Si la multiplication de partis politiques en Afrique a contribué à contester l’hégémonie des partis uniques, de nombreuses formations d’opposition ont conservé les pratiques du passé, opaques et politiciennes et pourraient fragiliser les jeunes démocraties africaines.
Alors que les pays africains étaient majoritairement dominés par des partis uniques au lendemain des indépendances nationales, on assiste depuis quelques années à un processus de démocratisation sans précédent, marqué par l’essor du constitutionnalisme et par l’organisation d’élections pluralistes et compétitives. Bien que lent et épineux, ce processus aurait été impossible sans la prise en compte des partis d’opposition, modérateurs indispensables à la démocratie et garants du débat démocratique. Aujourd’hui, les formations politiques se multiplient en Afrique, et cela donne parfois le vertige.
Ainsi, la République démocratique du Congo ne compte actuellement pas moins de 477 partis politiques, le Cameroun en enregistre 291, le Sénégal en accueille 255, le Mali en présente 171 et au Burkina Faso, pays de 16 millions d’habitants, 113 formations occupent l’échiquier politique national. Le pluralisme, qui était une des principales revendications des peuples africains, se développe à une vitesse effrénée et produit parfois des effets contraires à ceux escomptés.
Nombre de ces formations sont en réalité des personnes morales sans activité, ou tellement faibles qu’elles peinent à mobiliser les militants. Ces derniers changent facilement de parti ou adhèrent sur la base d’avantages comparatifs (faciliter d’émerger, appui matériel ou financier ponctuel). Lors des différentes échéances électorales, la majorité des formations politiques n’obtiennent que des résultats négligeables et l’émiettement de l’électorat ne favorise pas la constitution de majorités cohérentes et légitimes.
Un autre effet collatéral de l’inflation de formations politiques : dans plusieurs pays africains, le débat sur les propositions et le projet de société défendu par chaque parti cède la place à des disputes infécondes focalisées sur la forme au détriment du fond. Ainsi, une polémique fait rage en Afrique du Sud à quelques semaines des élections municipales, prévues le 3 août. Alliance démocratique (DA, premier parti d’opposition) utilise dans un de ses clips de campagne la voix de Nelson Mandela pour mieux contester le bilan de l’ANC, parti que Mandela a lui-même présidé de son vivant.
La polémique ne manque pas d’intérêt, l’héritage politique de Nelson Mandela étant un sujet évidemment sensible et important pour l’Afrique du Sud. Mais alors que la violence politique dans le pays persiste et menace les élections, on est en droit de se demander si cette querelle est vraiment pertinente. D’autant plus que l’image du leader révolutionnaire sud-africain est utilisée à des fins commerciales depuis des années sans que l’ANC n’y trouve rien à redire. Une menace bien plus réelle pèse en revanche sur le prochain scrutin. Selon la Commission électorale, « la persistance de la violence risque de contrarier les électeurs et accentuer la désaffection par rapport au processus politique dans le pays ». Les 200 partis participant aux élections communales feraient sans doute mieux de s’occuper de cette menace et des nombreux problèmes des Sud-Africains.
Au Gabon, l’opposition commence également à se perdre dans la facilité de la critique sans fondement et privilégie à son tour les polémiques politiciennes au détriment du débat de fond. Afin de conquérir la présidence du pays, elle s’en prend à l’entourage d’Ali Bongo et accuse ses plus proches collaborateurs de participer à un système de prédation dont certains opposants font eux-mêmes partie. Le système mafieux fait de connivence douteuse que certains membres de l’opposition dénoncent est en réalité le même qui a permis aux détracteurs de M. Bongo de prélever les fameux « 10 % » sur chaque marché passé avec l’Etat.
Or, ces nostalgiques de la prévarication qui se distribuaient les prébendes voient en l’entourage d’Ali Bongo, et notamment en son chef de cabinet, Maixent Accrombessi, un obstacle à la réalisation de leurs ambitions. Mais pendant qu’on s’attaque à M. Accrombessi et ses proches, qui s’intéresse au train de vie de ces anciens barons déchus qui ont spolié le Gabon ?
Pour exister, la démocratie suppose des partis politiques d’opposition solides. Ils constituent un contre-pouvoir, représentent la possibilité d’une alternance politique et permettent de renouveler le personnel politique. Mais encore faut-il que ces partis soient eux-mêmes démocratiques, pluralistes et ouverts. Qu’ils favorisent le débat de fond sur les problèmes affectant directement la population au lieu de soulever des débats biaisés ou sans importance afin de mieux servir les intérêts d’une minorité. Le défi des démocraties africaines est de se doter de partis d’oppositions sérieux et responsables capables de rompre avec les pratiques anciennes.
