C’est décidé. Mercredi 9, jour de marche. L’initiative recèle les inconvénients de ses avantages présumés. Encore faut-il s’accorder sur son objet. Pour l’essentiel, celui-ci porte, semble-t-il, sur la dénonciation du racisme et de la haine.
Objectif consensuel. Du moins en principe. Là est pourtant son talon d’Achille. Un objectif trop fédérateur donne, en soi, peu de prise aux critiques. Qui, en effet, peut valablement s’opposer, pour elle-même, à la lutte contre le racisme, la haine, l’extrémisme… ?
Bien qu’ils paraissent consensuels, ces buts restent mouvants (si l’on ose dire). Cela va de la marche « contre l’extrémisme et la haine » à la marche contre « les discours extrémistes et pratiques discriminatoires liées à la couleur de la peau », à la marche « pour barrer la route aux auteurs des discours haineux et incitatifs à la discorde… ».
Que du bon sens commun ! Dès lors, les griefs se déportent sur les motivations, sur un éventuel sens caché. Pour certains, la marche programmée arrive trop tard. Pour d’autres, quelquefois les mêmes, elle vient trop opportunément.
Trop tard car son initiateur est en fin de mandat et qu’il est vain de se préoccuper de thématiques aussi lourdes à ce stade. Des lois et règlements auraient pu et dû les régir plus tôt. Trop opportunément pour les mêmes raisons avec un soupçon en prime.
Les Américains utilisent l’expression désobligeante de lame duck ou canard boiteux pour qualifier leur président en fin de second mandat (et donc « inapte » à se représenter) signifiant ainsi sa démonétisation (d’ailleurs plus institutionnelle que personnelle).
Le constat vaut ailleurs. Le sens commun rechigne à voir un gouvernant en fin de règne prendre certaines initiatives sans y percevoir une arrière-pensée ou un baroud d’honneur. Pèse sur le partant (présumé) une obligation, sinon d’inaction, au moins de retenue. Le sortant est perçu comme devant se limiter à expédier les affaires courantes (ou marchantes) et accessoirement à chauffer la place pour son successeur. A défaut, il devient suspect. Chez nous, cette suspicion porte le nom de 3ème mandat. Avec ou sans « marche », il faut reconnaître qu’elle sévissait déjà. C’est que nous vivons une « période suspecte ». Les faits et gestes du sortant sont scrutés plus qu’à l’ordinaire.
Très vite, on passe du soupçon à l’accusation et en miroir aux accusations croisées. Qui sont donc les auteurs des « discours de haine extrémistes et incitatifs à la discorde » ? C’est nous qu’on cherche à diaboliser s’offusquent en chœur des ténors de l’opposition suspectant dans le même temps le pouvoir de chercher à « provoquer des tensions, des crispations et un climat délétère…avec l’arrière-plan… du spectre du troisième mandat ». C’est la preuve qu’un objet, consensuel à l’origine, peut s’avérer bien plus clivant à l’usage.
De plus, on est à fronts renversés. Il est plus dans l’ordre des choses que l’opposition s’oppose et accuse alors que là c’est le pouvoir qui investit la rue pour dénoncer tous azimuts. Un pouvoir qui endosse dans le même temps le rôle de « qualifiant ». C’est en effet lui qui désigne les « auteurs de haine ». Certains nient et lui renvoient bien entendu la politesse. D’autres, à l’inverse, assument et concèdent être devenus haineux parce que victimes de la haine. « Dynamique haineuse » dit un sociologue.
En conclusion, Il n’est pas interdit de hasarder trois hypothèses pour conclure sur une note optimiste ces lignes. Leur auteur ne se fait cependant aucune illusion. Elles laisseront plus d’un incrédule. Plus d’un les trouveront fantaisistes. Et si le pouvoir sortant cherchait, par cette marche, à installer un repère, une balise sur le chemin de la lutte contre les exclusions ? Il y aurait un avant et un après 9 janvier.
S’il cherchait à passer un message au pouvoir suivant ? Une manière de recommandation du genre : il vous incombe de faire ce qui n’a pas été fait. Et si, enfin, l’actuel président voulait clore son mandat à la manière dont son prédécesseur avait inauguré le sien ?
