre en cause l'honnêteté d'un autre membre, qu'il s'agisse d'un simple adhérent ou d'un dirigeant. »
La leçon a été entendue au sein de l'ANC, parce qu'elle pose une règle qu'il a respectée avec rigueur, bienveillance et générosité. Il convient de remarquer que les grandes organisations ne remportent des victoires que quand cette règle d'or est érigée en vertu. Autrement, c'est la soumisison servile qui prend le dessus sur la discipline militante qui n'exclut jamais l'esprit critique sans pour autant céder aux surenchères de la culture individuelle. Etouffer la discussion critique et dialectique procède d'une culture politique de l'enfermement qui finit par affaiblir une organisation politique.
Tout en ayant combattu de la manière la plus déterminée, sans concession, durant les années où la répression sur les noirs était cruelle, Mandela a constamment prôné le sens de la mesure fondé sur un optimisme inflexible: « Aussi mauvais qu'aient été nos calculs, et quelles que soient les difficultés auxquelles nous devrons encore faire face, je sais que je sortirai, que je marcherai d'un pied ferme sous le soleil, parce que la force de mon organisation et la détermination sans faille de notre peuple finiront par l'emporter. »
La force de conviction transcende le désir d'assiter à la célébration de la victoire du combat mené. Il faut dire que l'espoir de voir la cause défendue toute sa vie triompher n'est pas donnée à tous les combattants. Mandela ne perdait pas de vue cette dimension de la lutte en faisant observer: « Les idéaux que nous portons dans notre coeur, nos rêves les plus chers et nos fervents espoirs ne se réaliseront peut-être pas de notre vivant. Mais là n'est pas la question . Le fait de savoir que durant ta vie tu as fait ton devoir, que tu as été à la hauteur des attentes de tes camarades est en soi une expérience gratifiante et une réussiste superbe. Ce qui importe, c'est la conscience de ses devoirs et la concentration sur les moyens de les accomplir dans la dignité. L'expérience d'une vie réussie n'est pas à l'aune de la victoire, mais dans le sentiment et la conscience d'avoir été à la hauteur de ses responsabilités. Accomplir sa mission quand l'histoire nous convoque est la seule chose qui compte et n'a pas de prix.
« La victoire d'une grande cause ne se mesure pas seulement en atteignant le but final. C'est déjà un triomphe de se montrer à la hauteur de ses attentes au cours de sa vie. »
Il est difficile d'entretenir l'exigence des responsabilités à assumer et des missions à accomplir sans nourrir aucune autre forme d'attente et sans rechercher la gloire. Telle est la nature de la grandeur, celle qui a façonné Mandela et ses compagnons de lutte. Qu'est ce qui a permis à Mandela de s'ancrer dans cette grandeur hors normes? « Ce qui ancre tous mes rêves, c'est la sagesse collective de l'humanité. » Il y a là un pilier inébranlable et un enraciment profond dans l'humansime universel. Les sources d'inspiration de Mandela sont simples et complexes. Le visionnaire est un dialecticien qui puise dans son expérience, des armes spirituelles. Chaque étape de son parcours aussi difficile et humiliante soit-elle renforce son adhésion à la sagesse éternelle de l'humanité.
« Les armes spirituelles peuvent être efficaces, leur impact est souvent difficile à apprécier, sauf à la lumière de l'expérience. En un sens, elles transforment le prisonnier en homme libre, le roturier en monarque, la boue en or. Pour le dire crûment, ce ne sont que ma chair et mes os qui sont coincés derrière ces murs épais. »
Il est remarquable de constater qu'un leader de la trempe de Mandela ne condamne pas les indécis, les résignés et les spectateurs passifs. Il ne se prive pas, en revanche, de présenter les acteurs de la transformation de la société: « Le nouveau monde ne sera pas construit par ceux qui restent à l'écart les bras croisés, mais par ceux qui sont dans l'arêne, les vêtements réduits en haillon par la tempête et le corps mutilé par les événements. » Le combat pour la vie nécessite des sacrifices considérables, à la hauteur de la terreur du système combattu. Ceux qui luttent sont exposés en ce sens qu'ils optent pour l'activisme et la résistance contre le système oppresseur.
Par moments, une forme d'exaltation non sans lucidité s'empare de Mandela : « L'honneur appartient à ceux qui jamais ne s'éloignent de la vérité, même dans l'obscurité et la difficulté, ceux qui essayent toujours et qui ne se laissent pas décourager par les insultes, l'humiliation ou même la défaite. » L'épreuve de l'expérience cruciale de la prison a propulsé une intelligence claire et limpide à travers les ombres et les méandres vertigineux des pratiques inhumaines inhérentes à l'enfermement des humains. L'univers carcéral est un observatoire de la souffrance humaine, physique et morale.
La souffrance est une école de la grandeur au point que Mandela formule cette recommandation destinée aux candidats au pouvoir: « Un homme qui s'élève au sommet du pouvoir, dans n'importe quel pays, doit être un homme de talent, une personnalité vigoureuse et droite dans sa vie publique. »
La générosité, la force de caractère, l'éthique de la responsabilité, le sens de l'engagement, de l'honneur constituent les sources vives de la pensée politique de Mandela et l'unité d'action à travers les différentes péripéties de sa vie. Une carrière politique faite vie, de laquelle se dégage une sagesse qui vaut tous les traités de sagesse. Un homme heureux, sage, lucide a porté très haut le sens de la dignité, de la grandeur à un niveau, en général, caractéristque des contes de fées et des réves irréalisables. Mandela a montré que l'impossible peut devenir une réalité, c'est-à-dire plus que possible. L'apartheid s'était présenté au monde noir comme un horizon sombre, terriblement invincible. Mais, un homme a incarné le refus, la résistance et a transformé le rêve en réalité.
« Le nom de Nelson Mandela est l'un des plus célèbres et des plus révérés qui soient. L'homme qui le porte est un héros de notre temps et l'une des grandes figures du XXème siècle » Pourtant Mandela serait plutôt sceptique par rapport à cette présentation du personnage: « J'ai parfois l'impression qu'à travers moi la Création a voulu donner l'exemple d'un homme médiocre, au sens littéral du mot. » N'est-ce pas l'humilité qui constitue la véritable grandeur!
L'histoire nous a offert une figure exemplaire de la grandeur de l'humanité au point qu'il est difficile d'envisager une forme d'héroïsme qui dépasse celle que Mandela a concrétisée. Une vie entière dédiée à la résistance avec une forme de douceur jamais altérée par la fermeté et la fidélité au refus de l'intolérable et de l'insupportable.
La vie a récompensé l'homme qui a défié un système qui avait réservé le sort le plus terrible au peuple noir d'Afrique du sud.
Puisse cet exemple nous inspirer nous autres Mauritaniens dont le destin est encore compromis par un système politique et culturel qui n'est pas loin de nourrir une secrète admiration pour le défunt apartheid sud-africain.
Bonne lecture
Hamdou Rabby SY
Samedi 8 novembre 2010 Pour avomm.com