Le colonel Vall, l'homme fort de la Mauritanie, a été reçu avec les honneurs militaires lors de sa visite au Sénégal.
Le 30 janvier dernier, le président sénégalais Abdoulaye Wade avait passé quelques heures à Nouakchott, le temps de saluer le chef de la junte qui a pris le pouvoir le 3 août 2005. Le président du Conseil militaire pour la justice et la démocratie de Mauritanie, le colonel Ely Ould Mohamed Vall vient de lui rendre la politesse, avec une visite «d’amitié et de travail» de deux jours achevée mardi après-midi, après un passage en revue de la coopération bilatérale. Celle-ci avait sombré dans le conflit sanglant de 1989, qui avait opposé maures et négro-africains, se soldant par des expulsions réciproques et par la rupture des relations sénégalo-mauritaniennes.
Le colonel Ould Vall affiche aujourd’hui sa volonté de tourner définitivement la page du conflit frontalier ouvert sous le général Maaouiya Ould Taya, qu’il a renversé.
En août 2005, la junte mauritanienne avait promis de ne pas s’attarder plus de deux ans au pouvoir. En même temps, elle entreprenait de se gagner une reconnaissance nationale et internationale, en faisant entériner son programme de «transition démocratique» par les partis politiques et la société civile. C’est chose faite depuis octobre 2005 et, alors que les premiers barils de pétrole produits fin février ouvrent la perspective d’une marge de manœuvre économique plus large que jamais, le colonel Ould Vall entreprend de mettre de l’huile dans les rouages de la diplomatie régionale de la Mauritanie. Des querelles de voisinage ont en effet régulièrement empoisonné ses relations au sud du Sahara, avec le Sénégal en particulier, mais aussi avec le Mali et même le Burkina Faso.
Avec, en toile de fond, le problème des ressources en eau et celui des dangers acridiens et aviaires, il a été question au cours de cette visite d’harmoniser les politiques agricoles pour sauvegarder les équilibres écologiques, mais aussi de réguler la transhumance du bétail par une convention commune. Le grand projet routier destiné à relier Dakar, Nouakchott et Rabat a également trouvé place sur le tapis vert, ainsi que l’idée d’une coopération halieutique et d’une sécurité transfrontalière commune. Dans le cadre de l’Organisation des Etats riverains du fleuve Sénégal (Omvs), à laquelle appartiennent les deux pays, des projets de navigation fluviale, de barrages et d’électrification étaient également au menu. Toutes ces questions seront approfondies par la commission mixte de coopération qui devrait renaître de ses cendres cette année, comme l’avait déjà suggéré le président Wade, lors de son passage éclair à Nouakchott, fin 2005.
Echange de bons procédés
Venu avec une forte délégation de treize ministres, parmi lesquels ceux des Affaires étrangères, des Pêches et des Affaires maritimes, de l’Hydraulique, du Développement rural ou de l’Equipement et des transports, le colonel Vall a reçu les honneurs militaires à son arrivée à Dakar où la population avait été invitée à lui prodiguer un accueil enthousiaste, à grand renfort de portraits géants. Invité à la télévision sénégalaise, le chef de la junte a longuement assuré à ses hôtes et voisins que la page Ould Taya définitivement tournée, la Mauritanie ne se risquerait pas à décevoir l’appui affiché par le président Wade, «le premier chef d’Etat de par le monde à avoir manifesté son soutien à la transition démocratique» en Mauritanie.
«La main d’œuvre importante composée de Sénégalais sur le sol mauritanien, occupera une place non négligeable dans l’extraction et l’exploitation du pétrole», a promis en retour l’ambassadeur de Mauritanie au Sénégal, Cheikh Saad Boukh Kamara, faisant valoir les possibles retombées régionales des 75 000 barils de pétrole quotidien annoncés dans son pays. «Le Sénégal abrite une raffinerie et la Mauritanie exploite du brut. Il y a donc là une perspective intéressante», ajoute le diplomate mauritanien, qui assure aussi que «les autorités ont invité tous les ressortissants de notre pays ou qui s’en réclament de retourner au pays et de faire valoir leur droit à travers les mécanismes juridiques».
En 1989, au moins 60 000 négro-africains mauritaniens avaient en effet été forcés de se réfugier au Mali et au Sénégal. Entre 1987 et 1992, des purges militaires avaient également frappé officiers et soldats négro-africains. Deux décennies plus tard, restent de très nombreux déplacés, jamais indemnisés pour le préjudice subi, mais aussi des Forces de libération africaines de Mauritanie (FLAM) en exil. A l’occasion de la visite du colonel Vall, leur section de Dakar a d’ailleurs publié un communiqué indiquant que «si le coup d'État du 3 août 2005 a été accueilli avec beaucoup d’espoir par tous les Mauritaniens, tant de l'intérieur que par les déportés et les exilés vivant au Sénégal et ailleurs, la communauté négro-mauritanienne s'est, hélas, très vite désillusionnée».
Les FLAM de Dakar reprochent à la junte de ne pas avoir répondu à leurs revendications «dont les plus importantes sont un débat national sur la question de la cohabitation entre les communautés négro-africaines et arabo-berbères, le retour organisé des déportés et des exilés politiques, le règlement du passif humanitaire, avant toute élection». «Les régimes passent, le racisme reste», conclut le communiqué des FLAM qui avaient pourtant décidé de rompre avec l’idée d’une lutte armée le 14 août 2005, prononçant même leur auto-dissolution au profit d’une poursuite du combat «à l’intérieur et à l’extérieur du pays avec les forces progressistes, pour le mieux être de nos populations et l’avènement d’une société plus juste, plus égalitaire et réellement démocratique».
