Dans cette seconde partie de l'entretien qu'il nous a accordé, le Président de Flam/Rénovation revient sur la nécessité pour ses concitoyens de s'asseoir et de se regarder, les yeux dans les yeux, pour parler des plaies de la Mauritanie. Sans langue de bois. Pour ensuite, solder ce qui peut l'être. Par ailleurs, le chef de l'aile dissidente des Flam parle du profil du parfait présidentiable aux prochaines élections. Peu importe qu'il soit Noir ou Blanc.
Walfadjri : Par rapport à ces atrocités humaines commises par le passé, est-ce que vous êtes pour le pardon et non l'oubli, ou est-ce que vous tenez à ce que les auteurs qui ont commis ces actes répondent de leurs actes ?
Mamadou Bocar BA : Le plus important pour nous au niveau de Flam/Rénovation c'est qu'on arrive à des sociétés pacifiées. Pour cela, nous pensons que la lumière doit être faite sur ce qui s'est passé. Maintenant, est-ce que les gens doivent répondre de leurs actes ? Oui, ils doivent le faire. Mais comment ? Nous pensons que c'est là où il faut que les gens réfléchissent pour trouver ensemble la meilleur formule qui permettra à la Mauritanie de ne pas se déchirer. Parce que nous pensons que c'est important qu'il n'y ait pas de déchirement. Mais nous pensons aussi que la vérité doit être reconnue. Nous avons produit, quand nous sommes partis en Mauritanie, un document que nous avons appelé ‘Le Mémorandum’. Nous y avons dit qu'il s'est passé des choses atroces en Mauritanie. Que ces choses là ne doivent pas passer inaperçues ni porter profit à certaines personnes. Mais qu'en dernier ressort, notre objectif, à nous, c'est de construire une société de paix, qui nécessite un pacte de réconciliation nationale. Et, nous avons posé des éléments pour permettre, justement, la réalisation de ce pacte-là. Nous pensons que ce pacte passe d'abord par la vérité : dire la vérité au gens, pour que plus jamais cela ne ce répète. Maintenant, qu'est-ce que nous devons faire ? Je pense que ces gens-là ont l'intelligence qu'il leur faut pour trouver la meilleure formule.
Walfadjri : En un mot, une sorte de Commission vérité et réconciliation ?
Mamadou Bocar BA : Par exemple, ça peut être ça. C'est juste une réflexion. Parce que les Marocains, les Sud-africains ont fait quelque chose du genre. Donc, à mon avis, nous devons aussi réfléchir, mais dans un esprit d'ouverture et pour trouver, justement, un consensus qui permette à la société d'être plus stable et plus solide. Je crois que c'est le plus important !
Walfadjri : Est-ce que le nouveau régime est entrain de poser des jalons allant dans ce sens là ?
Mamadou Bocar BA : C'est ce qu'ils nous ont dit, mais nous n'avons rien vu. Nous pensons sincèrement qu'ils occultent carrément ce problème et nous ne comprenons pas pourquoi. Nous pensons d'ailleurs qu'ils avaient tout intérêt, justement, à poser ce problème, à lui trouver des solutions avant de partir. Et nous, nous pensions également qu'ils auraient pu le faire, car la société mauritanienne, dans sa globalité, aspire, à mon avis, à la paix civile. A mon avis, même les victimes des atrocités, j'en suis convaincu, ont pardonné. Si seulement il y avait un petit geste en direction d'eux ! Mais malheureusement, ce geste n'existe pas. Ils disent que oui, ils prendront des mesures avant de partir, et que dès le départ ils donneront les canevas pour que les gens puissent résoudre ce problème-là. Mais pour nous, on trouve que c'est assez faible, qu'ils auraient pu s'engager davantage.
Walfadjri : Ould Vall avait dit que son régime est transitoire et qu'il était là pour deux ans, ensuite il organisera des élections. Est-ce que vous y croyez ?
Mamadou Bocar BA : Je crois que nous n'avons pas de raisons fondamentales, aujourd'hui, de remettre cela en cause. Dans la mesure où, déjà les élections municipales et législatives vont avoir lieu le 19 novembre prochain. Et, apparemment toutes les mesures sont prises pour qu'elles aient lieu. Tout porte à croire que les autres échéances vont aussi être respectés.
Walfadjri : Peut-on s'attendre à ce que votre mouvement ait son candidat ?
