Le second tour marqué par des incidents
Plus de 25 millions d'électeurs congolais étaient appelés hier dimanche 29 octobre à mettre fin à la transition politique initiée en 2003 après cinq ans de guerre, lors du second tour d'une élection présidentielle. C'est le premier vote libre en 41 ans dans l'ex-Zaïre. Les Congolais devaient départager deux ex-belligérants : le chef de l'Etat sortant Joseph Kabila, donné favori, et le vice-président Jean-Pierre Bemba. Leurs troupes s'étaient affrontées à l'arme lourde, du 20 au 22 août à Kinshasa, après que Joseph Kabila eut obtenu 45 % des voix au premier tour, le 30 juillet. Le scrutin est combiné à l'élection de 632 députés provinciaux, parmi 13 476 candidats.
Les premiers bureaux de vote ont ouvert à 6 h 15 (heure locale et heure de Paris) dans l'est de la République démocratique du Congo (Rdc), une heure après dans l'ouest, en raison du décalage horaire dans ce pays grand comme l'Europe occidentale. Près de quatre heures après le début du vote dans l'est, le président de la Commission électorale indépendante (Cei) a indiqué que tout se passait bien, malgré les perturbations occasionnées par une pluie diluvienne dans le sud-ouest. Dans les provinces du Kasaï (centre), où des manifestants hostiles au processus électoral avaient empêché l'ouverture de centres de vote au premier tour, "presque tous les bureaux des grandes villes ont ouvert et aucun incident n'a été signalé", a précisé l'abbé Apollinaire Malu Malu. Il n'a parlé que de "petites difficultés localement", et promis, "s'il le faut", de maintenir les bureaux ouverts toute la nuit.
Le chef de la Cei ne disposait pas encore d'éléments sur la participation au scrutin. Mais à Goma (Nord-Kivu, est), les électeurs étaient moins nombreux qu'au premier tour, tandis qu'à Lubumbashi (Katanga, sud-est), les mêmes interminables files d'attente s'étaient formées dès l'aube.
L'ambiance du premier tour a été électrique, après une campagne électorale marquée par des accrochages quasi-quotidiens et parfois meurtriers en province entre partisans des deux présidentiables. Vendredi soir, Joseph Kabila a prévenu qu'il ne tolérerait aucune provocation lors du second tour. "La situation est grave (...) Pour chaque provocation, il y aura une riposte", a-t-il déclaré en soulignant que des dispositifs de sécurité étaient en place, ce qui semble un avertissement voilé à Jean-Pierre Bemba.
Plusieurs incidents ont été signalés hier en milieu de journée dans la province de l'Equateur, fief de Bemba. Une altercation a éclaté, après que des partisans du rival de M. Kabila ont découvert un président de bureau de vote en possession de "bulletins pré-remplis" au nom du président en place. La police du Congo démocratique a tué deux personnes en tentant de disperser des sympathisants de Jean-Pierre Bemba qui attaquaient le bureau de vote, selon une source citée par l'AFP (un porte-parole de la mission de l'Onu avait auparavant annoncé un bilan d'un mort et un blessé). "J'attends un président qui amène la paix", a expliqué Sara Biringa, 86 ans. Tshoba Songwe, fonctionnaire de 44 ans, s'est dit"très fier d'élire le président", quitte à "s'il ne fait rien, choisir quelqu'un d'autre dans cinq ans". Lili Bohendo, une quarantaine d'années, entendait"mettre fin au système 1 + 4 [un président et quatre vice-présidents, l'exécutif de la transition politique] parce que le Congo a trop souffert, avec ces dirigeants qui ne voient que leurs intérêts". "Nous sommes traumatisés par cette guerre, témoignait Gérard Avedo-Kazi, 25 ans, ex-professeur réfugié dans un camp de l'Ituri (nord-est). On aspire à voter parce que cela veut dire que les combats vont cesser."
Les 50 045 bureaux de vote devaient fermer à 17 heures, et le dépouillement commencer immédiatement. Les résultats provisoires de la présidentielle seront connus d'ici le 19 novembre et ceux des provinciales le 5 décembre.