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Le bureau exécutif de l'AVOMM

"L'important n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu'on a fait de nous." Jean-Paul Sartre

"L'Association d'aides aux veuves et aux orphelins de mauritanie (AVOMM) qui nous rassemble, a été créée le 25/12/95 à PARIS par d'ex-militaires mauritaniens ayant fui la terreur, l'oppression, la barbarie du colonel Mawiya o/ sid'ahmed Taya ......
Ces rescapés des geôles de ould Taya, et de l'arbitraire, décidèrent, pour ne jamais oublier ce qui leur est arrivé, pour garder aussi la mémoire des centaines de martyrs, de venir en aide aux veuves, aux orphelins mais aussi d'engager le combat contre l'impunité décrétée par le pouvoir de Mauritanie."
E-mail : avommavomm@yahoo.fr

Bureau exécutif

*Ousmane SARR, président
*Demba Niang, secrétaire général
*Secrétaire général Adjt; Demba Fall
*Alousseyni SY, Chargé des relations extérieures
*Mme Rougui Dia, trésorière
*Chargé de l’organisation Mariame Diop
*adjoint Ngolo Diarra
*Mme Mireille Hamelin, chargée de la communication
*Chargé de mission Bathily Amadou Birama
Conseillers:
*Kane Harouna
*Hamdou Rabby SY










AVOMM

NON, PROFESSEUR, HISSENE HABRE DOIT ETRE JUGE !


NON, PROFESSEUR, HISSENE HABRE DOIT ETRE JUGE !
Dans les livraisons de Wal Fadjri des 29 et 30 juin 2006, n° 4285 et 4286, et de Le Matin du 5 juillet 2006 n° 2834, le Professeur Oumar Sankharé de l’Ucad a fait un réquisitoire contre les Ongs de défense des droits humains. Une attaque qui me paraît légère compte tenu de l’argumentation qui nous a été fournie. Le prof se lamente sur le sort tragique du ‘nègre’ dont les Ongs seraient les responsables.

Etre nègre, ce n’est pas une question de la peau comme pour être africaniste, on n’a pas besoin d’être noir. Il est vrai que pour désigner les habitants d’Afrique, le Blanc a inventé le mot nègre, du reste péjoratif, pour nous identifier, nous Noirs, ces barbares. Mais avec Aimé Césaire, L.S. Senghor, Léon Gontran Damas, le mot a évolué, car ils l’ont rendu positif : être nègre, c’est donc avoir dans ses bagages culturels (et même intellectuels) l’ensemble des valeurs du monde noir. Voilà le concept de la négritude que le poète, Senghor et les autres nous ont légué ; c’est dire que la négritude dépasse donc la question de la peau ou d’être africain.

C’est une attitude de complexé que de continuer à soutenir que les Blancs sont nos maîtres. C’est une manière de reculer de soixante-dix ans. Vous évoquez Senghor et vous oubliez l’une de ses principales thèses : l’universalité de l’homme. En d’autres termes, briser les frontières et faire disparaître petit à petit les couleurs noire, blanche et jaune en faveur du métissage biologique et culturel, tel est le credo de l’humaniste, telle est la philosophie de Senghor, l’immortel ! Habemus magistrum !

Si L. S. Senghor a refusé de livrer des Guinéens à Sékou Touré, c’est parce qu’il savait que c’était la potence, la mort, qui les attendait. De plus, ces Guinéens n’étaient-ils pas des victimes du régime de l’homme qui a su dire ‘Non !’ à de Gaulle ? Senghor ne l’avait pas fait uniquement au nom de l’hospitalité, la ‘téranga sénégalaise’, mais par humanisme.
Le sage de la parole et le maître du mot ne va pas se retourner dans sa tombe du fait des ‘organisations de ‘finance’’ des droits de l’homme’, car celles-ci luttent pour la mondialisation de la justice, pour la globalisation, dont il théorisait le concept avant le mot. Vous avez écrit à Habré, Ciel que la lettre arrive à destination. Vous avez aussi évoqué le cas de Charles Taylor. Mais je dois relever que ces deux affaires ne sont pas identiques ; c’est deux cas de figure différents. Ce qu’ils auraient en commun, c’est des atrocités qui seraient commises et jugées ailleurs, en dehors de leur pays ou chez ‘nos maîtres blancs’. Pour le cas de Taylor, j’ai déjà écrit un papier publié par Le Quotidien du 8 juillet 2003 et je n’ai plus besoin d’y revenir. Mais s’il a été exilé, c’est parce que son pays ne connaît pas encore la stabilité après plusieurs années de guerre sanglante.