Si des membres de la diaspora mauritanienne ont participé à Dakar à l’accueil en fanfare du chef de la junte, visiblement, tous les éléments des FLAM ne sont pas convaincus par le début de règne d’Ould Vall. Chargé de la sécurité intérieure sous Ould Taya, ce dernier est sans doute bien placé pour ne pas vraiment redouter de voir le contentieux refaire surface de manière explosive.
par Monique Mas - RADIO-FRANCE-INTERNATIONALE le 07-mars-2006
Le colonel Ould Vall affiche aujourd’hui sa volonté de tourner définitivement la page du conflit frontalier ouvert sous le général Maaouiya Ould Taya, qu’il a renversé.
En août 2005, la junte mauritanienne avait promis de ne pas s’attarder plus de deux ans au pouvoir. En même temps, elle entreprenait de se gagner une reconnaissance nationale et internationale, en faisant entériner son programme de «transition démocratique» par les partis politiques et la société civile. C’est chose faite depuis octobre 2005 et, alors que les premiers barils de pétrole produits fin février ouvrent la perspective d’une marge de manœuvre économique plus large que jamais, le colonel Ould Vall entreprend de mettre de l’huile dans les rouages de la diplomatie régionale de la Mauritanie. Des querelles de voisinage ont en effet régulièrement empoisonné ses relations au sud du Sahara, avec le Sénégal en particulier, mais aussi avec le Mali et même le Burkina Faso.
Avec, en toile de fond, le problème des ressources en eau et celui des dangers acridiens et aviaires, il a été question au cours de cette visite d’harmoniser les politiques agricoles pour sauvegarder les équilibres écologiques, mais aussi de réguler la transhumance du bétail par une convention commune. Le grand projet routier destiné à relier Dakar, Nouakchott et Rabat a également trouvé place sur le tapis vert, ainsi que l’idée d’une coopération halieutique et d’une sécurité transfrontalière commune. Dans le cadre de l’Organisation des Etats riverains du fleuve Sénégal (Omvs), à laquelle appartiennent les deux pays, des projets de navigation fluviale, de barrages et d’électrification étaient également au menu. Toutes ces questions seront approfondies par la commission mixte de coopération qui devrait renaître de ses cendres cette année, comme l’avait déjà suggéré le président Wade, lors de son passage éclair à Nouakchott, fin 2005.
Echange de bons procédés
Venu avec une forte délégation de treize ministres, parmi lesquels ceux des Affaires étrangères, des Pêches et des Affaires maritimes, de l’Hydraulique, du Développement rural ou de l’Equipement et des transports, le colonel Vall a reçu les honneurs militaires à son arrivée à Dakar où la population avait été invitée à lui prodiguer un accueil enthousiaste, à grand renfort de portraits géants. Invité à la télévision sénégalaise, le chef de la junte a longuement assuré à ses hôtes et voisins que la page Ould Taya définitivement tournée, la Mauritanie ne se risquerait pas à décevoir l’appui affiché par le président Wade, «le premier chef d’Etat de par le monde à avoir manifesté son soutien à la transition démocratique» en Mauritanie.
«La main d’œuvre importante composée de Sénégalais sur le sol mauritanien, occupera une place non négligeable dans l’extraction et l’exploitation du pétrole», a promis en retour l’ambassadeur de Mauritanie au Sénégal, Cheikh Saad Boukh Kamara, faisant valoir les possibles retombées régionales des 75 000 barils de pétrole quotidien annoncés dans son pays. «Le Sénégal abrite une raffinerie et la Mauritanie exploite du brut. Il y a donc là une perspective intéressante», ajoute le diplomate mauritanien, qui assure aussi que «les autorités ont invité tous les ressortissants de notre pays ou qui s’en réclament de retourner au pays et de faire valoir leur droit à travers les mécanismes juridiques».
En 1989, au moins 60 000 négro-africains mauritaniens avaient en effet été forcés de se réfugier au Mali et au Sénégal. Entre 1987 et 1992, des purges militaires avaient également frappé officiers et soldats négro-africains. Deux décennies plus tard, restent de très nombreux déplacés, jamais indemnisés pour le préjudice subi, mais aussi des Forces de libération africaines de Mauritanie (FLAM) en exil. A l’occasion de la visite du colonel Vall, leur section de Dakar a d’ailleurs publié un communiqué indiquant que «si le coup d'État du 3 août 2005 a été accueilli avec beaucoup d’espoir par tous les Mauritaniens, tant de l'intérieur que par les déportés et les exilés vivant au Sénégal et ailleurs, la communauté négro-mauritanienne s'est, hélas, très vite désillusionnée».
Les FLAM de Dakar reprochent à la junte de ne pas avoir répondu à leurs revendications «dont les plus importantes sont un débat national sur la question de la cohabitation entre les communautés négro-africaines et arabo-berbères, le retour organisé des déportés et des exilés politiques, le règlement du passif humanitaire, avant toute élection». «Les régimes passent, le racisme reste», conclut le communiqué des FLAM qui avaient pourtant décidé de rompre avec l’idée d’une lutte armée le 14 août 2005, prononçant même leur auto-dissolution au profit d’une poursuite du combat «à l’intérieur et à l’extérieur du pays avec les forces progressistes, pour le mieux être de nos populations et l’avènement d’une société plus juste, plus égalitaire et réellement démocratique».
Si des membres de la diaspora mauritanienne ont participé à Dakar à l’accueil en fanfare du chef de la junte, visiblement, tous les éléments des FLAM ne sont pas convaincus par le début de règne d’Ould Vall. Chargé de la sécurité intérieure sous Ould Taya, ce dernier est sans doute bien placé pour ne pas vraiment redouter de voir le contentieux refaire surface de manière explosive.
par Monique Mas - RADIO-FRANCE-INTERNATIONALE le 07-mars-2006