Monsieur NGAM Mohamadou est représentant en France depuis presque une décennie du Parti pour la Liberté, l’Egalité et la Justice (PLEJ). Dans un long entretien, il livre, dans un langage franc et direct, ses impressions et ses sentiments sur la participation de son parti à l’élection présidentielle du 11 mars prochain. Tour à tour, il aborde les relations avec l’AJD, analyse les échecs consécutifs aux scrutins précédents et affirme sa confiance inébranlable au candidat et au programme du PLEJ dont il décline certains traits caractéristiques.
Après une longue tradition de boycott, PLEJ adopte désormais une politique participative. Qu’est ce qui motive cette nouvelle orientation ?
Plusieurs raisons tenant à l’évolution et à la dynamique du paysage politique et social en Mauritanie expliquent cette nouvelle orientation : le point de départ de notre participation remonte à novembre 2003, soit peu après la tentative de putsch de juin 2003 dont le caractère inédit dans les annales des coups d’Etat en Mauritanie (de par son caractère violent et sa durée) marque le point culminant de l’aversion du régime déchu, non pas seulement par ses traditionnels opposants négro-africains, mais cette fois-ci par les groupes avec lesquels il était d’usage de le confondre suivant la logique implacable de la solidarité ethnique ou tribale.
Cet évènement avait permis de créer un électrochoc au sein de pans entiers de notre société et le mot d’ordre de rassemblement dans le cadre de la coalition pour l’alternance pacifique ne pouvait laisser indifférent notre parti qui mettait pour la première fois en sourdine les préalables qu’il s’était fixé pour participer au processus issu de la constitution du 20 juillet 1991.
Pour des raisons similaires et plus évidentes encore aujourd’hui, nous avons jugé important de participer au processus lancé par le Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie dont le bilan, loin de nous satisfaire,n’est pas assimilable à celui du régime déchu. Il n’est ni utile ni opportun d’en dresser le tableau, car beaucoup de questions restent posées et le bon sens commande la prudence, mais en agissant du mieux qu’on peut sur le cours des évènements : sur le terrain.
Que répondez-vous à ceux qui dans les forums de discussion assimilent la participation des candidatures négro-africaines à cette élection comme une sorte de compromission, voire à de la trahison ?
Je n’y pense rien du tout et je considère que ces choix relèvent de décisions souveraines des instances de nos partis respectifs. Nous n’avons pas la prétention de nous immiscer dans les affaires des autres formations et nous n’en attendons pas moins.
Après les législatives, votre parti se lance à la conquête de la magistrature suprême. Qu’est ce qui vous singularise par rapport aux autres candidats ?
Vous savez la singularité d’un parti tient généralement à une chose : son programme. Dans le cadre d’une élection, a fortiori présidentielle, le programme est mis en valeur par la stature du candidat qui le porte. Nous pensons réunir aussi bien le programme et le candidat qu’il faut à la Mauritanie pour une rupture en profondeur avec toutes sortes de pratiques et de comportements erratiques qui ont pour noms le racisme, la discrimination, le clientélisme,l’autoritarisme, la gabegie et la mauvaise gestion.
Au centre de notre programme figure la mise en place d’un véritable Etat de droit, avec une démocratie véritablement populaire, une justice exemplaire et sans faille, une politique de régionalisation qui permettra la mise en place de nouvelles collectivités autonomes et cohérentes, dotées d’instances exécutives et délibérantes. Il va de soi qu’il n’y aura pas d’ Etat de droit sans une politique de règlement et d’apurement du passif humanitaire et un retour encadré des déportés mauritaniens qui entrent dans leur dix-huitième année d’exil forcé : c’est un préalable à toute action de réconciliation entre les mauritaniens.
Quelles actions envisage le PLEJ pour rendre son discours plus audible à la communauté beydane ?
Le discours du PLEJ ne peut et ne doit pas s’adresser à une communauté en particulier ; il s’adresse par conséquent à tous les mauritaniens épris de liberté, d’égalité et de justice : tel est notre credo et notre discours depuis toujours. Nous n’avons aucune frilosité ni animosité à travailler avec toute personne ou tout groupe partageant nos préoccupations ; nous l’avons suffisamment démontré en Mauritanie dans le cadre des coalitions auxquelles nous avons participé mais aussi à l’extérieur en prenant des initiatives en faveur des détenus d’opinion du temps du régime déchu mais aussi maintenant en réclamant la libération des détenus dits « islamistes ».
