REUNION A LA GENDARMERIE

LARMES ET ENCRE
Il y a environ deux semaines, le colonel Ely O. Med Vall a tenu une réunion de cadres des forces armées et de sécurité, à l'Etat- Major de la gendarmerie .Un voyage inhabituel, dans les mœurs de nos dirigeants. Un choix d'amphithéâtre, qui n'a rien d'un caprice. Une exigence de sécurité au fond, une _expression de désaveu de l'état major militaire , une marque au fer rouge, du changement des règles de la démocratie , même si le mot est déplacé dans ce cadre .
Pourquoi la gendarmerie ?
Les réponses sont multiples sous un même dénominateur :
- Elle n'a jamais fait un coup d'état, et n'en a pas l'ambition .Il n'y a pas endroit mieux indiqué en matière de greffe et de BR, pour discuter librement avec des officiers au sujet des coups d'état.
- Elle accepte sans broncher le déploiement et la frime du BASEP. Elle est contiguë à l'état Major, et offre donc une belle occasion de narguer l'armée. Cette armée dont le chef d'état major a refusé l'affront, de se voir assiégé par un bataillon tapageur qui se croit au dessus de l'armée elle-même, dont il n'est qu'une simple unité, certainement pas la mieux aguerrie, ni la mieux armée. L'argumentaire du chef d'état major est aussi simple que désarmant ; un état-major n'aurait aucun sens, s'il ne peut lui-même assurer la sécurité du chef de l'état par des moyens qui lui sont assujetis.
- La gendarmerie est un corps de police, police judiciaire sans doute, police d'élite aussi, mais police quand même. Et qui dit police dit Ely. Le chef d'état se sent donc plus chez lui à la gendarmerie qu'à l'armée. On ne se refait pas.
- On veut aussi signifier aux militaires que le chef d'état major n'est plus en odeur de sainteté en haut lieu
- Enfin, gâteau sur la cerise, on veut créer les germes de discorde entre le chef d'état major de l'armée, et celui de la gendarmerie, qui sont donnés pour être deux hommes de principe qui s'entendent très bien. Entente qui ne serait plus très bien vue par les hommes du président, à commencer par son chef de BASEP et très envahissant cousin.

Pourquoi pas l'état-major ?

- Parce que son chef tient au strict respect de la hiérarchie militaire, cette hiérarchie qui est le fondement même et la force sur laquelle est bâtie toute armée qui se respecte. Ce qui ne convient pas, pour le moment en tout cas .
- Parce que l'état- major estime que l'armée est un seul et même corps, et que c'est en son nom que s'est fait le coup d'état du 03 Août, et qu'elle doit donc elle-même en assurer la défense. Se faire encercler par une unité, de surcroît en dehors du commandement direct du chef d'état major, ne manquerait de blesser l'amour propre de militaires qui veillent à la sécurité de toute une nation.
- Parce que le BASEP est tenu par un homme au dessus de tous et ne veut déléguer à personne la protection du grand cousin, et que l'armée ne l'entend pas de cette oreille, elle serait même un peu trop dure d'oreille de l'avis de l'omnipotent commandant en chef du BASEP. Ce qu'il faut c'est un chef d'état major bien entendant, celui-là est sourd, selon le colonel Aziz.
- Parce que 13 sur 19 membres du CMJD relèvent de son autorité. Cet effectif (13), qui ne pèse pas beaucoup pour la plupart c'est vrai, demeure source d'inquiétude quand même pour les deux chefs présidentiels. Même si le fait qu'il soient 13 n'est pas encourageant pour la réussite d'un quelconque projet. Le chiffre 13 tout le monde le sait est porteur de poisse.
- Enfin, parce que le sujet à traiter, les coups d'état, c'est très militaire,toujours militaire, rarement policier, jamais gendarme. Il est donc sensible, plus particulièrement à l'état-major militaire. On n'est jamais assez prudent.
Là encore, toutes les hypothèses, tous les raisonnements conduisent vers la frousse.
Finalement, je crois qu'il s'agissait d'une manœuvre surprenante d'intelligence. Il faut sortir l'armée de chez elle. Il faut lui montrer la puissance nucléaire(Basep), sur son parcours, remplir donc ses yeux, pour ensuite lui dire, dans un discours mielleux, plein de sous-entendus, le message, « ceux qui oseront une tentative, auront affaire à ce qu'ils ont vu ». Mais le brillant stratège, auteur de cette manœuvre, est le Colonel Aziz, officier du matériel. Et il semble y croire à son matériel. D'ailleurs Aziz semble n'accorder d'importance qu'aux côtés matériels des choses, et cela peut se vérifier jusque dans sa vie civile. Mais Aziz le fougueux à courte vue, ne sait pas qu'à trop pousser le dédain et le mépris, il risque de hâter ce qu'il craint. « Les saints se connaissent bien entre eux », comme l'atteste le dicton populaire, et le matériel dont il se gargarise, n'impressionne en définitive que lui-même, ou les passants en manque de sensationnel. Quant a Ely, son brillant plaidoyer, n'a eu que ceci pour résultat :
- Les officiers se sont sentis diminués, impuissants.
- Les promesses faites en la circonstance, ne sont pas argent comptant. Ils en ont entendu d'autres. La seule promesse qu'ils ont retenue et bien retenu est le grade de Général, pour le Colonel Aziz .
- Les plus désabusés réfléchissent à rendre le tablier tout simplement. Ils sont mal payés . Ils vivent dans le dénuement le plus complet et la misère. Ils survivaient sur l'honneur et la dignité, valeurs désormais bafouées.
- D'autres ruminent leur amertume, et se promettent vengeance. Pour l'honneur cette fois, pas pour le pouvoir.
- Certains officiers envisagent sérieusement de s'embarquer sur des Boat people pour gagner l'Europe ou l'autre monde. L'armée n'a plus d'avenir.
- D'autres, plus tenaces, se mettent à l'école des cavaliers du changement réhabilitée, et n'attendent plus que le bon instant.
- Enfin, ce discours, son ambiance, sonne le coup de grâce. Sa plus grave conséquence est le mépris de Aziz et de son parain.
Toute la Mauritanie savait l'existence d'un conflit au niveau du comité directeur du pays. Il a été transporté, lors de ce déplacement à l'ensemble des Officiers. Soit quelques multiples de 13. Il ressort sur la rue, comme la finalité d'un long arbitrage. C'est la sentence, le désaveu du chef d'état-major national. C'est l'avertissement pour ses alliés. Attendons la suite.
Enfin, c'est bien la peur qui a été le ferment de toute cette entreprise, le calcul, la préméditation en sont les ingrédients . Ely a peur de son ombre. Aziz a la trouille de toutes les ombres, et même des attelages de charrettes, qu'il va bientôt interdire. Si Ely a un état d'âme, que je partage aujourd'hui, c'est bien celui-là seul : la peur. J'exprime le vœux, et prie pour que Dieu sauve les musulmans et la Mauritanie. Les gladiateurs sont imprévisibles.
SOURCE :M-NET