Soucieux de ménager à la fois Alger et Rabat, le président Mohamed Ould Abdelaziz peine à trouver le juste positionnement par rapport à ses deux puissants voisins.
Nouakchott attendra. Malgré les rumeurs, qui bruissaient depuis le mois de mars, d'une visite de Mohammed VI dans le cadre de sa tournée africaine entamée le 21 mai, c'est sans grande surprise qu'a été infirmée officiellement l'audacieuse hypothèse. Pour sa troisième tournée africaine en trois ans, le monarque alaouite s'est exclusivement consacré à son fan-club subsaharien. C'est ainsi qu'il devait rencontrer à nouveau sur leurs terres le Sénégalais Macky Sall (pour la deuxième fois depuis 2013), l'Ivoirien Alassane Ouattara et le Gabonais Ali Bongo Ondimba (chacun d'eux pour la troisième fois depuis la même date), avant de conclure son périple par la Guinée-Bissau. De quoi froisser son "cousin" mauritanien, Mohamed Ould Abdelaziz, issu de la tribu des Oulad Bou Sbaa, d'origine marocaine. Depuis son accession au pouvoir, en 2008, ce dernier n'a en effet jamais reçu à Nouakchott son royal voisin.
Au lendemain de sa réélection, en 2014, l'ancien général avait dû se contenter lors de la cérémonie d'investiture de la présence du président de la Chambre des représentants marocaine, Rachid Talbi Alami, dépêché par Mohammed VI pour le représenter. "La froideur des relations entre Rabat et Nouakchott depuis l'accession d'Aziz au pouvoir est un mystère", commente un bon connaisseur de la diplomatie marocaine.
Expulsions
Il faut dire que la Mauritanie a bien du mal à trouver le juste positionnement au coeur d'un triangle des Bermudes où le moindre sourire adressé à l'un des voisins fait immanquablement grimacer l'autre. Quand on a sur son palier le Maroc, l'Algérie et la République arabe sahraouie démocratique (RASD), difficile de savoir sur quel pied danser. Une effusion suspecte à l'égard du Polisario, et Rabat prend la mouche. Un rapprochement trop voyant avec le Maroc, et Alger s'émeut... "Les relations d'Aziz avec chacun de ces deux pays sont en dents de scie, résume un patron de presse mauritanien : ni vraiment bonnes, ni vraiment mauvaises."
Nouvelle illustration en a été donnée fin avril lorsque le journal Al-Bayan El-Souhoufi a fait état des griefs que les autorités mauritaniennes entendaient, à l'en croire, exprimer auprès des Nations unies contre le Maroc, accusé d'inonder de drogue leur territoire. Bien que l'article soit passé inaperçu, Ibrahim Ould Moulaye Ahmed, le directeur de la publication, a aussitôt été convoqué à la Direction de la sûreté mauritanienne pour y être interrogé. Très vite, le premier conseiller à l'ambassade d'Algérie à Nouakchott, Belkacem Cherouati, est soupçonné d'avoir inspiré l'article afin de fragiliser les relations, en voie de réchauffement, entre la Mauritanie et le Maroc. Il est expulsé sans autre forme de procès. Dans la foulée, au nom du principe de réciprocité, l'Algérie expulse à son tour le chargé des affaires militaires de l'ambassade mauritanienne à Alger. Quelques jours plus tard, tandis que la presse algérienne continue de s'indigner de cet affront, tout semble pourtant oublié côté mauritanien. "Nos relations [avec l'Algérie] sont excellentes et il n'y a rien pour le moment qui puisse les ternir", estime ainsi la ministre mauritanienne des Affaires étrangères, Vatma Vall Mint Soueina. Quant au président Abdelaziz, à l'occasion de la signature de l'accord d'Alger sur le Mali, début mai, il rend hommage à "la médiation internationale conduite par la République soeur d'Algérie".
"Lobby"
"On ne sait plus trop si la Mauritanie soutient plutôt l'Algérie ou plutôt le Maroc", observe, perplexe, l'historien mauritanien Abderrahmane Ngaïdé, de l'Université Cheikh-Anta-Diop (Ucad), à Dakar. Fin 2011, une affaire similaire avait en effet défrayé la chronique : le directeur du bureau de l'agence de presse marocaine MAP à Nouakchott avait dû quitter la Mauritanie sous vingt-quatre heures au motif qu'il "se comportait d'une manière non conforme à sa profession et n'avait pas d'accréditation". À l'époque, une source marocaine proche du dossier avait laissé entendre que le journaliste avait pu faire les frais d'un "lobby" désireux de "régler ses comptes, au détriment du Maroc", au lendemain d'un rapprochement entre Nouakchott et Alger. "On n'a jamais vraiment compris quelle était la véritable raison de cette expulsion", résume un opposant mauritanien, qui reconnaît, à l'instar de plusieurs observateurs, que "les relations d'Aziz avec Alger et Rabat sont difficiles à cerner".
