"S’il y a des Mauritaniens qui sont devenus très riches par leurs activités lucratives, d’autres se sont enrichis au détriment de la communauté."
Boubakar Moussa BA, 1er Vice-président de l’UFP, séjourne présentement aux États-Unis d’Amérique où il vient d’animer, à l’Université de l’Arizona à Tucson, une conférence à laquelle de nombreux professeurs, chercheurs et étudiants doctorant ont participé, autour du thème: "Le Sahel au XXIe siècle: défis et opportunités". Ce qui ne l’a pas empêché de continuer à suivre ce qui se passe dans le pays, notamment le dernier discours du Président du CMJD et de répondre au questionnaire que nous lui avons envoyé.
Nouakchott-Info: Quelle première lecture faites-vous, Monsieur le vice-président de l’UFP, du dernier discours du Président du CMJD ?
Boubakar Moussa BA : J’ai pris connaissance du discours du Président du CMJD sur le site officiel du gouvernement (mauritania.mr) et dans les colonnes de votre journal. En effet, je vous réponds des États-Unis d’Amérique où je séjourne depuis quelques temps. Permettez-moi d’abord de féliciter le Président du CMJD et de lui souhaiter bon séjour à l’intérieur du pays et un dialogue fructueux avec les populations. Je le félicite pour le contenu de son discours dans lequel il a non seulement fustigé les détournements des deniers publics, mais il a également dénoncé le manque de patriotisme et du sens de l’intérêt public au niveau de l’intelligentsia.
Déjà, dans l’interview célèbre qu’il avait accordée à Jeune Afrique, le Président avait appelé à un sens de l’ambition pour nos pays et à l’humilité. Cela suppose que tous, au-delà de nos différences, nous parvenions à un consensus sur les questions essentielles engageant l’avenir du pays. De ce point de vue, il me semble que le plus important c’est la mise en œuvre effective du contenu de son discours. Le CMJD a été à l’épreuve de la gestion depuis plusieurs mois et a acquis un minimum d’expérience qui permet aujourd’hui, de faire le point au niveau du gouvernement, au niveau de la direction des domaines stratégiques relatifs à la souveraineté, à la gestion des ressources, au partage moins inégal des richesses. Il y a des ministres et des cadres qui ont certainement fait la preuve de leur expérience avérée et de leur compétence ; d’autres ont pu démontrer leur amateurisme, tandis que d’autres encore se sont certainement avérés incompétents. Le Président est fondé, sur cette base, à commencer à mettre en œuvre ce que commande le contenu de son discours, en récompensant les uns, en remerciant les autres, en encourageant d’autres encore à améliorer leurs performances… C’est surtout à ce niveau que les Mauritaniens attendent que le Président du CMJD fasse la différence entre le régime de la transition et le passé.
Le système mis en cause dans son discours par le Président du CMJD, fondé sur la mauvaise gestion, le manque de transparence et une éthique douteuse, pour être profondément réformé et remplacé par un autre système, transparent, équitable et bien gouverné, exige des mesures radicales dont l’efficience et la pérennité se mesureront sur une période allant au-delà de la transition. C’est pour l’ensemble de ces raisons qu’il me semble plus sage de faire preuve d’humilité et de modestie redoublée dans les objectifs de la transition, même si nous devons partir d’une ambition élevée pour notre pays. Certes, la transition pourra aider à définir les grandes lignes et la direction à suivre, mais ce sont les gouvernements qui lui succéderont qui pourront en édifier les fondements consistants et même aller plus loin.
Il est important, par ailleurs, de s’accorder un tant soit peu sur les secteurs clés qui méritent toute notre attention. L’UFP a déjà proposé un débat national sur des sujets majeurs comme : les fondements du système politique à mettre en place ; la gestion et la répartition des ressources nouvelles (pétrole et gaz) ; les réformes à apporter à la justice, à l’administration ; la question nationale et le passif humanitaire ; l’esclavage ; la politique internationale et les rapports avec nos voisins… Bon nombre de Mauritaniens auraient souhaité que le Président du CMJD apporte sa contribution à l’ensemble de ces questions.
Nouakchott-Info: Ce discours du Président du CMJD rappelle, par son ton et sa franchise le discours de son prédécesseur à Kiffa et pourtant, cela n’a rien changé et on connaît la suite. Pensez-vous qu’en étant plus percutant et plus incisif, le nouvel homme fort a fait flancher les Mauritaniens et que cela changera leurs comportements, leur philosophie, leur vision de la Nation et de l’Etat, de la gestion du pays ?