Mamadou Bocar BA : Pour les élections locales, nous n'avons, malheureusement, pas pu parce que nous ne sommes pas suffisamment implantés. Et donc, nous avons jugé plus sage de ne pas nous présenter pour l'instant. Mais de travailler d'abord pour nous structurer et nous implanter, et ce, en pensant aux futures échéances.
Walfadjri : Avez-vous des affinités ?
Mamadou Bocar BA : Oui, nous travaillons déjà dans la coalition et en dehors de celle-ci, nous avons aussi d'autres affinités. Il y a des partis négro-africains qui sont proches de nous tels que l'Ajd et le Plej. A propos de notre candidature aux élections, en ce qui concerne les législatives, nous n'avons pas encore pu le faire jusqu'à présent. Pour la présidentielle, nous ne savons pas encore. Mais dans tous les cas, ce n'est pas impossible, parce que nous y pensons. Et nous pensons que pour être cohérents avec nous-mêmes, si nous pouvons le faire, nous le ferons. D'abord parce qu'au départ, nous avions dit que nous nous impliquions dans ce qui se faisait. Pour nous, nous impliquer dans cette course à la présidentielle, c'est aussi une forme de concrétisation de ce que nous avons dit. Donc ce n'est pas impossible de le faire. En tout cas, nous le verrons avec nos amis.
Walfadjri : Est-ce que le ressort naturel que sont les Flam originelles ne risque pas de vous faire défaut ?
Mamadou Bocar BA : Pourquoi ?
Walfadjri : Parce que, historiquement, vous êtes connus comme membre des Flam originelles. Et, est-ce que cette dissidence ne risque pas de vous porter un coup ?
Mamadou Bocar BA : Au contraire, nous avons fait la vallée quand nous sommes partis en Avril. Nous avons fait les villes de Boghé, Bababé, Kaédi, Diowol et Sinthiane Padalal. Ce sont les principales localités où nous avons pu tenir des meeting avec les populations. Et partout où nous avons été, d'abord les gens nous ont dit : ‘nous pensons que vous venez même en retard. Nous, d'ailleurs, nous ne connaissons pas les Flam. Ce que nous savons des Flam, c'est que vous êtes dehors dans vos belles villes et autres, vous critiquez et c'est nous qui recevons les coups’. C'est ce qu'on nous a dit ! Nous leur avons répondu non ! ‘Ce n'est pas à cause des Flam qu'on vous a frappés. Parce que les Flam ont dit que vous êtes discriminés. Vrai ou faux ? ‘ Ils nous ont dit ‘oui, nous sommes discriminés’. Les Flam ont dit que ‘vous devez avoir vos droits dans ce pays- là. Vrai ou faux ? ‘. ‘C'est vrai, nous devons avoir des droits ! ‘, ont-il répondu. Nous leur avons dit donc, que ‘si on vous a frappés, ce ne sont pas les Flam qui vous ont frappés. On vous a frappés par ce que vous êtes faibles ‘. A partir de là, je crois que nous avons, nous mêmes, réhabilité les Flam dans l'esprit de ces gens là. Et donc, nous ne pensons pas que ça nous portera préjudice en quoi que ce soit par rapport aux populations. Non au contraire ! Parce quelles ont besoin de voir des gens à leurs côtés. Elles ont besoin de sentir à leurs côtés la présence de gens qui partagent leurs préoccupations quotidiennes. Nous ne pensons donc pas que ça nous fera défaut, au contraire. Nous pensons que cela va nous magnifier et nous ragaillardir.
Walfadjri : Entre un candidat beydane et un candidat négro-mauritanien, pour qui votre cœur va-t-il balancer ?
Mamadou Bocar BA : Notre différence avec les autres, c'est que nous ne raisonnons même pas en termes de Noir et de Beydane. En réalité, nous pensons que ce n'est pas fondamental. Nous pensons que dans la vie il y a des hommes justes et des hommes injustes partout. Moi je voterai volontiers pour un Beydane que j'estime être juste. Je ne voterai pas pour un Noir vendu. Parce qu'il y a beaucoup de Négros-africains vendus. Donc, à mon avis la question n'est pas là. Qu'on présente un candidat pour nous, cela a un sens. Lequel ? D'abord cela a un sens de dire que dans ce pays-là, nous aspirons comme tout le monde à jouer le premier rôle. Que nous sommes membres à part entière de ce pays ! Ensuite nous pensons que si nous arrivons à avoir un candidat crédible et que nous ayons un score qui ne soit pas ridicule, je pense que cela peut compter pour l'avenir. Et cela peut compter même pour le deuxième tour, éventuellement. Et donc, à notre avis, tous ces facteurs peuvent nous pousser à, peut-être, présenter quelqu'un ou à nous unir avec quelqu'un en qui nous avons confiance.