Source: blogmediapart
Alors que les pays africains étaient majoritairement dominés par des partis uniques au lendemain des indépendances nationales, on assiste depuis quelques années à un processus de démocratisation sans précédent, marqué par l’essor du constitutionnalisme et par l’organisation d’élections pluralistes et compétitives. Bien que lent et épineux, ce processus aurait été impossible sans la prise en compte des partis d’opposition, modérateurs indispensables à la démocratie et garants du débat démocratique. Aujourd’hui, les formations politiques se multiplient en Afrique, et cela donne parfois le vertige.
Ainsi, la République démocratique du Congo ne compte actuellement pas moins de 477 partis politiques, le Cameroun en enregistre 291, le Sénégal en accueille 255, le Mali en présente 171 et au Burkina Faso, pays de 16 millions d’habitants, 113 formations occupent l’échiquier politique national. Le pluralisme, qui était une des principales revendications des peuples africains, se développe à une vitesse effrénée et produit parfois des effets contraires à ceux escomptés.
Nombre de ces formations sont en réalité des personnes morales sans activité, ou tellement faibles qu’elles peinent à mobiliser les militants. Ces derniers changent facilement de parti ou adhèrent sur la base d’avantages comparatifs (faciliter d’émerger, appui matériel ou financier ponctuel). Lors des différentes échéances électorales, la majorité des formations politiques n’obtiennent que des résultats négligeables et l’émiettement de l’électorat ne favorise pas la constitution de majorités cohérentes et légitimes.
Un autre effet collatéral de l’inflation de formations politiques : dans plusieurs pays africains, le débat sur les propositions et le projet de société défendu par chaque parti cède la place à des disputes infécondes focalisées sur la forme au détriment du fond. Ainsi, une polémique fait rage en Afrique du Sud à quelques semaines des élections municipales, prévues le 3 août. Alliance démocratique (DA, premier parti d’opposition) utilise dans un de ses clips de campagne la voix de Nelson Mandela pour mieux contester le bilan de l’ANC, parti que Mandela a lui-même présidé de son vivant.
La polémique ne manque pas d’intérêt, l’héritage politique de Nelson Mandela étant un sujet évidemment sensible et important pour l’Afrique du Sud. Mais alors que la violence politique dans le pays persiste et menace les élections, on est en droit de se demander si cette querelle est vraiment pertinente. D’autant plus que l’image du leader révolutionnaire sud-africain est utilisée à des fins commerciales depuis des années sans que l’ANC n’y trouve rien à redire. Une menace bien plus réelle pèse en revanche sur le prochain scrutin. Selon la Commission électorale, « la persistance de la violence risque de contrarier les électeurs et accentuer la désaffection par rapport au processus politique dans le pays ». Les 200 partis participant aux élections communales feraient sans doute mieux de s’occuper de cette menace et des nombreux problèmes des Sud-Africains.
Au Gabon, l’opposition commence également à se perdre dans la facilité de la critique sans fondement et privilégie à son tour les polémiques politiciennes au détriment du débat de fond. Afin de conquérir la présidence du pays, elle s’en prend à l’entourage d’Ali Bongo et accuse ses plus proches collaborateurs de participer à un système de prédation dont certains opposants font eux-mêmes partie. Le système mafieux fait de connivence douteuse que certains membres de l’opposition dénoncent est en réalité le même qui a permis aux détracteurs de M. Bongo de prélever les fameux « 10 % » sur chaque marché passé avec l’Etat.
Or, ces nostalgiques de la prévarication qui se distribuaient les prébendes voient en l’entourage d’Ali Bongo, et notamment en son chef de cabinet, Maixent Accrombessi, un obstacle à la réalisation de leurs ambitions. Mais pendant qu’on s’attaque à M. Accrombessi et ses proches, qui s’intéresse au train de vie de ces anciens barons déchus qui ont spolié le Gabon ?
Pour exister, la démocratie suppose des partis politiques d’opposition solides. Ils constituent un contre-pouvoir, représentent la possibilité d’une alternance politique et permettent de renouveler le personnel politique. Mais encore faut-il que ces partis soient eux-mêmes démocratiques, pluralistes et ouverts. Qu’ils favorisent le débat de fond sur les problèmes affectant directement la population au lieu de soulever des débats biaisés ou sans importance afin de mieux servir les intérêts d’une minorité. Le défi des démocraties africaines est de se doter de partis d’oppositions sérieux et responsables capables de rompre avec les pratiques anciennes.
Source: blogmediapart