Depuis 48 heures, le prolongement éventuel de la transition en Mauritanie défraie la chronique à Nouakchott et sur le Web. Plusieurs observateurs politiques n’ont pas manqué de souligner depuis quelques semaines le climat malsain dans lequel est plongé le paysage politique de notre pays suite aux accusations d’interventionnisme des militaires au pouvoir pour le soutien au candidat Sidi Ould Cheikh Abdallah.
Cette situation a d’ailleurs abouti à de nouvelles initiatives aussi bien de la classe politique que de la société civile, initiatives qui toutes, se justifient par le désir d’éclairer et de pacifier la situation actuelle. Le Renouveau Démocratique et l’UFP, tous deux partis membres de la CFCD , pensent qu’une décrispation de l’atmosphère est nécessaire même si les chemins proposés pour y aboutir semblent à première vue divergents. L’UFP, quant à elle, n’a pas voulue attendre la rencontre prévue avec le président du CMJD et une éventuelle position concertée avec ses partenaires pour rejeter toute tentative de prolongation de la durée de la transition.
Mais au fait qu’est-ce qui est reproché aux militaires par les partis membres de la CFCD ? C’est tout simplement le manque de neutralité dont, semble-t-il font preuve les membres du CMJD. Il faut bien souligner le mot « neutralité », car il n’y a pas si longtemps que ceux-là qui regrettent aujourd’hui ce manque de neutralité, se félicitaient du bon déroulement des élections législatives par un autre concept appelé celui-là « transparence » totale. Ce qui fait rire un peu, c’est qu’il semble qu’aux yeux de l’ « ancienne opposition », les militaires respectent les promesses non tenues, tout en violant celles qu’ils ont solennellement promis au peuple.
La neutralité est avant tout une posture psychologique avant d’être une attitude et un comportement obligatoire dans toute médiation. Dans l’étymologie du mot médiation, on retrouve « médium » et « média » qui signifient « milieu » et « intermédiaire ». Le mot médiateur et dérivé du latin « mediatore, de mediare » qui veut dire être au milieu. En promettant la neutralité, l’institution militaire au pouvoir depuis 1978, se pose désormais en médiatrice dans le « conflit » politique mauritanien. C’est de là que se pose le problème de toute la naïveté de notre classe politique et son manque de lucidité dans l’analyse qu’elle se fait de la situation. Comment une institution chargée de la gestion du pays depuis 28 ans et responsable de tout le passif politique, économique, financier et humanitaire peut-elle être neutre dans un processus pour lequel le peuple, pour ne pas dire le politique, ne jugera avant tout que son action passée depuis plus de 28 ans de pouvoir. La neutralité, dans le contexte actuel du pays, ne peut venir que de l’extérieur, et c’est pour cela que nous avons toujours soutenue l’exigence d’un retour organisé des réfugiés et déportés sous l’égide du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés. Malheureusement, la classe politique et surtout celle de l’ « ex opposition », aveuglée par le désir d’arriver le plus tôt possible au pouvoir, a soutenue ce non sens de « neutralité » promis par le CMJD, alors que tout simplement, en décidant de soutenir le processus de transition, elle devait avoir le courage de remarquer que par principe, aucune médiation n’est possible en l’absence de ce critère fondamental et obligatoire et tenter le concept dit de négociation. Et là aussi, nous avons péché par amateurisme. Car si la négociation a été mollement demandée et semble possible dans l’état actuel de la situation, nous devons admettre que les forces en présence sont loin d’être égales. Pour atténuer cette disparité entre les forces, la seule solution aurait été la mise en place d’un gouvernement d’union nationale avec à sa tête un premier ministre choisi par les forces de l’ « ancienne opposition ». Aujourd’hui que certains membres du CMJD semblent pencher pour cette approche, nous ne devrions que nous en féliciter et faire tout pour qu’enfin une véritable période de transition soit ouverte pour ceux qui ont vraiment souffert des 22 ans de despotisme de Taya, et permettre à l’institution militaire de retrouver dans la sérénité la plus absolue son rôle républicain de défense de la patrie. Il s’agira désormais de négocier dans un esprit républicain et consensuel tous les dossiers fondamentaux en suspens. Les mauritaniens doivent comprendre que sans la mise en place d’une république consensuelle et viable sur laquelle ne pèserait aucune menace interne ou externe, la transition ne sera qu’une parenthèse vide de sens. Le pouvoir qui s’en suivra ne sera que de plus en plus affaibli par, non seulement nos divisions ethniques et tribalistes, mais surtout par les lobbies impliqués dans les crimes politiques et économiques de l’ère Taya dont le principal et non moins important est l’institution militaire qui devrait nous garantir à tous la sécurité, la paix et la stabilité. La démocratie, ce n’est pas les élections, c’est avant tout le respect du droit et l’exigence des devoirs et des obligations de chaque citoyenne et de chaque citoyen. Pour cela un gouvernement d’union nationale aura avant tout comme tâches :
- d’apurer tous les passifs économiques, politiques et humanitaires
- d’organiser le retour des déportés et exilés
- d’organiser un débat national en vue de la révision de la constitution et du règlement de la question nationale et sociale
- de réviser le code pénal en pénalisant l’esclavage et les actes et comportements racistes, tribalistes, régionalistes et même féodalistes (problèmes des castes)
Et ensuite seulement, ce gouvernement, après avoir rassuré les victimes et autres ayants droits, après avoir rassuré l’institution militaire par une réconciliation nationale solennelle, s’attellera à l’organisation libre et transparente des élections.
