MAURITANIE : LE CHEVAL GAGNANT

Les forces politiques sont entrées en campagne, depuis un certain temps, le CMJD ouvrant le bal . comme toujours, à l’approche des scrutins, une fébrile agitation, toujours la même, ressurgit. Les esprits, tous les esprits, se focalisent dessus . L’important est qu’il faille aller aux élections ; cette fois c’est la bonne ; C’est là une occasion inouie qui s’offre , à ne pas rater ; à aucun prix .

Tel est le raisonnement des opposants de l’intérieur. Tel il fut depuis 1992, soutenue par la même démarche , le même réflexe. Sourde et aveugle l’Opposition se jette sur tout ce qu’on lui propose, et refuse obstinement de tirer les leçons du passé. Pourvu qu’il y’ait des élections !Tous derriére Ely puisqu’il en offre l’opportunité ! pour "la présérvation de la paix civile scandent nos démagogues " ! peu importe tout le reste .

Peu importe que la Question Négro-Africaine et la Question Hratin – question vitales et fondement même d’une démocratie véritable- soient évacuées !
En fait, qu’est-ce qui semble le plus important? les élections ou le changement de l’ordre inique existant? ordre qui consacre la domination des Négro-africains et Hratin? Ordre qui menace l’unité et la viabilité mêmes du pays. Pour moi, comme pour beaucoup je crois, il n’y a pas photo .

Voter et légitimer du coup ce terrible statu-quo qui ne sert pas la Mauritanie à terme, ou au contraire boycotter, pour exiger que le fondement de la cohabitation soit d’abord défini, afin que l’égalité de chance soit à portée de chacun et de tous ? qu’est-ce qui est donc plus important?

Professeur Gourmo-Lo - je me permets ici une petite digression- fait une critique certainement intérèssante de la Constitution, mais d’un point de vue technocratique. Apporter les corrections qu’il suggére permettrait tout au plus aux citoyens de voter un projet clarifié et surtout d’éviter des embûches ultérieures. Mais qui sont les « citoyens » en Mauritanie ?
La présence de ces centaines de milliers de Mauritaniens à l’etranger , en majorité des Négro- Mauritaniens, à la participation desquels il semble se solidariser ne changerait en rien au fond du problème .

En verité, ce genre de critiques technocratiques dans notre contexte spécifique, dessert plus qu’elle n’aide, car elles contribuent à brouiller, volontairement, les cartes du jeu, à occulter cyniquement une réalité cruelle, injuste, mais encore et surtout, à couvrir et légitimer implicitement l’ordre inique existant .

Emanant de militants de l’Ufp c’est sans surprise, pour ce qui me concerne. Ils avaient été les premiers à soutenir Ould Taya, dont ils déplorérent secrétement la chute , comme ils furent les premiers à soutenir le Cmjd, disant qu’il fallait se garder de surcharger la transition (entendez pas de retour des réfugiés maintenant, et autre passif à évoquer ), et voilà que maintenant Prof Gourmo s’appitoie sur le sort de ces mêmes déportés, laissés pour compte avec ces élections .

Mon analyse du début semble coincider, par ailleurs, avec le diagnostic également établi, sans complaisance, par Ibrahima Sar, dans un article récent paru dans Flamnet ( la transition en dérive), mais dont la conclusion, curieusement, tombe comme un cheveu dans la soupe, pour être en contradiction flagrante avec le corps de l’article. En effet s’il regrette fortement l’attitude de l’opposition qui s’est presque toujours laissée piegée par le passé à travers des élections dont la base était viciée et les conditions de transparence loin d’être réunies , il n’en demande pas moins, en fin d’article, qu’on aille malgré tout aux élections ! même si celles à venir risquaient de suivre la même voie ! même s’il n’y croyait plus !
Pour revenir au fil de ma pensée après cette digression je répéte qu’à chaque fois donc, hélas ! , l’opposition s’est fourvoyée, et cette fois encore ce sera malheureusement le cas, elle se fera fourvoyée , de nouveau .

Certains candidats piaffent d’impatience, et se croient dejà investis Président. Du cheval apparemment le mieux placé _Ahmed ould Daddah- en passant par Chbih _cet homme d’honneur et de courage_ ,jusqu’au tocard Ould Mawloud de l’UFP, tout ce monde sera perdant, aussi sûrement que demain il fera jour, car certains signent ne trompent pas. Les jeux sont faits, le deal est dejà passé entre Ely et le PRDS. Quelle utopie, quelle naiveté que de croire que les choses puissent aller autrement !

En effet, lorsqu’on comprend que les rouages essentiels de l’Etat demeurent encore aux mains du Prds, lorsqu’on mesure les enjeux en cause, lorsqu’on perçoit les peurs, les angoisses, les intérêts et les dangers connotés à une telle transition, même pour la junte, je devrais dire surtout pour la junte, alors on comprendra qu’il ne pourrait y avoir d’autre voie, que celle-là : le transfert en douceur, maquillé par une pseudo CENI et des mesures tape-l’oeil genre « mandat présidentiel renouvelable une fois » ! ( de qui se moque-t-on ?)
Les cas du Gabon, du Tchad récemment, pour n’en citer que quelques uns, sont édifiants. On veut nous faire croire que notre pays _le plus mal loti_serait différent . De qui donc se moque-t-on ?

Il serait naïf de croire que Ely aurait cessé d’être cet homme de l’appareil du parti-Etat. Les actes posés depuis qu’il est à la tête du CMJD le confirment clairement .
Rien, absolument rien, ne saurait dévier de ce scénario. L’homme qui passera sera issu des rangs du PRDS, toutes les coalitions, de droite ou de gauche, n’y feront rien … Pour l’instant cet homme reste encore dans l’ombre, pour diverses raisons .
Pour ma part telle est la projection la plus probable qui se dessine à l’ horizon de notre futur immédiat . Qui dit mieux ?

Quand, enfin, toutes les urnes auront été remplies, que le décompte aura eté clos, et que tout sera enfin fini, on entendra, encore ici et là, des cris de protestation timide, des recours vagues auprès d’une certaine Cour suprême…Puis la clameur retombera, et tout rentrera dans l’ordre au nom d’une prétendue « paix civile ». Comme toujours .
Et comme toujours les Négro- Mauritaniens auront été, pour la niéme fois, les dindons de la farce d’un niéme scénario .
Le cirque va –t-il continuer ou sauront-ils lever enfin la tête et dire non, ça suffit !

La lutte continue !
Dakar le 03-06-2006
BARA BA - DAKAR Sénégal