Walfadjri : Si vous devez être candidat à l'élection présidentielle, sur quoi axerez-vous, principalement, votre discours ?
Mamadou Bocar BA : D'abord nous, nous pensons, comme je l'ai déjà dit que la chose la plus importante c'est d'abord la Mauritanie et sa pérennité. Et pour cela, le meilleur gage de paix civile, à notre avis, c'est la justice sociale. Donc, il faut fondamentalement avoir une politique basée sur la justice, sur l'égalité entre les individus et sur la reconnaissance de la diversité mauritanienne. Parce que, jusqu'aujourd'hui, toutes les politiques en Mauritanie sont basées sur la négation de la diversité mauritanienne. On a toujours présenté la Mauritanie comme un pays exclusivement arabe. Alors que c'est un pays à la fois arabe et négro-africain. Le fondement de notre action va donc être de réhabiliter la Mauritanie dans toutes ses composantes et créer une société de justice et de paix.
Walfadjri : Est-ce que la rupture avec vos autres frères qui sont dans l'autre camp est définitive, ou est-ce que vous comptez leur tendre la main et faire en sorte que l'unité soit rétablie ?
Mamadou Bocar BA : Il faut d'abord dire qu'à aucun moment, nous n'avons dit du mal d'eux. Parce que nous ne le pensons pas. Je pense qu'ils sont convaincus et que ce sont des hommes justes. Nous le pensons sincèrement et nous avons travaillé avec eux pendant vingt ans. Nous ne pouvons pas aujourd'hui les dénigrer ; ça n'a pas de sens ! Le fait que nous soyons partis à fait qu'ils ont été amers et nous ont donc traités de tous les noms. Nous sommes disponibles aujourd'hui, comme par le passé, en tout cas, s'ils le veulent bien, à travailler avec eux. Mais il faut qu'ils respectent notre opinion ! Il faut qu'il respectent notre façon de voir les choses ! Nous ne sommes pas vendus. Parce qu'ils ont dit partout que le pouvoir nous a donné de l'argent, que nous allons demander aux déportés de rentrer, etc. Non, ce n'est pas vrai ! Nous n'avons reçu aucun centime du pouvoir. Nous ne lui avons pas demandé, il ne nous a pas donné. Mais, nous pensons que nous avons un point de vue et que nous avons le droit de l'exprimer, et que nous sommes disponibles et ouverts pour travailler avec toute personne, tout Mauritanien de bonne foi qui veut œuvrer pour l'avènement d'une société de justice.
Walfadjri : Par rapport à ces déportés et autres réfugiés qui sont dans la vallée, est-ce que vous avez fait quelque chose dans le sens de les réhabiliter dans leurs droits ?
Mamadou Bocar BA : Nous avons beaucoup fait, avant et maintenant. Tout d'abord, je viens de la vallée. J'ai fait les camps de Dagana, de Ndioum, de Tabé, de Ourossogui, de Kanel et de Orkadiéré. J'ai vécu ici au Sénégal de 1990 à 1991. Je suis sorti de prison en décembre 1989 et je suis arrivé à Dakar en avril 1990. Et en octobre 1990 nous avons créé l'Association des Mauritaniens réfugiés au Sénégal (Amrs), dont j'ai été le premier président. Et à l'époque-j'étais en même temps le trésorier des Flam-nous avons travaillé avec nos amis de l'Europe et des Etats-Unis et nous avons fait ce que nous avons pu pour les déportés. Je suis allé, tout récemment voir les déportés, parce que c'est toujours dans nos préoccupations. Dans nos rapports avec le pouvoir, nous avons toujours posé ce problème-là. Dernièrement, j'ai rencontré un officiel du gouvernement mauritanien auquel j'ai remis une proposition de réglement du problème de ces déportés. C'est pour dire que c'est un problème qui nous tient vraiment à cœur et que nous faisons ce que nous pouvons pour trouver des solutions. Et ce n'est pas simple, car en politique comme partout ailleurs, il faut un rapport de force favorable. Malheureusement, ce rapport de force, en réalité ne nous est pas trop favorable. Et que nous travaillons à cela.