Le PLEJ, l’AJD, deux partis si proches dans leurs principes fondateurs mais n’arrivant pas à conjuguer leurs énergies ; est- ce un problème de leader ship ?
Beaucoup de points communs rapprochent en effet les déclarations de politique générale du PLEJ et de l’AJD ; l’élément différentiel qui pouvait expliquer des cheminements politiques non identiques se situait dans la logique participationniste de l’AJD pendant le règne du bourreau de Nouakchott alors que le PLEJ optait pour le boycott total des élections.
Cette différence de stratégies aurait-elle créé des césures radicales entre les deux formations ?
A mon avis il y a en plus des différends d’ordre générationnel accrus par l’absence d’affinités fortes entre les membres des directoires des deux formations.
Cette situation est à mon avis passagère et des efforts sont faits de part et d’autre pour favoriser le rapprochement ; Il s’agira dans l’avenir d’aller au-delà des regroupements de circonstance et d’œuvrer dans le sens d’un travail en profondeur seul à même de garantir la solidité des édifices et des projets.
Pour la première fois, en Mauritanie, deux candidats négro-africains vont solliciter le suffrage des mauritaniens. Au regard de leur projet de société presque semblable, n’est-il pas surprenant de constater que lesdits candidats n’aient pu constituer une candidature unique ?
Oui, cette situation procède de tout ce que je disais tantôt ; nous sommes les premiers à le déplorer, d’autant plus que notre candidat à la présidentielle a été investi par le parti depuis le mois de juillet 2006 et qu’il n’avait pas hésité à tendre la main à l’autre candidat, en lui envoyant une délégation et en se transportant ensuite chez lui, faisant abstraction de leur différence d’âge et contre les usages gérontocratiques.
Vous n’avez pas vraisemblablement, l’un et l’autre, tiré des leçons de votre participation décevante dans les élections législatives et municipales de novembre dernier, où vous auriez pu, réunis, engranger un à deux sièges à la future assemblée.
C’est juste : mais avouez qu’il y a suffisamment de places pour d’autres candidats pour que la participation négro-africaine ne soit réduite à deux ou trois ! Et puis je n’accepte cette assimilation à l’AJD que du point de vue des idées ; nous en aurions pas de semblables ces questions seraient impertinentes et mal venues.
Pour rester dans le registre des questions qui fâchent, comment analysez-vous le plébiscite des indépendants lors des élections de novembre et janvier derniers et particulièrement dans la région de la vallée où les barons de l’ancien régime ont été presque tous reconduits?
Plusieurs raisons expliquent ces résultats : les populations ont encore du mal à franchir le pas de la rupture en douceur quand tous les symboles et les leviers du régime déchu continuent à les côtoyer dans le même rapport d’influence et de pression qui ne laisse la place à aucune liberté de choix et d’action ; de l’autre côté, les partis comme le nôtre doivent faire face, non seulement à cette nébuleuse du pouvoir et de l’argent qui gangrène toutes les strates de la population en vingt-et-un ans de dictature, mais aussi au vote clanique, familial, féodal et j’en passe !
Toutes ces tares sociales représentent un grave danger pour l’avènement de la démocratie en Mauritanie, car elles procèdent de sentiments de nature à aliéner la liberté des citoyens. Le rôle de l’argent dans ces élections révèle au grand jour toute la fragilité des opinions de nos concitoyens dans le besoin ; les élus ne sont pas en reste : vous comprenez à quoi je fais allusion.
Pour autant, je crois fermement qu’un travail d’éducation et de conscientisation de nos populations viendra un jour à bout de tous ces comportements regrettables ; nous ne troquerons pas notre peuple contre un autre à cause de ses égarements; il nous revient de trouver avec lui la démarche pédagogique la mieux à même de l’émanciper.
Pour terminer cet entretien, êtes-vous optimiste pour votre candidat et qu’attendez-vous de cette élection ?
Bien évidemment ! il a le programme qui sied ainsi que le talent et l’expérience nécessaires pour les décliner et appliquer au grand bénéfice des mauritaniens.
Nous souhaitons que ces élections se passent dans la plus grande transparence et que le processus commencé au lendemain du 03 août 2005 puisse aller à son terme sans immixtion des militaires.
C’est le lieu de lancer un appel solennel à notre armée pour qu’elle garde une bonne fois pour toutes sa totale neutralité vis-à-vis de l’ensemble des acteurs politiques.