Ne nous leurrons pas, les initiatives qui nous guident vers des candidatures de consensus, même abouties, ne règleront pas le problème. Les militaires dans leurs casernes avec n’importe quel président, nous ramène à la case départ, car cela voudra dire leur exclusion de la négociation pour le règlement du passif hérité de leur dictature. On juge un présumé coupable ou on négocie avec lui, mais on ne négocie pas sur son dos, surtout s’il semble avoir la force de son côté. Ceci s’appelle un manque de transparence qui forcément induit une crise de confiance.
D’autre part, il nous semble incohérent de la part de l’opposition de refuser le prolongement de la durée de la transition sous prétexte que cela relèverait en plus d’un manque de respect de la parole donnée de la part du CMJD. Cette opposition oublie que parmi les engagement du CMJD devant l’Union Européenne figurait en son point 14 un retour digne des déportés, que malheureusement, et les militaires, et la classe politique, ont, comme par entente tacite, relégué aux calendes grecques.
L’accès des civils au pouvoir ne peut et ne doit en aucun cas être la priorité de la transition actuelle. Si Ely Ould Mohamed VALL et son équipe veulent du temps et encore plus de temps pour contribuer à régler les problèmes fondamentaux qui doivent garantir notre unité et notre désir du vivre ensemble, alors bravo ! Apportons leur tout le soutien nécessaire et mettons nos disponibilités politiques et intellectuelles à leur disposition. Et pourquoi pas 10 ans de plus ?
Depuis GRETZ ARMAINVILLIERS
Le 19 janvier 2007
Amadou Alpha BA
Cette situation a d’ailleurs abouti à de nouvelles initiatives aussi bien de la classe politique que de la société civile, initiatives qui toutes, se justifient par le désir d’éclairer et de pacifier la situation actuelle. Le Renouveau Démocratique et l’UFP, tous deux partis membres de la CFCD , pensent qu’une décrispation de l’atmosphère est nécessaire même si les chemins proposés pour y aboutir semblent à première vue divergents. L’UFP, quant à elle, n’a pas voulue attendre la rencontre prévue avec le président du CMJD et une éventuelle position concertée avec ses partenaires pour rejeter toute tentative de prolongation de la durée de la transition.
Mais au fait qu’est-ce qui est reproché aux militaires par les partis membres de la CFCD ? C’est tout simplement le manque de neutralité dont, semble-t-il font preuve les membres du CMJD. Il faut bien souligner le mot « neutralité », car il n’y a pas si longtemps que ceux-là qui regrettent aujourd’hui ce manque de neutralité, se félicitaient du bon déroulement des élections législatives par un autre concept appelé celui-là « transparence » totale. Ce qui fait rire un peu, c’est qu’il semble qu’aux yeux de l’ « ancienne opposition », les militaires respectent les promesses non tenues, tout en violant celles qu’ils ont solennellement promis au peuple.