(Fin) Propos recueillis par Ibrahima ANNE, Aguibou KANE et Joseph DIEDHIOU
Walfadjri : Par rapport à ces atrocités humaines commises par le passé, est-ce que vous êtes pour le pardon et non l'oubli, ou est-ce que vous tenez à ce que les auteurs qui ont commis ces actes répondent de leurs actes ?
Mamadou Bocar BA : Le plus important pour nous au niveau de Flam/Rénovation c'est qu'on arrive à des sociétés pacifiées. Pour cela, nous pensons que la lumière doit être faite sur ce qui s'est passé. Maintenant, est-ce que les gens doivent répondre de leurs actes ? Oui, ils doivent le faire. Mais comment ? Nous pensons que c'est là où il faut que les gens réfléchissent pour trouver ensemble la meilleur formule qui permettra à la Mauritanie de ne pas se déchirer. Parce que nous pensons que c'est important qu'il n'y ait pas de déchirement. Mais nous pensons aussi que la vérité doit être reconnue. Nous avons produit, quand nous sommes partis en Mauritanie, un document que nous avons appelé ‘Le Mémorandum’. Nous y avons dit qu'il s'est passé des choses atroces en Mauritanie. Que ces choses là ne doivent pas passer inaperçues ni porter profit à certaines personnes. Mais qu'en dernier ressort, notre objectif, à nous, c'est de construire une société de paix, qui nécessite un pacte de réconciliation nationale. Et, nous avons posé des éléments pour permettre, justement, la réalisation de ce pacte-là. Nous pensons que ce pacte passe d'abord par la vérité : dire la vérité au gens, pour que plus jamais cela ne ce répète. Maintenant, qu'est-ce que nous devons faire ? Je pense que ces gens-là ont l'intelligence qu'il leur faut pour trouver la meilleure formule.
Walfadjri : En un mot, une sorte de Commission vérité et réconciliation ?
Mamadou Bocar BA : Par exemple, ça peut être ça. C'est juste une réflexion. Parce que les Marocains, les Sud-africains ont fait quelque chose du genre. Donc, à mon avis, nous devons aussi réfléchir, mais dans un esprit d'ouverture et pour trouver, justement, un consensus qui permette à la société d'être plus stable et plus solide. Je crois que c'est le plus important !
Walfadjri : Est-ce que le nouveau régime est entrain de poser des jalons allant dans ce sens là ?
Mamadou Bocar BA : C'est ce qu'ils nous ont dit, mais nous n'avons rien vu. Nous pensons sincèrement qu'ils occultent carrément ce problème et nous ne comprenons pas pourquoi. Nous pensons d'ailleurs qu'ils avaient tout intérêt, justement, à poser ce problème, à lui trouver des solutions avant de partir. Et nous, nous pensions également qu'ils auraient pu le faire, car la société mauritanienne, dans sa globalité, aspire, à mon avis, à la paix civile. A mon avis, même les victimes des atrocités, j'en suis convaincu, ont pardonné. Si seulement il y avait un petit geste en direction d'eux ! Mais malheureusement, ce geste n'existe pas. Ils disent que oui, ils prendront des mesures avant de partir, et que dès le départ ils donneront les canevas pour que les gens puissent résoudre ce problème-là. Mais pour nous, on trouve que c'est assez faible, qu'ils auraient pu s'engager davantage.
Walfadjri : Ould Vall avait dit que son régime est transitoire et qu'il était là pour deux ans, ensuite il organisera des élections. Est-ce que vous y croyez ?
Mamadou Bocar BA : Je crois que nous n'avons pas de raisons fondamentales, aujourd'hui, de remettre cela en cause. Dans la mesure où, déjà les élections municipales et législatives vont avoir lieu le 19 novembre prochain. Et, apparemment toutes les mesures sont prises pour qu'elles aient lieu. Tout porte à croire que les autres échéances vont aussi être respectés.
Walfadjri : Peut-on s'attendre à ce que votre mouvement ait son candidat ?
Mamadou Bocar BA : Pour les élections locales, nous n'avons, malheureusement, pas pu parce que nous ne sommes pas suffisamment implantés. Et donc, nous avons jugé plus sage de ne pas nous présenter pour l'instant. Mais de travailler d'abord pour nous structurer et nous implanter, et ce, en pensant aux futures échéances.