Merci d'avoir bien voulu répondre à nos questions
Propos recueillis par Almouda KEBE et Abibou DRAME
Toute reprise d'article ou extrait d'article devra inclure une référence à www.cridem.org
source : OCVIDH
Après une longue tradition de boycott, PLEJ adopte désormais une politique participative. Qu’est ce qui motive cette nouvelle orientation ?
Plusieurs raisons tenant à l’évolution et à la dynamique du paysage politique et social en Mauritanie expliquent cette nouvelle orientation : le point de départ de notre participation remonte à novembre 2003, soit peu après la tentative de putsch de juin 2003 dont le caractère inédit dans les annales des coups d’Etat en Mauritanie (de par son caractère violent et sa durée) marque le point culminant de l’aversion du régime déchu, non pas seulement par ses traditionnels opposants négro-africains, mais cette fois-ci par les groupes avec lesquels il était d’usage de le confondre suivant la logique implacable de la solidarité ethnique ou tribale.
Cet évènement avait permis de créer un électrochoc au sein de pans entiers de notre société et le mot d’ordre de rassemblement dans le cadre de la coalition pour l’alternance pacifique ne pouvait laisser indifférent notre parti qui mettait pour la première fois en sourdine les préalables qu’il s’était fixé pour participer au processus issu de la constitution du 20 juillet 1991.
Pour des raisons similaires et plus évidentes encore aujourd’hui, nous avons jugé important de participer au processus lancé par le Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie dont le bilan, loin de nous satisfaire,n’est pas assimilable à celui du régime déchu. Il n’est ni utile ni opportun d’en dresser le tableau, car beaucoup de questions restent posées et le bon sens commande la prudence, mais en agissant du mieux qu’on peut sur le cours des évènements : sur le terrain.
Que répondez-vous à ceux qui dans les forums de discussion assimilent la participation des candidatures négro-africaines à cette élection comme une sorte de compromission, voire à de la trahison ?
Je n’y pense rien du tout et je considère que ces choix relèvent de décisions souveraines des instances de nos partis respectifs. Nous n’avons pas la prétention de nous immiscer dans les affaires des autres formations et nous n’en attendons pas moins.
Après les législatives, votre parti se lance à la conquête de la magistrature suprême. Qu’est ce qui vous singularise par rapport aux autres candidats ?
Vous savez la singularité d’un parti tient généralement à une chose : son programme. Dans le cadre d’une élection, a fortiori présidentielle, le programme est mis en valeur par la stature du candidat qui le porte. Nous pensons réunir aussi bien le programme et le candidat qu’il faut à la Mauritanie pour une rupture en profondeur avec toutes sortes de pratiques et de comportements erratiques qui ont pour noms le racisme, la discrimination, le clientélisme,l’autoritarisme, la gabegie et la mauvaise gestion.
Au centre de notre programme figure la mise en place d’un véritable Etat de droit, avec une démocratie véritablement populaire, une justice exemplaire et sans faille, une politique de régionalisation qui permettra la mise en place de nouvelles collectivités autonomes et cohérentes, dotées d’instances exécutives et délibérantes. Il va de soi qu’il n’y aura pas d’ Etat de droit sans une politique de règlement et d’apurement du passif humanitaire et un retour encadré des déportés mauritaniens qui entrent dans leur dix-huitième année d’exil forcé : c’est un préalable à toute action de réconciliation entre les mauritaniens.
Quelles actions envisage le PLEJ pour rendre son discours plus audible à la communauté beydane ?
Le discours du PLEJ ne peut et ne doit pas s’adresser à une communauté en particulier ; il s’adresse par conséquent à tous les mauritaniens épris de liberté, d’égalité et de justice : tel est notre credo et notre discours depuis toujours. Nous n’avons aucune frilosité ni animosité à travailler avec toute personne ou tout groupe partageant nos préoccupations ; nous l’avons suffisamment démontré en Mauritanie dans le cadre des coalitions auxquelles nous avons participé mais aussi à l’extérieur en prenant des initiatives en faveur des détenus d’opinion du temps du régime déchu mais aussi maintenant en réclamant la libération des détenus dits « islamistes ».
Le PLEJ, l’AJD, deux partis si proches dans leurs principes fondateurs mais n’arrivant pas à conjuguer leurs énergies ; est- ce un problème de leader ship ?