Boubakar Moussa BA : La dictature de Maawiya, le larbinisme qu’il a engendré, ont poussé la majorité des membres de l’intelligentsia mauritanienne à un comportement honteux et indigne. Je ne suis pas sûr que les discours, les proclamations, même solennels et venant du fond du coeur, suffiront eux seuls à apporter des changements notables à cette mentalité ancrée. Nous avons besoin d’un remède de cheval qui, tout en s’appuyant sur un ensemble d’idées claires et conséquentes, doit surtout mettre en œuvre des mesures concrètes et pédagogiques. Il est indispensable, en partant des critères de l’expérience, de la compétence et de l’éthique patriotique, de placer les cadres et autres responsables aux niveaux qui correspondent à leur profil et à leur expérience. Je sais qu’il y a des domaines pointus, comme l’ingénierie pétrolière, pour lesquels il est indispensable d’envoyer des jeunes en formation. Pourvu que nous ayons conscience de nos possibilités et limites et que nous procédions à une réflexion prospective. Ici encore, il faut aller plus loin que les proclamations verbales. C’est à ce niveau que l’opinion mauritanienne, en particulier ceux qui envisagent l’avenir avec confiance mais sans complaisance, attendent des initiatives de la part du CMJD et du gouvernement qui ont en charge les destinées de notre pays au cours de la transition.
Nouakchott-Info: Y a-t-il une crise de valeurs chez notre intelligentsia à un point tel qu’elle ne pensait plus, sous l’ancien régime de Ould Taya, qu’à s’enrichir ? Pourra-t-elle s’en remettre ?
Boubakar Moussa BA : Ces questions méritent d’être posées ! Pour les hommes et les femmes de ma génération, dont le sens du patriotisme, du sacrifice et du soutien aux causes justes prime par dessus toutes les autres considérations, la situation de l’intelligentsia mauritanienne est la plus préoccupante que nous ayons connue depuis un demi-siècle. La dictature de Maawiya nous a fait descendre au plus bas. Il est possible de s’en remettre, à condition qu’au lendemain de la transition, un régime politique démocratique, progressiste, dirigé par des hommes et des femmes intègres assume les destinées de notre pays. C’est là tout le sens de la candidature de mon camarade Mohamed Ould Maouloud à la Présidence de la République et le programme de gouvernement que l’UFP ne manquera de rendre public le moment venu. Je reconnais et je respecte le droit pour d’autres concurrents politiques d’avoir pour drapeau leurs noms ou leur appartenance tribale, et de n’aspirer qu’à occuper les fauteuils présidentiel et ministériels !
Nouakchott-Info: "Il n’y a pas de corrompu sans corrupteur", a dit le Président du CMJD à l’adresse des hommes d’affaires en souhaitant que chacun s’en tienne à ses devoirs et à ses droits. Ce langage peut-il être compris par des argentiers dont le souci premier a toujours été de chercher par tous les moyens à gagner plus et comment saura-t-on laver leur cerveau pour changer ? N’y a-t-il pas un peu, voire trop d’utopie dans ce langage, pourtant sincère comme un cri du cœur ?
Boubakar Moussa BA : Voyez-vous, la qualité d’homme (ou de femme) politique ayant le sens de l’Etat, de la justice sociale et de la gestion de la chose publique n’est ni simple, ni donnée à n’importe qui.
Le Président du CMJD qui a exercé de hautes fonctions et qui assume aujourd’hui la charge suprême est l’un de ceux qui le savent mieux que quiconque. Les hommes et femmes d’affaires d’envergure importante qui ne se sont pas enrichis aux dépens des intérêts de la communauté nationale et qui ne sont pas compromis avec le régime dictatorial de Maawiya sont extrêmement rares. A mon humble avis, sans aucun esprit de chasse aux sorcières, le moment viendra où nous devrons procéder à la vérification des fortunes les plus élevées dans notre pays. S’il y a des Mauritaniens qui sont devenus très riches par leurs activités lucratives, d’autres se sont enrichis au détriment de la communauté.
Après ce cri du cœur auquel je suis personnellement très sensible, les Mauritaniens et leurs amis s’attendent, bien entendu, à ce que le Président du CMJD initie une politique de transparence dans ce domaine pour permettre au pays d’avancer dans la bonne direction. Il est vrai que la transition n’a pas tout le temps devant elle… En tout état de cause, ceux qui sont candidats à l’exercice du pouvoir doivent proclamer leurs engagements dans ce sens. L’éthique exigera de ceux qui exerceront de hautes charges, demain, dans un régime démocratique post-transition, qu’ils procèdent à une déclaration sous serment de leurs biens afin que, le moment venu, leur gestion puisse être contrôlée avec toute l’efficacité requise.
