‘mentir n’a jamais posé de problème pour ceux qui nous dirigent"
Messaoud Ould Boulkheir est une des figure emblématiques de la classe politique mauritanienne. Président de l'Alliance populaire progressiste (App), il est le porte étendard des esclaves et descendants d'esclaves. Dans l'entretien qu'il nous a accordé, il rejette la volonté des autorités d'accorder 20 % des postes électifs aux femmes.
Wal Fadjri : Comment appréciez-vous la loi qui accorde 20 % des postes électifs aux femmes ?
Messaoud Ould Boulkheir : A priori, je dois constater que cette loi a été appliquée dans son intégralité par la totalité des listes candidates. Mais, de l’avis général et comme nous le pensons, c’est une mesure qui est venue un peu trop vite. Nous avons des insuffisances. Nous avons un besoin criard de cadres même au niveau masculin à plus forte raison au niveau féminin. C’est une loi qui ne s’intéresse qu’au genre, au détriment de la qualité. Il reste que nous sommes toujours pour l’émancipation, la participation égalitaire de la femme. Seulement, faudrait-il que cela soit basé sur des critères qui ne défavorisent pas la femme parce que ça ne sert pas à la femme d’être mise au-devant de la scène, dans des fonctions électives, sans qu’elle ne puisse être à la hauteur ou avoir le niveau requis, la capacité requise ou la personnalité requise.
Wal Fadjri : Quels sont les enjeux de ce tournant démocratique pour la Mauritanie ?
Messaoud Ould Boulkheir : Nous sommes à un tournant qui était attendu. Tout le monde attendait impatiemment qu’un tournant tel que celui-ci puisse exister. Nous avons été plein d’enthousiasme et de ferveur pour ce virage que l’on nous avait annoncé dès le 3 août 2005. Mais, nous avons été quelque peu échaudés par une récente mesure prise par le Conseil militaire pour la justice et la démocratie (Cmjd) et qui consiste à s’interférer dans le choix des populations, en ce sens qu’il a déclaré ouvertement qu’il était contre les partis politiques et plutôt en faveur des listes indépendantes.
Wal Fadjri : Mais le Conseil dégage en touche ces accusations…
Messaoud Ould Boulkheir : Oui, il le nie, mais apparemment nier ici n’est pas un problème pour les autorités. Je le regrette, mais mentir n’a jamais posé de problème pour ceux qui nous dirigent. Soit ils sont conscients que le mensonge des dirigeants est plus fort que la vérité des dirigés, soit ils mentent à l’envie et disent ce qu’ils veulent. La vérité est qu’ils ont interféré, convoqué des gens et suscité des listes indépendantes, à gogo, et ont mobilisé l’administration dans la sensibilisation et la mobilisation des gens en faveur des indépendants. Ceci est dommage parce que l’on s’attendait à ce qu’ils remplissent le contrat qu’ils se sont assigné et que nous puissions, à travers ces élections, déclarer que ce sont les premières réellement libres et transparentes, en ce sens que chacun a choisi librement et sans aucune interférence d’aucune sorte. Nous continuons à espérer que le jour du scrutin (Ndlr : l’entretien a été réalisé à la veille des élections), toutes les défaillances ou insuffisances décelées auparavant ne paraîtraient pas et que l’administration resterait neutre et qu’il n’y aura pas de malversation politique. C’est déjà beaucoup si nous avons à gagner ce pari-là. Mais si, qu’à Dieu ne plaise, cela ne se vérifiait pas, nous reviendrons à la case de départ et il faudra attendre des tournants plus déterminants dans notre avenir politique.
Wal Fadjri : Le conseil a tout de même donné des consignes pour qu’aucun moyen de l’Etat ne soit utilisé et aux membres de l’administration de ne pas se mêler de ces élections. Alors, pourquoi persistez-vous à maintenir vos accusations ?
Messaoud Ould Boulkheir : Parce que nous sommes mauritaniens et les déclarations publiques n’ont jamais été déterminantes. On déclare tout haut des choses et on fait tout bas le contraire. Ce qu’ils disent n’a donc aucune espèce d’importance. Et vous connaissez l’adage qui dit que celui qui ment une fois, deux, trois fois, ne peut amener les gens à le croire malgré tout ce qu’il aura à dire. C’est le cas avec nous.