Walfadjri : Avez-vous des affinités ?
Mamadou Bocar BA : Oui, nous travaillons déjà dans la coalition et en dehors de celle-ci, nous avons aussi d'autres affinités. Il y a des partis négro-africains qui sont proches de nous tels que l'Ajd et le Plej. A propos de notre candidature aux élections, en ce qui concerne les législatives, nous n'avons pas encore pu le faire jusqu'à présent. Pour la présidentielle, nous ne savons pas encore. Mais dans tous les cas, ce n'est pas impossible, parce que nous y pensons. Et nous pensons que pour être cohérents avec nous-mêmes, si nous pouvons le faire, nous le ferons. D'abord parce qu'au départ, nous avions dit que nous nous impliquions dans ce qui se faisait. Pour nous, nous impliquer dans cette course à la présidentielle, c'est aussi une forme de concrétisation de ce que nous avons dit. Donc ce n'est pas impossible de le faire. En tout cas, nous le verrons avec nos amis.
Walfadjri : Est-ce que le ressort naturel que sont les Flam originelles ne risque pas de vous faire défaut ?
Mamadou Bocar BA : Pourquoi ?
Walfadjri : Parce que, historiquement, vous êtes connus comme membre des Flam originelles. Et, est-ce que cette dissidence ne risque pas de vous porter un coup ?
Mamadou Bocar BA : Au contraire, nous avons fait la vallée quand nous sommes partis en Avril. Nous avons fait les villes de Boghé, Bababé, Kaédi, Diowol et Sinthiane Padalal. Ce sont les principales localités où nous avons pu tenir des meeting avec les populations. Et partout où nous avons été, d'abord les gens nous ont dit : ‘nous pensons que vous venez même en retard. Nous, d'ailleurs, nous ne connaissons pas les Flam. Ce que nous savons des Flam, c'est que vous êtes dehors dans vos belles villes et autres, vous critiquez et c'est nous qui recevons les coups’. C'est ce qu'on nous a dit ! Nous leur avons répondu non ! ‘Ce n'est pas à cause des Flam qu'on vous a frappés. Parce que les Flam ont dit que vous êtes discriminés. Vrai ou faux ? ‘ Ils nous ont dit ‘oui, nous sommes discriminés’. Les Flam ont dit que ‘vous devez avoir vos droits dans ce pays- là. Vrai ou faux ? ‘. ‘C'est vrai, nous devons avoir des droits ! ‘, ont-il répondu. Nous leur avons dit donc, que ‘si on vous a frappés, ce ne sont pas les Flam qui vous ont frappés. On vous a frappés par ce que vous êtes faibles ‘. A partir de là, je crois que nous avons, nous mêmes, réhabilité les Flam dans l'esprit de ces gens là. Et donc, nous ne pensons pas que ça nous portera préjudice en quoi que ce soit par rapport aux populations. Non au contraire ! Parce quelles ont besoin de voir des gens à leurs côtés. Elles ont besoin de sentir à leurs côtés la présence de gens qui partagent leurs préoccupations quotidiennes. Nous ne pensons donc pas que ça nous fera défaut, au contraire. Nous pensons que cela va nous magnifier et nous ragaillardir.
Walfadjri : Entre un candidat beydane et un candidat négro-mauritanien, pour qui votre cœur va-t-il balancer ?
Mamadou Bocar BA : Notre différence avec les autres, c'est que nous ne raisonnons même pas en termes de Noir et de Beydane. En réalité, nous pensons que ce n'est pas fondamental. Nous pensons que dans la vie il y a des hommes justes et des hommes injustes partout. Moi je voterai volontiers pour un Beydane que j'estime être juste. Je ne voterai pas pour un Noir vendu. Parce qu'il y a beaucoup de Négros-africains vendus. Donc, à mon avis la question n'est pas là. Qu'on présente un candidat pour nous, cela a un sens. Lequel ? D'abord cela a un sens de dire que dans ce pays-là, nous aspirons comme tout le monde à jouer le premier rôle. Que nous sommes membres à part entière de ce pays ! Ensuite nous pensons que si nous arrivons à avoir un candidat crédible et que nous ayons un score qui ne soit pas ridicule, je pense que cela peut compter pour l'avenir. Et cela peut compter même pour le deuxième tour, éventuellement. Et donc, à notre avis, tous ces facteurs peuvent nous pousser à, peut-être, présenter quelqu'un ou à nous unir avec quelqu'un en qui nous avons confiance.