Ce que l’on peut retenir de C. Taylor est que le Tribunal spécial de l’Onu pour la Sierra Leone a retenu onze chefs d’accusation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ; il est inculpé également des atrocités commises durant plus de dix ans de guerre civile déclenchée en 1991 en Sierra Leone dont il serait l’un des acteurs indirects.
La honte que j’aie, c’est la barbarie qui a été perpétrée par les rebelles du Ruf (Front révolutionnaire uni) de Foday Sankoh et dont le souteneur serait C. Taylor. Des membres inférieurs ont été amputés, des membres supérieurs ont été amputés, des fameuses ‘manches courtes’ ou ‘manches longues’. Cela me fait de la peine quand vous parlez de Habré et de Taylor comme s’ils étaient des victimes alors que ce que demandent ‘les organisations de ‘finance’ des Droits de l’homme’ est que la justice soit faite en Afrique ou ailleurs. Sont-ils coupables ? C’est aux tribunaux de dire le droit. Il ne doit pas y avoir une justice à deux vitesses, car la justice doit être juste et équitable.

C’est sûr et c’est certain qu’un Blanc ne sera pas transféré en Afrique pour être jugé parce que leur justice fonctionne mieux qu’ici, parce qu’ils respectent la justice mieux que nous, parce que la justice y est indépendante, parce que les Etats occidentaux acceptent de juger leurs citoyens ; des hautes personnalités ne sont-elles pas épinglées par la justice de ces Etats pour des faits commis en Afrique ? Un seul exemple : quand Jean-Christophe Mitterrand, fils de son père, a été cité dans l’affaire Elf/Congo, il a été mis en examen par un juge français alors que les faits s’étaient produits en Afrique. Notre combat doit être ailleurs, prof, c'est-à-dire rendre notre justice plus crédible parce qu’indépendante.

Ces organisations que vous accusez injustement, savent que des milliers de personnes ont été massacrées au Tchad, que les gens ont perdu l’usage de leurs membres ou tout simplement assassinés de manière lâche en Sierra Leone. Voilà ce qui me fait de la peine, une peine teintée de honte. L’Africain est-il barbare, au point de se complaire dans ces situations indignes d’êtres humains ?

Il est certain que beaucoup de personnes qui parlent de cette affaire, n’ont vu aucune image ni n’ont aucune idée de cette tragédie. Et le coupable, que ce soit Habré ou un autre, doit répondre devant la justice. On parle de la téranga sénégalaise comme si ce pays avait la triste réputation d’abriter des bandits, des criminels. A mon avis, ceux qui défendent Habré devraient brandir les arguments de son innocence (n’est-il pas présumé innocent jusqu’à ce que les faits établissent les preuves de sa culpabilité ?) et de ce fait accepter qu’il soit jugé que d’évoquer notre téranga synonyme d’aveu.

Si le Sénégal décidait à juger Habré, il serait dans la logique et la cohérence des textes internationaux. Mais s’il optait aussi de le transférer à l’Ua ou à la Belgique, il n’aurait fait que respecter une convention, la convention des Nations unies contre la torture et autres traitements ou punitions cruels, inhumains ou dégradants, à laquelle il est Etat partie. Aux dernières nouvelles, le Sénégal a donné son accord pour que Hissène Habré soit jugé au Sénégal. Une décision sage et salutaire de l’Ua et une responsabilité assumée par l’Etat sénégalais. On appelle cela tout simplement avoir de la dignité. C’est l’orgueil africain qui a parlé. Il ne reste plus qu’à harmoniser des textes du droit interne avec ceux du droit international. C’est là le moment de féliciter le président de la République, A. Wade, qui a pris une décision courageuse car, comme il a soutenu, ‘l’Afrique doit assumer ses responsabilités’.
L’Afrique n’est pas maudite comme vous le prétendez, mais ce sont certains de ses enfants qui préfèrent la situation de victimes au lieu de se battre, d’agir dans le concert des nations. L’impérialisme existe encore, semblez-vous le dire ; chiche ! Essayons donc de trouver une autre forme de lutte. Au demeurant, signer une convention c’est alors renoncer à une partie de sa souveraineté.