Wal Fadjri : A vous entendre parler, on a l’impression que vous n’êtes plus optimiste pour la Mauritanie de demain ?
Messaoud Ould Boulkheir : Je suis un homme de terrain et non un universitaire. J’ai vécu ma vie en rampant et en grattant la terre de A à Z. C’est l’école de la vie que je connais et n’ai pas l’habitude de théoriser. Je pars de choses que je vois et que je constate. Optimiste, je veux bien l’être si on m’y encourage. Mais, si je vois ce qui suscite mon scepticisme, je suis obligé de compter avec. Malgré toutes mes réserves, j’appréhendais avec enthousiasme ces élections-là, me disant que l’essentiel sera sauvegardé et qu’il n’y aurait pas d’interférence ou ingérence des autorités dans ces élections. Mais, quand je vois à quelques semaines de ces élections que les autorités s’impliquent, donnent des orientations et dégagent des moyens, je suis obligé de tempérer mon optimisme et d’attendre de voir venir. J’avais dit en ouvrant la campagne que j’étais prêt à oublier toutes les horreurs, les mauvaises actions des militaires s’ils laissent la campagne et surtout les élections se dérouler normalement le jour des scrutins. Malheureusement, on sait qu’il y a des interférence dans la campagne et que certains services publics ont mobilisé des acteurs qui dépendent d’eux pour les sensibiliser à voter en faveur des listes indépendantes. Je sais que des militaires qont convoqué des têtes de listes indépendantes pour leur dire que les listes indépendantes doivent coaliser entre elles et s’entraider et se refuser à épauler ou travailler avec une quelconque autre liste de politique.
Wal Fadjri : Quel est le sens de votre engagement politique ?
Messaoud Ould Boulkheir : C’est un engagement démocratique, un engagement pour la liberté, la démocratie, pour l’égalité, pour l’humanisme. Je ne peux pas m’isoler de mon milieu, de mon pays où les choses n’ont pas été faciles pour tout le monde. J’appartiens à des couches sociales défavorisées dès le départ parce qu’elles sont esclaves ou descendantes d’esclaves. Des rapports d’inégalité se sont instaurés et sont dans les mœurs et les pratiques. Ce sont des gens qui, dans leur société, sont considérés comme des marginaux, en ce sens qu’ils ne participent pas à la prise de décision ni au partage de gâteau, si gâteau, il y en a. Ce sont des gens faits pour servir, se soumettre ou soutenir d’autres qui sont privilégiés. Quand, par le hasard des choses, je m’émancipe, d’une manière ou d’une autre et que j’ai à cœur tous ces problèmes, il va de soi que mon engagement, c’est d’abord celui de la justice, de la liberté et de la l'égalité… Toutes choses qui me manquent ou qui manquent à ma société. C’est cela le sens de mon combat. Je voudrais un Etat réellement démocratique qui prenne en charge les problèmes de la société.
Wal Fadjri : La situation actuelle du pays tend elle vers ça ?
Messaoud Ould Boulkheir : La situation du pays est à tout point de vue meilleure qu’elle ne l’était avant. Des anciens esclaves ou descendants d’esclaves sont nommés à des postes de responsabilité , responsabilisé s au niveau des différentes institutions de l’Etat. Ce qui n’existait pas avant. C’est un pas en avant. Des gens ne s’offusquent plus de voir un descendant d’esclave ou un griot diriger. Notre combat y est pour beaucoup, mais nous savons qu’il reste autre chose. Tout comme il y a une démocratie de façade, il y a aussi des solutions de façade. L’égalité, ce n’est pas de nommer un noir ou un fils d’esclave à un poste de responsabilité s. Ce sont des lois progressistes, des programmes sélectifs discriminatoires positivement pour amener les uns et les autres à se détacher de ce qui a caractérisé leur existence depuis toujours, à les amener à s’accepter les uns les autres, qui permettent d’y parvenir.
Wal Fadjri : Serez-vous candidat à la prochaine présidentielle ?