La neutralité est avant tout une posture psychologique avant d’être une attitude et un comportement obligatoire dans toute médiation. Dans l’étymologie du mot médiation, on retrouve « médium » et « média » qui signifient « milieu » et « intermédiaire ». Le mot médiateur et dérivé du latin « mediatore, de mediare » qui veut dire être au milieu. En promettant la neutralité, l’institution militaire au pouvoir depuis 1978, se pose désormais en médiatrice dans le « conflit » politique mauritanien. C’est de là que se pose le problème de toute la naïveté de notre classe politique et son manque de lucidité dans l’analyse qu’elle se fait de la situation. Comment une institution chargée de la gestion du pays depuis 28 ans et responsable de tout le passif politique, économique, financier et humanitaire peut-elle être neutre dans un processus pour lequel le peuple, pour ne pas dire le politique, ne jugera avant tout que son action passée depuis plus de 28 ans de pouvoir. La neutralité, dans le contexte actuel du pays, ne peut venir que de l’extérieur, et c’est pour cela que nous avons toujours soutenue l’exigence d’un retour organisé des réfugiés et déportés sous l’égide du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés. Malheureusement, la classe politique et surtout celle de l’ « ex opposition », aveuglée par le désir d’arriver le plus tôt possible au pouvoir, a soutenue ce non sens de « neutralité » promis par le CMJD, alors que tout simplement, en décidant de soutenir le processus de transition, elle devait avoir le courage de remarquer que par principe, aucune médiation n’est possible en l’absence de ce critère fondamental et obligatoire et tenter le concept dit de négociation. Et là aussi, nous avons péché par amateurisme. Car si la négociation a été mollement demandée et semble possible dans l’état actuel de la situation, nous devons admettre que les forces en présence sont loin d’être égales. Pour atténuer cette disparité entre les forces, la seule solution aurait été la mise en place d’un gouvernement d’union nationale avec à sa tête un premier ministre choisi par les forces de l’ « ancienne opposition ». Aujourd’hui que certains membres du CMJD semblent pencher pour cette approche, nous ne devrions que nous en féliciter et faire tout pour qu’enfin une véritable période de transition soit ouverte pour ceux qui ont vraiment souffert des 22 ans de despotisme de Taya, et permettre à l’institution militaire de retrouver dans la sérénité la plus absolue son rôle républicain de défense de la patrie. Il s’agira désormais de négocier dans un esprit républicain et consensuel tous les dossiers fondamentaux en suspens. Les mauritaniens doivent comprendre que sans la mise en place d’une république consensuelle et viable sur laquelle ne pèserait aucune menace interne ou externe, la transition ne sera qu’une parenthèse vide de sens. Le pouvoir qui s’en suivra ne sera que de plus en plus affaibli par, non seulement nos divisions ethniques et tribalistes, mais surtout par les lobbies impliqués dans les crimes politiques et économiques de l’ère Taya dont le principal et non moins important est l’institution militaire qui devrait nous garantir à tous la sécurité, la paix et la stabilité. La démocratie, ce n’est pas les élections, c’est avant tout le respect du droit et l’exigence des devoirs et des obligations de chaque citoyenne et de chaque citoyen. Pour cela un gouvernement d’union nationale aura avant tout comme tâches :
- d’apurer tous les passifs économiques, politiques et humanitaires
- d’organiser le retour des déportés et exilés
- d’organiser un débat national en vue de la révision de la constitution et du règlement de la question nationale et sociale
- de réviser le code pénal en pénalisant l’esclavage et les actes et comportements racistes, tribalistes, régionalistes et même féodalistes (problèmes des castes)
Et ensuite seulement, ce gouvernement, après avoir rassuré les victimes et autres ayants droits, après avoir rassuré l’institution militaire par une réconciliation nationale solennelle, s’attellera à l’organisation libre et transparente des élections.
Ne nous leurrons pas, les initiatives qui nous guident vers des candidatures de consensus, même abouties, ne règleront pas le problème. Les militaires dans leurs casernes avec n’importe quel président, nous ramène à la case départ, car cela voudra dire leur exclusion de la négociation pour le règlement du passif hérité de leur dictature. On juge un présumé coupable ou on négocie avec lui, mais on ne négocie pas sur son dos, surtout s’il semble avoir la force de son côté. Ceci s’appelle un manque de transparence qui forcément induit une crise de confiance.
D’autre part, il nous semble incohérent de la part de l’opposition de refuser le prolongement de la durée de la transition sous prétexte que cela relèverait en plus d’un manque de respect de la parole donnée de la part du CMJD. Cette opposition oublie que parmi les engagement du CMJD devant l’Union Européenne figurait en son point 14 un retour digne des déportés, que malheureusement, et les militaires, et la classe politique, ont, comme par entente tacite, relégué aux calendes grecques.
L’accès des civils au pouvoir ne peut et ne doit en aucun cas être la priorité de la transition actuelle. Si Ely Ould Mohamed VALL et son équipe veulent du temps et encore plus de temps pour contribuer à régler les problèmes fondamentaux qui doivent garantir notre unité et notre désir du vivre ensemble, alors bravo ! Apportons leur tout le soutien nécessaire et mettons nos disponibilités politiques et intellectuelles à leur disposition. Et pourquoi pas 10 ans de plus ?
Depuis GRETZ ARMAINVILLIERS
Le 19 janvier 2007
Amadou Alpha BA