Nouakchott-Info: Admettez-vous, comme le Président du CMJD, que l’ancien Président Ould Taya puisse revenir durant la transition, à condition de ne pas faire de politique et qu’après cette phase transitoire il "pourra s’adonner à la politique comme il l’entendra". Ou plutôt il doit rester en exil ?
Boubakar Moussa BA : Non, franchement, je ne partage pas le point de vue du Président du CMJD. Et même si, comme il se doit, je respecte ce point de vue, il me semble difficilement acceptable. En effet, les motivations que le Président du CMJD lui-même avance pour expliquer les changements du 3 août ont pour fondement la nature dictatoriale du régime de Maawiya, les crimes abominables et innombrables qu’il a commis, aussi bien dans les domaines économiques, que dans celui de l’atteinte aux droits des communautés et des personnes, en particulier lors des événements de 1989-1991. C’est donc légitime pour l’opinion publique nationale et internationale d’exiger l’arrestation de Ould Taya et son jugement dès que ses pieds fouleront le sol national. Mais, contrairement à Ould Taya, nous serons de ceux qui se battront pour lui assurer un procès équitable, respectueux des dispositions constitutionnelles et réglementaires. "Pourra-t-il s’adonner à la politique comme il l’entendra ?" Il appartiendra à la justice de trancher, à l’issue du procès auquel il sera soumis, nonobstant l’opinion personnelle que chacun d’entre nous pourrait en avoir. En attendant, vous avez vu à quelles controverses passionnées l’hypothèse de son retour au cours de la transition donne lieu ! Il ne me semble donc pas opportun qu’il revienne dans ces conditions, du fait des risques particulièrement graves qu’un tel événement pourrait faire courir à la paix civile en Mauritanie et à la mise en œuvre du programme de la transition. Les droits et les libertés d’une seule personne, bien qu’ils soient précieux, ne peuvent être mis en balance avec les intérêts de la communauté nationale dans son ensemble. Même les partisans de Ould Taya devraient pouvoir le comprendre et l’accepter.
Propos recueillis par
Mohamed Ould Khattat mùkhattatt@hotmail.com
Boubakar Moussa BA, 1er Vice-président de l’UFP, séjourne présentement aux États-Unis d’Amérique où il vient d’animer, à l’Université de l’Arizona à Tucson, une conférence à laquelle de nombreux professeurs, chercheurs et étudiants doctorant ont participé, autour du thème: "Le Sahel au XXIe siècle: défis et opportunités". Ce qui ne l’a pas empêché de continuer à suivre ce qui se passe dans le pays, notamment le dernier discours du Président du CMJD et de répondre au questionnaire que nous lui avons envoyé.
Nouakchott-Info: Quelle première lecture faites-vous, Monsieur le vice-président de l’UFP, du dernier discours du Président du CMJD ?
Boubakar Moussa BA : J’ai pris connaissance du discours du Président du CMJD sur le site officiel du gouvernement (mauritania.mr) et dans les colonnes de votre journal. En effet, je vous réponds des États-Unis d’Amérique où je séjourne depuis quelques temps. Permettez-moi d’abord de féliciter le Président du CMJD et de lui souhaiter bon séjour à l’intérieur du pays et un dialogue fructueux avec les populations. Je le félicite pour le contenu de son discours dans lequel il a non seulement fustigé les détournements des deniers publics, mais il a également dénoncé le manque de patriotisme et du sens de l’intérêt public au niveau de l’intelligentsia.
Déjà, dans l’interview célèbre qu’il avait accordée à Jeune Afrique, le Président avait appelé à un sens de l’ambition pour nos pays et à l’humilité. Cela suppose que tous, au-delà de nos différences, nous parvenions à un consensus sur les questions essentielles engageant l’avenir du pays. De ce point de vue, il me semble que le plus important c’est la mise en œuvre effective du contenu de son discours. Le CMJD a été à l’épreuve de la gestion depuis plusieurs mois et a acquis un minimum d’expérience qui permet aujourd’hui, de faire le point au niveau du gouvernement, au niveau de la direction des domaines stratégiques relatifs à la souveraineté, à la gestion des ressources, au partage moins inégal des richesses. Il y a des ministres et des cadres qui ont certainement fait la preuve de leur expérience avérée et de leur compétence ; d’autres ont pu démontrer leur amateurisme, tandis que d’autres encore se sont certainement avérés incompétents. Le Président est fondé, sur cette base, à commencer à mettre en œuvre ce que commande le contenu de son discours, en récompensant les uns, en remerciant les autres, en encourageant d’autres encore à améliorer leurs performances… C’est surtout à ce niveau que les Mauritaniens attendent que le Président du CMJD fasse la différence entre le régime de la transition et le passé.