Messaoud Ould Boulkheir : Oui.
Messaoud Ould Boulkheir est une des figure emblématiques de la classe politique mauritanienne. Président de l'Alliance populaire progressiste (App), il est le porte étendard des esclaves et descendants d'esclaves. Dans l'entretien qu'il nous a accordé, il rejette la volonté des autorités d'accorder 20 % des postes électifs aux femmes.
Wal Fadjri : Comment appréciez-vous la loi qui accorde 20 % des postes électifs aux femmes ?
Messaoud Ould Boulkheir : A priori, je dois constater que cette loi a été appliquée dans son intégralité par la totalité des listes candidates. Mais, de l’avis général et comme nous le pensons, c’est une mesure qui est venue un peu trop vite. Nous avons des insuffisances. Nous avons un besoin criard de cadres même au niveau masculin à plus forte raison au niveau féminin. C’est une loi qui ne s’intéresse qu’au genre, au détriment de la qualité. Il reste que nous sommes toujours pour l’émancipation, la participation égalitaire de la femme. Seulement, faudrait-il que cela soit basé sur des critères qui ne défavorisent pas la femme parce que ça ne sert pas à la femme d’être mise au-devant de la scène, dans des fonctions électives, sans qu’elle ne puisse être à la hauteur ou avoir le niveau requis, la capacité requise ou la personnalité requise.
Wal Fadjri : Quels sont les enjeux de ce tournant démocratique pour la Mauritanie ?
Messaoud Ould Boulkheir : Nous sommes à un tournant qui était attendu. Tout le monde attendait impatiemment qu’un tournant tel que celui-ci puisse exister. Nous avons été plein d’enthousiasme et de ferveur pour ce virage que l’on nous avait annoncé dès le 3 août 2005. Mais, nous avons été quelque peu échaudés par une récente mesure prise par le Conseil militaire pour la justice et la démocratie (Cmjd) et qui consiste à s’interférer dans le choix des populations, en ce sens qu’il a déclaré ouvertement qu’il était contre les partis politiques et plutôt en faveur des listes indépendantes.
Wal Fadjri : Mais le Conseil dégage en touche ces accusations…
Messaoud Ould Boulkheir : Oui, il le nie, mais apparemment nier ici n’est pas un problème pour les autorités. Je le regrette, mais mentir n’a jamais posé de problème pour ceux qui nous dirigent. Soit ils sont conscients que le mensonge des dirigeants est plus fort que la vérité des dirigés, soit ils mentent à l’envie et disent ce qu’ils veulent. La vérité est qu’ils ont interféré, convoqué des gens et suscité des listes indépendantes, à gogo, et ont mobilisé l’administration dans la sensibilisation et la mobilisation des gens en faveur des indépendants. Ceci est dommage parce que l’on s’attendait à ce qu’ils remplissent le contrat qu’ils se sont assigné et que nous puissions, à travers ces élections, déclarer que ce sont les premières réellement libres et transparentes, en ce sens que chacun a choisi librement et sans aucune interférence d’aucune sorte. Nous continuons à espérer que le jour du scrutin (Ndlr : l’entretien a été réalisé à la veille des élections), toutes les défaillances ou insuffisances décelées auparavant ne paraîtraient pas et que l’administration resterait neutre et qu’il n’y aura pas de malversation politique. C’est déjà beaucoup si nous avons à gagner ce pari-là. Mais si, qu’à Dieu ne plaise, cela ne se vérifiait pas, nous reviendrons à la case de départ et il faudra attendre des tournants plus déterminants dans notre avenir politique.
Wal Fadjri : Le conseil a tout de même donné des consignes pour qu’aucun moyen de l’Etat ne soit utilisé et aux membres de l’administration de ne pas se mêler de ces élections. Alors, pourquoi persistez-vous à maintenir vos accusations ?
Messaoud Ould Boulkheir : Parce que nous sommes mauritaniens et les déclarations publiques n’ont jamais été déterminantes. On déclare tout haut des choses et on fait tout bas le contraire. Ce qu’ils disent n’a donc aucune espèce d’importance. Et vous connaissez l’adage qui dit que celui qui ment une fois, deux, trois fois, ne peut amener les gens à le croire malgré tout ce qu’il aura à dire. C’est le cas avec nous.