Walfadjri : Si vous devez être candidat à l'élection présidentielle, sur quoi axerez-vous, principalement, votre discours ?
Mamadou Bocar BA : D'abord nous, nous pensons, comme je l'ai déjà dit que la chose la plus importante c'est d'abord la Mauritanie et sa pérennité. Et pour cela, le meilleur gage de paix civile, à notre avis, c'est la justice sociale. Donc, il faut fondamentalement avoir une politique basée sur la justice, sur l'égalité entre les individus et sur la reconnaissance de la diversité mauritanienne. Parce que, jusqu'aujourd'hui, toutes les politiques en Mauritanie sont basées sur la négation de la diversité mauritanienne. On a toujours présenté la Mauritanie comme un pays exclusivement arabe. Alors que c'est un pays à la fois arabe et négro-africain. Le fondement de notre action va donc être de réhabiliter la Mauritanie dans toutes ses composantes et créer une société de justice et de paix.
Walfadjri : Est-ce que la rupture avec vos autres frères qui sont dans l'autre camp est définitive, ou est-ce que vous comptez leur tendre la main et faire en sorte que l'unité soit rétablie ?
Mamadou Bocar BA : Il faut d'abord dire qu'à aucun moment, nous n'avons dit du mal d'eux. Parce que nous ne le pensons pas. Je pense qu'ils sont convaincus et que ce sont des hommes justes. Nous le pensons sincèrement et nous avons travaillé avec eux pendant vingt ans. Nous ne pouvons pas aujourd'hui les dénigrer ; ça n'a pas de sens ! Le fait que nous soyons partis à fait qu'ils ont été amers et nous ont donc traités de tous les noms. Nous sommes disponibles aujourd'hui, comme par le passé, en tout cas, s'ils le veulent bien, à travailler avec eux. Mais il faut qu'ils respectent notre opinion ! Il faut qu'il respectent notre façon de voir les choses ! Nous ne sommes pas vendus. Parce qu'ils ont dit partout que le pouvoir nous a donné de l'argent, que nous allons demander aux déportés de rentrer, etc. Non, ce n'est pas vrai ! Nous n'avons reçu aucun centime du pouvoir. Nous ne lui avons pas demandé, il ne nous a pas donné. Mais, nous pensons que nous avons un point de vue et que nous avons le droit de l'exprimer, et que nous sommes disponibles et ouverts pour travailler avec toute personne, tout Mauritanien de bonne foi qui veut œuvrer pour l'avènement d'une société de justice.
Walfadjri : Par rapport à ces déportés et autres réfugiés qui sont dans la vallée, est-ce que vous avez fait quelque chose dans le sens de les réhabiliter dans leurs droits ?
Mamadou Bocar BA : Nous avons beaucoup fait, avant et maintenant. Tout d'abord, je viens de la vallée. J'ai fait les camps de Dagana, de Ndioum, de Tabé, de Ourossogui, de Kanel et de Orkadiéré. J'ai vécu ici au Sénégal de 1990 à 1991. Je suis sorti de prison en décembre 1989 et je suis arrivé à Dakar en avril 1990. Et en octobre 1990 nous avons créé l'Association des Mauritaniens réfugiés au Sénégal (Amrs), dont j'ai été le premier président. Et à l'époque-j'étais en même temps le trésorier des Flam-nous avons travaillé avec nos amis de l'Europe et des Etats-Unis et nous avons fait ce que nous avons pu pour les déportés. Je suis allé, tout récemment voir les déportés, parce que c'est toujours dans nos préoccupations. Dans nos rapports avec le pouvoir, nous avons toujours posé ce problème-là. Dernièrement, j'ai rencontré un officiel du gouvernement mauritanien auquel j'ai remis une proposition de réglement du problème de ces déportés. C'est pour dire que c'est un problème qui nous tient vraiment à cœur et que nous faisons ce que nous pouvons pour trouver des solutions. Et ce n'est pas simple, car en politique comme partout ailleurs, il faut un rapport de force favorable. Malheureusement, ce rapport de force, en réalité ne nous est pas trop favorable. Et que nous travaillons à cela.
(Fin) Propos recueillis par Ibrahima ANNE, Aguibou KANE et Joseph DIEDHIOU