Le système mis en cause dans son discours par le Président du CMJD, fondé sur la mauvaise gestion, le manque de transparence et une éthique douteuse, pour être profondément réformé et remplacé par un autre système, transparent, équitable et bien gouverné, exige des mesures radicales dont l’efficience et la pérennité se mesureront sur une période allant au-delà de la transition. C’est pour l’ensemble de ces raisons qu’il me semble plus sage de faire preuve d’humilité et de modestie redoublée dans les objectifs de la transition, même si nous devons partir d’une ambition élevée pour notre pays. Certes, la transition pourra aider à définir les grandes lignes et la direction à suivre, mais ce sont les gouvernements qui lui succéderont qui pourront en édifier les fondements consistants et même aller plus loin.
Il est important, par ailleurs, de s’accorder un tant soit peu sur les secteurs clés qui méritent toute notre attention. L’UFP a déjà proposé un débat national sur des sujets majeurs comme : les fondements du système politique à mettre en place ; la gestion et la répartition des ressources nouvelles (pétrole et gaz) ; les réformes à apporter à la justice, à l’administration ; la question nationale et le passif humanitaire ; l’esclavage ; la politique internationale et les rapports avec nos voisins… Bon nombre de Mauritaniens auraient souhaité que le Président du CMJD apporte sa contribution à l’ensemble de ces questions.
Nouakchott-Info: Ce discours du Président du CMJD rappelle, par son ton et sa franchise le discours de son prédécesseur à Kiffa et pourtant, cela n’a rien changé et on connaît la suite. Pensez-vous qu’en étant plus percutant et plus incisif, le nouvel homme fort a fait flancher les Mauritaniens et que cela changera leurs comportements, leur philosophie, leur vision de la Nation et de l’Etat, de la gestion du pays ?
Boubakar Moussa BA : La dictature de Maawiya, le larbinisme qu’il a engendré, ont poussé la majorité des membres de l’intelligentsia mauritanienne à un comportement honteux et indigne. Je ne suis pas sûr que les discours, les proclamations, même solennels et venant du fond du coeur, suffiront eux seuls à apporter des changements notables à cette mentalité ancrée. Nous avons besoin d’un remède de cheval qui, tout en s’appuyant sur un ensemble d’idées claires et conséquentes, doit surtout mettre en œuvre des mesures concrètes et pédagogiques. Il est indispensable, en partant des critères de l’expérience, de la compétence et de l’éthique patriotique, de placer les cadres et autres responsables aux niveaux qui correspondent à leur profil et à leur expérience. Je sais qu’il y a des domaines pointus, comme l’ingénierie pétrolière, pour lesquels il est indispensable d’envoyer des jeunes en formation. Pourvu que nous ayons conscience de nos possibilités et limites et que nous procédions à une réflexion prospective. Ici encore, il faut aller plus loin que les proclamations verbales. C’est à ce niveau que l’opinion mauritanienne, en particulier ceux qui envisagent l’avenir avec confiance mais sans complaisance, attendent des initiatives de la part du CMJD et du gouvernement qui ont en charge les destinées de notre pays au cours de la transition.
Nouakchott-Info: Y a-t-il une crise de valeurs chez notre intelligentsia à un point tel qu’elle ne pensait plus, sous l’ancien régime de Ould Taya, qu’à s’enrichir ? Pourra-t-elle s’en remettre ?
Boubakar Moussa BA : Ces questions méritent d’être posées ! Pour les hommes et les femmes de ma génération, dont le sens du patriotisme, du sacrifice et du soutien aux causes justes prime par dessus toutes les autres considérations, la situation de l’intelligentsia mauritanienne est la plus préoccupante que nous ayons connue depuis un demi-siècle. La dictature de Maawiya nous a fait descendre au plus bas. Il est possible de s’en remettre, à condition qu’au lendemain de la transition, un régime politique démocratique, progressiste, dirigé par des hommes et des femmes intègres assume les destinées de notre pays. C’est là tout le sens de la candidature de mon camarade Mohamed Ould Maouloud à la Présidence de la République et le programme de gouvernement que l’UFP ne manquera de rendre public le moment venu. Je reconnais et je respecte le droit pour d’autres concurrents politiques d’avoir pour drapeau leurs noms ou leur appartenance tribale, et de n’aspirer qu’à occuper les fauteuils présidentiel et ministériels !