Wal Fadjri : A vous entendre parler, on a l’impression que vous n’êtes plus optimiste pour la Mauritanie de demain ?
Messaoud Ould Boulkheir : Je suis un homme de terrain et non un universitaire. J’ai vécu ma vie en rampant et en grattant la terre de A à Z. C’est l’école de la vie que je connais et n’ai pas l’habitude de théoriser. Je pars de choses que je vois et que je constate. Optimiste, je veux bien l’être si on m’y encourage. Mais, si je vois ce qui suscite mon scepticisme, je suis obligé de compter avec. Malgré toutes mes réserves, j’appréhendais avec enthousiasme ces élections-là, me disant que l’essentiel sera sauvegardé et qu’il n’y aurait pas d’interférence ou ingérence des autorités dans ces élections. Mais, quand je vois à quelques semaines de ces élections que les autorités s’impliquent, donnent des orientations et dégagent des moyens, je suis obligé de tempérer mon optimisme et d’attendre de voir venir. J’avais dit en ouvrant la campagne que j’étais prêt à oublier toutes les horreurs, les mauvaises actions des militaires s’ils laissent la campagne et surtout les élections se dérouler normalement le jour des scrutins. Malheureusement, on sait qu’il y a des interférence dans la campagne et que certains services publics ont mobilisé des acteurs qui dépendent d’eux pour les sensibiliser à voter en faveur des listes indépendantes. Je sais que des militaires qont convoqué des têtes de listes indépendantes pour leur dire que les listes indépendantes doivent coaliser entre elles et s’entraider et se refuser à épauler ou travailler avec une quelconque autre liste de politique.
Wal Fadjri : Quel est le sens de votre engagement politique ?
Messaoud Ould Boulkheir : C’est un engagement démocratique, un engagement pour la liberté, la démocratie, pour l’égalité, pour l’humanisme. Je ne peux pas m’isoler de mon milieu, de mon pays où les choses n’ont pas été faciles pour tout le monde. J’appartiens à des couches sociales défavorisées dès le départ parce qu’elles sont esclaves ou descendantes d’esclaves. Des rapports d’inégalité se sont instaurés et sont dans les mœurs et les pratiques. Ce sont des gens qui, dans leur société, sont considérés comme des marginaux, en ce sens qu’ils ne participent pas à la prise de décision ni au partage de gâteau, si gâteau, il y en a. Ce sont des gens faits pour servir, se soumettre ou soutenir d’autres qui sont privilégiés. Quand, par le hasard des choses, je m’émancipe, d’une manière ou d’une autre et que j’ai à cœur tous ces problèmes, il va de soi que mon engagement, c’est d’abord celui de la justice, de la liberté et de la l'égalité… Toutes choses qui me manquent ou qui manquent à ma société. C’est cela le sens de mon combat. Je voudrais un Etat réellement démocratique qui prenne en charge les problèmes de la société.
Wal Fadjri : La situation actuelle du pays tend elle vers ça ?
Messaoud Ould Boulkheir : La situation du pays est à tout point de vue meilleure qu’elle ne l’était avant. Des anciens esclaves ou descendants d’esclaves sont nommés à des postes de responsabilité , responsabilisé s au niveau des différentes institutions de l’Etat. Ce qui n’existait pas avant. C’est un pas en avant. Des gens ne s’offusquent plus de voir un descendant d’esclave ou un griot diriger. Notre combat y est pour beaucoup, mais nous savons qu’il reste autre chose. Tout comme il y a une démocratie de façade, il y a aussi des solutions de façade. L’égalité, ce n’est pas de nommer un noir ou un fils d’esclave à un poste de responsabilité s. Ce sont des lois progressistes, des programmes sélectifs discriminatoires positivement pour amener les uns et les autres à se détacher de ce qui a caractérisé leur existence depuis toujours, à les amener à s’accepter les uns les autres, qui permettent d’y parvenir.
Wal Fadjri : Serez-vous candidat à la prochaine présidentielle ?
Messaoud Ould Boulkheir : Oui.