Source: Jeune Afrique
Nouakchott attendra. Malgré les rumeurs, qui bruissaient depuis le mois de mars, d'une visite de Mohammed VI dans le cadre de sa tournée africaine entamée le 21 mai, c'est sans grande surprise qu'a été infirmée officiellement l'audacieuse hypothèse. Pour sa troisième tournée africaine en trois ans, le monarque alaouite s'est exclusivement consacré à son fan-club subsaharien. C'est ainsi qu'il devait rencontrer à nouveau sur leurs terres le Sénégalais Macky Sall (pour la deuxième fois depuis 2013), l'Ivoirien Alassane Ouattara et le Gabonais Ali Bongo Ondimba (chacun d'eux pour la troisième fois depuis la même date), avant de conclure son périple par la Guinée-Bissau. De quoi froisser son "cousin" mauritanien, Mohamed Ould Abdelaziz, issu de la tribu des Oulad Bou Sbaa, d'origine marocaine. Depuis son accession au pouvoir, en 2008, ce dernier n'a en effet jamais reçu à Nouakchott son royal voisin.
Au lendemain de sa réélection, en 2014, l'ancien général avait dû se contenter lors de la cérémonie d'investiture de la présence du président de la Chambre des représentants marocaine, Rachid Talbi Alami, dépêché par Mohammed VI pour le représenter. "La froideur des relations entre Rabat et Nouakchott depuis l'accession d'Aziz au pouvoir est un mystère", commente un bon connaisseur de la diplomatie marocaine.
Expulsions
Il faut dire que la Mauritanie a bien du mal à trouver le juste positionnement au coeur d'un triangle des Bermudes où le moindre sourire adressé à l'un des voisins fait immanquablement grimacer l'autre. Quand on a sur son palier le Maroc, l'Algérie et la République arabe sahraouie démocratique (RASD), difficile de savoir sur quel pied danser. Une effusion suspecte à l'égard du Polisario, et Rabat prend la mouche. Un rapprochement trop voyant avec le Maroc, et Alger s'émeut... "Les relations d'Aziz avec chacun de ces deux pays sont en dents de scie, résume un patron de presse mauritanien : ni vraiment bonnes, ni vraiment mauvaises."
Nouvelle illustration en a été donnée fin avril lorsque le journal Al-Bayan El-Souhoufi a fait état des griefs que les autorités mauritaniennes entendaient, à l'en croire, exprimer auprès des Nations unies contre le Maroc, accusé d'inonder de drogue leur territoire. Bien que l'article soit passé inaperçu, Ibrahim Ould Moulaye Ahmed, le directeur de la publication, a aussitôt été convoqué à la Direction de la sûreté mauritanienne pour y être interrogé. Très vite, le premier conseiller à l'ambassade d'Algérie à Nouakchott, Belkacem Cherouati, est soupçonné d'avoir inspiré l'article afin de fragiliser les relations, en voie de réchauffement, entre la Mauritanie et le Maroc. Il est expulsé sans autre forme de procès. Dans la foulée, au nom du principe de réciprocité, l'Algérie expulse à son tour le chargé des affaires militaires de l'ambassade mauritanienne à Alger. Quelques jours plus tard, tandis que la presse algérienne continue de s'indigner de cet affront, tout semble pourtant oublié côté mauritanien. "Nos relations [avec l'Algérie] sont excellentes et il n'y a rien pour le moment qui puisse les ternir", estime ainsi la ministre mauritanienne des Affaires étrangères, Vatma Vall Mint Soueina. Quant au président Abdelaziz, à l'occasion de la signature de l'accord d'Alger sur le Mali, début mai, il rend hommage à "la médiation internationale conduite par la République soeur d'Algérie".
"Lobby"
"On ne sait plus trop si la Mauritanie soutient plutôt l'Algérie ou plutôt le Maroc", observe, perplexe, l'historien mauritanien Abderrahmane Ngaïdé, de l'Université Cheikh-Anta-Diop (Ucad), à Dakar. Fin 2011, une affaire similaire avait en effet défrayé la chronique : le directeur du bureau de l'agence de presse marocaine MAP à Nouakchott avait dû quitter la Mauritanie sous vingt-quatre heures au motif qu'il "se comportait d'une manière non conforme à sa profession et n'avait pas d'accréditation". À l'époque, une source marocaine proche du dossier avait laissé entendre que le journaliste avait pu faire les frais d'un "lobby" désireux de "régler ses comptes, au détriment du Maroc", au lendemain d'un rapprochement entre Nouakchott et Alger. "On n'a jamais vraiment compris quelle était la véritable raison de cette expulsion", résume un opposant mauritanien, qui reconnaît, à l'instar de plusieurs observateurs, que "les relations d'Aziz avec Alger et Rabat sont difficiles à cerner".
Source: Jeune Afrique