LE QUOTIDIEN
Envoyé spécial à Nouakchott - Il n’y a pas eu de grande surprise. Le second tour toujours annoncé par les différents observateurs aura bel et bien lieu. Car, les résultats provisoires publiés par le ministère de l’Intérieur mauritanien mettront aux prises Sidy Ould Cheikh Abdallahi et Ahmed Ould Daddah qui vont se disputer le fauteuil présidentiel.
Ce n’est plus un canular. La Mauritanie verra pour la première fois de son histoire politique un deuxième tour après le scrutin de dimanche dernier. «Enfin il n’y a plus de 70% du temps de Maouya», s’exclame un confrère de la chaîne de télévision mauritanienne. Pour les Mauritaniens, le grand jour est arrivé. Car, les urnes ont livré leur secret en envoyant Sidy Ahmed Ould Cheikh Aballahi, candidat indépendant, et Ahmed Ould Daddah, de l’Union des forces démocratiques (Ufd). Les résultats provisoires publiés par le ministère de l’Intérieur montrent un score assez étriqué entre les deux challengers dans la course pour le fauteuil présidentiel occupé par Ely Mouhamed Ould Vall. Avec 1 million 136 mille 774 inscrits (dont 795 083 votants, un suffrage exprimé de 741 066 voix, 50.758 bulletins nuls pour un taux de participation de 70,07 %).
Sidy Ahmed Ould Cheikh Aballah qui est arrivé en tête est crédité de 24,79 % (183.743) suivi d’Ahmed Ould Daddah avec 20,68% (153.242), de Zeina Ould de Zeindane avec 15% et d’Ibrahima Sarr qui constitue la révélation de ce scrutin avec ses 7,94 %.
Incontestablement, ce jour constitue un grand événement pour le peuple mauritanien habitué au plébiscite et à la mascarade durant l’ère de Maouya Ould Taya, comme on le rappelle à Nouakchott. La Mauritanie va se réveiller avec la démocratie. Même si les populations n’ont pas allumé les feux d’artifice ou gratifier des scènes de liesse populaire, cette date va constituer un repère historique dans la vie politique de ce pays qui vient taper à la porte de l’alternance politique dans cette carte incertaine de l’Afrique politique. Elle se trouve tout simplement au printemps de sa démocratie avec le deuxième tour qui se tiendra le 25 mars qui va couronner la fin de la transition militaire entamée depuis le 3 Août 2005.
Déjà, les énergies commencent à se déployer pour le deuxième tour qui mettra aux prises un ancien baron de l’ex-pouvoir et le premier opposant de la Mauritanie après l’instauration du multipartisme en 1991. Sida Ould Abdallah, ancien ministre de la Pêche de Maouya Ould Taya, avant d’entrer dans les disgrâces du Président déchu, a une machine politique essentiellement constituée des hommes forts de l’ancien régime alors qu’Ould Daddah peut revendiquer 16 ans de lutte politique pacifique pour l’accession à la magistrature suprême.
Ce qui fait que les alliances qui vont se nouer pour l’accession au Palais ocre semblent un peu plus claires des deux côtés. Car, les deux faiseurs de rois sont identifiables à un des deux candidats arrivés au second tour. Zeine Ould Zeidane, l’ancien gouverneur de la Banque centrale, originaire de la même région que Sidy Ould Abdallahi. S’y ajoute que la proximité entre les deux hommes est reconnue de tous, malgré quelques brouilles observées ces derniers temps et qui se sont dissipés. Il est pressenti pour reporter ses 15% sur le premier. Originaire du Sud du pays au même titre que Zeine Ould Zeidane qui y a fait une percée remarquée, il peut asseoir sa future élection dans cette zone qui constitue un véritable vivier électoral. Seulement, il devra aussi corriger ses revers subis dans les deux villes les plus populaires de la Mauritanie notamment à Nouakchott et Nouadhibou où son concurrent s’est montré très performant. Ibrahima Sarr, qui a été un compagnon de lutte, avec sa réputation d’hommes de principes et de dialogue et qui a réalisé une grande performance dans la capitale mauritanienne, serait pressenti pour accompagner Ahmed Ould Daddah au second tour de la présidentielle. Dans son costume de bâtisseur avec son discours rassurant pour les couches les plus démunies, le frère du premier président de la République indépendante pourrait compter sur la zone Nord qui a connu un émiettement de son électorat avec la multiplicité des candidats qui disposent de la majorité de leur électorat dans cette zone (Mouhamed Ould Maouloud et Ibrahima Sarr).
Aujourd’hui, les différents candidats disposent de quarante-huit heures pour déposer un recours au Conseil constitutionnel qui devra délivrer officiellement les résultats publiés, hier, par le ministère de l’Intérieur dans dix jours avant la tenue du second tour le 25 mars.
Bocar SAKHO