Nouakchott-Info: "Il n’y a pas de corrompu sans corrupteur", a dit le Président du CMJD à l’adresse des hommes d’affaires en souhaitant que chacun s’en tienne à ses devoirs et à ses droits. Ce langage peut-il être compris par des argentiers dont le souci premier a toujours été de chercher par tous les moyens à gagner plus et comment saura-t-on laver leur cerveau pour changer ? N’y a-t-il pas un peu, voire trop d’utopie dans ce langage, pourtant sincère comme un cri du cœur ?
Boubakar Moussa BA : Voyez-vous, la qualité d’homme (ou de femme) politique ayant le sens de l’Etat, de la justice sociale et de la gestion de la chose publique n’est ni simple, ni donnée à n’importe qui.
Le Président du CMJD qui a exercé de hautes fonctions et qui assume aujourd’hui la charge suprême est l’un de ceux qui le savent mieux que quiconque. Les hommes et femmes d’affaires d’envergure importante qui ne se sont pas enrichis aux dépens des intérêts de la communauté nationale et qui ne sont pas compromis avec le régime dictatorial de Maawiya sont extrêmement rares. A mon humble avis, sans aucun esprit de chasse aux sorcières, le moment viendra où nous devrons procéder à la vérification des fortunes les plus élevées dans notre pays. S’il y a des Mauritaniens qui sont devenus très riches par leurs activités lucratives, d’autres se sont enrichis au détriment de la communauté.
Après ce cri du cœur auquel je suis personnellement très sensible, les Mauritaniens et leurs amis s’attendent, bien entendu, à ce que le Président du CMJD initie une politique de transparence dans ce domaine pour permettre au pays d’avancer dans la bonne direction. Il est vrai que la transition n’a pas tout le temps devant elle… En tout état de cause, ceux qui sont candidats à l’exercice du pouvoir doivent proclamer leurs engagements dans ce sens. L’éthique exigera de ceux qui exerceront de hautes charges, demain, dans un régime démocratique post-transition, qu’ils procèdent à une déclaration sous serment de leurs biens afin que, le moment venu, leur gestion puisse être contrôlée avec toute l’efficacité requise.
Nouakchott-Info: Admettez-vous, comme le Président du CMJD, que l’ancien Président Ould Taya puisse revenir durant la transition, à condition de ne pas faire de politique et qu’après cette phase transitoire il "pourra s’adonner à la politique comme il l’entendra". Ou plutôt il doit rester en exil ?
Boubakar Moussa BA : Non, franchement, je ne partage pas le point de vue du Président du CMJD. Et même si, comme il se doit, je respecte ce point de vue, il me semble difficilement acceptable. En effet, les motivations que le Président du CMJD lui-même avance pour expliquer les changements du 3 août ont pour fondement la nature dictatoriale du régime de Maawiya, les crimes abominables et innombrables qu’il a commis, aussi bien dans les domaines économiques, que dans celui de l’atteinte aux droits des communautés et des personnes, en particulier lors des événements de 1989-1991. C’est donc légitime pour l’opinion publique nationale et internationale d’exiger l’arrestation de Ould Taya et son jugement dès que ses pieds fouleront le sol national. Mais, contrairement à Ould Taya, nous serons de ceux qui se battront pour lui assurer un procès équitable, respectueux des dispositions constitutionnelles et réglementaires. "Pourra-t-il s’adonner à la politique comme il l’entendra ?" Il appartiendra à la justice de trancher, à l’issue du procès auquel il sera soumis, nonobstant l’opinion personnelle que chacun d’entre nous pourrait en avoir. En attendant, vous avez vu à quelles controverses passionnées l’hypothèse de son retour au cours de la transition donne lieu ! Il ne me semble donc pas opportun qu’il revienne dans ces conditions, du fait des risques particulièrement graves qu’un tel événement pourrait faire courir à la paix civile en Mauritanie et à la mise en œuvre du programme de la transition. Les droits et les libertés d’une seule personne, bien qu’ils soient précieux, ne peuvent être mis en balance avec les intérêts de la communauté nationale dans son ensemble. Même les partisans de Ould Taya devraient pouvoir le comprendre et l’accepter.
Propos recueillis par
Mohamed Ould Khattat mùkhattatt@hotmail.com