Si vous entendiez un fort accent du Sud-Ouest chanter les littératures africaines dans toutes les langues (ou presque), c'est qu'Alain Ricard n'était pas loin. Directeur de recherche émérite au CNRS dans le nouveau laboratoire les Afriques dans le monde de l'université de Bordeaux, il avait publié, depuis son premier livre sur Wole Soyinka, Théâtre et nationalisme (1972, Présence Africaine), de nombreux livres sur les langues et les littératures de l'Afrique, dont Littératures d'Afrique Noire. Des langues aux livres (Karthala, 1995) qui lui ont valu le Prix Humboldt en 2002. D'allure juvénile, ce grand chercheur bordelais aux cheveux blancs (né en 1945) avait l'œil noisette prêt à s'illuminer à l'annonce d'un jeune écrivain africain à découvrir, d'un colloque à Tombouctou, d'un ami venu du Kenya ou de Tanzanie échanger des idées et des textes, d'une nouvelle discussion autour de Valentin Mudimbe. Et alors, s'il s'agissait de Wole Soyinka, son maître, il était intarissable. Grand chercheur, partageur et curieux, Alain Ricard à travers et au-delà de ses fonctions de directeur de recherches au CNRS aura tant compté pour l'essor et la mise au jour des littératures et des langues africaines, travaillant inlassablement au passage des imaginaires, oral écrit, d'une langue à l'autre, entre les hommes de cette terre qu'il a quittée, ce 27 août dernier, vaincu par la maladie. De nombreux hommages lui sont rendus, notamment par l'Association pour l'étude des littératures de l'Afrique qu'il présidait.
À l'origine
Un jour il partait à Honolulu dans la famille de sa femme ; le lendemain (ou presque) il retournait au pays de Mofolo, l'auteur de L'Homme qui marchait vers le soleil levant, écrit en sesotho, langue d'un petit pays d'Afrique du Sud nommé Lesotho, où ce livre fut publié en 1907, et qui serait le premier roman africain écrit en langue africaine, disait Alain Ricard, qui en publia la traduction inédite en français, retrouvée dans les archives du célèbre pasteur anthropologue Victor Ellenberger. « Premier roman, expliquait le chercheur, par le fait que cette langue, écrite en Afrique du Sud depuis 1837, n'avait produit que des livres de piété, ouvrages scolaires ou transcriptions de contes. Cette fiction longue marque la naissance du genre, et fut considérée sur place, à l'époque, comme un ouvrage d'imagination absolument original. » Ce premier roman, ajoutait Ricard, pourrait être inaugural dans la production littéraire africaine : Moeti oa Bochabela (titre en langue sotho) serait antérieur au premier roman éthiopien (1908) écrit en amharique, Lebb wallad Tarik ou « l'histoire inventée par le cœur », terme qui, depuis, signifie roman en langue éthiopienne.
Au cœur des africanités
Voilà ce que l'on apprenait de la bouche de ce gai savant qui raconta ses voyages, rencontres, étonnements et découvertes dans La Formule Bardey (Confluences). Il est aussi l'auteur de Voyages de découverte en Afrique (Bouquins, 2000), d'une Histoire des littératures de l'Afrique subsaharienne (Ellipses, 2006) et de Le Sable de Babel, traduction et apartheid, essai d'une anthropologie de la textualité (CNRS édition, 2011). Après être revenu une fois encore vers Soyinka via Nestor Zinsou (Karthala), Soyinka auquel il souhaitait consacrer tout un livre, Alain Ricard avait publié un ouvrage sur sa foi catholique (Le square éditeur).
Cherchiez-vous pour un hors série sur les grands mythes, légendes, poèmes de l'Afrique une spécialiste de la poésie mystique du Mali ? Il vous indiquait illico la meilleure des pistes (Christiane Seydou) et c'est à travers lui notamment que bien des articles ici ont pu voir le jour. L'important était de faire passer le savoir, d'aller vers l'autre. Faute de pouvoir saluer sa mémoire en sesotho (ce qui lui aurait sûrement plu), nous reproduisons ici l'entretien qu'il nous avait accordé pour le hors série sur l'Âme de l'Afrique.
PAR VALÉRIE MARIN LA MESLÉE
Source: afriquelepoint
À l'origine
Un jour il partait à Honolulu dans la famille de sa femme ; le lendemain (ou presque) il retournait au pays de Mofolo, l'auteur de L'Homme qui marchait vers le soleil levant, écrit en sesotho, langue d'un petit pays d'Afrique du Sud nommé Lesotho, où ce livre fut publié en 1907, et qui serait le premier roman africain écrit en langue africaine, disait Alain Ricard, qui en publia la traduction inédite en français, retrouvée dans les archives du célèbre pasteur anthropologue Victor Ellenberger. « Premier roman, expliquait le chercheur, par le fait que cette langue, écrite en Afrique du Sud depuis 1837, n'avait produit que des livres de piété, ouvrages scolaires ou transcriptions de contes. Cette fiction longue marque la naissance du genre, et fut considérée sur place, à l'époque, comme un ouvrage d'imagination absolument original. » Ce premier roman, ajoutait Ricard, pourrait être inaugural dans la production littéraire africaine : Moeti oa Bochabela (titre en langue sotho) serait antérieur au premier roman éthiopien (1908) écrit en amharique, Lebb wallad Tarik ou « l'histoire inventée par le cœur », terme qui, depuis, signifie roman en langue éthiopienne.
Au cœur des africanités
Voilà ce que l'on apprenait de la bouche de ce gai savant qui raconta ses voyages, rencontres, étonnements et découvertes dans La Formule Bardey (Confluences). Il est aussi l'auteur de Voyages de découverte en Afrique (Bouquins, 2000), d'une Histoire des littératures de l'Afrique subsaharienne (Ellipses, 2006) et de Le Sable de Babel, traduction et apartheid, essai d'une anthropologie de la textualité (CNRS édition, 2011). Après être revenu une fois encore vers Soyinka via Nestor Zinsou (Karthala), Soyinka auquel il souhaitait consacrer tout un livre, Alain Ricard avait publié un ouvrage sur sa foi catholique (Le square éditeur).
Cherchiez-vous pour un hors série sur les grands mythes, légendes, poèmes de l'Afrique une spécialiste de la poésie mystique du Mali ? Il vous indiquait illico la meilleure des pistes (Christiane Seydou) et c'est à travers lui notamment que bien des articles ici ont pu voir le jour. L'important était de faire passer le savoir, d'aller vers l'autre. Faute de pouvoir saluer sa mémoire en sesotho (ce qui lui aurait sûrement plu), nous reproduisons ici l'entretien qu'il nous avait accordé pour le hors série sur l'Âme de l'Afrique.
PAR VALÉRIE MARIN LA MESLÉE
Source: afriquelepoint