MOHAMED SALECK OULD BEHEIT : LETTRE AU PRESIDENT DU CMJD

Monsieur le Président.

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt l'interview qui fut la vôtre dans Jeune Afrique N°2376 du 23 au 29 juillet 2006. Sans que cela ait un rapport quelconque avec vos prestations dans cette revue, je vous dirais que je n'aime pas François Soudan, ou plutôt sa manière d'exercer la profession, je me demande d'ailleurs toujours comment un journaliste aussi intègre que B.B.Y, puisse continuer à tolérer à sa proximité un collaborateur comme celui-ci.

Une autre raison cependant, sans doute beaucoup plus motivante, de ne pas apprécier ce personnage, est sa façon d'agencer et de schématiser ses interviews, de telle sorte qu'au lieu de satisfaire la curiosité du journaliste, donc de l'opinion, ils deviennent un support pour le message politique du client. Un publi-reportage avec mention de "message", aurait mieux fait l'affaire et aurait fait preuve de plus respect pour un lecteur de plus en plus difficile à mener en bateau.

Au-delà de ce sentiment, somme toute légitime, et que je ne suis certainement pas le seul Mauritanien à développer, force est de reconnaître que ce François Soudan a beaucoup de talent, et que l'interview que vous lui avez accordé, est venu, sous la magie de sa plume, répondre à toutes les questions que l'opinion nationale et peut-être internationale, se posaient sans jamais pouvoir leur trouver des réponses à la fois rationnelles et logiques (Relevez la nuance). Cela n'aurait été possible si vous n'y avez mis votre grain de sel (passez-moi l'expression).

Avec des objectifs clairs, des idées neuves, et des intentions louables, vous avez convaincu. Quant à mon opinion, et sans être particulièrement satisfait de l'action du CMJD et de son gouvernement, qui auraient pu, à mon avis, faire mieux, j'avoue que vous êtes entrain de forcer mon estime et mon admiration (Qu'on comprenne cela comme on veut, personne ne peut reprocher à un peshmerga de se livrer au griotisme).

Après cet interview nul n'a plus le droit de douter de vos intentions. Je ne sais pas si le CMJD vous suivra jusqu'au bout de vos raisonnements mais cela importe peu, vous ne pouvez, ni ne devez répondre de cela. Vous avez tracé une voie, la voie du Salut, sur laquelle vous invitez les Mauritaniens à vous suivre. Que ceux, militaires ou civils, qui veulent le faire le fassent, quant aux récalcitrants, ils peuvent emprunter la ou les voies qui leur semblent plus prometteuses. A ce propos, je vous dirais tout simplement que tant que vous êtes sur la voie, mise en exergue par l'interview, vous resterez invincible, pour la simple raison que par cette attitude vous désarmez les plus échaudés de vos détracteurs.

Monsieur le Président.

Certains de mes lecteurs se poseront la question sur l'opportunité de cette lettre, que d'autres comprendront comme un virage à 180 ° dans la ligne éditoriale de Le Méhariste. Par souci de ne pas forcer mes lecteurs à un exercice d'esprit d'autant plus inutile qu'il est coûteux en efforts intellectuels, je répondrais à leurs questions avant même qu'elles soient posées.

Que ceux qui ont perçu Le Méhariste comme un journal systématiquement opposé au CMJD, à son gouvernement ou à la transition révisent leur opinion, c'est l'occasion ou jamais. Que ceux pour leur part, qui pensent que Le Méhariste est à la solde d'une quelconque source d'influence, déchantent, car ce journal est libre et ne mourra que d'un trop de liberté.

Nous faisons notre travail, nous ne demandons rien à personne, nous n'attendons rien de personne, nous ne serons complaisants avec personnes, puisque nous avons confiance en nous, et avons confiance en ceux qui nous appellent et nous écrivent pour signifier leur soutien à notre travail, c'est de ce potentiel qu'on est fort et c'est pour lui que nous acceptons de nous battre.

De ce point de vue, Le Méhariste est pro- CMJD, pro- gouvernemental, pro- ancien régime, pro- futur régime, pro- PRDR, pro- RFD etc. et il est contre tout ce beau monde. Nul n'a le monopole de la vérité, et nous, nous sommes surtout pro- Vérité. Nous la suivons constamment, où qu'elle se situe.

Et puisque chacun la détient, la perd et la détient de nouveau, c'est une règle vieille comme le monde, nous sommes tantôt avec l'un et tantôt avec l'autre tantôt contre l'un et tantôt contre l'autre. C'est cela la définition que l'on se fait du journalisme, traquer la vérité où qu'elle se trouve.

Je sais qu'il est peut-être décevant de décliner fermement l'invitation de jouer le rôle de superman, mais je sais aussi qu'il est encore plus décevant de s'entourer d'un mythe, et de mener un combat qui n'est pas le sien. Nous avons décidé de combattre nu, car, comme le dit Jean jacques Rousseau "Nous méprisons tous ces vils ornements qui ne sont créés que pour cacher certaines difformités".

Monsieur le Président.

L'histoire vous donne rendez-vous le 11 mars 2007, soyez-y et ne regardez pas en arrière, après quoi ne cherchez plus à créer les évènements, laissez à l'histoire le soin de faire son œuvre.

Mohamed Saleck Ould Beheit