Tijane Bal
Source : Tijane Bal
Objectif consensuel. Du moins en principe. Là est pourtant son talon d’Achille. Un objectif trop fédérateur donne, en soi, peu de prise aux critiques. Qui, en effet, peut valablement s’opposer, pour elle-même, à la lutte contre le racisme, la haine, l’extrémisme… ?
Bien qu’ils paraissent consensuels, ces buts restent mouvants (si l’on ose dire). Cela va de la marche « contre l’extrémisme et la haine » à la marche contre « les discours extrémistes et pratiques discriminatoires liées à la couleur de la peau », à la marche « pour barrer la route aux auteurs des discours haineux et incitatifs à la discorde… ».
Que du bon sens commun ! Dès lors, les griefs se déportent sur les motivations, sur un éventuel sens caché. Pour certains, la marche programmée arrive trop tard. Pour d’autres, quelquefois les mêmes, elle vient trop opportunément.
Trop tard car son initiateur est en fin de mandat et qu’il est vain de se préoccuper de thématiques aussi lourdes à ce stade. Des lois et règlements auraient pu et dû les régir plus tôt. Trop opportunément pour les mêmes raisons avec un soupçon en prime.
Les Américains utilisent l’expression désobligeante de lame duck ou canard boiteux pour qualifier leur président en fin de second mandat (et donc « inapte » à se représenter) signifiant ainsi sa démonétisation (d’ailleurs plus institutionnelle que personnelle).
Le constat vaut ailleurs. Le sens commun rechigne à voir un gouvernant en fin de règne prendre certaines initiatives sans y percevoir une arrière-pensée ou un baroud d’honneur. Pèse sur le partant (présumé) une obligation, sinon d’inaction, au moins de retenue. Le sortant est perçu comme devant se limiter à expédier les affaires courantes (ou marchantes) et accessoirement à chauffer la place pour son successeur. A défaut, il devient suspect. Chez nous, cette suspicion porte le nom de 3ème mandat. Avec ou sans « marche », il faut reconnaître qu’elle sévissait déjà. C’est que nous vivons une « période suspecte ». Les faits et gestes du sortant sont scrutés plus qu’à l’ordinaire.
Très vite, on passe du soupçon à l’accusation et en miroir aux accusations croisées. Qui sont donc les auteurs des « discours de haine extrémistes et incitatifs à la discorde » ? C’est nous qu’on cherche à diaboliser s’offusquent en chœur des ténors de l’opposition suspectant dans le même temps le pouvoir de chercher à « provoquer des tensions, des crispations et un climat délétère…avec l’arrière-plan… du spectre du troisième mandat ». C’est la preuve qu’un objet, consensuel à l’origine, peut s’avérer bien plus clivant à l’usage.
De plus, on est à fronts renversés. Il est plus dans l’ordre des choses que l’opposition s’oppose et accuse alors que là c’est le pouvoir qui investit la rue pour dénoncer tous azimuts. Un pouvoir qui endosse dans le même temps le rôle de « qualifiant ». C’est en effet lui qui désigne les « auteurs de haine ». Certains nient et lui renvoient bien entendu la politesse. D’autres, à l’inverse, assument et concèdent être devenus haineux parce que victimes de la haine. « Dynamique haineuse » dit un sociologue.
En conclusion, Il n’est pas interdit de hasarder trois hypothèses pour conclure sur une note optimiste ces lignes. Leur auteur ne se fait cependant aucune illusion. Elles laisseront plus d’un incrédule. Plus d’un les trouveront fantaisistes. Et si le pouvoir sortant cherchait, par cette marche, à installer un repère, une balise sur le chemin de la lutte contre les exclusions ? Il y aurait un avant et un après 9 janvier.
S’il cherchait à passer un message au pouvoir suivant ? Une manière de recommandation du genre : il vous incombe de faire ce qui n’a pas été fait. Et si, enfin, l’actuel président voulait clore son mandat à la manière dont son prédécesseur avait inauguré le sien ?
Tijane Bal
Source : Tijane Bal