Beaucoup de points communs rapprochent en effet les déclarations de politique générale du PLEJ et de l’AJD ; l’élément différentiel qui pouvait expliquer des cheminements politiques non identiques se situait dans la logique participationniste de l’AJD pendant le règne du bourreau de Nouakchott alors que le PLEJ optait pour le boycott total des élections.
Cette différence de stratégies aurait-elle créé des césures radicales entre les deux formations ?
A mon avis il y a en plus des différends d’ordre générationnel accrus par l’absence d’affinités fortes entre les membres des directoires des deux formations.
Cette situation est à mon avis passagère et des efforts sont faits de part et d’autre pour favoriser le rapprochement ; Il s’agira dans l’avenir d’aller au-delà des regroupements de circonstance et d’œuvrer dans le sens d’un travail en profondeur seul à même de garantir la solidité des édifices et des projets.
Pour la première fois, en Mauritanie, deux candidats négro-africains vont solliciter le suffrage des mauritaniens. Au regard de leur projet de société presque semblable, n’est-il pas surprenant de constater que lesdits candidats n’aient pu constituer une candidature unique ?
Oui, cette situation procède de tout ce que je disais tantôt ; nous sommes les premiers à le déplorer, d’autant plus que notre candidat à la présidentielle a été investi par le parti depuis le mois de juillet 2006 et qu’il n’avait pas hésité à tendre la main à l’autre candidat, en lui envoyant une délégation et en se transportant ensuite chez lui, faisant abstraction de leur différence d’âge et contre les usages gérontocratiques.
Vous n’avez pas vraisemblablement, l’un et l’autre, tiré des leçons de votre participation décevante dans les élections législatives et municipales de novembre dernier, où vous auriez pu, réunis, engranger un à deux sièges à la future assemblée.
C’est juste : mais avouez qu’il y a suffisamment de places pour d’autres candidats pour que la participation négro-africaine ne soit réduite à deux ou trois ! Et puis je n’accepte cette assimilation à l’AJD que du point de vue des idées ; nous en aurions pas de semblables ces questions seraient impertinentes et mal venues.
Pour rester dans le registre des questions qui fâchent, comment analysez-vous le plébiscite des indépendants lors des élections de novembre et janvier derniers et particulièrement dans la région de la vallée où les barons de l’ancien régime ont été presque tous reconduits?
Plusieurs raisons expliquent ces résultats : les populations ont encore du mal à franchir le pas de la rupture en douceur quand tous les symboles et les leviers du régime déchu continuent à les côtoyer dans le même rapport d’influence et de pression qui ne laisse la place à aucune liberté de choix et d’action ; de l’autre côté, les partis comme le nôtre doivent faire face, non seulement à cette nébuleuse du pouvoir et de l’argent qui gangrène toutes les strates de la population en vingt-et-un ans de dictature, mais aussi au vote clanique, familial, féodal et j’en passe !
Toutes ces tares sociales représentent un grave danger pour l’avènement de la démocratie en Mauritanie, car elles procèdent de sentiments de nature à aliéner la liberté des citoyens. Le rôle de l’argent dans ces élections révèle au grand jour toute la fragilité des opinions de nos concitoyens dans le besoin ; les élus ne sont pas en reste : vous comprenez à quoi je fais allusion.
Pour autant, je crois fermement qu’un travail d’éducation et de conscientisation de nos populations viendra un jour à bout de tous ces comportements regrettables ; nous ne troquerons pas notre peuple contre un autre à cause de ses égarements; il nous revient de trouver avec lui la démarche pédagogique la mieux à même de l’émanciper.
Pour terminer cet entretien, êtes-vous optimiste pour votre candidat et qu’attendez-vous de cette élection ?
Bien évidemment ! il a le programme qui sied ainsi que le talent et l’expérience nécessaires pour les décliner et appliquer au grand bénéfice des mauritaniens.
Nous souhaitons que ces élections se passent dans la plus grande transparence et que le processus commencé au lendemain du 03 août 2005 puisse aller à son terme sans immixtion des militaires.
C’est le lieu de lancer un appel solennel à notre armée pour qu’elle garde une bonne fois pour toutes sa totale neutralité vis-à-vis de l’ensemble des acteurs politiques.
Merci d'avoir bien voulu répondre à nos questions
Propos recueillis par Almouda KEBE et Abibou DRAME
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source : OCVIDH