Ceux-là qui font référence à la traite des nègres ou à la période coloniale quand ils parlent de cette affaire, traduisent leur situation de complexés, d’aigris, car continuer à tenir ce discours, c’est accepter d’être toujours de petits nègres ou de grands enfants. Contrairement à ce que soutient Pr Sankharé, avec ce procès, tout chef d’Etat africain sait dorénavant qu’il n’y aura plus d’impunité et il fera attention à chaque acte qu’il va poser. De Gaulle a traité l’Onu de ‘machin’ pour fustiger la suprématie américaine, mais les Européens, sauf les politiciens extrémistes, n’ont qualifié l’Union européenne de ‘machin’. L’Union africaine vient juste de voir le jour pour pallier aux carences de l’Oua, il y a des insuffisances, certes, mais laissons-lui le temps de grandir et de rivaliser avec l’Ue, le Mercosur, l’Asean ; tout compte fait, il revient aux Africains d’apporter des solutions qui résident essentiellement dans la volonté politique des Etats, car les peuples ne semblent pas être réfractaires à l’Union.

Certains soutiennent qu’ils ne sont pas contre le jugement de Habré, mais c’est le lieu qui pose problème. Mais une question s’impose : qu’est-ce qui empêche à un Etat africain de le juger comme le Sénégal qui a pourtant signé et ratifié le protocole facultatif à la convention contre la torture, respectivement le 4 février 2003 et le 16 juin 2006 ? Soit un Etat africain accepte de le juger, soit on l’extrade vers un pays demandeur et il se trouve être la Belgique. Si les Etats africains n’assument pas leurs responsabilités, il est facile de se lamenter après. Fort heureusement, on peut dire que l’appel des peuples d’Afrique a été entendu avec l’acceptation de l’Ua de le faire juger sur le contient. J’ose croire que l’Etat du Sénégal ne va pas adopter la politique de l’autriche. S’il y a une réelle volonté politique, les moyens peuvent venir de l’extérieur, car cette affaire dépasse les frontières africaines.

Si j’ai pris la peine d’écrire pour manifester mon désaccord, prof, c’est parce que je crois que vous faites partie des références et nous ne voulons pas entendre ou lire de vous quelque chose qui fera sourciller. Non, Professeur ! Un dicton latin dit ceci : quis amat bene castigat (qui aime châtie bien). C’est donc avec peine que je réprouve votre thèse. Habré ne fait pas encore partie des grands hommes de l’Afrique ; le tribunal de l’histoire, s’il échappe à celui des hommes, le jugera et peut-être votre protégé trouvera sa place auprès des P. E. Lumumba, Kwamé Nkrumah, C. Anta Diop, L. Senghor, Amilcar Cabral et la liste est encore longue.

Prof, permettez-moi de vous rappeler que ce sont nos comportements indignes qui donnent raison à ‘nos maîtres blancs’ qui voient encore en nous des gens immatures. Ces comportements de pleurnichards font de nous de gros enfants incapables de se prendre en charge, car ce sont ceux-là des ‘nègres de services’, des intellectuels infertiles. Notre société n’a-t-elle pas tendance à se confiner dans le masslâ, ce faux compromis, dans la mesure où nous n’acceptons pas des critiques sous prétexte que nous sommes dans une société qui n’aime pas cela ? Et pourtant, nous aspirons au développement et au bien-être.
De quoi accuse-t-on les organisations de défense des droits humains ? Leur seul tort n’est-il pas d’exiger que le droit soit dit ? Oui, que le droit soit dit au Sénégal ou ailleurs ; l’important est que la vérité éclate au grand jour et que le coupable soit puni.

Le peuple sénégalais soutient la justice, et vous semblez combattre les magistrats quand ils essaient de prendre leur indépendance et faire correctement leur travail. Vous les traitez de traîtres. Comme l’histoire retiendra le nom de Habré étant ‘le plus grand homme du continent’, elle retiendra aussi, peut-être, le vôtre pour vous être illustré le plus grand défenseur ‘d’un martyr’ au moment où tout le monde s’accorde à dire que ce fut un des plus grands dictateurs que le continent ait jamais connus.

Nous devons accepter que nos chefs d’Etat poursuivis pour leurs actes soient jugés ; c’est une manière d’accepter l’instauration de la démocratie dans nos pays ; c’est aussi accepter que le respect des droits humains fait partie des valeurs universelles, et le faire c’est accepter de combattre l’arbitraire ; le décrier, c’est refuser qu’une minorité du pays ravale le peuple tout entier au rang de la bête. C’est pourquoi Hissène Habré doit être jugé.

Oupa Diossine LOPPY Diplômé en Science politique des Universités de Paris Amnesty International/Sénégal Oupa129@hotmail.com

Vendredi 7 Juillet 2006 - 16:26
Vendredi 7 Juillet 2006 - 16:33
Wal Fadjri
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